Chapitre 20 : Haunted
♦︎ Narration : Kate Harrington ♦︎
Les coups répétés à ma porte me tirent brusquement de ma somnolence. Je fronce les sourcils, groggy, jetant un regard à mon téléphone. Je me lève d'un bond, traversant la maison à pas rapides.
Quand j'ouvre la porte, je découvre mes parents sur le seuil, et immédiatement, je comprends que quelque chose ne va pas. Maman a le teint livide, les traits figés dans une expression de panique retenue, tandis que Papa, lui, est plus tendu.
Moi : Qu'est-ce que vous faites ici ? demandai-je.
Papa croise les bras, sa voix grave et posée contrastant avec la nervosité visible de ma mère.
Papa : C'est fichu, Kate. Amelia sait.
Mon cœur rate un battement.
Moi : Elle sait... quoi ?
Papa : Que nous ne sommes pas ses parents biologiques.
Les mots me frappent comme une gifle en plein visage. Je reste figée un instant, mes pensées s'entrechoquant à toute vitesse. Puis, je reprends mes esprits.
Moi : Comment c'est possible ?
Maman se laisse tomber sur mon canapé, la main sur son front, clairement ébranlée.
Maman : Elle a mené ses propres recherches... Elle a fait un test ADN.
Un frisson me parcourt l'échine. Je me pince les lèvres, retenant un juron.
Moi : Et vous lui avez dit quoi ? demandai-je, le regard planté sur eux.
Ils échangent un regard rapide, comme s'ils hésitaient encore sur la réponse à me donner.
Maman : Nous avons dit... qu'elle était la fille d'Eliza.
Je me laisse tomber sur un fauteuil, croisant les bras, ma respiration toujours chaotique.
Moi : Vous lui avez parlé d'Eliza ?! M'écriai-je.
Maman : Oui mais pas en détails. Nous n'avions pas le choix, il fallait bien qu'on lui dise quelque chose...
Moi : Et maintenant ? murmurai-je.
Je les fixe, attendant leur réponse, mais en réalité, je connais déjà la suite. Amelia ne va pas s'arrêter là. Elle va chercher plus loin. Et je sens déjà une tempête arriver.
Maman : Elle s'est enfuit. On n'arrive pas à la joindre depuis déjà quelques heures...
Son téléphone se met à vibrer, brisant le silence tendu de la pièce. Elle fronce les sourcils, hésite un instant, puis décroche finalement.
Maman : Allô ?
Elle se fige instantanément.
Maman : Quoi ? Quel ami ? Qu'est-ce qui se passe ?
Papa et moi nous redressons aussitôt. Une angoisse sourde commence à me ronger, même si je refuse de lui donner trop de place. Maman porte une main tremblante à sa bouche, ses yeux écarquillés d'horreur, avant de raccrocher. Quelque chose de profondément désagréable se faufile sous ma peau. Une panique sourde. Mais je l'étouffe. Je refuse de ressentir ça.
Maman : Amelia est à l'hôpital. On doit y aller. Tout de suite.
Papa hoche la tête et attrape ses clés.
Moi : Je viens avec vous.
Ils me lancent un regard surpris. Moi-même, je ne comprends pas pourquoi je viens de dire ça. Mais je n'ai pas le temps d'y réfléchir. On quitte la maison, et je ressens un poids alors que nous nous dirigeons vers l'hôpital.
Les lumières blanches des urgences m'éblouissent à notre arrivée. Le bruit des machines, les murmures des infirmières, l'odeur antiseptique... Je déteste les hôpitaux.
Dès que nous franchissons les portes, nous repérons immédiatement Miles et une dame qui doit sûrement être sa mère dans la salle d'attente. Il est debout, les bras croisés, la mâchoire crispée. Sa mère est assise à ses côtés, visiblement inquiète.
Maman : C'est vous qui avez emmené ma fille ici ? demande-t-elle d'un ton sec, comme si elle les accusait d'un crime.
La dame relève lentement la tête et l'observe, surprise par son hostilité.
... : Oui. Elle a perdu connaissance, nous n'allions pas la laisser sans aide. Mon fils a trouvé le numéro de son médecin traitant en fouillant son portable, donc nous l'avons appelé.
