o9. the last shattered pieces

TW : PTSD et mention d'abus, d'agression sexuelle, et de traumas si vous n'êtes pas à l'aise avec le sujet je vous déconseille la lecture de ce chapitre, si vous n'êtes pas certain n'hésitez pas à me demander en commentaire ce qu'il contient

- Et là ma mère découvre qu'après s'être attaquée au canapé, Fanny a volé une de ses chaussures ! Elle s'est énervée contre moi pendant je ne sais combien de temps parce que je me suis contenté de la regarder poursuivre Fanny en rigolant.

- Si tu veux tu peux lui dire qu'elle peut m'adopter. Je serais sûrement d'une aide bien meilleure que la tienne, fit Hana d'une voix volontairement pleine de sous-entendu.

Yelena poussa un cri de dégoût en bousculant gentiment Hana qui se contenta d'éclater de rire face à sa réaction. C'est ainsi que les deux jeunes femmes entrèrent dans le refuge, ramenant les cinq chiens qu'elles venaient de partir promener.

- Tu sais que t'as plus besoin de ça pour avoir un prétexte pour voir Hana ? fit Nour en les voyant arriver.

- Malheureusement si Mme Shali, déplora alors Yelena. Nana préfère ses chiens à moi, le seul moyen que j'ai d'avoir un peu de son attention c'est en passant par eux.

Hana leva les yeux au ciel mais ne cessa pas de sourire pour autant.

- N'importe quoi !

Et comme pour lui prouver qu'elle avait tort, elle se planta sur la pointe des pieds et attira sa désormais petit-amie pour lui voler un léger baiser.

- Tentative déloyale ! s'exclama Yelena avant que Hana ne s'éloigne d'elle pour ramener les chiens dans leur box. Miss Jones je ne vous pensais pas capable de tels actes !

Hana se contenta de lui tirer la langue alors que Nour retournait dans son petit bureau dans un léger rire, se réjouissant du bonheur des deux jeunes femmes.

La vie n'était peut-être pas si mal que ça songea Hana en ramenant le dernier chien tandis que Yelena n'attendait même pas qu'elle se soit relevée pour entrelacer leurs doigts.
Elles se dirigèrent de nouveau vers l'accueil et Hana attrapa son sac avec excitation.

- Bon tu vas me dire maintenant où est-ce que tu m'emmène ?!

Yelena se contenta de faire semblant de sceller sa bouche avec ses doigts en guise de réponse. La jeune femme avait prévu d'emmener Hana quelque part pour inaugurer leurs trois mois de relation mais Yelena avait refusé catégoriquement de lui dire où elle l'emmenait. Et vue la dernière surprise qu'elle lui avait fait Hana avait de quoi s'attendre.

Néanmoins elle passa ses mains autour de la taille de Yelena, relevant le menton pour la regarder :

- Allez Lena j'en peux plus d'attendre là !!

Yelena posa ses bras sur ses épaules, étendant ses mains derrière elle, l'observant d'un air faussement pensif :

- Bon, à une condition, elle se pencha pour poser son front contre le sien. Interdiction de faire des blagues sur ma maman !

Hana se détacha de Yelena et posa sa main sur son cœur d'un air dramatique :

- Quoi, tu oserais me forcer à renoncer à mon amour impossible avec ma Melina chérie !

Yelena poussa un nouveau cri de dégoût avant de serrer son visage entre ses mains en guise de représailles. Le sourire de Hana n'en démordit pas. Mais alors qu'elle commençait à prendre son sac, la porte du refuge s'ouvrit d'un coup.

- Désolé nous sommes ferm..., commença-t-elle.

Mais elle se figea brusquement sur place en voyant la nouvelle arrivante.
Parce qu'elle avait l'impression de se voir elle il y a deux ans. Les mêmes traits coréen, la même maigreur apparente, les mêmes cheveux ébènes longs jusqu'à la taille comme il les aimait. Ce même désespoir dans le regard.

- Tout va bien ? ce fut Yelena qui se mit à parler.

La jeune femme fondit sur elle et Hana et se mit à faire des gestes de la main en désignant ses oreilles.
Il fallut un certain temps à Hana pour comprendre qu'elle parlait en langue des signes.

