Chapitre 2
« Salut les amis ! s'écria Elwin en entrant dans la petite bicoque, Médoc derrière lui. Depuis quand est-ce que je fais des consultations à domicile, au juste ?
- Depuis que notre ami ici présent rencontre des problèmes de mémoire. » expliqua M. Forkle en désignant Alvar d'un signe de tête.
Les deux médecins froncèrent les sourcils comme un même homme.
« Il ne semble pas brisé, en tout cas, déclara Médoc, pensive.
- Non. Sophie était catégorique sur ce point lorsqu'elle avait sondé son esprit à Choralmere.
- Mais je rêve où vous avez tripoté mon cerveau sans ma permission ? » s'étonna Alvar.
Keefe se pencha sur Sophie et lui murmura à l'oreille :
« Il me rappelle terriblement ta sœur, quand Alden lui avait annoncé lui avoir officieusement inculqué des bases de Langue des Lumières ! »
La jeune fille frémit à l'idée que l'on puisse comparer sa sœur à un membre des Invisibles.
Personne ne prit la peine de répondre à Alvar, qui semblait encore plus effrayé par le silence de ses interlocuteurs.
« Le problème, expliqua Keefe à Médoc, c'est qu'il ne se souvient plus de qui il est. Nous avons fait des tests pour essayer de faire remonter des souvenirs en lui montrant la tunique des Invisibles, mais rien à faire, il ne se souvient de rien. J'ai tout bien vérifié, ajouta-t-il en prévenant la question d'Elwin, je peux certifier qu'il est sincère.
- Il ne semble pas non plus se souvenir de son... de ses... (Sophie chercha un mot qui conviendrait à la circonstance, en sachant qu'Alden n'avait toujours pas quitté la pièce), de ses...
- De ses agissements. », termina Keefe pour elle.
Sandor esquissa un sourire narquois :
« Et maintenant, chacun termine les phrases de l'autre. N'est-ce pas horriblement mignon ? »
Sophie rougit violemment et s'écarta brusquement de Keefe, mais elle lança à son garde du corps un regard assassin qui devait signifier :
« Tu verras, toi, quand on sera rentrés... »
Pendant ce temps, Elwin avait commencé à projeter des orbes de toutes les couleurs devant le visage, les pieds, les mains d'Alvar. Ce dernier semblait terrifié ; il poussait même un petit couinement à chaque apparition d'une nouvelle sphère colorée.
Les deux médecins étaient penchés sur le patient et l'auscultaient minutieusement.
Au bout de quelques minutes, Elwin s'adressa à l'assemblée :
« Nous ne détectons rien d'anormal. Il est parfaitement remis de son hémorragie, et ses paramètres vitaux sont corrects. En revanche, nous ne pouvons répondre de ses capacités mentales.
- Peut être serait-il judicieux que Sophie fasse de nouveau une incursion dans son esprit, maintenant qu'il est réveillé. Cela nous permettrait de poser un diagnostic beaucoup plus précis, suggéra doucement Médoc.
- Allez savoir ce qui l'attend dans l'esprit d'un homme qui ne grade aucun souvenir de sa vie passée. En plus, maintenant qu'il est réveillé, il pourrait tenter de se défendre, soupira M. Forkle.
- D'autant que cette fois-ci, le Fitzou n'est pas là pour crier haut et fort que Sophie et lui sont Apparentés ! » ricana Keefe.
« Laisse Fitz en dehors de ça, demanda mentalement Sophie à son ami. Je ne veux pas lui infliger une deuxième fois une intrusion dans l'esprit de son frère. »
Keefe acquiesça d'un signe de tête discret.
« La personne dont j'aurai besoin, c'est Tam, si jamais il y a de la Sombrume à soulever, dit Sophie tout haut.
- Mister Frangette : Le Retour ! » marmonna Keefe.
Sophie savait que malgré leurs nombreux points communs, le Ténébreux et l'Empathe ne se supportaient pas. Elle décida d'ignorer la remarque de Keefe.
« Malheureusement, les jumeaux sont sortis en Atlantide avec Tiergan et Wylie, et ils ne renteront pas avant ce soir, soupira Alden, qui semblait avoir enfin retrouvé sa langue.
- Alors remettons le sondage à plus tard. Mieux vaut ne pas tenter l'impossible, décida Elwin.
- De toute manière, Alvar a subi un choc. Il paraît plus judicieux de le laisser se reposer quelques jours, confirma sa collègue
- Je suis d'accord, acquiesça le médecin. Je passerai demain voir si tout va comme je veux. »
Sophie bouillonnait intérieurement. Il y avait des mois qu'elle attendait des réponses. Alvar était une chance inespérée d'en apprendre plus.