Papa : Où est-elle maintenant ? exige-t-il, coupant court à l'échange.
... : En observation. Le médecin est avec elle.
Maman serre les lèvres, lançant un regard glacial avant d'ajouter avec dédain.
Maman : Si jamais j'apprend que votre fils ou vous-même lui avez fait quelque chose, je vous jure que-
Papa : Chérie, ça suffit. On n'a pas le temps pour cela. Il y a plus urgent à gérer actuellement.
Miles se raidit, prêt à répondre, mais sa mère l'arrête d'un geste. Je me contente d'observer la scène, mal à l'aise. Alors que la mère de Miles se lève, elle jette un dernier regard à Maman.
... : Peu importe ce que vous pensez de moi ou de mon fils. L'important, c'est qu'Amelia soit entre de bonnes mains.
Puis, elle attrape son sac. Miles hésite une seconde, me lance un regard bref, puis suit sa mère hors de l'hôpital. Juste avant qu'elle ne disparaisse au bout du couloir, je murmure, presque instinctivement.
Moi : Merci.
Elle ne se retourne pas, mais je sais qu'elle a entendu. Un peu plus tard, alors que les parents parlent au médecin, je reste en retrait, observant leurs visages tendus.
Docteur : Son état est préoccupant. Elle va devoir être surveillée de près.
Victoria croise les bras, comme si elle pouvait retenir l'information de pénétrer son esprit.
Maman : Elle va s'en sortir, n'est-ce pas ?
Le médecin hésite.
Docteur : Nous faisons tout notre possible. Mais si la situation ne s'améliore pas rapidement... il faut vraiment envisager une greffe. Et rapidement...
Un silence s'installe. Je sens un poids dans mon estomac.
Docteur : Et son père biologique ?
Mon cœur a raté un bond.
Docteur : S'il est encore en vie, il pourrait être compatible.
Maman : Il est hors de question qu'on-
Papa soupire lourdement, comme s'il était au bout du rouleau.
Papa : Si on ne lui dit rien, elle finira par le découvrir toute seule, coupa-t-il. C'est déjà en train d'arriver.
Pendant qu'ils continuent de parler, mon esprit s'évade, entrainant mon corps avec lui. J'entre dans la chambre, et immédiatement, l'odeur aseptisée me prend à la gorge. Je déteste cet endroit. La lumière blafarde éclaire chaque recoin de la pièce, trop crue, trop réelle.
Mon regard se pose sur Amelia. Elle est là, allongée, une perfusion plantée dans le bras, son visage pâle et fatigué. Elle a l'air si fragile. Je devrais repartir. Je n'ai rien à faire ici. Mais je ne bouge pas. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que mes jambes refusent de m'obéir ?
Je m'avance, lentement. Je déteste cette sensation. Cette boule qui se forme dans ma gorge. L'inquiétude. Ce n'est pas moi. Ce n'est pas ce que je ressens, d'habitude. Je ne suis pas censée m'inquiéter. Et pourtant, je suis là.
Et soudain, tout revient. Un flash. Un coup de poing invisible en pleine poitrine. Je suis ailleurs. Une autre pièce. Une autre époque. La panique, brutale, incontrôlable. L'impression d'être piégée dans un cauchemar dont je ne pourrais jamais m'échapper.
Je ferme les yeux une seconde, chassant le souvenir. Non. Pas maintenant. Je ne veux pas repenser à ça. Mais en regardant Amelia, c'est comme si je me prenais un mur en pleine face. Je mords l'intérieur de ma joue, refusant de laisser quoi que ce soit transparaître. Pourquoi est-ce que ça me touche autant ? J'ai passé ma vie à garder mes distances.
Pourquoi est-ce que je me sens... coupable ? Je ne comprends pas. Je ne veux pas comprendre. Je prends une profonde inspiration et recule légèrement. Je dois sortir d'ici. Mais je ne bouge pas. Je reste là un moment à l'observer dormir, avant de retourner dans la salle d'attente.
