o3. the notarious lesbian panic

- Non mais quelle ingrate vraiment ! bougonna Hana pour la dixième fois au moins.

Cela n'empêcha pas Yelena d'éclater de rire pour la dixième fois en lançant avec force le bâton que Fanny venait de lui ramener.

- Qui l'a secouru après s'être fait abandonner par un sale type ? Qui lui a donné ce si joli nom ? Qui a réussi à gagner sa confiance pour la faire sortir de son box et aller la promener ?

Yelena ne put retenir un énième éclat de rire.

- Tu es déjà la favorite de tous les chiens ! fit-elle donc en s'accroupissant pour accueillir Fanny qui courrait vers elle. Laisse-moi un peu avoir la mienne !

Hana roula des yeux mais ne put démentir en observant les cinq autres chiens qu'elles promenaient qui se battaient presque pour avoir son attention.
Yelena haussa des sourcils avec un air victorieux, l'air de dire "je te l'avais bien dit".
Hana ne put s'empêcher de rougir en se rendant compte d'à quel point elle était ridicule.

- Et bien tu n'as qu'à l'adopter si t'en es si certaine...

Elle se prit alors d'un coup de passion pour le sol.
Parce qu'elle était là la vraie raison.
Jamais encore Hana n'avait eu de potentiels adoptants qui avaient passés autant de temps au refuge.
Yelena venait la voir presque chaque jour, prétextant vouloir l'assister dans la tâche que Hana faisait pour qu'elle puisse après la connaitre lorsqu'elle adopterait son chien.

Sauf qu'au bout de trois semaines, Yelena avait plus qu'une formation complète...
D'autant plus que son futur chien était déjà tout trouvé. Hana avait beau fanfaronner, Yelena s'était tout autant employé qu'elle à s'occuper avec soin du chien qu'elles avaient trouvées, et que Hana avait décidé de nommer Fanny (sous l'approbation de Yelena).

- C'est vrai que je pourrais la ramener chez moi dès ce soir, dit alors Yelena, sortant Hana de ses pensées. On a déjà commencé à réfléchir à un endroit rien que pour elle avec ma mère.

Le ventre de Hana se tordit instantanément. Elle se baissa pour arriver à la hauteur de Yelena et de Fanny qui ne manqua pas de se coller à elle pour quémander des caresses.

- C'est bien la première fois que je ne voudrais pas qu'on adopte un chien tiens, murmura-t-elle en observant Fanny. Je sens déjà à quel point elle va me manquer.

Hana elle-même ne sut de qui exactement elle parlait. Et c'était bien là tout le problème...
Elle sentit la main de Yelena se poser juste à côté de la sienne, sur la fourrure de Fanny, ses doigts à moitié pressés contre les siens.
Cette fois ce ne fut pas ses joues mais tout le visage de Hana qui s'enflamma. Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais son téléphone se mit brusquement à retentir.

Elle se redressa d'un bond, tentant de s'éloigner du mieux qu'elle pouvait de la jeune femme pour sa propre santé mentale avant de consulter nerveusement son téléphone.

- C'est Nour. Elle nous attend pour fermer le refuge, on est en retard.

Elle n'en attendit pas plus pour se retourner et marcher dans la direction opposée, se maudissant un peu plus à chaque pas.

****

Non mais quelle imbécile... mais alors là quelle imbécile...

Hana se tournait et se retournait dans son lit, un peu plus agacée et éveillée à chaque mouvement.

Mais qu'est-ce qui lui avait pris de dire un pareil truc au juste !? Dans quel monde s'était-elle dit que ce ne serait pas bizarre, que sa réaction par la suite ne le serait pas encore plus ?

Trop perdue dans ses pensées il fallut un certain temps à Hana pour entendre le vacarme qui avait envahi son quartier.
Néanmoins elle revint bien rapidement à la réalité lorsqu'elle entendit le coup feu tout près de chez elle.

Elle se redressa d'un coup.
Certes ce n'était pas inhabituel dans son quartier, son appartement était un petit trou miteux et il n'était pas rare de voir la police débarquer dans sa rue. Mais il n'empêche qu'elle n'en restait pas moins tendue à chaque fois que quelque chose de ce genre arrivait.