- Oh désolé, commença Hana, je ne...

Mais Yelena se mit à signer en direction de la jeune femme, l'air de vouloir lui demander ce qu'elle voulait.
Cette dernière parut soulagée et tira Yelena dans un coin reculé de la pièce où se trouvaient des chaises, l'air d'avoir un sérieux souci à expliquer.

Hana les observa avec des yeux ronds, peinant à comprendre ce qu'il se passait. Et quelque peu intriguée et impressionnée par le fait que Yelena savait parler la langue des signes. Elle avait trop souvent tendance à oublier qu'elle était aussi une super-espionne...

La porte s'ouvrit de nouveau et elle se tourna vers cette dernière.

Et c'est alors qu'elle le vit.

Sa réaction fut physique avant même qu'elle ne parvienne à pleinement réaliser ce qu'il se passait.
Son corps tout entier fut d'abord parcouru de tremblements si violents qu'elle crut qu'elle allait vomir.
Elle serra instinctivement ses mains sur ses côtés alors qu'elle avait l'impression de ressentir pleinement sa cheville, son poignet, son épaule, sa mâchoire et presque toutes ses côtes se casser une autre fois. C'était comme si son corps était de nouveau recouvert d'hématome.

Et puis sa raison lui revint, et une angoisse viscérale prit possession de tout son corps, une angoisse qui l'empêchait d'ouvrir la bouche ou de penser clairement.

Mathew Bloom s'approcha d'elle avec lenteur, jetant un léger coup d'œil au fond de la pièce où Yelena ne l'avait même pas remarqué, toujours trop occupée avec l'autre jeune femme.
Hana aurait voulu hurler à l'aide mais elle était incapable de faire quoi que ce soit.
À chaque pas que Mathew faisait vers elle, elle en faisant un en arrière, la main tendue devant elle dans un réflexe inutile. Elle sentit le comptoir butter contre son dos et le bois s'enfoncer dans sa colonne vertébrale alors que tout son corps lui hurlait de continuer à reculer. De maintenir une distance entre elle et Mathew, une distance qui ne lui permettrait pas de l'atteindre.

- Salut ! Fit-il de sa voix doucereuse.

Il posa ses yeux sur elle, ou plutôt son œil constata-t-elle alors que la vue de son œil de verre lui fit pousser un nouveau haut les cœurs.
Il fallut tous les efforts de Hana pour ne pas s'effondrer sur place, s'accrochant avec force au comptoir pour que ses jambes ne la lâchent pas.

- Ça faisait longtemps hein... T'as pas changé, t'es toujours aussi resplendissante.

C'était faux. Elle avait changé. Mais en cet instant elle était certainement la même qu'il avait quitté il y a deux ans de cela. Et elle savait aussi parfaitement qu'il pouvait voir sa terreur.
Hana du réunir toutes ses forces pour articuler une phrase qui n'avait pas l'air trop désespéré.

- Qu'est-ce que tu me veux ? Comment tu m'as retrouvé ?

- C'est trop dur pour toi de croire que tu me manquais ?! rétorqua-t-il d'un air agacé.

Hana ne put s'empêcher de sursauter en serrant la mâchoire, les deux mains tendues au-dessus d'elle lorsqu'il ne fit que hausser le ton.
Bon sang, elle était tellement en colère contre lui, alors pourquoi ne parvenait-elle pas à le montrer ?
Il agrippa ses poignets avec force et elle eut envie de hurler.

- Je t'en prie Han' ! Reviens avec moi, je sais que j'ai fait une erreur à l'époque, mais j'ai changé je te le jure.

Une erreur. Hana écarquilla les yeux d'horreur. Son plus grand traumatisme n'était qu'une erreur ?

- Lâche-moi, murmura-t-elle en commençant à se débattre.

- Han'. reprit Mathew qui ne semblait garder son calme que parce qu'il ne fallait pas qu'il attire l'attention de Yelena. Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que ta vie est plus stable depuis que tu m'as quitté ? Que t'es épanouie ? Que toutes tes études t'ont servi à quelque chose ?

