Chapitre 5 : Pause repas

Tout le monde remonta dans la voiture, Ewen toujours au volant. Ils s'arrêtèrent dans une ruelle de la ville et entrèrent dans un petit restaurant dont la façade était en train d'être retapée.

« —Oh mais c'est le p'tit Mercier ! lança un homme joufflu qui sortait de derrière son comptoir. Comment tu vas ?!

—Bien et toi Gilles ?

—Bien, comme toujours. Hé dis donc, pas mal les nanas. Toujours beau-gosse celui-là, les trois en mêmes temps ! Tu te fais pas chier mon poulet !

—Ce sont des collègues.

—Ah des collègues... fit le gros machos de Gilles déçu. Tu fais quoi comme job ?

—Détective privé.

—Wow pas mal ! La dernière fois que je t'ai vu, t'allais passer ton bac. Ça fait un bail !

—Oui enfin pas tant que ça non plus...

—Bon, allez-vous installer à cette table-là, vous serez très bien. »

Gilles emmena la petite équipe à une table entre le comptoir et le mur, ce qui lui permettait d'entendre aisément leurs conversations. Maggie était en face de Béthanie, dos au comptoir, et à côté d'Ewen, qui était lui-même en face de Djamila.

« —Un apéro les jeunes ? demanda Gilles.

—Non merci, nous travaillons, s'empressa de répondre Béthanie avant qu'Ewen ne commande quoi que ce soit.

—Alors vous voudrez manger quoi ? Voici le menu. »

Le gérant leur tendit les menus à chacun et retourna s'installer derrière son comptoir.

« —Dépêchez-vous, leur dit-il, mon cuisinier va bientôt partir. C'est trop calme aujourd'hui.

—Quatre plats du jour, fit Djamila sans consulter personne.

—C'est parti pour quatre plats du jour ! »

Gilles disparut derrière une porte.

« —Ça vous va ? demanda Djamila.

—Je crois que c'est un peu tard pour poser cette question, fit Béthanie en levant les yeux au ciel mais sans s'exaspérer du comportement un peu brut de sa collègue.

—C'était pour aller vite. Tu le connais d'où, Ewen, ce gougeat ?

—Il habitait dans mon quartier quand j'étais plus jeune. »

Djamila hocha la tête, ce qui devait sûrement signifier que la réponse de son collègue la satisfaisait. Ce geste fut suivi par un court moment de silence causé par les réflexions solitaires des quatre détectives. Ce fut Béthanie qui brisa ce silence.

« —Alors Maggie, t'en penses quoi de ces petits interrogatoires ?

—C'était court, lui répondit l'intéressée.

—Ça t'a déstabilisé que je leur pose si peu de questions ?

—Un peu oui, je ne vois pas vraiment où tu veux en venir.

—Pourtant tu dois être bien placée pour savoir qu'on peut en apprendre beaucoup rien qu'en observant les gens. Si j'avais voulu, j'aurais juste pu demander à les voir sans leur parler. D'autant plus que la première impression est vraiment importante. Mais ça, tu le comprendras au fur et à mesure. Pour l'instant on va dire que tu es encore en formation. »

Maggie lui sourit et Gilles sortit, tout rouge, de la porte par laquelle il avait disparu quelques minutes plus tôt. Il tenait quatre assiettes de ratatouille.

« —Comme je connais Ewen, c'est cadeau de la maison !

—Vous voyez, je vous l'avais dit que je vous payais le resto ! lança Ewen moqueur. »

Gilles posa les assiettes sur la table et chacun commença à manger.

« —Il y a beaucoup de ressemblances entre Victorine et Judith, commença Maggie songeuse.

—Oui, lui répondit Béthanie, c'est vrai que les deux femmes se ressemblent beaucoup même si elles n'ont pas le même sang.

—Comment pouvez-vous dire que Judith ressemble à la victime, puisque lorsque nous l'avons vue, elle était bleue et morte ? demanda Ewen.

—Il y avait une photo d'elle juste à côté de nous dans le salon. »

Ewen n'eut pas le temps de répondre car Gilles revint près de la table des détectives.

« —Vous enquêtez sur un meurtre ? demanda ce dernier, bien qu'il connaissait déjà la réponse car il les écoutait depuis le début.

—Oui, lui répondit Ewen, tu connais peut-être Victorine Laseurier ? L'une des filles de ceux qui vivent au château.

—La petite Laseurier ? Oui je la connais. Elle vit chez ses parents avec sa fille, son mari, son gendre et son beau-frère. Elle est morte tu dis ?

—Oui, cette nuit.

—Ah ça c'est vraiment pas de bol ! Elle était sympa en plus ! Toujours souriante cette femme.

—Tu sais si elle peut avoir des ennemis ?

—Nan, je sais pas. J'pense pas, on en disait que du bien d'elle.

—Qui ça « on » ?

—Les pipelettes du village et leurs maris.

—Où peut-on les rencontrer ?

—Y'en a plein ! J'peux essayer de glaner des infos un peu partout si tu veux. Repasse me voir dans 3 ou 4 jours, j'en aurais à te raconter pour sûr !

