❦ Chapitre 23 ❧
Les conseils de mon épouse m'avaient rappelé que je m'étais tout autant éloigné d'elle que de Dieu. En laissant ces superstitions m'envahir et mes courtisans s'adonner à ces infâmes messes noires, je risquais de laisser l'empire de ma Cour, pire encore, de mon royaume au diable et à ses suppôts. Une simple confession me paraissait insuffisante, d'autant plus que l'abbé de Bréau avait quelque peu perdu ma confiance depuis que j'avais découvert son incapacité à endiguer l'emprise des poisons sur mes courtisans.
Je décidais d'organiser un touché des écrouelles à Reims, là où j'avais pratiqué mon tout premier rite de thaumaturgie. Dieu avait accordé aux Rois de France le pouvoir de guérir les malades par une simple apposition des mains, ce miracle n'était dû en vérité qu'à nos prières comme me l'avait expliqué le cardinal, mais cet instant était important pour me rapprocher de mon peuple, renouer mes vœux pieux noués durant le sacre et plus encore, de Dieu.
Colbert approuva l'idée, selon lui le peuple se plaignait de la hausse des impôts que mes projets rendaient nécessaire, il pensait qu'une telle célébration pourrait les aider à accepter les charges supplémentaires. Je partageais son avis. Bontemps en revanche s'inquiétait de la sécurité qu'impliquerait une telle cérémonie, si bien, que le capitaine D'Artagnan eut la lourde tâche de s'en assurer tandis que je chargeais mon frère d'orchestrer le rituel en lui-même. De nous deux, c'était lui le plus croyant.
Quelques jours plus tard, nous arrivâmes à Reims accompagné d'une partie de la Cour. Nombre de courtisans assistaient aux cérémonials que j'organisais, soit pour se faire voir, soit dans l'espoir d'obtenir des faveurs, mais certains me suivaient en tout ce que je faisais par pur patriotisme. Bien que plus rares et plus discrets que les autres, je savais distinguer ces véritables alliés dans la foule compacte de ces flatteurs.
C'est à la Maison de Saint-Marcoul que la cérémonie fut organisée, cet asile accueillait les malades, particulièrement les enfants affectés par ce mal. C'est eux surtout que je souhaitais soigner. À ma demande, les sœurs qui s'occupaient d'eux m'amenèrent les plus atteints en premier. La file d'attente était longue, d'autant plus que des malades extérieurs à la maison attendaient au-dehors, espérant que je puisse les toucher eux aussi.
— Majesté, il faudrait mieux se contenter de soigner les enfants, suggéra Bontemps qui s'inquiétait de ma sécurité.
— Ces derniers deviendront des orphelins si je ne fais rien pour leurs parents, je vais toucher tout le monde, insistais-je.
Ces malheureux aux visages cireux, boursouflés de pustules et à l'odeur nauséabonde m'inspiraient bien trop de pitié pour les laisser au-dehors. D'Artagnan adapta les mesures de sécurité afin de les étendre à la cour extérieure.
Je tendis donc mes mains sur chacun d'eux, plongeant mes prunelles dans les leurs, y lisant toute la souffrance accumulée, mais également la joie qu'ils avaient d'être en ma présence.
— Le Roi te touche, Dieu te guérit, déclarais-je à chacun d'eux, priant intérieurement pour que la guérison vînt le plus rapidement possible tant l'état de certains était inquiétant.
Pour chaque enfant, je leur offrais un sourire avant de passer au suivant, même s'ils étaient nombreux, je pris le temps pour chacun d'eux d'une prière envoyée au Seigneur qui, j'espérais, comprendrait que je regrettais amèrement mes erreurs. Tout Roi que j'étais, j'étais également un homme faillible.
Je ne m'accordais de répit, lorsque tous les enfants furent passés, j'invitais les adultes à me rejoindre. La plupart baisaient mes mains en gratitude, mais certains étaient bien trop en proie à la douleur pour exprimer autre chose qu'un gémissement plaintif à la simple apposition. Les plus misérables m'arrachèrent quelques larmes de pitié. Je redoublais mes prières pour ces derniers.