Hana avait envie de l'assassiner, parce que c'était sa faute si elle ne pouvait même pas avoir un vrai travail. Mais elle avait déjà bien trop mal pour oser rétorquer quoi que ce soit.
Néanmoins elle essaya de se rappeler du sentiment de puissance qu'elle avait ressenti lorsqu'elle avait hurlé sur ces hommes à New York il y avait trois mois de cela. Elle essaya désespérément de se rattacher à ce moment où elle avait enfin cru pouvoir reprendre contrôle de sa vie. Si bien qu'elle tira contre elle ses poignets avec plus de fermeté avant de commencer à répéter :

- Lâche. Mo...

Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'un éclair argenté passa devant ses yeux et atterrit violemment sur le visage de Mathew.
Hana en profita pour se détacher enfin de sa poigne et se décala d'un bond, manquant de trébucher tant ses membres étaient encore tremblants.
Mathew quant à lui poussa un juron et se redressa d'un coup mais un nouvel éclair argenté lui atterrit dessus et Hana réalisa alors qu'il venait de se prendre deux gamelles sur la tête.
Une troisième ne tarda pas à lui écraser le nez alors qu'une Nour en furie débarquait dans la salle d'accueil en hurlant :

- Dégage !

Elle se plaça entre Hana et lui et le repoussa violemment contre un pan du mur.

- Tires toi d'ici immédiatement !

Mathew l'observa d'un air agacé :

- Ou sinon quoi ?

Un sifflement retentit alors dans la pièce et cette fois ce ne fut pas une gamelle de chien mais un couteau qui alla se planter dans le mur derrière lui, entaillant sa veste. Un second couteau ne tarda pas à se planter juste à côté de son oreille.

Hana écarquilla des yeux de surprise sans cesser de fixer Mathew qui, lui, regardait derrière elle d'un air incrédule. Elle sentit un bras au combien familier s'enrouler autour de ses épaules.
Yelena était presque aussi tremblante qu'elle. Mais elle l'était-elle de colère, un troisième couteau tournoyant entre ses doigts (Hana étant à cet instant trop bouleversée pour s'interroger sur le fait que Yelena se déplaçait avec des couteaux sur elle).
Pour la première fois depuis qu'elle la connaissait, Yelena lui fit peur.

- Tires toi d'ici si tu ne veux pas que le troisième atterrisse dans ton ventre.

Mathew l'observa d'un air plein de dégoût mais Yelena ne flancha pas.
Il finit par pousser un juron et se détacha enfin du mur pour se diriger vers la sortie :

- Bande de cinglée..., persiffla-t-il avant de reposer son regard sur Hana, j'arrive pas à croire que tu m'as quitté pour ça. Anne, on y va.

L'autre jeune femme réagit à peine lorsqu'il l'agrippa violemment par le bras et tous deux quittèrent enfin le refuge.

Hana sentit ses genoux la lâcher avant même qu'ils ne soient plus visibles et son corps se secouer brusquement de sanglot. Yelena comme Nour ne tardèrent pas à s'accroupir à sa hauteur avant de l'éteindre avec force.

- Il est parti Hana, répétait Nour en pressant l'arrière de son dos. Il ne te fera plus rien, il est parti.

- Ça va aller, lui murmurait quant à elle Yelena. On est là, tu es en sécurité ça va aller.

Mais pour l'instant rien n'allait pour Hana. Elle pleurait trop pour être capable de ne serait-ce que formuler une phrase.
Elle entendit à peine Yelena et Nour discuter avec rapidité. Sentit à peine Yelena la relever pour l'emmener quelque part.

Il lui fallut un certain temps pour comprendre que Yelena était en train de la faire marcher dans la forêt qui bordait le refuge. C'était certainement Nour qui le lui avait suggéré. Elle savait que c'était comme ça qu'elle calmait ses plus violentes crises d'angoisses.
Alors elle suivit ses propres conseils et s'accrocha désespérément à Yelena. Les deux marchèrent ainsi durant elle ne savait combien de temps dans la forêt vide. Le silence de cette dernière n'étant brisé que par les pleurs de Hana.
Ceux-ci finirent enfin par se calmer progressivement et finalement elle et Yelena s'assirent sous un arbre. Hana se nichant entre les bras et les jambes de la jeune femme, la tête posée sur le creux de sa poitrine.
Yelena se mit à fredonner American Pie, et comme elle avait essayé de s'accrocher au souvenir de New York, Hana essaya cette fois de s'accrocher à celui de cette matinée.

