Chapitre 16 : L'interrogatoire de Sara

         Maggie trouva Sara dans la salle à manger en train de débarrasser la table du petit déjeuner.

« —Bonjour, dit Sara à Maggie.

—Bonjour, je peux vous parler une seconde s'il vous plaît ?

—Oui oui, allez-y. »

          Maggie commença donc son interrogatoire tout en aidant Sara à débarrasser, faisant des allers-retours entre la cuisine et la salle.

« —Que pensez-vous de Judith ?

—Comme un peu tout le monde ici, je pense que c'est autant une profiteuse qu'une aguicheuse. Pourquoi ? Vous la soupçonnez ?

—Non, je me demandais juste.

—Bien sûr.

—À quelle heure êtes-vous partie le soir du meurtre ?

—Je suis partie après avoir fini de débarrasser la table, en même temps que Rebecca. Il devait être un peu plus de 21h15. Le meurtre n'avait pas encore eu lieu. Donc maintenant c'est moi que vous soupçonnez ?

—Je vous soupçonne seulement d'avoir vu quelque chose de primordial.

—Et ce serait quoi pour vous cette « chose primordiale » ?

—Il faut que vous me disiez ce que vous avez vu à travers les fenêtres de la salle à manger et de la cuisine pendant que vous débarrassiez la table avec Rebecca.

—Parce que vous pensez vraiment qu'on a que ça à faire que de regarder dehors pendant qu'on travaille ?

—Normalement non, mais au cas où quelque chose vous aurait intrigué, aurait attiré votre attention. Quelque chose d'inhabituel.

—Eh bien tout ce que j'ai vu c'est Victorine qui est sortie prendre l'air après avoir mangé, comme elle le fait très souvent.

—C'est déjà très important ce que vous venez de dire, continuez.

—Je l'ai vue faire les cents pas puis s'asseoir sur un transat en face de la piscine, comme à son habitude.

—Vous l'avez vue ou vous supposez seulement ? »

        Sara s'arrêta et se mit à réfléchir.

« —Maintenant que vous me posez la question, je me souviens seulement l'avoir vue faire les cents pas, je ne l'ai pas vue s'asseoir sur le transat.

—On y arrive. Quel était son trajet pendant sa petite balade nocturne ?

—La plupart du temps elle marchait le long du château. Mais l'été, quand il fait jour plus tard, elle faisait le tour entier du château et allait parfois même s'aventurer dans le parc.

—Quel chemin aurait-elle pris hier soir ?

—Le moins long. Il faisait nuit lorsqu'elle est sortie.

—Ce chemin était-il éclairé de façon égale ?

—Non. Elle aurait pu allumer les lumières de la terrasse mais elle ne le faisait jamais. Elle était seulement éclairée par les lumières intérieures. Donc elle était dans la pénombre partout, sauf lorsqu'elle passait par ici. »

       Maggie se mit à réfléchir. Les questions qu'elle posait étaient absurdes. Elle s'informait sur les habitudes de Victorine alors que si c'était bel et bien Judith qui était visée, les habitudes de Victorine n'étaient pas importantes. Pourtant, cela pouvait être un excellent moment pour commettre le meurtre. Et si Judith avait vraiment fait de la paranoïa et qu'elle n'était pas visée ? Tout ceci n'aurait servi à rien, ils reviendraient donc au point de départ. Mais Maggie était persuadée que la jolie femme disait la vérité, et puis, Patron n'aurait pas eu cette réaction s'il n'avait pas ressenti la même chose.

« —Judith accompagnait souvent Victorine dans ces petites balades nocturnes ?

—Bien sûr, c'est elle qui l'a initié à ce petit rituel. En tout cas maintenant, vous ne pouvez plus me dire que vous ne soupçonnez pas Judith, c'est évident.

—Non, pense juste qu'il y a eu une faute de frappe, que ce n'était pas Victorine qui était visée par le meurtrier, mais bel et bien Judith. »

       Sara s'arrêta de vider le lave-vaisselle. Elle se redressa et fit face à Maggie qui la fixait intensément pour guetter la moindre de ses réactions.

« —Vous pensez vraiment ce que vous dites ? demanda Sara éberluée.

—Oui, et je ne suis pas la seule. Elle va d'ailleurs avoir une protection rapprochée durant toute l'enquête.

—Elle vous a donc convaincu de ça.

—Qui vous dit que c'est elle qui nous a soumis l'idée, et non nous qui l'avons découvert nous-mêmes ?

—J'imagine. Une pleureuse comme elle, une névrosée !

—Vous avez une image bien sévère d'elle.

—Personne ici ne l'aime. Sauf Alice et Victorine qui arrivent à être amies avec tout le monde, à aimer tout le monde. Elles ne vivent décidément pas sur la même planète que nous.

—J'aurais une dernière question à vous poser.

—Allez-y, je ne suis plus à une près.

—Judith était-elle avec Victorine ce soir-là ?

—Non. Elle avait prévu de sortir, elle s'était même couverte pour, ce qui n'était pas le cas de Victorine, mais visiblement elles ont toutes les deux changé d'avis. En tout cas je n'ai vu que Victorine marcher de long en large.

—Vous êtes sûre que c'est bien Victorine qui marchait, et non pas Judith ? Elles se ressemblent beaucoup et la lumière n'était pas assez forte pour la voir distinctement.

—Je croyais que c'était fini l'interrogatoire. Sinon, oui, je suis sûre que j'ai vu Victorine marcher dehors. D'une part parce que je l'ai vue sortir, elle est passée par la cuisine, et d'autre part, parce que je n'ai vu qu'une seule femme marcher, et non pas deux. Et j'en suis certaine.

—Bien, merci beaucoup pour tous ces renseignements.

—Il n'y a pas de quoi, si je peux rendre service... »

         Maggie sortit de la cuisine. Il fallait impérativement qu'elle se rende à sa chambre aussi vite que ses jambes le lui permettaient pour pouvoir noter le maximum de détails possibles. Une fois que ce fut chose faite, elle resta assise sur sa chaise, derrière son bureau, et se mit à réfléchir, ses notes sous ses yeux. Il manquait quelque chose. L'arme du crime. François Rieur, le médecin légiste, leur avait dit que Victorine avait été étranglée avec un tissu, mais personne n'avait précisé avec quel tissu. 

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