—Ok, merci Gilles.

—Y'a pas d'quoi. »

Gilles s'écarta du petit groupe qui se remit à manger pour retourner derrière son comptoir, heureux de faire partie de cette enquête. Un nouveau moment de silence s'installa dans le commerce, troublé par les tapotements des doigts de Gilles sur le bois de son comptoir et par les coups de fourchette des détectives.

Un homme entra dans le restaurant, rompant ainsi le silence.

« —'lut Gilles, lança l'homme, comme d'habitude s'teuplaît.

—Tout d'suite Michou. »

Gilles se retourna pour attraper un verre à bière qu'il remplit d'un geste automatique, puis il le tendit à son client qui le remercia.

« —T'as vu, commença Michou entre deux gorgées, la fille Laseurier s'est faite descendre cette nuit.

—Y paraît ouais, les quatre jeunes là-bas travaillent justement sur c't'histoire, y m'ont un peu raconté. »

Gilles désigna d'un geste appuyé l'endroit où les quatre détectives étaient attablés.

« —Et ça en est où de l'enquête ? demanda Michou sans vraiment s'adresser à quelqu'un en particulier.

—C'est l'début, lui répondit Gilles qui cachait mal son excitation derrière un ton faussement sérieux, laisse-les débarquer. Aide-les plutôt en leur apprenant tout c'que tu sais sur les bourges du château.

—C'que j'sais moi ? La même chose que tout l'monde ! C'était une gamine bien comme il faut, pas un mot plus haut que l'autre. Jamais de problème avec elle, enfin la gosse parfaite quoi !

—Et ça n'agace personne qu'elle soit si parfaite comme vous le dites ? lui demanda Béthanie qui venait d'avaler sa dernière bouchée de ratatouille.

—J'imagine qu'y'a plus d'une fille qui peut pas la voir, ouais. En même temps elle avait tout pour elle : la beauté, la gentillesse, l'argent, une famille, tout quoi ! Mais jamais j'en ai entendu une seule se plaindre.

—Elle venait souvent ici ?

—Non jamais, ni personne de la famille d'ailleurs. Pas assez bien pour eux sans doute.

—Vous la connaissiez personnellement ?

—Non mais j'l'ai déjà croisée comme tout l'monde.

—Autre chose à ajouter ?

—Nan j'pense pas. Mais si vous avez encore besoin de moi, vous savez où me trouver. »

Il leva sa bière accompagnant son geste d'un clin d'œil et d'un large sourire puis bût une longue gorgée avant de se retourner pour lire un journal qui était à disposition des clients sur le bord du comptoir.

« —Vous voulez un dessert ? demanda Gilles aux quatre détectives qui avaient fini de manger.

—Tu nous proposes quoi ? l'interrogea Ewen.

—Y'a d'la mousse au chocolat toute fraîche de ce matin dans le frigo.

—Vous aimez le chocolat ? fit Ewen à l'attention de ses collègues qui hochèrent toutes la tête affirmativement. Alors quatre mousses s'il te plaît !

—Tout d'suite. »

Gilles disparut à nouveau derrière la porte qui se trouvait derrière le comptoir et reparut à peine deux minutes plus tard avec un plateau contenant les quatre desserts ainsi que quelques biscuits secs. Il posa le tout au centre de la table où étaient installés les détectives et repartit derrière son comptoir pour discuter des articles qui se trouvaient dans le journal que Michou lisait.

« —Donc cet après-midi, commença Béthanie, nous allons principalement rencontrer le reste de la famille avant de faire le point sur eux. Ensuite, nous verrons. »

Personne ne lui répondit et ils finirent leurs mousses au chocolat en silence. Maggie espérait que ces nombreux moments de silence n'étaient pas dus à sa présence. Elle ressentait une étrange sensation au fond d'elle depuis qu'elle avait rejoint l'équipe de détectives privés de Patron sur un coup de tête. D'ailleurs, elle prit soudainement conscience qu'elle ne connaissait même pas le prénom de son employeur, mais uniquement un pseudonyme.

Elle avait déjà travaillé indirectement pour lui, cela l'avait déjà troublée à l'époque, mais maintenant, c'est lui qui lui donnait son salaire, c'est lui qui la faisait vivre en quelque sorte, et elle ne savait rien sur lui. Durant un moment elle se demanda même si le mieux n'était pas de démissionner le soir-même, que l'aventure dans laquelle elle venait de se lancer n'avait ni queue ni tête et ne présageait sûrement rien de bon. Mais en repensant au corps de Victorine allongé dans la morgue, elle oublia vite cette idée. Elle se devait de l'aider, de lui faire justice. Elle se dit alors qu'elle repenserait à tout cela après l'enquête, avec un peu de recul.

« —Bon, il est temps pour nous d'y aller, dit Ewen en se levant une fois que tout le monde eut fini son dessert, on a encore pas mal de travail. »

Les quatre détectives remercièrent Gilles pour le repas, le saluèrent et repartirent en direction du château.

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