-Je n'arrive pas à me rendre compte que ça fait bien 6 mois que tout cela a commencé... C'est terrifiant. Dans un peu moins de trois mois... Je ne veux même pas y penser...

-Arrête de radoter, grosse moche.

C'était vrai, elle répétait ce genre de choses presque tous les jours depuis qu'Enora s'était carrément installée chez elle, mettant à profit sa voiture pour d'éventuelles complications. Mais tout allait bien. Trop bien. Les rendez-vous médicaux, gynécologiques et échographiques se succédaient en bon ordre. Mais ça ne faisait pas diminuer les inquiétudes de Laura dont la santé était sans cesse tourmentée par les maux de grossesse inopportuns. Elle avait sans cesse mal au dos et végétait dans son canapé. Cela lui faisait prendre énormément de poids, ce qui lui avait valu ce surnom de « grosse moche ». Très bien trouvé.

-Rhoooo, de toute façon, je suis déjà à la recherche d'une salle de sport.

-Tu ne traînes jamais, toi...

En effet, c'était une de ses qualités, sauf en ce qui concernait ses études. Cette année sabbatique était la plus malvenue du monde. Et sa seule source de revenus s'en trouvait être sa meilleure amie dès à présent. Plus que jamais, elle priait pour revenir en arrière. Mais le mal était fait désormais. Elle aurait de loin préféré conserver sa libido inexistante de lycéenne bien pensante.

-Enora ?

-Oui ma grosse moche ?

-Ne m'appelle plus jamais ainsi. J'ai été grosse et moche. Je ne veux plus jamais que ça se reproduise.

-Mais non...

-SI !

Les larmes montaient aux yeux de Laura qui éprouvait cette déraisonnable envie de tout décharger d'un coup.

-Je n'étais jamais assez bien aux yeux du monde entier ! Grosse ! Moche ! Grosse ! Moche ! Tu ne sais pas combien de crises d'anorexie j'ai traversé ! Tu ne sais pas combien de kilos de maquillage j'ai en permanence sur le visage ! Il y a toutes ces choses que tu ne sais pas aussi ! Et voilà comment les choses ont aboutit !!

Elle désigna rageusement son ventre qui la faisait tant souffrir.

Son amie était bouche bée face au spectacle exceptionnel de voir son amie à la fois debout et en colère.

-Attends, ma...

-Non ! Je ne suis ni grosse ni... !

Sa tête commença à lui tourner et elle saignait du nez. Elle s'écroula sur elle-même sans qu'Enora n'ait le temps de réagir.

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Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle se sentait un peu souffreteuse et était allongée sur son lit. A son côté, sa nouvelle colocataire était assoupie. Une vague étrange l'envahit. Elle avait dit des choses... Stupides. Qu'elle regrettait désormais. Comme la plupart des choses de sa vie. Mais elle avait des circonstances atténuantes. Elle était terrifiée à chaque fois qu'elle se retrouvait seule parce qu'elle devait réfléchir à sa vie et sa vie la terrifiait. Elle n'avait jamais trouvé d'accomplissement dans ce qu'elle faisait et elle se demandait bien ce qu'elle pourrait faire d'un gosse alors qu'elle n'avait même pas de travail ! Mais de toute façon, elle le ferait adopter !

Elle eut un instant de lucidité. Et s'il lui en voulait ? Elle-même n'en voulait pas déjà à sa famille ?

Mais que pouvait-elle en avoir à faire ? Elle... elle ne savait plus...

-Tu as toujours été une angoissée de la vie, susurra une voix.

Laura, surprise se redressa pour voir le regard fatigué qui lui avait adressé ces mots.

-ça, c'est quelque chose que j'ai toujours su. Je voyais bien que dès que quelque chose n'allait pas, tu t'emmurais derrière cet horrible sourire et des « ça va » pleins de sous entendus. Mais je n'ai jamais rien dit. Je voulais savoir tout ce que tu cachais aux yeux du monde, pourtant, une partie de moi ne voulait pas te blesser et l'autre... avait juste peur. C'est stupide, je sais.

-Non, pas du tout. J'ai été égoïste, moi. Au final, je ne vaux pas mieux que toi. Toi au moins, tu sais traverser les épreuves. Et puis, tu n'es pas enceinte toi...

Elles se sourirent avec lassitude.

-Puis qu'on en est aux confidences, il faut que je t'avoue que je t'ai toujours aimée.

-Tu n'as jamais été bien discrète.

Laura posa ses lèvres sur celles de son amie.

Enfin... Amie... Désormais...