Epilogue Yaël

"Il n'y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve ou on l'accomplit."

René Char

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Cinq ans plus tard

Le stade s'enflamma de notre côté des gradins lorsqu'un but fut marqué par l'équipe de Manchester United. Le match était très compliqué, et le score était plus que serré puisque, au début de cette deuxième mi-temps, les deux équipes étaient à égalité avec seulement un but chacun. Mais malgré la tension et le score étroit entre les deux équipes, l'ardeur et la clameur des supporters faisait vibrer le lieu et poussait les joueurs à donner le meilleur pour obtenir la victoire.

Il fallait dire que nous avions devant les yeux les deux meilleures équipes de cette compétition, en tout cas pour cette saison, puisque nous assistions à la finale de la Premier League anglaise opposant Manchester United à Liverpool. Le vainqueur serait champion.

Et j'espérais de tout cœur que ce serait l'équipe de Manchester qui soulèverait fièrement cette coupe.

J'avais confiance en eux, et en leur potentiel. Surtout lorsqu'ils avaient dans leur rang le meilleur milieu offensif que je n'ai jamais vu. Malgré la difficulté de ce match, j'avais confiance en ce dernier pour distribuer la balle avec fluidité, comme il en avait l'habitude, pour ainsi permettre à son équipe de creuser l'écart et gagner ce match.

Bon, d'accord, je n'étais peut-être pas très objectif. Mais Swann m'impressionnait toujours par son talent, et je crois qu'il ne se passera pas un jour sans que je ne sois envoûté par sa présence sur un terrain de foot. Il était si doué. Et j'étais si fier de lui et de son parcours, si fier de l'avoir vu se battre pour arriver ici aujourd'hui.

C'était la troisième saison que Swann évoluait à Manchester United, son équipe de rêve, celle qu'il supportait depuis qu'il était petit, regardant leur match devant la télé avec des étoiles et des espoirs plein les yeux. Et aujourd'hui il jouait sur leur terrain, après avoir passé deux ans dans ce club de deuxième division qui l'avait repéré et recruté avant qu'il ne quitte l'université pour poursuivre sa passion.

Ce club avait bel et bien été un tremplin, un moyen pour Swann d'affirmer un peu plus sa place dans ce milieu professionnel avant que Manchester ne se montre intéressé par lui, négociant et organisant alors un transfert. Et depuis, Swann ne cessait de faire ses preuves, prouvant à ceux qui en doutait qu'il méritait sa place ici, dans cette équipe.

Depuis cinq ans, Swann ne cessait de briller.

Et à chacun de ses matchs, j'étais présent pour le voir. Je n'en avais raté aucun et j'avais eu l'occasion de le voir s'affirmer, prendre confiance sur le terrain, et faire honneur à son poste, surtout depuis qu'il était titulaire. Mon cœur vibrait à chaque fois avec le sien pendant les minutes où il évoluait sur les terrains. C'était tellement beau à voir. Il était tellement beau.

Il était déterminé. Il s'imposait. Il maîtrisait l'espace comme s'il lui appartenait. Il savait ce qu'il devait faire, et même lorsqu'il se trompait, je savais qu'il donnait tout de lui pour rattraper ses erreurs dans les minutes suivantes où au prochain match. Il volait. Et il ne s'était pas arrêté de voler depuis qu'on l'avait réintégré dans l'équipe d'Oxford cinq ans plus tôt.

Même quand ça avait été dur, même quand rien n'était gagné, même quand il devait encore faire ses preuves et qu'il devait essuyer des critiques, il n'avait jamais baissé les bras. Et moi j'avais été là pour le soutenir tout au long du chemin, le regardant évoluer avec des yeux brillants.

Aujourd'hui, mon cœur était gonflé de fierté. Il martelait dans ma poitrine au rythme des acclamations des supporters. Aujourd'hui, nous étions tous là pour le soutenir et être témoin de ce match qui, nous en étions déjà certains, représenterait un autre tournant dans sa carrière.

Si nos amis ne pouvaient être présents à chacune de ces rencontres, ils n'avaient définitivement pas voulu louper cette finale. C'est ainsi que je me retrouvai alors entouré de Cheryl, Joyce, Austin, Kaitlyn, Iris ainsi que ma petite sœur, qui prenait toujours plaisir à assister à ces matchs.

Selia aurait bientôt quinze ans désormais, et la voir grandir me faisait toujours aussi drôle. Les traits de son visage s'étaient affinés et elle était désormais presque aussi grande que Swann – ce qui faisait parfois rager mon petit-ami. Certains de ses centres d'intérêts avaient changés aussi, même si elle restait la même et gardait son côté espiègle et taquin. Malgré notre différence d'âge, nous étions toujours aussi proches, fusionnels et complices, même si j'avais remarqué que, depuis quelques semaines, Selia semblait préférer appeler Swann plutôt que moi. Je me faisais d'ailleurs un devoir de mettre mon nez dans ce qui ne me regardait certainement pas pour obtenir le fin mot de cette histoire. J'espérais que Swann pourrait m'expliquer pourquoi ma sœur préférait se confier à lui plutôt qu'à moi.

