CHAPITRE 4
Mon père sursaute, son regard allant de son bol de céréale à ma mine affichant probablement un air aussi surpris que lui. Ma main se place immédiatement devant ma bouche. Comme si ça pouvait changer quelque chose. Je chasse la petite voix dans ma tête d'un revers de main, même s'il est vrai que le mal est déjà fait. Des gouttes de café parsèment la surface de marbre et le bras de Tom qui tenait la cuillère pour prendre la première bouchée de ses céréales. Quelques gouttelettes sont même parvenues à rejoindre le journal.
On repassera pour la discrétion, me nargue ma conscience. Et si tu pouvais te montrer utile pour la première fois en deux jours, pensais-je. Si j'en avais le pouvoir, je la fraperais à coup de brique pour l'obliger à se taire dans des moments si peu opportun et lui apprendre à être d'une certaine utilité.
J'ai un mouvement de recul involontaire lorsque mon père fait la dernière chose à laquelle je m'attendais. Il éclate de rire. Un rire joyeux, chaleureux et qui provient droit du coeur. Je ne peux m'empêcher de l'observer, malgré mon embarras encore bien présent. Ses yeux bleus sont mis-clos, des pattes d'oie de chaque côté amplifiant leur aspect plissé, mais aussi le bonheur qui en irradie, sa tête est renversée vers l'arrière et sa bouche ouverte laisse s'échapper ce son contagieux.
"Il était un peu trop chaud", riais-je en pointant le liquide brunâtre dans ma tasse. Merveilleuse demi-vérité. Ma petite voix me fait un clin d'oeil avant de retourner se planquer dans un coin de ma tête qui m'est inconnu.
Mon père semble accepter cette réponse, hochant la tête avant de se lever pour aller déposer son bol de céréales encore plein dans l'évier. Nous sommes encore dans notre hilarité lorsque ma mère apparaît accompagnée de ma soeur.
"Un drôle de matin", blague celle-ci, clairement fière de son jeu de mots.
"Lexie éprouve quelques difficultés." Instantanément, un sentiment de panique m'envahit. Un bref et subtile coup d'oeil vers le grille-pain chromé m'apaise légèrement. Autant mon maquillage que mes vêtements camouflent les traces de mon agression. Ces quatre mots suffisent pourtant à créer un malaise en mon for intérieur, même s'ils ne sous-entendent aucunement ce que j'ai crains il y a quelques secondes. "Ma chérie?", questionne mon père son sourire s'estompant en voyant mon air angoissée.
Je sors de mes pensées immédiatement, relevant la tête vers les membres de ma famille, mon regard s'arrêtant brièvement sur chacun d'eux. Je banis le plus loin possible l'affolement que j'ai ressenti, décochant un sourire que j'espère convaincant.
"Je suis désolé, j'avais complètement oublié que je devais arriver plus tôt aujourd'hui et là je vais être en retard." Décidément, je me découvrais une facilité époustouflante à mentir aussi ouvertement. Je devais absolument sortir d'ici avant que le masque de sérénité que je me suis composé ne se transforme en tourment. Toutes ses émotions qui se combattent entre elles pour savoir laquelle l'emportera commencent à me faire perdre patience. Elles sont mes oppresseurs personnelles et m'en débarrasser ne sera pas une tâche facile. Je me concentre pour bloquer tout le contenu indésirable et me focaliser sur le moment présent.
Je quitte mon tabouret, laissant mon café encore plein et fumant sur l'îlot pour embrasser mes parents à la volée, ébouriffant les cheveux blonds de Charlie au passage. Je récupère,à la hâte, mes clés sur la table. Exactement là où elles devaient se trouver. Prestement, mes jambes me conduisent dans la salle de séjour, ma sacoche prend place sur mon épaule en un geste fluide et ma casquette s'enfonce sur ma tête, mes cheveux encadrant parfaitement mon visage. Ma main s'agite au-dessus de ma tête en signe d'aurevoir alors que je passe le pas de la porte.
"À ce soir Lexie!" furent les derniers mots qui parvinrent à mes oreilles avant que la porte ne se referme derrière moi.
L'habitacle de la voiture est incroyablement silencieux, la cacophonie se trouvant uniquement dans ma tête. Cette situation a tout pour me rendre complètement folle. Parfois, j'ai l'impression de perdre la tête sans pouvoir y faire quoi que ce soit. Dois-je laisser mes pensés cacophoniques affluer sans retenue ou les contrôler pour les faire entrer dans un moule parfaitement taillé? Jusqu' à présent, ces deux choix s'avèrent aussi compliqués l'un que l'autre. J'ai l'impression d'opter pour le mauvais choix dans les pires moments, comme si une force supérieure tentait de me faire comprendre qu'un noir dessein est le seul résultat possible. Sans distinction pour ce qui est bien ou mal, acceptable ou intolérable. Ma vie séparée en deux par une très mince ligne, tiraillée entre la paix et la guerre, la douceur et la douleur. Le tout s'appliquant autant à mon corps qu'à mon âme.
Pour ce qui me semble être la millième fois, je repousse les émotions, les pensées, les souvenirs et tout ce qui tente de prendre une trop grande place dans ma tête. Je stationne ma voiture près de l'entrée réservée aux employés. J'observe beaucoup trop longuement le bâtiment devant moi avant de me convaincre que la journée ne peut qu'aller en s'améliorant. Une fois qu'on a touché le fond, on ne peut que rebondir n'est-ce pas?