Il fallut encore un certain temps à Hana pour calmer complètement sa respiration. Pour être capable de dire quoi que ce soit :

- Pard...

- Ne t'avise même pas de t'excuser.

Le ton de Yelena était ferme mais elle n'avait même pas haussé la voix, ni desserré son étreinte de Hana.

- S'il y a quelqu'un ici qui devrait faire des excuses c'est cette raclure quand j'aurais finis de le torturer. Mais certainement pas toi.

Alors Hana se tut, se persuadant du mieux qu'elle pouvait que Yelena avait raison. Que malgré l'œil de verre, malgré l'air désespéré et blessé de Matthew, que ce n'était pas lui mais bien elle la victime dans l'histoire.

- Qu'est-ce que la fille t'as dit ? murmura-t-elle.

- Je ne sais pas trop..., avoua Yelena. Je pense qu'elle était vraiment malentendante mais qu'elle a fait exprès de me parler dans la manière la moins claire possible. J'ai d'abord cru que son copain avait eu un accident, puis que c'était elle qui était en danger... Enfin bon, ce n'était visiblement qu'une distraction dans laquelle je suis stupidement tombée... Et je crois que le fait qu'elle te ressemblait un peu n'a fait que me dérouter davantage.

Hana ne dit rien, essayant de presser chacune partie de son corps contre celui de Yelena. Profitant de son étreinte protectrice plus qu'elle ne l'avait jamais fait auparavant.
Elle aurait aimé rester ainsi à jamais. Mais comme toujours... la réalité finissait par la rattraper.

- Dis, fit Yelena avec le plus de douceur possible. Je, je sais très bien qu'à toi aussi il est arrivé quelque chose d'horrible. Je ne t'ai jamais questionné dessus parce que j'attendais que tu m'en parles la première.

Elle hésita quelques instants.

- Ce que je veux dire c'est que... ce n'est pas parce que je viens de rencontrer ton ancien abuseur que tu es obligé de m'en parler maintenant. Ou m'en parler tout court d'ailleurs.

Hana écarquilla des yeux face à ces paroles. Son ancien abuseur. Elle avait fini par détester Matthew autant qu'elle le craignait. Mais jamais elle n'avait pensé à lui dans ces termes. En fait, jamais avant aujourd'hui elle n'avait vraiment réalisé à quel point il lui avait fait du mal...

- Non, dit-elle. La vérité c'est que je crois que je n'ai jamais vraiment tout raconté à qui que ce soit. Pas même à Nour. Pas même à moi... Mais je pense qu'il est grand temps que j'arrête d'essayer de l'oublier, de faire comme s'il ne m'avait rien fait. Comme si j'étais devenu comme ça sans aucune raison...

Elle s'arrêta un instant alors que Yelena parcourait avec douceur l'arrière de son dos du bout de ses doigts, l'encouragant à continuer. Hana prit alors une grande inspiration, et enfin, elle mit des mots sur son plus grand traumatisme.

- Nos familles étaient amies depuis plusieurs générations avant même qu'on ne naisse. Nos arrière-grands-parents avaient émigré ensemble depuis la Corée du Sud. Alors comme on avait à peu près le même âge on s'est très vite retrouvé à faire la paire. Je n'ai jamais eu vraiment d'autres amis que lui... Dès mon plus jeune âge il a été mon ancrage dans ma vie. Et je crois qu'il s'en rendait parfaitement compte. C'est presque naturellement qu'on s'est mis à sortir ensemble lorsqu'on est entré tous les deux au lycée. Ça n'a surpris personne, nos familles parlaient déjà de notre mariage alors qu'on était que des enfants. Je... c'était un très bon ami à moi, et même si je n'ai jamais vraiment eu de sentiments pour lui j'ai très vite compris que j'étais censé passé le reste de ma vie avec lui.

