Chapitre I - Où l'on échappe à une guerre civile
La journée n'avait pas très bien commencée pour Griffe de Nénuphar.
Ce matin, le jeune guérisseur avait trouvé une épine dans son nid, une araignée dans la concoction de soin destiné à Plume de Marguerite, une petite chatte blanche dont la seule vue de ces damoiselles à huit pattes causait une migraine insoutenable à touts les membres du clan, et il avait fait une sorte de rêve étrange et effrayant, qui incluait un félin élancé aux tâches en forme de larme, un animal rondouillet aux poils bruns, un bel oiseau noir et blanc et un petit reptile jaune et noir, tous attaquant un serpent aux crocs qui paraissaient engloutir la vallée entière. Seulement, ce rêve paraissait...fade. Il ne ressentait pas l'excitation et la douceur de sentir sous ses pattes le territoire des guerriers de jadis. Les prophéties étaient souvent de nature cauchemardesque, mais jamais le rêve en lui-même.
C'est à ce moment la que sa sœur, Fleur de Chêne, le targuant qu'un loir pourrait être réveillé avant lui, l'avait invité à la cérémonie d'apprentis de ses rejetons, Nuage de Guépard, Nuage de Vipère et Nuage de Têtard. Le Clan des Esprits n'aurait tout de même pas fait quelque chose d'aussi évident, si ? Même si rien n'affirmait que les auteurs du message était bien des félins étoilés. Enfin, chaque chose en son temps, après tout.
La cheffe du clan, une massive chatte noire et blanche du nom d'Étoile Ailée, avait voulu en profiter pour nommer apprentis les deux chatons de Truffe de Bleuet et Éclair Crochu, Nuage de Pavot et Nuage de Linotte, d'un quart de lune plus vieux, mais qui n'auraient jamais voulu être nommés novices avant leurs amis-quoique Nuage de Pavot avait surtout rechigné quand à cela, mais leur mère avait décidé que c'était mieux ainsi, et il était plus sain de ne pas la contredire-.
Nuage de Vipère, une chatte au pelage bengale plus claire que ses frères avait choisie une classe bien spécifique de guerrier, qui était bien plus axé stratégie et techniques de combat et de chasse, sans oublier les interminables leçons d'histoires ( bien que ponctuées de démonstrations fortes utiles ) sur les différentes guerres de l'Histoire du clan, par Graine de Nuit, un chat si mystérieux et sombre que toutes les minettes tombent devant lui, mais si mystérieux et sombre qu'un seul éclair de son regard glacial peut faire trembler le plus aguerri des combattants. Toujours est-il qu'il avait réussi à éviter une guerre, à en déclencher une autre et à planifier du vol de gibier pour cause de famine lors de la saison froide, ces deux derniers éléments étant étonnement étroitement liés.
Nuage de Têtard, un matou timide et maladroit au pelage possédant des motifs proches de sa fratrie, mais dont la teinte rappelait plus celui de sa mère, voulait devenir bâtisseur. Un métier qui consistait à s'occuper du camp, organiser les cérémonies, aider la matriarche et les reines, à aider le guérisseur, à s'occuper de certaines tâches d'apprentis, à divertir les anciens et les chatons, à consolider les tanières : bref, tout ce qui ne concernait pas la chasse ni le combat. Son apprentissage était supervisé par Croc d'Écureuil, une jolie femelle rousse et blanche qui, malgré son goût apparent pour les batailles et les démonstrations de force, était devenue bâtisseuse en raison d'un problème de dos malheureusement insoignable.
Ironiquement, la sœur de la chatte, une costaude guerrière dorée qui rayonnait comme le soleil au nom évocateur et-absolument-illogique-mais-c'est-Etoile-Ailée de Crinière de Lionne fut nommée mentor de la boule de joie rousse claire tigrée sur pattes qu'était Nuage de Linotte. Son frère, un chat roux sombre tigré, était assigné au Grand et Génial guérisseur du clan qu'était Lui-même, Griffe de Nénuphar.
Mais avant que la tournure des événements ne tombe sur les épaules de ces cinq apprentis, la meneuse avait une autre annonce à effectuer.
-Je vous sait tous impatients de commencer votre apprentissage, oui oui Nuage de Têtard, je sais, sauf toi. Cependant, non Croc d'Écureuil, je ne changerais pas ton apprenti et je ne te conseille pas de faire ce à quoi tu penses parce que sans vouloir te vexer, tu n'as pas plus de force qu'un blaireau nouveau-né, pourriez-vous m'écoutez ? Notre regretté doyen, Coeur de Cerf, est mort voila un coucher de soleil, et il faut pour cela m'écouter. Que son esprit l'entende et l'approuve, je sacre nouveau doyen le plus vieux des anciens, comme le veut la coutume, qui répond au nom de Tige de Pissenlit !