Je ressens sa présence avant même de le voir. Ethan. Il s'assied à côté de moi, sans un mot. Il ne me regarde pas, et pourtant, je sens son attention peser sur moi, comme une pression silencieuse. Un long silence s'installe entre nous. Le genre de silence qui en dit trop, qui pousse à parler alors qu'on préférerait s'enfoncer dans le mutisme.
Je fixe mes mains, crispées sur mes genoux, essayant d'ignorer le battement irrégulier de mon cœur. Je ne veux pas qu'il soit là. Je ne veux pas qu'il me pose de questions. Mais il brise le silence.
Ethan : Je sais que quelque chose cloche. Dis-moi la vérité, Kate. Je veux t'aider.
Ma gorge se serre. Sa voix est douce. Trop douce. Et c'est insupportable. Parce que pendant une fraction de seconde, j'ai envie d'y croire. J'ai envie de lui dire tout. J'ai envie de lâcher ce poids qui me détruit à petit feu.
Il me prend doucement la main. Je détourne la tête, mais Ethan ne bouge pas. Il attend. Il espère encore.
Ethan : Je sais que tu portes quelque chose de trop lourd. Mais tu n'es pas obligée de le porter seule.
Si seulement c'était vrai. Je secoue la tête, incapable de parler. C'est trop tard, Ethan. Il est trop tard pour m'aider. Et soudain, mes barrières cèdent. Les larmes montent avant même que je ne puisse les retenir. Une brûlure douloureuse me traverse la poitrine, et je déteste ça. Je déteste être faible devant lui.
Je veux lui dire de partir. Je veux lui dire qu'il se trompe, mais je me tais. Finalement, il relâche ma main. Je sens plus que je ne vois son expression frustrée, son regard blessé. Il attend une explication qui ne viendra jamais.
Ethan : J'ai entendu votre conversation.
Lentement, je tourne la tête vers lui.
Ethan : Chez nous. Avant que tu viennes ici...
Son regard me transperce. Je déglutis difficilement.
Ethan : J'ai entendu ce que ton père a dit, Kate. Que ce n'était plus possible de lui cacher la vérité. Que tout allait finir par éclater.
Je détourne immédiatement les yeux, mon cœur battant à un rythme effréné.
Ethan : Je veux comprendre. Dis-moi ce que tu caches à ta petite soeur. Dis-moi ce que TU me caches.
Il attend une réponse. Mais je ne peux pas lui en donner une. Je ne peux pas lui dire. Parce que s'il sait... S'il sait, il ne me regardera plus jamais de la même façon.
Moi : Ethan, laisse tomber s'il te plait.
Il émet un rire amer.
Ethan : Laisser tomber ?
Il secoue la tête.
Ethan : Tu crois que je vais juste faire semblant après ce que j'ai entendu ? Après ce que je vois en ce moment ? Regarde-toi, Kate. T'es en train de t'effondrer et tu fais comme si tout allait bien.
Moi : Je vais bien, Ethan.
Ethan : Tu mens.
Il plante son regard dans le mien, cherchant à percer ma carapace.
Ethan : Je t'ai dit que tu pouvais tout me dire. Que je serais là, quoi qu'il arrive. Pourquoi tu refuses de me laisser t'aider ?
Les larmes me brûlent les yeux. Je ne veux pas qu'il insiste. Je ne peux pas. Je secoue la tête, désespérée. Si je lui dis, il ne me regardera plus jamais de la même façon. Je ne peux pas.
Un silence glacé s'abat sur nous. Je n'ose même plus respirer. Puis, lentement, je le vois se reculer. Il baisse la tête un instant, passant une main sur son visage, comme s'il essayait de se contenir. Quand il relève enfin les yeux, ils ne sont plus aussi doux.
Ethan : Tu sais quoi ?
Il se lève.
Ethan : Fais ce que tu veux. Continue à tout porter toute seule. Mais un jour, tu vas te rendre compte que tu as laissé toutes les personnes qui tenaient à toi s'éloigner. On va avoir un bébé tous les deux Kate, me rappelle-t-il. Mais si tu ne peux pas être honnête avec moi, tout ça ne peut pas fonctionner.
Sa voix est amère. Limite tranchante. Je ne pouvais plus retenir mes larmes.
Ethan : Et à ce moment-là, tu comprendras que c'est toi-même qui as tout gâché.