Autant dire que son insomnie ne fut qu'encore plus grande, ses pensées et ses insultes envers elle-même doublées désormais d'une bonne dose de stress.
C'est peut-être pour cela qu'elle sentit son cœur se mettre à tambouriner d'un coup au moment où elle entendit un infime bruit contre sa fenêtre, un léger claquement.

Hana n'y tint plus, elle se releva d'un bond et se rua sur l'interrupteur au moment même où elle entendit sa fenêtre s'ouvrir.
Elle ne put retenir un hurlement de terreur lorsqu'elle vit une silhouette s'introduire dans son appartement. Et ce dernier ne fit que redoubler lorsque la silhouette fondit sur elle pour plaquer sa main sur sa bouche.

- C'est moi Hana, souffla la silhouette d'une voix qu'elle ne connaissait que trop bien. C'est moi.

Il fallut encore un certain temps à Hana pour que sa raison prenne le pas sur sa terreur pure. Il lui en fallut encore quelques-uns pour se rendre compte que la silhouette était en fait Yelena.

Ses genoux la lâchèrent sous le choc alors qu'elle sentait sa poitrine se soulever de gros sanglots de soulagement.

- Mon dieu Yelena me fait plus jamais ça. Mon dieu. Mon dieu j'ai cru qu'il m'avait retrouvé. J'ai cru qu'il était revenu me chercher pour, pour...

Elle ne put terminer sa phrase parce que c'était impossible pour elle de ne serait-ce que formuler verbalement tout ce qu'elle avait pu envisager durant le court instant où elle avait cru que quelqu'un d'autre s'était introduit chez elle.

- Oh ma Nana, je suis désolée, ce n'est que moi, Yelena, c'est moi, pardon...

Elle sentit les bras de la jeune femme l'enfermer et Hana accepta cette étreinte protectrice jusqu'à ce qu'elle parvienne à reprendre complément ses esprits tandis que Yelena ne cessait de s'excuser.

- Je ne savais pas où aller.

Ce ne fut qu'à ce moment-là que Hana se rendit compte de la drôle d'odeur qui entourait Yelena.
Elle se détacha avec lenteur de celle-ci en sentant soudain quelque chose de poisseux couler sur sa cuisse.
Elle se rendit compte en écarquillant des yeux que c'était du sang et certainement pas le sien.

- Yelena ?! s'exclama alors Hana en se redressant d'un coup.

Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle put réellement voir la jeune femme. Cette dernière était toute vêtue de noir, mais ses vêtements semblaient particulièrement abimés, couvert de tâches rougeâtres des plus inquiétantes. Hana plaqua sa main sur sa bouche avec horreur.

- Oh mon dieu. Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?!

Yelena releva la tête vers elle avec un grand sourire innocent.

- Pas grand-chose. La plupart du sang n'est pas le mien, mais je crois qu'une balle m'a ouvert la cuisse.

Hana en se rendant compte qu'effectivement, une énorme déchirure parcourait la cuisse gauche de Yelena et que celle-ci ne cessait de laisser s'écouler du sang, aurait peut-être dû appeler les urgences. Mais elle ne put que resté bloquée d'incompréhension.

- Mais... comment ? Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Comment t'es arrivé chez moi ? Pourquoi chez moi d'ailleurs ? J'espère au moins que tu ne t'es pas fait suiv...

- Du calme ma belle, l'arrêta Yelena en levant les deux mains au-dessus de sa tête, l'air de demander une pause.

Ce n'était pas, mais alors là pas du tout le moment de se comporter comme une gamine, la situation n'avait rien de romantique. Pourtant les doigts de Hana qui était toujours plaqué contre sa bouche sous le choc ne tardèrent pas à migrer sur ses joues en espérant que cela suffirait pour ne pas que Yelena ne voit ces dernières devenir rouge pivoine.

