❦ Chapitre 40 ❧
Dans l'intimité de ses appartements, nous étions bercés par le chant des oiseaux colorés aux cris exotiques se mêlant à ceux d'un petit singe capucin, entourés de plantes aux larges feuilles se séparant en d'élégantes tiges pareilles à de gigantesques mains. J'aimais cette curieuse ménagerie dans ce jardin d'hiver paradisiaque évoquant un lointain ailleurs. Athénaïs habituée à ce décorum n'avait d'attention que moi, elle m'attira contre elle.
— Tu m'as manqué, souffla-t-elle.
Son front collé contre le mien, le souffle de ses lèvres pulpeuses caressant les miennes. Elle m'avait manqué, elle aussi. Mon esprit avait été si accaparé par les créatures que je n'étais plus vraiment présent pour elle ni pour la Reine.
— Ne m'abandonne plus de la sorte, ordonna-t-elle.
Ses lèvres câlines cherchèrent les miennes, les capturèrent et les gardèrent dans la chaleur des siennes. Ses mains se nouèrent derrière ma nuque et elle réduisit la distance entre nos deux corps. Je brûlais de sentir sa peau contre la mienne. Un violent désir m'élança, tout à la guerre, j'avais négligé mon besoin de tendresse. La retrouver me redonnait de la vitalité, chassait l'ombre menaçante des marais et de ce qui s'y trouvait. Je frissonnais contre elle, non d'inquiétude, mais de désir et de plaisir. Son corps appelait le mien à s'unir dans la passion.
Sa surrobe d'un velours vert tissé de perles et d'émeraudes fut presque arrachée tant j'étais fiévreux et elle eut peu d'égards elle aussi pour mon gilet qui vola dans les airs. Nos chemises, son corset et ma culotte disparurent tout aussi vite. Mes collants, elle m'en débarrassa avec une impatience fébrile. Il n'y avait plus de place pour la sensualité, la passion dévorait tout. Ses lèvres retrouvèrent les miennes, ses bras entourèrent mon corps et mes mains cherchèrent ses formes si généreuses.
J'étais un homme comblé, j'étais auprès de la femme que j'aimais et j'avais pu légitimer nos enfants en dépit de la colère du marquis et de la Reine. En réalité, c'était la seule manière de les protéger de la vengeance du cocu. Malgré l'infirmité de notre aîné, que certains avaient qualifié de punition divine, j'aimais nos enfants de tout mon cœur et veillait sur les soins prodigués par la Veuve Scaron qui n'abandonnait l'idée de faire marcher notre garçon sans aide de cannes.
La marquise avait été blessée de voir son fils ainsi affligé et elle s'en prenait à leur gouvernante comme à ses servantes avec la même vigueur qu'elle mettait à renvoyer toutes les jolies filles qui pouvaient l'entourer. Je supportais ses crises de jalousie comme ses élans de colère, fascinés par le caractère tempétueux qu'elle avait, après tout, c'était ce caractère qui permettait à la passion de continuer.
Je la soulevai pour la déposer délicatement sur le lit, aussi impatients fussions-nous, je tenais à l'honorer. Je voulais la voir onduler sous mes caresses, frémir et gémir, donner de la voix, elle chantait si divinement. C'était ce que j'aimais chez elle, Athénaïs n'avait pas peur de montrer son plaisir, elle pouvait hurler, déchirer les draps et malmener les oreillers, elle avait quelque chose de fauve en elle qui rendait nos ébats d'autant plus ardents.
Je l'observais et lui souris doucement. L'on dit que mes sourires sont rares, je ne souris inutilement ni pour plaire ; s'ils sont rares, c'est parce qu'ils sont sincères. À cet instant, tout mon amour pour elle se dévoila dans le regard que je lui jetais et dans ces commissures relevées.
Ses bras m'attirèrent et elle m'embrassa. Je glissai mes doigts dans ses cheveux blonds. Elle battit des cils en m'observant, rose de plaisir, les yeux brillants de désir. Je caressai sa nuque et déposai des baisers papillon sur chaque parcelle de sa peau chaude, laissant l'empreinte humide de mon passage sur chair laiteuse et délicate.
— Mon amour, soufflai-je, lui délivrant les secrets de mon cœur qui lui appartenait déjà tout entier.
Après avoir laissé la passion nous embraser, encore rompus par la fureur nous ayant étreints, nous frissonnions dans la brise fraîche se glissant par la fenêtre ouverte par laquelle le parfum des orangers nous parvenait. Nous gisions, enlacés l'un contre l'autre dans les draps servant d'écrin à nos amours.
— Tu te prépares au combat, n'est-ce pas ? me demanda-t-elle en se tournant vers moi.
Allongée sur le ventre, sa croupe rebondie était attirante, j'y aventurais ma main négligemment alors qu'elle continuait à m'interroger. Je devais cette question à son extraordinaire sens de l'observation. À moins que Philippe n'ait vendu la mèche.