Elle s'arrêta quelques instants. Parce que même si elle n'avait pas été dans la meilleure des situations avant cela, son sort n'était pas non plus dramatique. Du moins certainement pas par rapport à ce qui allait suivre.

- Mais même si je me forçais à sortir avec lui pour faire plaisir à tout le monde, il y a un cap que je n'ai jamais pu passer avec lui. Ça m'a pris très longtemps à réaliser que j'étais lesbienne. Beaucoup moins à réaliser que je ne pourrais pas non plus coucher avec lui. Et pas seulement parce que je n'étais pas attiré par lui, mais simplement parce que je n'étais sexuellement attirée par personne.

Un nouveau silence, elle jeta un léger coup d'œil à Yelena qui semblait être plus attentive que jamais. Et à nouveau, tout en replongeant dans ses souvenirs, elle passa instinctivement ses bras autour de ses côtes.

- Ça l'énervait. Non, ça l'insupportait que je ne puisse pas coucher avec lui. Il me culpabilisait à longueur de journée, m'assénant que c'était de la maltraitance contre lui. Il semblait encore plus énervé chaque fois que je refusais. Il était même allé en parler à ma famille qui avait tenté de le rassurer en disant que je me préservais pour notre mariage, elle eut un rire amer. S'ils savaient... Ce n'est que lorsqu'on a commencé à vivre ensemble après le lycée qu'il a commencé à être violent avec moi. Je ne sais pas s'il attendait que je me sois éloigné de ma famille. Je ne sais pas si c'était simplement le fait qu'on devenait des jeunes adultes et qu'on avait toujours pas couché ensemble qui l'insupportait. Le fait étant que bientôt... absolument toutes les excuses étaient bonnes pour me violenter.

- Et tu n'as pas essayé d'en parler à ta famille ?

À nouveau Hana fut parcouru d'un rire des plus amer.

- Oh si, mais ils étaient au courant que de tous nos "problèmes", Matthew leur rapportait tout... Alors ils me disaient que c'était ma faute, que c'était moi qui empêchais Matthew d'être en bonne santé et que c'était pour cela qu'il était violent. La seule à s'être réellement inquiétée c'est Nour. À l'époque je vivais à New York et on était toutes les deux bénévoles dans un refuge là-bas. Les chiens c'était déjà mon propre refuge, la seule sortie à laquelle j'étais autorisée... Mais même elle n'a pas pu faire grand-chose. Elle a essayé d'avertir des services sociaux mais personne n'a voulu la croire et les choses de la vie ont fait qu'elle a dû déménager ici...

- Et toi ? demanda Yelena. Tu as bien réussi à te sortir de cet enfer à un moment. Tu n'as pas voulu aller porter plainte ?

- Je ne peux pas. fit précipitamment Hana avant de poursuivre face à l'air perdu de Yelena. Tu as vu son œil de verre ?

Yelena hocha lentement la tête, l'air de ne pas comprendre où elle voulait en venir.
Il fallut un long moment à Hana avant de pouvoir poursuivre, parce que le simple souvenir de cette soirée lui donnait des hauts les cœurs.

- Un soir, il est rentré complètement ivre, fit-elle alors d'une voix blanche. Je dormais mais j'ai très vite senti que quelque chose clochait lorsqu'il a commencé à me déshabiller.

Hana s'arrêta un instant et Yelena la serra un peu plus fort contre elle.

- J'ai essayé de me défendre, de lui crier d'arrêter, mais il voulait rien entendre. Mais..., les coups, les cris, les humiliations, je pouvais le supporter. Mais ça, ça c'était impossible pour moi. Alors mon corps a réagi sans même que je ne le réalise vraiment. J'ai attrapé la première chose qui me venait sous la main et je lui ai planté au visage.... Son œil droit, c'est moi qui le lui ai crevé avec une paire de ciseaux.

Yelena resta un long moment silencieuse, et ce n'est que lorsque Hana releva la tête vers elle qu'elle se rendit compte qu'elle restait bouche-bée.

