Maggie ressortit de sa chambre et alla s'asseoir sur le pas de la porte d'entrée. Elle admirait le magnifique parc qui s'étendait devant elle, lorsqu'un homme ouvrit la porte et vint s'asseoir à ses côtés. Pensant s'adresser à Ewen, elle dit ironiquement :

« —Je te manque déjà ?

—Non ça va. »

          Maggie sursauta et se tourna vers l'homme qui venait de lui répondre. Il s'agissait de Patron. Elle se mit à rougir fortement.

« —Je suis désolée, bredouilla Maggie, je pensais que c'était Ewen.

—Je m'en suis douté. »

          Patron et Maggie restèrent assis devant la porte d'entrée, en silence, pendant quelques minutes. Maggie était mal à l'aise. Pourquoi prenait-il le temps de s'asseoir avec elle, lui qui avait l'air d'être tout le temps occupé ?

« —Vous vouliez quelque chose ? risqua la jeune femme.

—Oui. Je voulais savoir où tu en étais dans l'enquête. Je veux que tu me fasses un bilan.

—À partir d'où ?

—Du début.

—Alors, euh, au départ je me concentrais plus sur Victorine, je cherchais qui pouvait l'avoir tuée.  Mais à en croire tout ce que nous avons appris, Victorine n'avait visiblement pas d'ennemis, elle était beaucoup trop bienveillante pour en avoir. Puis Judith est venue me voir pour me dire que c'était elle qui était censée se faire tuer, et non pas Victorine. Alors j'ai cherché à en savoir plus et j'ai effectivement appris que c'était Judith qui devait se promener dans le jardin, mais qu'elle a annulé au dernier moment et que c'est sa belle-sœur qui y est finalement allée alors qu'elle ne l'avait pas prévu. Cette petite balade faisait partie de leurs habitudes, elle vient de Victorine qui emmenait Judith avec elle. À partir de ce moment, j'ai commencé à chercher qui aurait pu tuer Judith.

—Et ça t'a mené où ?

—Nulle part. Je ne pense pas que quelqu'un ait eu des raisons valables pour vouloir sa mort. Il y avait bien ses beaux-parents, mais je n'arrive pas à m'imaginer deux vieilles personnes comme eux perpétrer ce meurtre. Son mari aurait aussi éventuellement pouvoir avoir voulu la tuer, fatigué d'avoir à vivre avec une femme dépressive.

—Et avec tout ce que tu viens de me dire, tu n'as pas encore trouvé le meurtrier ? »

         Maggie resta bouche bée. Patron savait, connaissait l'identité du meurtrier.

« —Pourquoi vous ne le dites pas, vous, qui a tué Victorine ?

—Je ne suis pas là pour ça. J'ai envoyé Béthanie et Djamila interroger deux dernières personnes pour me confirmer les soupçons que j'ai, pour enlever définitivement le léger doute qu'il me reste. Quand elles seront revenues, qu'elles t'auront fait part de ce qu'elles ont entendu chacune de leur côté, je pense que tu ne seras plus très loin du but. J'espère que demain après-midi l'histoire sera bouclée.

—Et si je n'ai pas trouvé d'ici-là ?

—Alors j'interviendrai. Mais pas avant.

—Pourquoi est-ce que vous me donnez autant d'importance ?

—Parce que tu es promise à de grandes choses Maggie. Tu as une capacité logique extraordinaire, mais malheureusement, tu ne l'as pas assez développée.

—Je compte faire une reconstitution ce soir avec ce que je sais du meurtre.

—C'est une excellente idée. Je suis certain que tu vas y voir plus clair après l'avoir faite. »

        Patron se releva.

« —Je dois y aller, dit-il, j'ai encore quelques petites choses à régler avant demain. Et il faut que je trouve Ewen, je pense que Gilles a quelques choses intéressantes à lui apprendre depuis hier. À ce soir, je serai là pour la reconstitution. »

          Et il entra dans le château, laissant Maggie seule. Son pouls s'accéléra. Elle réalisa enfin qu'elle avait presque résolu l'enquête. Pourtant, elle avait l'impression d'être loin de la vérité. Il lui fallait fournir un dernier effort, réfléchir une dernière fois intensément pour trouver la solution de l'énigme.

        En rentrant dans le château elle croisa Ewen qui devait sûrement partir pour interroger une nouvelle fois Gilles. Des quatre détectives, elle était la seule à rester ici. Il lui fallait trouver de quoi s'occuper. Elle n'avait pas encore entendu Léonard  et Émilien à propos de Judith. Mais ils travaillaient et ne rentreraient probablement que le soir. Il en était de même pour Masha, elle savait quelque chose, mais elle était aussi au travail.

       Maggie décida donc de retourner voir Judith.