Il est parti sans que je ne puisse le retenir. Moi, je suis restée là à pleurer silencieusement face à tout ce chaos.
Un mouvement à ma gauche me tire de mon mutisme. Je lève les yeux et vois mon père s'asseoir à côté de moi. Son visage est marqué par la fatigue et l'inquiétude, mais surtout par ce poids invisible qu'il porte depuis trop longtemps.
Papa : Les résultats ne sont pas bons. Son état est en train d'empirer. Plus vite qu'on ne l'avait prévu.
Je ferme les yeux une seconde.
Papa : On n'a plus le choix, Kate.
Je le regarde, sentant cette pointe glaciale s'enfoncer dans mon estomac.
Papa : Il va falloir faire tester leur ADN. On doit savoir.
Je déglutis difficilement, sentant une terreur sourde m'envahir.
Moi : Non...
Papa : Kate...
Moi : Je le vois chaque fois que je la regarde...
Le silence s'abat entre nous. Lentement, l'expression de mon père change. Son visage blêmit légèrement, et je devine qu'il comprend enfin ce que je suis en train d'admettre. Mais avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, je le coupe.
Moi : Mais vous ne pouvez pas. Vous avez pris cette décision il y a dix-sept ans. Alors trouvez une autre solution. Mais vous n'avez pas le droit de faire ça.
Il me regarde avec cet air que je déteste. Cet air de pitié, cet air qui dit qu'il pense faire ce qui est juste alors qu'il ne fait que détruire ce qui reste de moi. Je me lève brusquement, essuyant rageusement mes larmes.
Moi : Si vous osez... si vous leur dites pour elle, ou si vous lui dites pour...
Je plante mon regard dans le sien, cette fois, sans ciller.
Moi : Je ne vous adresserai plus jamais la parole.
Il ne dit rien. Il sait que je suis sérieuse.
Je tourne les talons et quitte l'hôpital sans un regard en arrière, sentant mes jambes à peine capables de me porter. Tout m'échappe. Ma propre vie. Et je refuse de les laisser tout réduire en cendres.
♦︎ Narration: Shawn Bennett ♦︎
La liberté a un goût amer. Cela fait plusieurs semaines que je suis sorti, et pourtant, j'ai l'impression d'être encore enfermé. Le monde a continué sans moi. Les rues de Boston sont les mêmes, mais elles me paraissent plus étroites. Plus oppressantes.
Je travaille dans un garage à Newton, sous les ordres d'un type qui m'a embauché à contrecœur, uniquement parce qu'il devait une faveur à ma mère. Tous les jours, c'est la même chose. Je garde la tête basse, j'évite les regards. Je vois bien comment ils me regardent. Comme si j'étais une tache sur le décor, une erreur qu'on aurait préféré oublier.
Un criminel. Un ex-taulard. Je devrais m'en foutre. Après tout, ils ont raison. Mais c'est épuisant.
Je rentre chez moi après une journée de boulot, et comme à son habitude, ma mère m'attend. Elle est assise sur le canapé, bras croisés, l'air impatient.
Maman : Tu comptes continuer à faire semblant que rien de tout ça ne te concerne ?
Je soupire en retirant ma veste, déjà fatigué de cette conversation avant même qu'elle ne commence.
Moi : On en a déjà parlé, Maman. Je ne veux pas de cette histoire.
Maman : Ce n'est pas une histoire, Shawn. C'est ta vie.
Je me laisse tomber dans un fauteuil, évitant son regard.
Moi : Non. C'était ma vie. Il y a dix-sept ans.
Elle serre les dents, visiblement frustrée.
Maman : Tu es prêt à tourner la page, c'est ça ? Faire comme si rien ne s'était jamais passé ?
Moi : Ouais.
Je mens. Elle le sait.
Maman : Et Amelia, alors ?
Je me raidis. Elle marque une pause, jaugeant ma réaction avant d'insister.
Maman : Tu devrais au moins chercher à savoir si elle est vraiment ta fille.
Mon cœur rate un battement, mais je garde un visage impassible.
Moi : Même si c'était vrai, qu'est-ce que tu veux que je fasse ?
