Chapitre 21
Le cliquetis de la clé dans la serrure de la porte d'entrée réveilla Tendou qui somnolait sur le canapé. Un coup d'œil lui suffit pour voir Bokuto refermer derrière lui, laissant le froid mordant à l'extérieur. Il émanait du professeur une aura de bonheur tellement intense que Tendou aurait juré qu'il était lumineux. Littéralement.
Cela faisait deux jours qu'il était rentré de son expédition à Tokyo et il ne semblait pas vouloir ou pouvoir descendre de son nuage. Pas que le cuisinier n'était pas heureux pour son ami – bien au contraire, il avait cessé de vivre dans le déni et ça ne pourrait qu'être bénéfique pour lui – mais la veille, il s'était levé avec un petit mal de gorge et avait fini la journée cloué au lit avec de la fièvre. Il s'agissait de son rhume annuel, celui qui le mettait tellement H.S qu'il avait l'impression qu'il pourrait mourir à chaque seconde.
Bokuto revenait donc de la pharmacie avec les médicaments nécessaires et une pile de boîtes à mouchoirs qui ne ferait pas long feu. Il lança l'une des boîtes sur son ami qui la rattrapa maladroitement et se dirigea avec le reste vers la cuisine. Il remplit un verre d'eau et prépara les cachets que devait prendre Tendou, ajoutant à cela une part de brioche. Prendre des médicaments l'estomac vide n'arrangerait pas sa situation.
Une fois redressé et le plateau salvateur sur les genoux, Tendou grommela qu'il n'avait pas faim.
— Tu ne vas pas encore faire l'enfant quand même ? Chaque fois c'est la même histoire.
— Je suis malade, j'ai quand même le droit de râler non ?
— Oui, souffla Bokuto. Mais si tu pouvais le faire en prenant soin de toi ce serait parfait.
Mécontent mais docile, le jeune homme souffrant se mit à picorer la tranche de brioche. Il sentait qu'il avait l'estomac dans les talons mais se força.
— J'espère que la personne avec qui tu feras ta vie aura de la patience, plaisanta le professeur.
Pour toute réponse, il reçu une œillade dubitative.
— Quoi ?
— Pourquoi tu veux que je fasse ma vie avec quelqu'un d'autre ?
Étonné, Bokuto ne sembla pas trouver de réponse adéquate.
— Tu ne veux pas rencontrer quelqu'un ?
— Je crois pas non. Enfin pas pour l'instant. Et avant non plus. Du coup jamais peut-être.
Après plusieurs secondes à s'observer dans le blanc des yeux en silence, Tendou retourna à sa brioche pendant que Bokuto prenait Kyanma dans ses bras, le temps d'un bref câlin.
*****
— Quand je pense que tu montrais un désintérêt pour les fêtes de fin d'année alors qu'en réalité tu en as profité pour te mettre en couple...
— Mais, je t'ai déjà dit que ce n'était absolument pas prévu...!
— Quand bien même ! Ça devait déjà couver pour tomber à ce moment ! Tu es un vrai cachottier Akaashi.
Ledit Akaashi poussa un long soupir avant de se détourner de Yaku, sur son dos depuis l'instant où il avait intercepté un message de Bokuto. Leur collègue arriva au même moment.
— Quand je pense que vous en êtes déjà à l'étape de dire "je t'aime"... Ohlala je peux pas y penser ! s'écria-t-il en cachant ses mains derrière son visage.
— Tais-toi Lev, grinça Akaashi, mortifié à l'idée que d'autres personnes puissent les entendre. Les enfants du village n'ont pas besoin de connaître ma vie privée.
— Oups.
Yaku leva les yeux au ciel avant de lui donner une tape derrière la tête.
— Et arrête de faire ton prude un peu, on n'est plus au collège.
— Tu dois avoir une vie bien débridée pour dire ça, marmonna Lev en se massant l'arrière du crâne.
Le plus petit piqua un fard et se mit à bégayer d'inintelligibles paroles.
— Bon, arrêtez de faire les idiots et laissez moi travailler tranquillement, les réprimanda Akaashi en attrapant une encyclopédie pour la plastifier.
