•12
•Newburyport - Mai 1982
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J'ai déjà rêvé à la mort, mais chaque fois, je me réveillais juste avant d'apercevoir mon corps sans vie. La raison est évidente ; il est impossible pour un être humain de vivre sa mort, même en rêve. Notre cerveau ne connaît pas la mort.
Aujourd'hui, je me vois naviguer à travers l'eau verdâtre, je vois les algues effleurer ma peau, je vois mes yeux se remplir de sable et souffrir. Mais je ne sens rien. Plus rien.
Mes poumons se noient, mon cœur s'accélère pour compenser le manque d'oxygène, mon cerveau meurt petit à petit et bientôt tous mes organes s'arrêteront. Et ce sera la fin. Ma fin.
Je ne sais pas si c'est la surdose d'héroïne qui m'empêche de ressentir ou si c'est simplement parce que mon corps s'est déjà dissocié de mon esprit. Rien à foutre de savoir ou pas parce que le résultat reste le même, je suis libre.
La liberté.
Un énorme silence suivi d'un bruit strident et... plus rien. C'est terminé. Je pars. Malgré mon corps sans vie, mon âme n'a jamais été aussi vivante. Mes sens reprennent un à un, différemment, mais ils vivent à nouveau.
Je dois me mettre en route, car elle m'attend, encore et toujours. Et elle restera là aussi longtemps que je n'y serai pas. Je ne connais pas le chemin, mais rien à faire, je suis mon instinct qui lui semble savoir où se trouve la lumière qui me sortira de ce sombre nuage qui cherche qu'à m'engloutir. J'avance difficilement, mais rien ne m'empêchera d'aller jusqu'à elle.
Une ombre. C'est elle. Elle me regarde approcher, elle m'attend dans son allure fantomatique. Je nage dans cette tempête de vent et de questionnement. Cette apocalypse de peur et de bonheur.
Je pousse un cri animal qui fait sourire Angie.
Mon bras s'avance dans sa direction et traverse un mur invisible qui ne laisse que de minuscules vagues à son passage. C'est la débandade. La fin d'une vie. L'univers chavire et je suis qu'un glaçon dans un verre que l'on secoue furieusement.
Et un bruit d'éclat, je suis projeté dans tous les sens, tout devient froid, lourd et enfin, immobile. Mes dernières pensées lucides sont pour ma maman...
•
J'ouvre les yeux. Je suis étendu sur une matière qui m'est inconnue. Je suis bien, c'est mou et doux. Mon corps autrefois noyé par la souffrance et ma chair meurtrie donne maintenant l'impression d'être aussi frais que celui d'un nouveau-né. Ça me fait rire. Je ris parce que je suis à nouveau bien. Je tourne la tête pour regarder derrière moi. Je vois l'eau du lac, le soleil, mais tout semble terriblement loin. Je veux juste m'éloigner.
Angie. Je veux la toucher, caresser son visage et la sentir contre moi. Malheureusement, mes jambes et mes bras ne répondent pas à mes commandes. La seule chose que je peux faire, c'est de ramper, centimètre par centimètre, aidé par les rafales de vent,
Le sombre nuage qui planait au-dessus de mon corps inerte, s'estompe peu à peu et la silhouette mal définie d'Angie s'éloigne.
– Non pas toute suite, attend encore un peu, je vais y arriver, murmuré-je.
J'y suis presque, elle est là, pas trop loin. Elle danse. Rigole.
J'utilise mes dernières forces pour me rendre jusqu'à elle. Je la touche presque. Une tempête s'amuse autour de nous, mais rien ne nous atteint, nous sommes invincibles dans la fureur de la nature.
Elle s'arrête au-dessus de moi. Je dois forcer mes yeux pour bien la regarder. Ses beaux cheveux blonds valsent au vent. J'ai eu un doute. Un doute atroce. Mais c'est bien elle.
Angie place son doigt sur mon nez et sur mes lèvres avant qu'elle ne dépose sa bouche sur son index pour ensuite le laisser glisser, laissant nos lèvres se rencontrer. Mon corps s'engourdit, peu à peu et je ferme les yeux. Son âme me brûle. Me transperce.
Lorsque mes paupières s'ouvrent, elle s'est déjà redressée, elle me contemple un moment et puis sourit. Un sourire teinté de satisfaction. Je réussis péniblement à l'agripper et une force surhumaine me permet de la faire basculer sur le dos. Je me retrouve sur elle, à inhaler son odeur. Je laisse un long soupir inaudible franchir mes lèvres et dans le grondement du vent, j'éclate de rire.
Nous observons le ciel s'éclaircir, nous rigolons comme deux fous. Et enfin, une lumière nous enveloppe avant de nous engloutir complètement...
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•Send Me an Angel – Scorpions•
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