Ma voix est plus sèche que je ne l'aurais voulu. Elle secoue la tête.
Maman : Tu peux fuir autant que tu veux, mais la vérité finit toujours par éclater.
Je ne réponds pas. Parce qu'au fond, c'est ma plus grande peur. Et ma mère le sait.
Moi : Si c'est le cas, tu réalise que tout ça est encore plus grave ? Qu'un enfant ait pu être conçu de l'horreur qu'elle a subi par ma faute ?
Maman : Parce que tu veux me faire croire qu'elle était vierge avant ça ? Que vous ne l'aviez jamais fait tous les deux avant ça ?
Moi : Ça suffit, crachais-je. Je ne veux plus parler de ça.
L'air est trop lourd, les murs trop étroits. J'ai besoin de sortir, de respirer. Alors, j'attrape ma veste et claque la porte derrière moi, ignorant le regard inquiet de ma mère.
Je marche sans but précis, les mains enfoncées dans les poches de mon blouson. La ville me semble différente, comme si elle ne m'appartenait plus. Ou peut-être que c'est moi qui ne lui appartiens plus. Partout où je vais, je ressens cette même chose : des regards furtifs, des murmures étouffés. On me reconnaît.
Je ne devrais pas y prêter attention. Je ne devrais pas penser au passé. Mais c'est impossible. Je suis à peine à quelques rues de chez moi quand une voix me cloue sur place.
... : Je rêve ou c'est bien toi, Shawn ?
Mon cœur rate un battement. Je la reconnais immédiatement. Je me tourne lentement et tombe sur Emma James. Le choc est immédiat. Emma n'a presque pas changé. Son regard est toujours aussi perçant, mais ce n'est plus le même qu'avant. Avant, elle souriait, elle plaisantait. Aujourd'hui, elle me scrute avec méfiance, avec cette lueur de dégoût que je connais par cœur.
Emma : Alors quoi ? Tu refais surface comme si de rien n'était ? Comment ça se fait que tu sois dehors ?
Je garde mon visage impassible.
Moi : Je ne cherche pas d'ennuis, Emma.
Emma : Ah ouais ? T'as cru que t'allais faire ta petite vie tranquille après tout ça ? Que tout le monde allait juste... oublier ?
Je ne réponds pas. Je sais ce qui va suivre.
Emma : Tu lui as tout pris, Shawn.
Je ferme brièvement les yeux.
Emma : Elle t'aimait, tu sais. Elle croyait en toi. Elle pensait que tu étais différent. Mais elle était juste naïve...
Emma fait un pas vers moi, et cette fois, sa voix est plus glaciale.
Emma : Et t'as tout gâché.
Je serre les poings. J'ai envie de partir, de lui dire qu'elle a raison, que je ne mérite même pas d'entendre son nom. Mais mes jambes restent figées.
Emma : Tu crois que t'as payé ta dette parce que t'as fait de la prison ? Tu crois que ça efface ce que tu lui as fait ?
Je baisse les yeux.
Moi : Je n'ai jamais cru que je méritais son pardon.
Emma : Bonne nouvelle : tu ne l'auras jamais.
Ses mots frappent comme des coups de poing. Je devrais être habitué à ça. Depuis que je suis sorti, j'ai entendu les pires horreurs sur moi. J'ai encaissé. Mais là, c'est différent. Parce qu'au fond, je sais qu'elle dit la vérité. Elle souffle, comme si elle était fatiguée de ma simple existence.
Emma : Fais-moi une faveur, Bennett. Ne recroise jamais sa route. Elle a réussi à se reconstruire sans toi. N'essaie même pas d'exister dans son monde.
Je ne réponds pas. Je devrais hocher la tête, lui dire qu'elle n'a rien à craindre, que je n'ai aucune intention d'aller vers Kate. Mais une part de moi se demande... Est-ce que Kate m'a vraiment oublié ?
Emma me fixe une dernière fois, puis s'en va. Je reste là, immobile, les battements de mon cœur résonnant trop fort dans ma poitrine. J'avais passé des années à me convaincre que je pouvais tirer un trait sur tout ça. Mais le passé refuse de disparaître. Et maintenant, je ne sais plus si c'est lui qui me hante... Ou si c'est moi qui ne peux pas m'en détacher.