Bien Hana, bien... La personne par qui (même si tu ne veux pas l'admettre) tu es attirée est en train de se vider de son sang sur ton plancher et toi tout ce à quoi tu penses c'est au fait qu'elle vient de t'appeler "ma belle"...

Et comme pour ne rien arranger Yelena se redressa à son tour et enleva son pantalon en poussant un bon chapelet de juron.

Elle se vide de son sang Hana, elle se vide de son sang, elle se vide de...

Ses réprimandes ne l'empêchèrent tout de même pas de se sentir rougir jusqu'aux oreilles telle une pauvre imbécile.

- Tu aurais de quoi recoudre une plaie ?

- Tout de suite ! s'écria presque Hana en se retournant brusquement.

Elle manqua de se prendre les pieds dans sa propre couette et arriva presque en tombant sur son bureau qu'elle se mit à fouiller frénétiquement. Elle entendit Yelena tirer l'unique chaise de son appartement et s'asseoir dessus en poussant un grognement de douleur.

Cela eut don de quelque peu faire reprendre ses esprits à Hana.

Reprend toi espèce de sale désespérée ! Tu vaux pas mieux qu'un homme là !

Elle parvint enfin à trouver sa miséreuse trousse de secours et ne put s'empêcher de grimacer en voyant à quelle point cette dernière était rustique. Elle finit cependant par se retourner vers Yelena sans s'empêcher de murmurer :

- Je ne suis pas certaine d'être la meilleure personne placée pour faire ça. Et je n'ai rien pour la douleur...

L'appartement de Hana était si petit qu'il ne fallut à Yelena qu'à tendre le bras pour ouvrir son frigo. Yelena s'arrêta un instant et Hana eut envie de s'enterrer sur place. Elle ne savait pas ce qu'il restait dans son frigo mais Hana ne se souvenait pas de la dernière fois où elle avait eu assez d'argent pour faire les courses... Yelena jeta alors un œil autour d'elle et se rendit compte d'à quel point son appartement était minuscule et en mauvais était. Hana craignit un instant qu'elle ne fasse une remarque dessus mais elle ne tarda pas à retourner vers le frigo avant de se pencher et d'engouffrer sa main au fin fond du petit appareil avec un sourire en coin.

- Ça devrait faire l'affaire.

Hana comprit enfin ce qu'elle faisait lorsqu'elle vit la bouteille à moitié entamée de vodka que Yelena venait de sortir et elle eut encore plus envie de s'enterrer.

Génial, après être passé pour une imbécile voilà que Yelena allait la voir comme une pauvresse alcoolique (ce qui n'était pas tout à fait faux, mais là n'était pas la question.)

Néanmoins elle se rendit bien vite compte que Yelena devrait être bien la dernière personne à la juger par rapport au fait que l'une des rares choses qui lui restait était une bouteille d'alcool. De fait, celle-ci ne tarda pas à ouvrir la bouteille d'alcool avant d'en vider un bon tiers.

- Voilà, déclara-t-elle en décalant sa jambe blessée vers Hana. Maintenant on aura plus besoin de s'inquiéter pour ce qui est de la doul...

Elle s'arrêta d'un coup et Hana ne put retenir un sursaut en entendant alors des cris dans sa rue. Ce fut presque instinctivement qu'elle éteignit sa lumière avant de se pencher près de sa fenêtre avec inquiétude alors que Yelena semblait pousser un chapelet de juron russe. Hana écarquilla des yeux en voyant un petit groupe de personne armées parcourir sa rue se donnant mutuellement des ordres :

- On l'a vu passer par ici ! s'exclama l'un d'eux. Elle ne doit pas être loin ! Vous savez très bien à quel point le boss sera énervé si elle est encore vivante après ce qu'elle a vu !

Cette fois Hana ne rougit pas, bien au contraire, elle se sentit blêmir alors qu'elle reculait de quelque pas de sa fenêtre. Elle se sentit bien rapidement butter contre quelque chose et ne tarda pas à se retourner pour découvrir Yelena au-dessous d'elle. La blonde lui affichant un grand sourire innocent.

- J'imagine que tu vas vouloir une petite explication pour ça aussi... 

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