Sur les projets des Invisibles.
Les antécédents de Vespéra.
La cache de Fintan.
Mais non. Il fallait encore attendre.
Toujours attendre.
Sa déception devait se lire sur son visage, car Keefe d'esclaffa :
« Allez, Foster, ne fais pas cette tête ! Ce sera pour la prochaine fois, la petite virée mentale avec ton cher Mister Frangette ! »
Sophie leva les yeux au ciel, mais le jeune Empathe ne le remarque pas.
Tous quittèrent la cabane, à l'exception de M. Forkle, restant pour quelques jours au chevet du malade.
« Je rentre, lui souffla Keefe une fois dehors. Ma Terrible Baby-Sitter Au Sabre Très Très Aiguisé est de retour et risque de perdre patience si jamais je rentre trop tard. Sur ce, à plus, Foster ! »
Et il sauta avec un clin d'œil pour son amie.
Sophie esquissa un sourire. Il était incorrigible.
« Ça va ? » demanda la jeune fille en se tournant vers Fitz, resté devant la porte.
Question stupide.
Evidemment que ça n'allait pas.
« Si on veut, marmonna tout de même le jeune télépathe, le visage grave.
- Ne te sens pas responsable de tout ce que ton frère a pu commettre, ou de ce qu'il est devenu. C'est entièrement de sa faute, murmura Sophie. Ne te laisse pas abattre comme l'a été ton père.
Fitz posa ses yeux bleu-vert sur la jeune fille avant de souffler :
« Merci Sophie. Merci de te soucier de moi.
- C'est normal, dit-elle. On est amis. »
Elle avait longtemps espéré qu'elle et Fitz vivent plus qu'une simple amitié. Mais elle commençait à douter de ses sentiments, et ce que Keefe lui avait raconté à propos des émotions bien distinctes du cœur et de l'esprit la perturbait de plus en plus.
Sandor interrompit la conversation d'un raclement de gorge et sauta avec Sophie en direction de Havenfield.
Lorsque Sophie expliqua à ses parents adoptifs dans quel état ils avaient trouvé Alvar, Edaline eut besoin d'une chaise. Elle se laissa tomber dessus avant de murmurer :
« Mon Dieu, après Alden, voilà que c'est le tout d'Alvar. La maladie s'acharne sur les Vacker. Ils doivent être tellement...
- C'est le cas, acquiesça Sophie. Fitz était énervé comme jamais et Alden plus blanc qu'un linge.
- Pourvu qu'il ne rechute pas ! déclara Grady, l'air lugubre. Je ne sais pas s'il pourrait s'en sortir une deuxième fois. »
Sophie frissonna à cette idée.
Elle se dépêcha de chasser ces sombres pensées de son esprit, mais elle se surprit à étouffer un bâillement, ce qui du reste n'échappa pas à sa mère :
« Tu as besoin de dormir ! dit Edaline en se relevant de sa chaise avec difficulté. Comment comptes tu sauver le monde si tu tombes de sommeil comme ça ? poursuivit-elle, se forçant à sourire.
- De toute manière, je n'arriverai pas à dormir. » déclara Sophie, catégorique.
Tous ces problèmes lui trottaient dans la tête sans qu'elle arrive à les chasser. Cela lui paraissait évident qu'elle n'arriverait pas à trouver le sommeil.
« La somnolente est faite pour les situations comme celle-ci, murmura Grady.
- Combien de fois devrai-je vous dire que je ne supporte pas les sédatifs ? s'emporta Sophie.
- Excuse-nous ma chérie, dit Edaline, visiblement peinée. Ton père et moi ne voulons que ton bien. Ça nous fait juste mal au cœur de te voir t'échiner ainsi alors que tu n'es encore qu'une enfant. Je sais que tu n'es pas une enfant comme les autres, certes... »
Ça, Sophie le savait trop bien.
« Mais tu as aussi le droit d'avoir une vie, poursuivit son père, qui ne semblait pas décidé à lâcher le morceau. Les adultes peuvent prendre le relais, ne serait-ce que quelques heures. Je sais à quel point tu es formidable, mais il fait que tu apprennes à déléguer. » termina-t-il.
La jeune télépathe avait déjà entendu ces mots, mais sortant d'une bouche beaucoup moins affectueuse et compatissante que celle de son père.
Pourtant, voilà bien un point sur lequel ses amis et ses ennemis étaient d'accord. Elle devrait sûrement s'y résoudre un jour ou l'autre, alors autant commencer tout de suite.
« Bon, d'accord... grommela-t-elle, finissant par céder. Je vais essayer, je dis bien essayer de me reposer un peu, mais sans sédatifs, avertit-elle.
- Tu ne peux pas savoir comme ça nous fait plaisir. »
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