- Quoi...

- Non pardon, murmura Yelena en posant son front contre son épaule. Je viens juste de me rappeler pourquoi je t'aimais autant... ma petite miss normale encore plus courageuse que tous les Avengers réunis.

Hana ne put retenir un léger sourire alors que Yelena enserrait sa taille avec force.

- Oh du courage il m'en a fallu..., souffla-t-elle. Après ça je me suis littéralement retrouvé à la rue. Matthew hurlait sur tous les toits que j'étais cinglée. Et ma famille ne me croyait pas lorsque j'ai essayé de leur raconter, me disant que j'étais une honte pour nos deux familles. Je suis resté sans domicile quelques mois. Les plus longs de ma vie avant que je ne réussisse à amasser assez d'argent pour me payer un ticket de bus jusqu'ici. Je savais que Nour avait déménagé pour fonder son propre refuge ici. Je savais qu'elle serait compréhensive avec moi... Elle l'a été bien plus que je ne le pensais. Elle m'a accepté dans le refuge sans aucun problème. Mais elle a complètement pété les plombs lorsqu'elle a découvert que je dormais dedans parce que... parce qu'être bénévole ça ne permet pas d'avoir un toit. Et que ma peur des hommes m'empêchait de faire un autre travail. C'est elle qui paie mon appartement, ce n'est pas grand-chose mais un toit et un lit c'est bien assez suffisant.

Cet fois Yelena ne résista pas à plus de quelques instants avant de briser le silence.

- Et maintenant ? Je ne veux pas jouer les troubles fêtes mais cette petite enflure a été assez motivé pour te retrouver à des kilomètres de New York, il ne risque pas de te lâcher de sitôt...

Hana poussa un long soupir. Ça elle ne le savait que trop bien. Le retour de Matthew dans sa vie avait définitivement sonné la fin de cette courte époque de deux ans. Cette courte époque où elle avait fait de son mieux pour se reconstruire après tout ce qu'il lui avait fait...

- Ce n'est pas moi qui m'inquiète..., soupira-t-elle finalement. Je, je ne suis plus seule. Nour et toi êtes là désormais. Et même, j'ai paniqué aujourd'hui parce que je ne m'attendais pas à le revoir. Mais plus jamais je ne le laisserai me traiter ainsi. Non. C'est surtout sa nouvelle copine, cette Anne. Tu l'as dit toi-même, elle me ressemble et... Je ne veux pas paraître égocentrique ou je ne sais quoi mais connaissant ce taré je ne pense pas que ce soit un hasard. Mais..., elle hésita quelques instants. Je ne sais pas si moi je serais capable de faire quoi ce soit.

Yelena posa avec lenteur ses doigts contre son visage pour remonter le sien vers elle, jamais Hana ne l'avait vu aussi déterminée.

- Nana, fit-elle avec force. Je peux aller l'assassiner sur le champ. Je peux te trouver l'avocate la plus qualifiée du pays. Je peux te trouver la meilleure thérapeute possible. Je peux t'assurer que si tu essaies de faire quoi que ce soit contre cette enflure tu auras mon soutien indéfectible et que tu gagneras. Même si tu as blessé ce connard, ce qu'il t'a fait est bien pire, crois-moi. Mais je ne peux pas prendre ces décisions à ta place. Je ne peux pas aller porter plainte pour toi ou essayer d'aider cette pauvre fille... Je peux te jurer que je t'épaulerais dans tout ce qui suivra. Mais l'amour..., ça ne remplace pas les actions de vrais professionnels. Ça ne remplace pas tes propres actions à toi.

Hana sentit de nouvelles larmes s'écouler le long de son visage. Parce que pour la première fois depuis trop longtemps, quelqu'un lui donnait enfin l'impression que peut-être, elle pourrait enfin trouver justice. Que peut-être elle ne devait plus avoir peur, que peut-être elle avait le droit de vouloir demander justice, peut-être en était-elle même capable.
Alors elle hocha la tête avant de murmurer :

- Je veux bien que tu essaies de contacter sa nouvelle copine. Je veux pouvoir discuter avec elle avant de prendre une décision.

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