Chapitre 10
Lorsqu'elle s'extirpa de la voiture, perchée sur ses hauts talons, la première image qui la frappa fut la plus déplaisante qu'il soit. Elle ne parvenait pas à croire qu'elle se retrouvait là où tout avait pratiquement commencé. Le Montmorency, le dernier endroit où elle aurait souhaité se retrouver. A cette ignoble vision, elle eut une nouvelle contraction qui la fit vaciller. Enora se précipita pour soutenir son amie en prenant soin de ne pas froisser sa robe achetée pour l'occasion. A neuf mois de grossesse, on ne rentre plus dans grand-chose.
-Les contractions se rapprochent ?
-Malheureusement, oui. Tu m'expliques pourquoi ici ?
-Il faut refermer toutes les boucles et toutes les plaies, répondit Enora en caressant le ventre qui leur avait causé tant de soucis. C'était prévu depuis le début.
Elles entrèrent pour constater que les couleurs n'avaient pas changé d'un pouce. Rouge, toujours. La couleur du luxe.
Avançant péniblement, elles furent menées jusqu'à la table qui leur était réservée. Heureusement, ce n'était pas la même que la première fois.
Le restaurant Le Montmorency était l'un des plus réputés de Nantes et des alentours. Bien sûr, il n'était pas le seul, mais il n'avait pas à se soucier de la concurrence. Toujours remplit d'un monde fou et comme le samedi soir, ce jour-là justement, était une soirée familiale, la présence des enfants était gracieusement sollicitée. Ce qui expliquait tout cette animation.
La nourriture n'était pas à déplorer, avec un menu varié composé d'aliments prestigieux, des portions adaptées, une présentation assez impeccable et des saveurs que l'on qualifiait d'incomparables.
La pièce, d'une taille inestimable était agrémentée d'effluves agréables et de parfums envoûtants.
Les serveurs étaient d'un admirable professionnalisme, d'une classe et d'une politesse sans égales.
Seul bémol : les prix exorbitants que celui-ci affichait conséquence de tout ce raffinement.
Le restaurant était bondé. Le bruit des conversations était ponctué par le va-et-vient des serveurs et le bruit des couverts dans les assiettes. Et la musique d'ambiance. Et le bruit des rires incessants. Et le bruit des hurlements. Et le bruit des crissements de chaises. Et tout ça en même temps. Et le bruit du sang battant trop fort dans les tempes.
La couleur dominante était le rouge. Un rouge aussi flamboyant que celui du sang. Celui de l'amour passionnel. Des nappes rouges, des chaises en velours rouge, des serviettes rouges, des rideaux rouges, des rouges à lèvres, des fruits rouges, de la viande saignante des verres de vin rouge...
Trop de rouge.
Rien ne changeait jamais.
Et comme ça ne suffisait pas, Enora était devenue bien silencieuse. Voulait-elle rompre elle aussi ? Etait-ce une malédiction ?
-Il faut que cette histoire s'arrête, ma puce.
Un flash de mauvais souvenirs traversa l'esprit de Laura qui se sentit soudainement vulnérable. Le cœur au bord des lèvres, le ventre au bord de l'explosion et les larmes au bord des yeux.
Elle ne pouvait pas l'abandonner... pas maintenant...
-Il faut que tu l'oublies. Arthur. Et si pour cela il faut que tu abandonnes ce bébé, je serai avec toi. Je te le promets.
Enora embrassa la main de sa compagne qui la fixait sans la voir. Elle venait de compter le temps qui rapprochait ses contractions. 8 minutes. C'était trop tard. 8 minutes, 8 minutes, 8 minutes, 6 minutes. Le temps était trop long.
Leurs commandes furent prises puis déposées sur la table, salade césar, magret de canard. Comme une cérémonie. Son corps la brûlait horriblement et son cœur battait trop fort sous l'effet du stress. Ça arrivait. Elle avait horriblement peur.
Le monde sembla s'arrêter de tourner. L'atmosphère s'alourdit subitement. Pour la première fois depuis le début du repas, elle prit la parole gravement.
-J'ai perdu les eaux.
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