Le professeur regarda son élève, surpris par une telle question. Pourquoi vouloir savoir ce qui ressemblait à une légende urbaine au sein même de l'Association des Mages ?

-La guerre du Saint-Graal, vous dites ? C'est le nom du rituel qui décidera du propriétaire du Saint-Graal au travers d'une battle royale acharnée. Sept Master sont choisis par le Graal et chacun invoque un Esprit Héroïque, une sorte de Familier de première classe. Puis, ils s'affrontent jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'un seul duo. Plus qu'un Servant et son Master. Et à eux deux, ils peuvent avoir le Graal.

Le jeune garçon blond regardait Lord El-Melloi II de ses yeux bleu clair pétillants.

-À vous entendre parler, on dirait que vous y avez déjà participé, professeur, cria t-il plein d'entrain.

-C'est impo...

-Baisse un peu le volume, Flat !

Le blond tourna la tête vers la personne qui avait osé lui répondre de cette manière. Très vite, il roula des yeux. Bien évidemment, il ne pouvait s'agir que d'elle. Cette peste de blonde : Flora. Cette nouvelle surdouée qui avait été autorisée, malgré sa minorité légale, d'assister aux cours de l'enseignement supérieur de la Tour de l'Horloge. Son regard resta bloqué vers elle. Sa bouche tentait de répondre, mais les mots dans son esprit devenaient flous. Flat pesta contre lui-même. Quel manque de répartie !

-Mademoiselle Plantequel, je vous prierai de ne plus manquer de respect à vos camarades. Vous avez déjà de la chance d'avoir été admise dans notre établissement. Je vous conseillerai donc de vous abstenir d'avoir un tel comportement. À moins que vous ne pouviez nous donner quelques détails sur la guerre du Saint-Graal, bien évidemment ...

Flat remercia intérieurement le professeur et fit un sourire narquois à la jeune fille. Elle allait enfin la fermer, cette pimbêche !

-C'est un conflit entre sept mages qui ont un but en commun, acquérir le Saint-Graal pour qu'il exauce son vœu. Pour cela, il utilise un Servant sur lequel il a trois sceaux de commandement, trois ordres indiscutables. Il y a plusieurs moyens de gagner le rituel : vaincre tous les autres Servants, arracher leurs sceaux de commandement, mais le meilleur moyen reste de les tuer...

-C'est loin d'être une obligation...

-Mais, c'est la manière la plus efficace de gagner.

Flat demeura bouche bée, abasourdi par les connaissances de la blonde. Tandis que le professeur triturait nerveusement ses longs cheveux raides.

-Tu comptes gober les mouches encore longtemps, tourmenta Flora, se délectant de voir un Flat rouge de colère et de honte.

-Mademoiselle Plantequel, intervint Lord El-Melloi II Cessez d'importuner Monsieur Escardos.

-Oui professeur, soupira la jeune fille.

Lord El-Melloi II fixa l'adolescente de ses yeux couleur prune. Cette jeune fille l'intriguait. Malgré ses capacités limitées par le faible héritage de sa famille, elle était une surdouée en matière de magie. Ses capacités étaient peu communes, d'autant plus qu'elle n'était versée que dans un seul art, celui de créer des Familiers. Toutefois, il y avait quelque chose qui ne collait pas selon le professeur. Il existait des centaines de guerres saintes à travers le monde, pourtant, celle que Flora venait de décrire était particulière. C'était celle de la ville de Fuyuki, au Japon, à laquelle il avait participé dix ans auparavant. Dix ôtés de seize faisaient six... Six ans ?! C'était un âge bien trop jeune. Par ailleurs, les guerres du Saint-Graal n'ont qu'un statut de légende, même parmi les mages, le professeur était certain que ses élèves auraient oublié cet aparté du cours en moins d'une semaine. Comment pouvait-elle être au courant d'autant de choses ? L'avait-elle, par un quelconque miracle, vécue-t-elle aussi ?

****

Les deux personnes discutaient dans le bureau cloîtré. Assurées de ne pas être entendus, elles parlaient à haute voix. Situé de l'autre côté du mur, un jeune garçon bleuet écoutait leur conversation. Il avait réussi à déjouer les différentes barrières magiques protégeant la pièce. Selon lui, les circonstances et la chance lui étaient favorables. "La fortune sourit aux audacieux." pensa t-il avec un sourire malicieux. Le gros morceau se trouvait maintenant à portée de main, ou plutôt d'oreille. Pourtant, l'adolescent n'était pas au bout de ses peines. Le discours était incompréhensible. Cependant, le garçon sentait que le sujet était important.

-Conversation codée, souffla t-il. Ils sont prudents...

Il écouta encore quelques instants. La lettre j revenait assez souvent. Il sourit, content que ses connaissances en analyse soient enfin mises à contribution.

-Si le j correspond au e... Alors...

Le bleuet continua l'analyse différentielle de la discussion. Celle-ci prenait enfin tout son sens.

-Les préparatifs sont presque terminés. Il faut maintenant régler les détails.

-Avec un peu de chance, nous pourrons même choisir Masters et Servants.

-Il ne reste plus qu'à terminer le rituel. Bientôt, nous atteindrons la source de la Racine.

-Oui. Le savoir sera bientôt à portée de main et ce n'est pas ce fouineur qui nous en empêchera !

L'adolescent derrière le mur paniqua. L'intrus, c'était de lui dont on parlait. Il avait été repéré et ne devait pas rester ici. La porte se trouvait non loin et c'était bientôt l'heure de la pause. Il devait y arriver rapidement. Il serait protégé une fois fondu dans la foule d'étudiants. Il se retourna précipitamment, prêt à foncer vers la porte au fond du couloir, mais son mouvement s'arrêta lorsqu'il vit un homme avec un long manteau noir. Soudain, des perles de sueurs se formèrent sur le visage de l'adolescent. L'homme tenait un revolver monté d'un silencieux dans sa main, le canon était pointé sur lui.

-Mauvais concours de circonstances, on dirait. Désolé petit, mais la roue de la fortune à tournée.

-On dirait bi...

Suivit une détonation étouffée, et le bleuet s'écroula. L'homme en noir fouilla la veste de l'étudiant et y trouva sa carte d'identité qu'il lit, avant de saluer celui qu'il venait d'exécuter.

-Dommage pour eux, mais il ne pourra rien dire sur ce qui se prépare. Puisses-tu trouver le repos, Audy Rayke.

Et il partit dans la direction inverse, le regard vide. Les pions étaient sur l'échiquier et la partie allait bientôt commencer.