— Aux festivités de la victoire, tu m'as abandonnée bien trop vite, personne ne s'en est rendu compte, mais moi je sais que tu ne m'aurais délaissé sans une excellente raison. Et cette attention que tu as eue pour la musique, les aliments, jusqu'à nos tenues... c'était un piège pour les attirer n'est-ce pas ?
Je caressai ses boucles blondes, toujours aussi étonné de l'intelligence clairvoyante de ma favorite. Elle avait donc déduit tout cela rien qu'en observant mon attitude. Parfois je me disais que si les femmes pouvaient être ministres, elle aurait servi brillamment la France.
— Rien ne t'échappe, murmurai-je.
Elle fronça son petit nez en secouant la tête.
— Louis, je sais que tu aimes t'occuper seul des affaires du royaume...
Je m'approchai d'elle pour l'embrasser, mais elle esquiva mon baiser devinant que je souhaitais la faire taire.
— Tu m'as abandonné au bal ! Plus encore, tu nous as tous employés pour mener cette guerre contre ces créatures sans rien nous dire !
Elle était indignée par mon comportement, je pus le voir à son air et à son ton.
— Et maintenant tu fais déménager la Cour ! Je te connais Louis, tu essaies de nous protéger en ne disant rien, tu penses pouvoir t'en occuper seul, mais tu ne peux pas te défier ainsi de tous ceux qui t'aiment.
Sa main glissa contre ma joue, ses doigts s'insinuèrent sous mon menton qu'elle releva afin que je la regarde dans les yeux. Je n'aimais ce geste impérieux.
— Tu as besoin de nous, ajouta-t-elle.
Je secouai la tête en échappant ainsi à ses doigts inquisiteurs. Elle avait raison, je l'avais toujours tenue écartée des affaires de l'État, je ne l'avais mise au courant que lorsque j'avais eu besoin de son accointance avec les sorcières, mais je ne souhaitais l'impliquer davantage.
— Tu n'as pas besoin de savoir ni de t'inquiéter, je fais ce qui est nécessaire.
Athénaïs roula sur le dos, et m'observa de ses grands yeux bleus.
— Louis, je m'inquiéterais toujours. Surtout lorsque je te vois ainsi. Tu m'as confié tes tracas et tout d'un coup le silence. De quoi as-tu peur au juste ? Pourquoi te renfermes-tu tant ? N'ai-je point gagné ta confiance ? Prouvé que je pouvais t'être utile ?
Je secouai doucement la tête en caressant négligemment sa joue.
— Je t'ai déjà trop impliqué dans cette affaire, je préfère que tu demeures dans l'ignorance plutôt que d'encourir le moindre danger. Si tu souhaites m'aider, assure-toi que nos enfants soient à l'abri, je ne veux m'inquiéter pour vous. Je n'ai guère besoin de ton aide, mon tendre amour, j'ai besoin de te savoir hors de tout danger.
— Tu ne peux pas me demander de simplement aller me cacher en ignorant la menace. Si je ne sais quel est le danger, comment pourrais-je l'éviter ?
Évidemment, j'avais oublié à quel point son esprit était affûté, à quel point rien ne lui échappait. Elle en avait trop deviné, mieux valait tout lui conter. Je lui révélais alors que nous avions capturé une créature effectivement grâce à son aide, à celle de Philippe, mais aussi de la Reine. Je lui parlais également du seigneur des marais, lui confiant tout ce que j'avais appris à son sujet sans négliger la menace envoyée en songe.
Athénaïs accueillit la nouvelle avec inquiétude, un léger tressautement de son œil droit m'indiqua qu'elle était anxieuse en entendant ce récit.
— Louis, tu penses vraiment que cela fonctionnera ? Vous courrez un grand risque, Philippe et toi. Je ne veux pas vous perdre.
Je me penchai vers elle et l'embrassai, cette fois-ci, elle ne s'esquiva point, me rendant même mon baiser. Elle s'accrocha à moi avec une pointe de désespoir, comme si c'était un baiser d'adieu.
— Je ne compte pas perdre cette guerre, pas plus que celle contre Guillaume d'Orange.
Athénaïs me sourit à travers les mèches de cheveux tombant entre nous.
— Je te fais confiance, rends-moi cette confiance s'il te plaît. Ne me cache plus rien de ce combat.
Je ramenai ces mèches derrière son oreille.
— Je suis désolé de te tenir éloignée, je dois me concentrer sur cette bataille. Mais j'aurais besoin de toi pour ma prochaine opération.
Je lui racontai mon plan : affaiblir la créature des marais et inviter la Reine des fées à la Cour. Elle approuva d'un mouvement de la tête.
— Tu peux compter sur moi, nous les éblouirons.
Ses lèvres capturèrent les miennes, sa main glissadans mes cheveux, nos corps s'enlacèrent alors que nous goûtions une nouvellefois à la chaleur en émanant.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top