Une vibration dans sa poche lui indiqua qu'il avait reçu un message et d'un geste vif, il aperçut le nom de Bokuto sur l'écran. Un fin sourire étira ses lèvres.
— Je crois qu'il a reçu un message de son amoureux, entendit-il derrière lui.
Après une brève œillade assassine envers Lev, il s'éloigna vers un rayon vide pour ne plus être sous surveillance pendant qu'il répondait à son petit-ami. Son "petit-ami"... Il n'arrivait pas encore à s'y habituer. Son cœur s'emballait légèrement et un air béat prenait place sur son visage dès qu'il y pensait mais il ne trouvait pas ça désagréable. Il rangea son téléphone et se dirigea vers ses collègues avant de se stopper brusquement. Lev était en train de taper quelque chose sur le clavier de l'ordinateur, l'air concentré – pour une fois – pendant que Yaku, à ses côtés, posait un regard attendri sur lui. La mâchoire d'Akaashi se décrocha. Il n'y avait aucun doute possible, ses intentions étaient plus qu'évidentes. Le plus petit avait clairement des sentiments pour le russo-japonais ! Il n'en revenait pas. Lui qui parlait de cachotteries, il était mal placé ! Il s'approcha sans faire de bruit puis posa un peu brusquement sa main sur l'épaule de son collègue qui sursauta.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Yaku.
— Oh, rien, tu m'avais l'air particulièrement concentré alors je me suis dit que tu ne m'entendrais pas, répondit Akaashi avec un sourire malicieux.
Il ne fallu que quelques secondes au plus petit pour saisir le double sens de sa phrase et il se mit à s'agiter, pris au dépourvu. Amusé, le brun changea de sujet pour lui parler de la livraison qu'ils devaient recevoir dans l'après-midi. Il n'était pas cruel, il n'allait rien dire. Du moins, tant que Lev serait à côté.
Le reste de la journée se déroula tranquillement pour les employés. Akaashi était heureux d'avoir découvert le petit secret de Yaku car celui-ci ne fit plus aucune remarque sur sa relation avec le professeur. Même quand ce dernier arriva à l'heure de fermeture pour retrouver son amoureux, aucune pique ou blague ne fut lancée, pour le plus grand bonheur de Keiji. Il n'avait pas prévu de faire de menace ou chantage mais le simple fait d'avoir démasqué son ami l'avait rendu muet.
— Ta journée s'est bien passée ? demanda Bokuto en déposant un baiser sur la tempe de son petit-ami.
Ils marchaient main dans la main en direction du salon de thé pour s'offrir une pause douceur après la reprise du travail. Depuis leur retour de Tokyo, les deux hommes ne s'étaient pas lâchés et cela leur avait fait une étrange sensation de devoir se souhaiter une bonne journée le matin et de se quitter. Il ne leur avait pas fallu plus de deux jours pour s'habituer à la présence l'un de l'autre au quotidien.
— Très bien oui. Ça s'est mieux passé que ce que je pensais, le retour de vacances n'a pas été trop dur finalement. Et toi ?
— Oh tu sais, avec quatre heures de cours ce matin et une petite réunion en début d'après-midi, la reprise n'a pas été trop dure. J'avais peur de m'ennuyer en attendant que tu termines mais l'état de Tendou ne s'arrange pas. On a appelé le médecin et j'ai dû aller dévaliser la pharmacie pour lui. J'ai dû batailler pour qu'il mange un peu de brioche. Tu te rends compte ?
— Je crois que c'est l'un des trucs les plus inquiétants que tu m'ais jamais dit.
— En plus de ça, il s'est mis à dire des choses un peu... bizarres.
Il ouvrit la porte du salon et laissa passer Akaashi avant de refermer derrière eux. Ils passèrent commande avant de s'installer à une table à côté du radiateur.
— Bizarres comment ?
— Par rapport à sa vie amoureuse.
Akaashi leva les sourcils. "Tendou" et "vie amoureuse" étaient deux sujets qui ne s'étaient jamais croisés dans son esprit.
— Je crois qu'il déprime.
— Tendou ? Déprimer ? Tu es sûr que tu ne confonds pas avec son rhume ?
— Non, non, je te jure. Il avait l'air de dire que l'amour n'était pas fait pour lui. Comme si personne ne pouvait tomber amoureux de lui ! T'as vu sa bouille ? En plus il est super drôle et il fait de supers gâteaux, y a rien de tel pour séduire.