-Qui répond une fois sur deux, oui.
-Ce vieux fou ?
-Si tu n'aurais pas désignée ton frère de lait , qui n'est d'autre que moi, en tant que lieutenant, je t'aurais accusé de népotisme, mais tu as l'air de procéder à d'excellentissimes sélections.
-Quelqu'un m'a appelé ? Ma compagne est revenue ?
-Ta compagne est morte et ent-bref, elle est morte. Alors retourne dans ta tanière et recommande à ta fille aussi écervelée que toi de me choisir en tant que doyenne. Tu n'a pas la sagesse nécessaire pour assoupir les âmes des défunts, ni la mémoire pour colporter les contes. Tout ce que tu sais faire, c'est une nouvelle préparation à base d'herbe à chats et de miel que tu vole chez ce pauvre Griffe de Nénuphar.
Ce dernier n'appréciait pas vraiment que la vieille chatte dédaigneuse essaie de le défendre, surtout que l'aîné essayait plutôt de mettre la patte sur des baies rouges sang, avant que le soigneur ne le redirige vers ses provisions, dont celle de miel, qu'il adorait accompagner de mulot. Le soigneur redirigea son regard vers le veuf. Celui-ci avait le pelage entremêlé, son pelage autrefois d'un beau noir et blanc, aux lignes parfaitement droites, scindant son pelage en deux parties, s'était peu à peu sali et terni, et de petites bestioles dont la seule vue aurait fait mourir de peur Plume de Marguerite parcouraient son pelage comme si il s'agissait d'une jungle angoissante, qui sentait le renfermé...comme dans son rêve.
Même si les paroles et les cris jaillissaient dans la clairière, le guérisseur avait l'impression d'entendre encore les cris de la femelle blanche, mais amplifiés à l'aide d'un bois de cerf creusé. Son esprit était assailli par de petites griffes qui semblaient vouloir briser la barrière de son âme. Ce ne pouvait pas être un message du Clan des Esprits, il en était sur. Premièrement, c'était sombre. Très sombre. Même si il n'avait jamais reçu de présage ou de prophétie, son ancienne mentor, Miel d'Abeille, qui lui avait partagé bien des connaissances ( dont certaines succulentes recettes au miel ), lui avait bien précisé les différentes étapes qui accompagnaient la réception d'une Communication de ses ancêtres. Tout d'abord, une vision prémonitoire, comme un rapide flash. Ensuite, et cela, elle lui avait tant répété qu'il parvenait à s'en souvenir malgré la brume vague qui imprégnait ses pensées, il fallait se rendre au Cercle du Rassemblement, y intégrer les 3 fragments en même temps, car aucun clan n'était égal à l'autre, les mélanger à l'aide d'une vieille branche dans le Creux de l'Union, puis chaque guérisseur se terrait sous un des nombreux regroupement de racines. La, chacun s'endormait, sentant la douce fragrance infiltrer leur museau, et l'on pouvait enfin partager les rêves de ses ancêtres.
Le premier fragment était le Brin de Soleil. Elle était prélevée par le guérisseur, dans un endroit seul connu des guérisseur, comme les autres fragments. Celle-ci se situait dans la partie la plus fournie de la forêt, ou la jungle de lianes laissait seul passer un rayon diaphane qui atteignait un morceau de terre ou poussait une poignée de brins d'herbe d'un vert aussi émeraude que les yeux de Crinière de Lionne. Celui-ci représentait le rayonnement du Clan des Bourgeons, car comme toute graine pouvait tomber pour s'élever plus haut que ses congénères, tout membre du clan pouvait s'élever dans les ombres de la forêt.
Bien que les autres fragments n'avaient leur emplacement connu que par le guérisseur de leur clan, il connaissait au moins leur nom. L'Écaille de l'Horizon pour le Clan de la Plage, et le Duvet de Lune pour le Clan des Neiges. Et puis, il y avait le quatrième fragment même si...
Son esprit ne parvenait même plus à se coordonner à ses pensées. De dehors, on voyait le début d'une guerre civile, un guérisseur planté comme un mouton au milieu d'un champ de ronces et un groupe de novices qui, accompagnés par le messager du clan et leurs mentors, se rendaient chez la Gardienne.
De dedans, on voyait les crocs d'un canidé géant englober la seule lueur d'espoir qui scintillait dans une étendue de ténèbres, et puis plus rien.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top