En tout cas, et malgré toutes ces cachotteries, si une chose n'avait pas changé chez Selia, c'était sa passion pour le football. C'était encore toute sa vie, et même si elle ne voulait pas devenir professionnelle, elle évoluait toujours dans son club comme loisir. En revanche, ce qui l'intéressait de plus en plus était la médecine sportive, et plus particulièrement, le domaine de la kinésithérapie. C'est pour ça qu'elle passait beaucoup de temps avec Austin ces derniers temps, pour obtenir ses conseils et échanger avec lui puisque c'était la carrière qu'il avait choisie.

Nous avions tous évolué, nous étions désormais des adultes entamant notre vie active. Joyce, par exemple, enseignait l'histoire dans un des lycées de Oxford. Kaitlyn avait obtenu un poste au service comptabilité dans un hôtel Londonien et Iris l'avait suivie décrochant, grâce à son expérience, la responsabilité du bar de l'hôtel. Les deux jeunes femmes, toujours ensemble et filant le parfait amour loin de la famille de Kaitlyn, voyageaient aussi souvent qu'elles le pouvaient, suivant souvent les conseils de la tante de Swann. Elles ne tenaient pas en place, elles aimaient être libres et ne devoir rendre des comptes à personne.

Cheryl aussi avait repris ses voyages, continuant de parcourir différentes contrées et découvrir des cultures auprès de son journaliste qu'elle avait rencontré en France, Andy, devenu reporter autour du monde. Les deux s'étaient encore rapprochés et ne semblaient plus pouvoir se quitter. Mais elle revenait toujours en Angleterre pour retrouver son neveu préféré et prendre de ses nouvelles, de nos nouvelles.

Swann et moi, nous nous étions installés en banlieue de Manchester depuis qu'il évoluait dans ce club. Swann nous avait déniché une jolie maison confortable mais pas non plus trop imposante. Posséder une grande villa, comme beaucoup de footballeur, ou comme ses parents avant lui, n'intéressait pas mon petit-ami qui préférait nous offrir et nous créer un petit cocon tout douillet dans lequel nous nous sentirions bien tous les deux. Il avait même insisté pour m'aménager une pièce rien que pour moi, une pièce que je pourrais transformer en mon atelier afin de travailler sur mes dessins, mes planches et mes prochains projets.

Swann n'était pas le seul à avoir réalisé son rêve puisque j'avais aussi eu l'occasion de réaliser le mien lorsqu'une maison d'édition jeunesse avait accepté de publier la bande-dessinée que je leur avais soumise quelques mois plus tôt. Après de nombreux refus, j'avais enfin pu travailler sur ce projet qui me tenait tellement à cœur jusqu'à voir ma création vendue en librairie. Y compris dans la mienne.

En effet, avant de voir ma bande-dessinée être éditée, mon premier projet avait été d'ouvrir une petite librairie. Malgré mes nombreuses protestations, et après de longues heures de négociations, Swann était parvenu à me convaincre de le laisser m'aider à bâtir cette petite entreprise. Et depuis je la dirigeais avec un jeune employé motivé.

J'avais voulu rendre ma petite librairie chaleureuse avec ces fauteuils confortables en cuir marron disposés aux quatre coins de la boutique, et mettre principalement l'accent sur des livres anciens, de vielles éditions, mais aussi sur les œuvres jeunesse. Cela faisait quelques mois que la boutique commençait à bien marcher et j'avais pu mettre en place des ateliers pour enfants les mercredis après-midi pendant lesquels je leur apprenais les bases du dessin.

J'aimais ce que je faisais. J'aimais la vie que nous nous étions construits.

Bien évidemment, elle n'avait pas toujours été de tout repos, et ce n'était pas parce qu'elle était belle aujourd'hui que nous n'avions pas dû faire face à d'autres obstacles. Sur notre chemin, il y avait eu du soleil, des éclaircies, mais aussi des nuages. Il y avait eu des hauts et des bas, des désaccords et des disputes, comme pour tous les couples. Mais nous avions toujours sû régler nos différents, souvent créés par de petits riens pour lesquels une conversation suffisait. Nous avions appris à communiquer, et Swann ne rechignait plus à parler, à me dire ce qu'il avait sur le cœur lorsqu'il en ressentait le besoin. C'est ensuite ensemble que nous trouvions une solution à nos problèmes. 