L'un d'eux eut une attitude des plus étranges, plutôt que de me remercier, il se releva et me cracha au visage avant de déclarer :
— Vous nous tuez ! m'accusa-t-il. Vous nous envoyez guerroyer à votre place et laissez les boulets de canon de vos ennemis prendre nos enfants ! Et vous allez recommencer ! Mon aîné est mort pour vous, mon second est estropié à vie et vous voulez m'enlever mon dernier ?
À peine s'était-il redressé, que mes mousquetaires l'entouraient déjà. Le fil de leur épée était collé à leur nuque, prêt à y creuser une marque sanglante.
— Arrêtez, fis-je en retenant leurs bras, brave homme, c'est la colère qui vous fait dire cela. Ne croyez-vous pas que je compatisse à vos pertes ? J'ai connu la douleur de pleurer deux de mes enfants que la maladie a pris. Je prie le Seigneur tous les jours qu'il n'advienne le même destin funeste à l'enfant que porte ma femme. Je comprends tout à fait votre inquiétude et je demanderais à mon ministre que ceux ayant déjà tant donné à la France ne sacrifient encore un de leurs enfants. Je veillerais à ce que votre famille soit récompensée pour ses efforts, quand à votre puîné, il sera accueilli aux Invalides que nous allons bientôt bâtir.
À la grimace qu'il fit, je compris que mes réponses ne correspondaient à ses attentes, toutefois, sa colère était retombée. Je continuais donc, parlant plus fort afin que tous entendre.
— Oui, vous m'avez bien entendu, tous les soldats de France qui seront blessés au combat que nous allons mener en Hollande seront pris en charge : soignés, nourris et logés. Et bien sûr, leur courage célébré. Vous tous, sachez que le Roi connaît vos souffrances et prie chaque jour le Seigneur de les alléger.
Je ne sus si l'homme fut véritablement soulagé par mes dires, toutefois, je comptais les mettre en application, même si, une fois la cérémonie terminée, je fus confronté à mon capitaine des mousquetaires.
— Sire, nous devons mettre cet homme aux arrêts. Votre pitié est le reflet de votre bonté, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'est attaqué publiquement à vous. Peut-être même vous a-t-il contaminé avec sa salive !
Mon cher D'Artagnan avait raison sur ce point, l'homme aussi désespéré fût-il m'avait attaqué, il aurait pu simplement me supplier de l'écouter. Ce que j'aurais fait. J'écoutais chacun, et si je ne pouvais tous les contenter, j'essayais de faire au mieux pour leur bien et celui de la France.
— Je comprends, arrêtez-le discrètement et emmenez-le à la Bastille. Cependant, je veux que ce que j'ai dit soit accompli, que son fils blessé soit pris en charge et que nous laissions son fils cadet auprès de sa mère.
— C'est généreux de votre part, majesté.
J'essayais d'être juste autant que je le pouvais. Ce n'était pas toujours facile ni évident toutefois.
Après une telle journée, aussi agitée qu'épuisante, nous gagnâmes le château le plus proche où une chambre m'attendait. Sous la houlette d'un Bontemps scrupuleux, les médecins vinrent m'examiner afin de vérifier mes humeurs, surveillant les jours d'après tout signe d'une possible contamination. J'aurais pu les rassurer, je ne risquais rien, ni moi ni Saint Louis qui soignait les malades après chaque messe, ne sommes jamais tombé malade après les écrouelles. Dieu nous protégeait alors.
J'espérais qu'Il en ferait autant avec ma Cour et mesenfants et nous protégerait de ces messes noires, malheureusement, je savaisque c'était insuffisant. Il nous faudrait prendre des mesures plus sévères afinde nous assurer qu'en mon absence, toute la Cour ne sombre pas dansl'obscurantisme.
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