Chapitre 4
Un mois. Un mois que j'ai été envoyé au front. Un mois que je m'ennuie. Et... Un mois à me demander si je vais mourir.
Il pleut. Je suis dans la tranchée et je regarde les gouttes tomber du ciel, pareilles à des obus. Elles se dirigent vers moi, pareilles à des balles. Elles s'écrasent sur le sol, pareilles aux corps qui tombent. Je les regarde longuement. Impossible de les compter. Il y en a trop.
« Tu fais quoi ?
Je tourne la tête. Un gars de mon village. Il me regarde. Je dois répondre.
– Je compte les gouttes.
Il rit puis ajoute :
– Tu t'occupes, quoi ! Mais tu ferais mieux de rentrer ! Tu vas attraper froid !
Tu risquerais de mourir. Il ne l'a pas dit mais je l'ai entendu.
Quelle est la meilleure situation ?
Je me le demande.
Comment vais-je mourir ? Déjà, vais-je mourir ?
Je me le demande.
Est-ce qu'il serait préférable de vivre ?
– Aller ! Que fais-tu ? Viens ! exige mon compagnon.
Je soupire mais je me lève et le suis. J'étais bien, à compter les gouttes.
Nous déplaçons dans les boyaux, rejoignant ainsi la troisième tranchée, celle des couchettes et de l'infirmerie.
– On ferait mieux de dormir tant qu'on a le temps !
C'est vrai. Après il faudra se battre. Mais si on meurt, on aura l'éternité pour dormir.
Vaut-il mieux mourir ?
Nous pénétrons là où se trouve nos lits. Je vais m'y coucher tout habillé, une habitude qui m'a gagnée depuis que je suis ici. Une des règles de survie qu'on nous a apprise. “ Ici, en plus des allemands, vous avez d'autres ennemis ! La faim, la soif, le froid, la maladie, les rats. Si vois voulez vivre, vous allez devoir battre tout ça ! ”
J'entends du bruit.
– Merde ! Y'a un assaut ! s'exclame quelqu'un.
Je me lève et repars vers la première tranchée, vers le bruit, vers les armes, vers la mort.
Nous quittons la tranchée. Des balles me frôlent, des corps s'effondrent. Je tire. Je tire sans réfléchir, comme on me l'a appris.
Pan. Pan. Pan.
Pan.
Le bruit résonne dans mes oreilles, bientôt rejoint par d'autres.
Tchik tchak. Tchik tchak. Tchik tchak.
Scritch scratch. Scritch scratch. Scritch scratch.
Je glisse. Je tombe. Je sombre.
Je meurs, tout simplement.
Je meurs.
Dois-je m'en réjouir ?
Je ferme les yeux.
Oui.
*
La guerre continue la mère continue elle tricote
Le père continue il fait des affaires
Le fils est tué il ne continue plus
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