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Boston - Juin 1977

– Un jour tu seras un musicien célèbre Harry ! Un chanteur rock, puissant et tu auras tellement d'argent que tu pourras t'en servir comme papier Q.

– Ah oui ? Tu penses ça toi ?, demandé-je, en allumant une deux lampes "living Colors" rose. La couleur du Rock. Une couleur hallucinogène.

– Oh que si ! Et c'est pour cette raison que tu vas me faire l'amour ce soir, dit-elle en s'agenouillant devant moi tandis que je m'affaire à sortir les cartons d'un petit bag.

   – En quoi le rapport entre le sexe et ma supposée célébrité, demandé-je en rigolant.

   – Parce que le jour où ta tronche sera en première page de tous les magazines tu auras toutes les femmes à tes pieds et je vais être obligée de te partager.

  – T'es complètement pétée, t'as trop fumé.

   – Peut-être... mais..., elle s'arrête et détache ma ceinture, reste que j'ai envie de toi, poursuit-elle en glissant sa main à l'intérieur de mon sous-vêtement.

   – Commence par avaler ça, dis-je en déposant un papier buvard sur le bout de sa langue.

   – En plus, si tu me baises ce soir, je ne vais même pas me rendre compte que ça fait mal, je vais vivre ma première fois complètement gelée, tu réalises ? C'est complètement fou, se réjouit-elle en tourbillonnant au rythme de la musique.

   – Fou ? Anormal tu veux dire, avoué-je avant de laisser glisser à mon tour le papier imbibé de LSD.

Girl you gotta love your man.
Take him by the hand
Make him understand
The world on your depends
Our Life will never end
Gotta love your man

   – C'est ce que tu veux Harry, tu veux que je t'aime.

Lentement, Angie laisse son corps se trémousser. Ses longs cheveux blonds effleurent au passage mon torse dénudé, me provocant de léger chatouillement. Des milliers de petits boutons de chairs s'élèvent sur ma peau.

   – Ou tu préfères que je te le montre ? Tu veux des paroles ou des gestes, Harry ?

   – J'ai toujours eu un faible pour l'abstrait, lui donné-je comme réponse.

C'est ce j'aime du LSD, tout devient flou, chacun de mes sens ne deviennent qu'un. Entendre, voir, toucher c'est un peu la même chose. Que ce soit au niveau sensoriel ou psychique, la relation fusionne et s'enflamme.

   – Tu comprends ce qu'il raconte Morrison ? demande Angie.

Je hausse les épaules avant de tirer une bouffée de ma cigarette. Est-ce que quelqu'un comprend réellement l'œuvre de Morrison ?

   – Pour apprécier une chanson des Doors il faut du calme, une ouverture d'esprit et beaucoup de courage, réponds-je après réflexion.

   – Du courage ?

   – Ouais !

Le courage d'affronter. Le courage de ne pas froisser l'œuvre avec des allusions supposées ou une interprétation maladroite.

   – Savais-tu que Jim Morrison rêvait d'être poète.

   – Non, je ne savais pas, la seule chose que je connais de lui c'est qu'il était trop sexy, elle répond en laissant ses cils papillonnés.

Si Angie en a que pour sa beauté, moi c'est plutôt son œuvre qui m'éblouit. Des textes comparables à de la poésie. En fait, il était poète. Avec la poésie on peut dire ce que l'on veut. Jim était pareil.

Riders on the Storm est sans aucun doute le testament des Doors. Ce fut la dernière fois que Jim passera les portes d'un studio d'enregistrement. Les derniers mots gravés sur disque. Puisque quelques jours plus tard, il s'est envolé pour Paris, afin d'y mourir dans sa baignoire.

Riders on the Storm... Un cavalier. Un motard. Un homme qui avance dans la tempête.

Nous sommes tous des êtres vivants qui avancent face au vent après tout.

Désespérant... mais réel.

The killer on the road. Le fameux tueur sur la route

Qui est ce tueur ?

Quelqu'un qui nous enchaîne. La drogue ? L'orgueil ?

Peu importe, lui faire confiance c'est comme faire entrer la mort par la grande porte.

Cette chanson représente le monde au travers les yeux d'un type qui sait, sans jeu de mot, comment planer. Il voit tout de très haut. Plus on monte, plus la vie devient abstraite. La vision d'un homme en pleine expérience psychédélique.