Je sors de ma voiture et me dirige nonchalamment vers la porte en suivant le petit trottoir. En passant devant la longue fenêtre qui occupe le mur de la cafétéria, je ne peux m'empêcher d'observer attentivement ma réflexion. J'ai l'impression d'être rené tel un phénix. Mon ancienne moi est complètement carbonisée tandis qu'un reflet identique à moi-même, mais que je ne reconnais pas se tient bien droit dans les cendres et éprouve un plaisir malsain à me narguer. Ou peut-être me prévenir.
Je continue mon chemin sans un autre regard pour ce reflet qui semble annoncer un mauvais présage, ouvre la porte pour atterrir dans un long couloir aux murs bleus pastel que je suis pendant un petit moment puis emprunte la troisième porte à ma droite. J'arrive dans les vestiaires, me dirigeant automatiquement vers le casier qu'on m'a attribué à mon embauche. Au même moment que le calme des vestiaires est ébranlé par l'arrivé d'un autre employé, je sors de la cabine, habillé de mon uniforme vert menthe.
"Je vois que t'as décidé de mettre ton teint en valeur aujourd'hui."
"Clairement," riais-je en roulant des yeux. J'offre une tape sur l'épaule de Fred avant de m'asseoir sur le petit banc de bois trônant au milieu de la pièce. "Si seulement j'avais pu avoir ton uniforme." Je pointe vers les deux morceaux mauve pâle qu'il tient entre ses mains.
"Arrête de te plaindre Brooks. Jamais mon uniforme ne t'irait aussi bien qu'à moi."
"Vantard va!" Je repousse son commentaire d'un revers de la main avant de me diriger vers la porte.
"Tu sais bien que tu es toujours magnifique. Peu importe ce que tu portes", insiste Fred en me rejoignant, m'ouvrant la porte par la même occasion.
Je me contente de glousser à son commentaire. Contrairement à lui, je trouve que cette couleur m'affuble d'un teint morne qui me rapproche plus du mort que du vivant. Ce qui est assez sinistre comme constatation dans cet endroit. En même temps, les compliments de mon ami font du bien à mon âme morose. Je lui offre une révérence pour son geste de gentleman et gambade jusqu' à la salle de pause, Fred sur mes talons.
"Le blondinet tu commences dans cinq minutes, mais Lexie tu es vraiment en avance", nous informe Clara, notre responsable, dès qu'elle voit notre tandem entrer.
"Je sais, je me suis dit que quelqu' un voudrait peut-être terminer plus tôt", dis-je en haussant les épaules. Tant qu'à être ici, aussi bien être utile. Je ne savais pas quoi faire d'autre après m'être défilé de toutes conversations avec ma famille et compenser mes mensonges par de bonnes actions devraient réussir à apaiser mon karma.
"D'accord. Peut-être que...hey!" Elle agite la main, s'adressant visiblement à quelqu' un derrière Fred et moi. "Je sais que ta nuit n'a pas été de tout repos, que dirais-tu de rentrer tout de suite?", demande Clara à une fille aux longs cheveux roux. Ses yeux verts croisent mon regard et un frisson remonte le long de mon échine.
"Je ne dirai certainement pas non!", s'exclame-t-elle en arborant un magnifique sourire.
Les deux figures féminines continuent d'échanger quelques mots tandis que je jette un coup d'oeil à Fred, accroupie à mes côtés, finalisant son ensemble en lassant correctement ses lacets. Ses yeux bleus rencontrent les miens lorsqu'il relève la tête, souriant de toutes ses dents. Il secoue la tête, replaçant ses cheveux blond légèrement ébouriffés puis se redresse, lissant maladroitement son uniforme violet qu'il a enfilé à la hâte dans le vestiaire.
"Vous deux", nous apostrophe notre responsable, suspendant sa conversation avec la rousse qui m'est totalement inconnue. "Ouste et au travail!" Elle nous sourit en nous pointant la porte, indiquant le début de notre quart de travail.
Nous obéissons docilement, s'en allant vers nos premières tâches tout en discutant. Fred revient à la charge avec le sujet inépuisable de l'heure: sa belle-mère. Elle n'est pas méchante ou quoi que ce soit, mais elle est extrêmement naïve, ce qui crée bien plus de situations cocasses que de moments où il peut me les partager. C'est divertissant, rafraîchissant et simple.
La simplicité est sans aucun doute ce qui me plaît le plus dans notre amitié. J'ai connu Fred quelques années après Jess. Nous devions avoir à peu près dix ans quand ses parents, mariés, ont achetés la maison en face de la mienne avant de la remettre en vente au moment de leur divorce. La plupart de mes soirées de jeunesse, passées en compagnie du blondinet, consistait en des discussions interminables sur tous les sujets imaginables. Malgré les charges de travail plus imposantes au fil des ans, nous trouvons toujours le moyen de perpétrer cette tradition de converser à chaque jour à propos d'à peu près n'importe quoi.
"On se recroise tout à l'heure Brooks."
"Parfait Jones!" Je bifurque vers le couloir de droite tandis qu'il emprunte celui de gauche. Un bref et dernier coup d'oeil m'apprend qu'il se force à loucher en me tirant la langue avant de se revirer et disparaître dans la première chambre. Je secoue la tête de gauche à droite en riant doucement.
Je tourne le coin trop rapidement, considérant que j'observais le sol plutôt que ce qui pouvait se trouver devant moi. En percutant un corps,
je relève la tête, complètement effaré, en croyant avoir bousculé l'un des résidents.
Deux yeux verts me fixent empreint de mécontentements.
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Michael Grant Terry est Fred Jones
J'aimerais énormément avoir vos impressions jusqu' à présent puisque c'est une réécriture.
Que pensez-vous des chapitres (longueur, contenu)?
Appréciez-vous les changements, le nouveau début, nouveaux personnages, etc?
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