𝐋𝐨𝐬𝐞 𝐢𝐭 𝐚𝐥𝐥 - 𝐉𝐨𝐬𝐢𝐚𝐧𝐞

Taehyung 

J'assiste au repas de Noël le plus silencieux de toute ma vie. 

— Taehyung tu me passes le sel s'il te plaît ? 

Je prends le sel et le tends à mon grand-père. Il évite mon regard comme tout le monde le fait ici. Ce que j'ai fait ne va pas être oublié d'aussitôt. Je ne suis pas prêt de recommencer vu tout ce que ça a engendré. 

Depuis une semaine, je dors à l'hôtel avec mes parents. Ils ne m'ont pas rendu mon téléphone et je suis toujours privé de musique. Si ça ne tenait qu'à eux, on aurait passé Noël enfermé dans cette stupide chambre trop petite pour nous. J'ai juste supplié à mort pour qu'on passe Noël ici. Dans ma maison. Et ils ont fini par accepter. Franchement vu l'état des festivités, j'aurais eu à cœur qu'ils refusent. 

La chance que j'ai c'est qu'ils repartent en avion dès après-demain. Ils ne peuvent pas rester à Séoul plus longtemps et tant mieux. Je pourrais renouer avec les gens qui comptent vraiment pour moi. Mes grands-parents. 

— Quoi de prévu pour ces vacances ? me lance ma grand-mère. 

— Prendre soin de moi et de vous. Je nous ai inscrit au club de lecture près du lac. Tu sais, celui où tu voulais tant aller. C'est mon cadeau de Noël pour vous. 

Les yeux de mamie s'illuminent. Quant à grand-père, il se contente d'un sourire. Je sais à quel point c'était important pour eux qu'on y aille au moins une fois. Et bien cette fois, c'est ce mois-ci. 

— Tu sais que Dae y sera aussi en janvier ? En plus il y a un piano dans le centre, tu pourras leur jouer des merveilles mon cœur.  

Dae est le fils d'une amie à elle. Lui et moi on s'entend super bien. Comme moi, il fait l'école à la maison. Nos grands parents nous ont vite mis en contact et depuis on ne l'a pas perdu. 

Je sens le regard tendu de mon père en entendant parler de piano mais j'ignore. Sa mauvaise humeur saoule tout le monde. En plus elle est ridicule. Personne n'oserait le dire à voix haute mais le voir agir comme un père présent avec moi est ridicule. Il agit comme s'il était la première personne vers qui j'aurais tendance à me tourner au moindre problème. Les choses ne sont pas comme ça. La légende raconte d'ailleurs qu'il n'a toujours pas répondu à mon "Joyeux anniversaire !" et il date du mois de septembre. Donc stop au bout d'un moment, il faut mettre fin à la comédie. 

Pendant le reste du repas, je parle avec mes grands-parents de cette semaine que nous allons passer ensemble. Ma mère aussi tente de participer à la conversation et nous arrivons à rendre ce dîner moins gênant. 

L'échange des cadeaux aussi se fait dans la bonne humeur. J'ai reçu deux livres écrits par des pianistes célèbres dans lesquels ils détaillent leurs différentes compositions et la manière dont leur passion pour le piano les a menés aussi haut. Je reçois également un nouveau carnet de composition et le plus gros cadeau est une console de jeux vidéo pour ma chambre. Oui oui j'ai été gâté. Quant à moi, je n'avais rien prévu pour mes parents car leur arrivée ici n'était pas prévue. J'ai offert à mon grand-père tous les DVD de sa série favorite. Et à mamie, je lui ai offert une parure pour qu'elle soit la plus belle. 

Globalement Noël a été bon. 

— Je reste dormir ici ce soir. 

Je dis ça quand mes parents quittent le canapé s'apprêtant à rentrer à l'hôtel. Ma mère ignore et enfile son manteau. Quant à mon père, il ouvre la bouche et la referme, avant de la rouvrir. 

— Taehyung, tu-

— Non. Je veux dormir ici. Arrêtez de me punir comme si j'avais 5 ans. Ce que j'ai fait était mal, je l'ai reconnu, je l'ai réalisé, est-ce que je peux avoir une chance de me rattraper ? Je ne fais pas souvent des erreurs, pour ne pas dire jamais. Est-ce que vous pourriez laisser passer pour cette fois ? 