Je rentre chez moi, mais je n'ai pas l'impression de rentrer quelque part. Les mots d'Emma résonnent encore dans mon crâne, comme des coups de marteau. Je passe une main sur mon visage, fatigué. Comme si je pouvais essuyer quelque chose, comme si je pouvais me débarrasser de ce poids qui m'écrase un peu plus chaque jour.
J'ouvre la porte de la maison et me glisse à l'intérieur sans faire de bruit. Maman n'est pas dans le salon, tant mieux. Je passe par la cuisine et m'arrête en voyant Shonda, ma petite sœur, debout devant le frigo. Elle se fait un sandwich, son téléphone posé sur le comptoir, de la musique jouant faiblement. Quand elle m'aperçoit, elle fronce les sourcils.
Shonda : T'as une sale tête.
Elle s'appuie contre le comptoir, croquant dans son sandwich avant de me fixer, intriguée.
Shonda : Qu'est-ce qui t'arrive ?
Je pourrais mentir. Dire que c'est juste la fatigue, que j'ai eu une journée compliquée au garage. Mais j'en ai marre de mentir.bAlors je soupire et je laisse tomber.
Moi : J'ai croisé Emma James.
Elle arque un sourcil, prenant une gorgée de son soda.
Shonda : La copine de... c'est ça ?
Je hoche la tête.
Moi : Elle m'a dit tout ce que j'avais besoin d'entendre.
Shonda : C'est-à-dire ?
Je serre la mâchoire, fixant un point invisible sur le carrelage.
Moi : Que je suis un monstre. Que j'ai tout gâché. Qu'elle a refait sa vie et que je ne devrais même pas exister dans le même monde qu'elle.
Un silence s'installe. Je sais qu'elle aussi, elle a du mal avec ce que j'ai fait. Elle était jeune à l'époque, mais pas assez pour ne pas comprendre.
Shonda : Et qu'est-ce que tu ressens ?
Je secoue la tête, incapable de me regarder dans le reflet de la vitre.
Moi : Il n'y a pas un jour où je n'y pense pas, Shonda.
Elle ne dit rien, me laissant parler.
Moi : Je me dis que j'aurais dû crever là-bas. Que j'aurais mérité de ne jamais sortir.
Shonda : Arrête... murmure-t-elle.
Moi : Mais le pire, c'est que... Je crois que je l'aime encore.
Shonda écarquille légèrement les yeux. Je passe une main dans mes cheveux, riant jaune.
Moi : C'est ridicule, pas vrai ? Après tout ce que je lui ai fait, après toutes ces années... Comment je peux encore ressentir ça ? On était des gosses, c'est vrai, mais mes sentiments étaient sincères. Je l'aimais vraiment...
Ma sœur me regarde, et je vois qu'elle cherche ses mots.
Shonda : C'est pas ridicule... dit-elle finalement. Mais c'est tordu, Shawn.
Je soupire.
Moi : Je sais.
Un silence pesant tombe entre nous. Finalement, elle reprend une bouchée de son sandwich.
Shonda : Tu veux mon avis ?
Je hoche la tête.
Shonda : T'as fait de la prison, t'as purgé ta peine, mais t'as jamais vraiment payé ce que tu lui as fait. Et toi-même, tu le sais.
Elle fixe son verre, pensive.
Shonda : Je ne crois pas que tu sois un monstre. Mais je crois que t'as bousillé tellement de choses que t'as pas le droit de chercher quoi que ce soit d'elle maintenant, ou jamais en fait.
J'encaisse. Je le sais déjà. Mais entendre ma sœur me le dire me fait plus mal que prévu.
Moi : Je n'ai jamais voulu lui faire du mal, Shonda.
Shonda : Mais tu l'as fait, même si ce n'était pas seulement de ta faute...
Elle pose son sandwich et me regarde dans les yeux.
Shonda : Alors maintenant, qu'est-ce que tu comptes faire ?
Je n'ai pas la réponse. Et c'est bien ça, le problème.
Moi : Honnêtement ? J'ai juste envie de disparaitre...
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