Je crois que ça y est... non pas encore. Est-ce une hallucination ? Non peut-être pas finalement. Les minutes suivant la prise d'une drogue hallucinogène se déroule de cette façon. Chaque petite pensée, action ou sensation qu'on peut croire anormale, laisse penser que l'effet a commencé à embarquer, à grimper dans nos neurones. Et finalement, avec un peu de concentration, on réalise que non.

Il suffit de fixer longtemps un objet ou une image pour réaliser que le LSD n'a malheureusement pas atteint notre cerveau. Un cerveau, toujours en attente de l'état d'euphorie tant recherché.

Un bon bain chaud... la chaleur attirera les petits démons dans ma tête.

Plonger dans le bain, Angie se blottit contre moi pour noyer mon corps de caresses, tranquillement l'état de transe s'imprègne en nous.

Mes mains, qui bougent dans l'eau, me procure une drôle de sensation. Je perds pied doucement... Le temps n'existe plus. Mes pensées sont de plus en plus étranges. Lentement, je quitte ce monde. Je pars loin, très loin.

   – Harry, tes pupilles, elles sont énormes.

   – Énorme ? Énorme comment ? demandé-je en espérant qu'elle ne soit pas si grosse qu'elle le prétend.

Il y a toujours une période d'anxiété au début de la psychose toxique. Le stade où tu es assez atteint pour voir et ressentir l'effet du psychotrope, mais pas suffisamment pour être complètement parti. Le peu de lucidité qu'il reste prend alors panique.

   – Gros comme ça, me montre-t-elle en effectuant un rond avec son pouce et son index.

C'est beaucoup trop gros. Je panique. Il faut me changer les idées le temps que je rentre dans une nouvelle dimension.

Je saisis un bref instant de lucidité et entraîne Angie jusqu'à mon lit. Elle s'allonge et rigole. Elle est belle. Plus qu'à l'habitude. Mon corps caresse le sien, le sien caresse le mien.

La musique, l'amour, les tourbillons dans ma tête, plus rien n'existe. Tout existe.

À chaque toucher, nos âmes se mélangent.

J'aimerais voir ses pupilles, mais ses yeux restent cloués. Elle est probablement en train de voyager loin.

Je ne sais même pas si j'ai une érection. Je ne sens plus rien. Toutes mes sensations sont centrées à un seul endroit de mon corps. Mon sexe est mort de sensation, tout se passe dans ma tête. Tellement puissant.

Combien de temps s'est écoulé avant que je m'effondre contre elle ? Une heure, deux, dix... cinq minutes. Je n'ai aucune idée si j'ai atteint l'orgasme. La sensation était si intense que je n'ai pas le souvenir d'avoir déjà ressenti cela par le passé. Je viens peut-être d'inventer une nouvelle sorte de jouissance. Devrai-je lui trouver un nom ?

Sa main reste accrochée dans la mienne prolongeant l'effet orgasmique qui dévore mon corps.

Flower power is in your mind. Le pouvoir du LSD est réel.

Nous demeurons figés, les yeux dans les yeux, fixés l'un sur l'autre comme deux morts surpris d'être revenus à la vie.

   – J'ai rencontré Jésus, il m'a dit que nous allons crever avec tout ce plaisir.

Angie est la première à percer le silence.

   – Il est juste jaloux. Il dit n'importe quoi.

   – Non c'est vrai Harry, il avait des dés et il m'a dit qu'un jour, il tomberait sur le bon chiffre.

   – Et tu l'as cru ?

   – Non, dit-elle en éclatant de rire, parce que je sais de quelle manière nous allons crever Harry ! Comme Jim, complètement stone. Je vais te retrouver mort d'une overdose dans le lit d'une chambre d'hôtel luxueuse, étendu sur tous les billets que la célébrité va t'apporter et moi je vais crever de chagrin. Les femmes de chambres feront la macabre découverte quelques jours plus tard de nos corps en état de putréfaction avancée. Et les pauvres, elles seront traumatisées à jamais et elles consommeront pour oublier. C'est comme une chaîne. La drogue contrôlera le monde Harry, conclus Angie.

   – En fait, tu viens de confirmer qu'il avait raison Jésus.

   – Pas vraiment, il m'a dit que ma mort serait dû au plaisir et dans mon histoire, je n'ai aucun plaisir.

   – T'es trop gelée, Angie.

Elle marmonne quelque chose d'incompréhensible et se resserre contre moi prête à plonger à mes côtés dans une nuit déjà trop noire.

Riders on the Storm
Into this house we're born
Into this world we're thrown
Like a do without a bone
An actor out alone
Riders on the Storm
There's a killer on the road...

▪️▫️▪️

•Riders on the Storm – The Doors•

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