— Tu n'interprèterais pas ses mots de travers par hasard ?
La serveuse arriva avec leurs thés et déposa une petite assiette de cookies. Bokuto n'attendit pas une seconde et en englouti un pendant que Keiji la remerciait.
— Je ne le connais pas aussi bien que toi mais je ne le vois vraiment pas se morfondre pour ça.
— Qui ne se morfondrait pas de trouver personne ?
— Beaucoup de monde, soupira Keiji. Je n'avais fréquenté personne depuis plusieurs années et ça ne me manquait pas. Mais tu es tellement spécial que j'ai revu mes plans, s'obligea-t-il d'ajouter en voyant l'air de chien battu de son petit-ami.
— Mais oui, c'est ça, il faut qu'il trouve sa personne !
— Non, c'est pas...–
— Mais en dehors de son travail il côtoie personne et je crois pas que ses collègues l'intéressent... tu penses qu'il faudrait lui arranger un rencard ?
— Oh non, surtout pas !
Akaashi bu quelques gorgées brûlantes pour se donner le temps de trouver ses mots.
— Écoute moi s'il te plaît.
Bokuto dévora un autre cookie.
— Je sais que Tendou est ton ami et que tu ne te préoccupes que de son bonheur. C'est vraiment gentil de ta part, tu es un bon ami, sois en sûr. Cependant, je ne pense pas que t'immiscer dans sa vie amoureuse soit une bonne idée. S'il ne t'en parle pas de lui-même, ça me semble être un assez bon indicateur sur son degré d'envie par rapport à ton implication. Tu comprends ce que je veux dire ?
Le gris pris quelques instants pour finir de mâcher et bu un peu de thé. Il semblait dans une intense réflexion.
— Je voulais juste qu'il vive le même bonheur que nous.
Le cœur d'Akaashi fit un bon dans sa poitrine. Il attrapa rapidement ses mains dans un geste tendre.
— J'en ai aucun doute ! C'est évident que tes intentions sont bonnes, je te l'ai dit et je suis sûr que ça toucherait sincèrement Tendou de t'entendre. Mais, peut-être que son bonheur réside dans autre chose ? Nous sommes tous différents avec des envies variées. Il se peut que le bonheur de Tendou réside dans ses amis, sa famille ou son travail. Si c'est quelque chose qui te tracasse, tu devrais essayer d'en parler avec lui.
— Tu crois ?
— Bien sûr. Mais tu ne dois pas transposer tes sentiments sur lui. Reste ouvert et écoute vraiment ce qu'il te dit. Ça ne pourra que lui faire plaisir d'être compris par l'un de ses meilleurs amis. Ce n'est pas parce qu'il est différent que tu dois le lui faire ressentir comme quelque chose de négatif.
— Je me sens si bête.
— Mais pas du tout...
Bokuto récupéra ses mains pour enfouir son visage dedans.
— J'étais tellement focalisé sur mon propre parcours que je me suis pas posé une seule fois la question de savoir si c'était aussi ce qu'il voulait. On est entouré de plus en plus par des couples heureux, Kuroo attend même un bébé avec Alisa et ça me semblait tellement être un schéma évident que j'ai pas pensé plus loin.
— Hé, ce n'est pas grave.
Il fit glisser ses doigts dans les cheveux du professeur pour l'inciter à relever la tête.
— T'en rendre compte est une preuve de ta maturité et je suis fier de toi. Tu m'as écouté et tu n'as pas hésité à te remettre en question. C'est tout ce qu'il faut retenir.
Koutarou planta son regard dans le sien et ils s'observèrent pendant quelques instants.
— C'est fou ce que je t'aime.
Les joues d'Akaashi s'enflammèrent en l'entendant. Il lui avait souvent dit ces mots durant les deux derniers jours mais son cœur ne s'y habituait pas et ce n'était pas pour lui déplaire.
Lorsque Bokuto avouait l'aimer, une dose de dopamine se libérait dans son corps. Il souhaitait vivre ce bonheur et être regardé comme son amoureux le faisait en cet instant jusqu'à la fin.
— Je t'aime aussi.
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