Je ne crie pas. Ma voix reste calme. Il y a longtemps que j'ai compris qu'on se faisait entendre en expliquant les choses calmement plutôt qu'en criant.  

— Je t'attends dans le taxi chérie. 

Sans rien ajouter, mon père quitte notre maison. Ma mère s'approche de moi pour m'embrasser. 

— Il est très inquiet pour toi mais ça lui passera. Je donne ton portable à maman, tu l'auras demain ok ? Ne te couche pas trop tard mon ange. Je t'aime.  

Ma mère pose un ultime baiser sur ma joue. Elle rejoint mes grands parents dans le fond de la pièce pour rendre mon portable et après un dernier au revoir, elle imite mon père. 

— Tu ferais mieux d'aller te reposer fiston. La semaine a été longue pour toi. Te reposer ne te fera pas de mal. 

Je ne cherche pas à répondre à mon grand-père. Il a raison, dormir me ferait du bien. Dans mon pyjama de Noël ! Je les serre tous les deux dans mes bras et vais dans ma chambre. 

Je troque ma tenue de Noël pour un pyjama pilou à motifs de rênes. L’un de mes préférés.  

Revoir mon piano après tant de jours sans lui me fait quelque chose je l'avoue. En arrivant tout à l'heure, j'ai bien failli pleurer. Et maintenant, mes doigts me démangent. 

Je pourrais jouer non ? Juste un peu avant d'aller me coucher. Avant d'avoir pris la décision, mes fesses sont assises en face de mon clavier. Je n'ai pas pris la peine de brancher le synthé. Je veux jouer sur le grand piano. Juste un peu parce que l'envie dépasse la raison ce soir. 

J'ouvre mon carnet de partition et pose les doigts sur les touches mais mon cœur aspire à autre chose. Toujours du piano mais différemment. 

Je ferme les yeux dans le but précis de l'écouter et ce qui me vient est immédiat. Une énorme couche de brouillard avec un oiseau aux ailes noires. Plus il vole, plus ses plumes se dispersent. Je comprends qu'il les perd mais ne les retrouvera jamais. Il laisse son plumage s'étendre dans le brouillard épais.

Et dans mon esprit, ce brouillard laisse apparaître le regard obscur d'un garçon que je connais bien. Celui qui bouscule mon esprit lorsque je ne pense à rien. Celui à qui je souhaite si fort envoyer un message. Celui à qui je me suis confié pour la première fois et qui a libéré mon corps d'un poids. 

Je rouvre les yeux presque brusquement. Mes doigts pressent les touches de mon cher piano et ainsi je me mets à composer. Je compose la mélodie que ce garçon m'a inspirée à notre rencontre et je la fais contraster avec ce qu'il m'inspire aujourd'hui. 

L'air que je compose est rempli de mystère. Il est presque mystique. Il est doux et lent par conséquent mais en le rejouant, je sens la tension qui en ressort. Non, je ne prends pas une minute pour le composer. Il me faut bien une à deux heures pour entendre quelque chose de correct. Quelque chose qui lui ressemble. 

Le manque que je ressens à son égard m'a poussé à composer un morceau. Dès que je le rejoue en entier, mes doigts tremblent, ils tremblent grâce à ma peau qui frissonne. Je le réécoute comme s'il était magique. Comme s'il détenait tous les pouvoirs. 

Et c'est mon œuvre. 

Une œuvre signée Kim Taehyung pour Jeon Jungkook. Le voisin d'en face agaçant mais attachant. 

Je me rejoue le morceau avec fierté une bonne dizaine de fois et la sensation reste la même. J'ai l'impression que le temps d'un instant, il a collé ses grandes ailes noires dans mon dos et m'a donné le pouvoir de m'envoler à mon tour. 

Alors même avec la fatigue, j'observe les notes de longues minutes, j'inspire la tension qu'elles m'évoquent et le titre parfait pour ce morceau me vient. 

Far from home. 

☽

Fin de chapitre !

Moooh n'est-il pas mignon ???

Bon, pour FFH, il ne reste que 20 chapitres soit 10 semaines de publication.

Je tiens (oui oui encore) à vous remercier de continuer cette aventure avec moi.

On se dit à mercredi ?

Kiss, Kiss <3