Et ces petits conflits, en plus de ne jamais durer, n'étaient jamais trop fréquents. Ce qui nous laissait du temps pour profiter de notre vie à deux. Nous nous soutenions mutuellement, nous étions tous les deux aux petits soins pour l'autre, et nous profitions de chaque seconde. Nous avions trouvé un équilibre doux, serein, apaisant et apaisé. C'était si agréable.

Je crois que je tombais chaque jour un peu plus pour Swann, et je me fichais que nous ayons toujours l'air de deux amoureux transis, que nous paraissions parfois niais, je savais que cette sensation, ce sentiment, ne s'estomperait jamais. Swann m'aimait, je n'en doutais plus depuis longtemps, et moi j'étais irrévocablement amoureux de lui. Je le savais, Swann et moi, c'était pour la vie.

Et plus rien ne pourrait se mettre en travers de notre chemin. Si un nouvel obstacle se présentait devant nous, nous l'affronterions ensemble. Mais, malgré quelques mauvaises passes vécues depuis que Swann jouait professionnellement et ne cachait pas son couple, notre vie était plutôt tranquille de ce côté-là puisque nous n'avions plus aucun contact avec nos principaux détracteurs. Ceux qui avait voulu nous détruire par tous les moyens cinq ans plus tôt.

En effet, les parents de Swann étaient complètement sortis de sa vie et, avec le temps, mon petit-ami avait appris à faire avec, comprenant bien qu'il n'avait, de toute façon, pas besoin d'eux. Sa mère avait bien essayé de l'appeler quelques fois, mais ces coups de fils impromptus et rares ne duraient à chaque fois que de petites et infructueuses minutes pendant lesquelles aucun progrès n'étaient faits, et Swann en ressortait toujours triste, déçu et blessé. Finalement, cela avait été un soulagement pour lui comme pour moi lorsque ces coups de téléphones avaient cessé d'eux-mêmes au bout de quelques mois seulement.

Son père, lui, n'avait jamais rien su de ces appels, et il continuait à prétendre de ne pas avoir de fils. Il s'était entêté à continuer sa carrière de politicien mais, puisque sa précieuse réputation avait été salie, il n'était plus aussi écouté et suivi qu'auparavant. Depuis le fiasco de ses dernières élections, il n'avait pas réussi à regagner la confiance de ses électeurs, ni même celle de son parti conservateur. Petit à petit, le grand Dave Nelson était en train de tout perdre.

En revanche, Hugo, lui, était revenu dans le paysage. Nous n'avions pas eu de nouvelle de lui pendant deux ans, après son procès. Malheureusement, ce dernier n'avait pas été aussi fructueux que nous l'espérions, mais il fallait s'en douter. Hugo avait bien été condamné, oui, mais seulement à une peine avec sursis et une grosse amende que ses parents s'étaient empressés de payer. Au moins, il avait ensuite eu la décence de faire profil bas et de se faire discret pendant deux années.

Mais depuis, il était devenu le petit protégé de Dave Nelson qui l'avait formé discrètement pour reprendre sa place de politicien dans ce parti qui ne voulait plus de lui. Hugo prenait donc la relève et occupait désormais la place qui avait longtemps été réservée à Swann, contre son gré.

Enfin c'était la carrière qu'il avait entamée avant qu'un scandale à son propos fasse la une de certains journaux locaux ou people. Visiblement, Hugo avait été photographié alors qu'il embrassait quelqu'un d'autre à la sortie d'un petit hôtel, trompant alors sa fiancée... avec un homme. Lorsque j'étais tombé sur cette une de ce magazine people, je l'avais ramené à Swann pour lui montrer. A peine avait-il posé les yeux sur ce torchon qu'il avait laissé échapper un rire amer tout en levant les yeux au ciel avant de se précipiter pour jeter le papier à la poubelle. Je crois que, quoi qu'il arrive, lui comme moi ne voulions plus jamais avoir affaire à Hugo.

Ce fut un cri puissant venant de notre côté des gradins qui me sortit de mes pensées. Si j'en jugeait par l'air bougon de ma petite sœur, je venais de rater une occasion manquée de l'équipe de Manchester. Un coup d'œil au temps qu'il restait et je me rendis compte que le match toucherait bientôt à sa fin. Il fallait qu'un but soit marqué si nous ne voulions pas affronter les prolongations.

Je me concentrai à nouveau sur le match et ne mis qu'une seconde à repérer Swann parmi tous les joueurs présents sur le terrain. Je ne le lâchai alors ensuite plus du regard, l'observant avec fascination. Il était toujours aussi beau lorsqu'il donnait le meilleur de lui-même sur un terrain, lorsqu'il se laissait enivrer par sa passion. Il m'envoûtait. Et il savait très bien envoûter les spectateurs.

L'atmosphère, dans ce stade, était de plus en plus tendue. Les équipes étaient toutes les deux déterminées, sur les dents, et les supporters étaient déchaînés, encourageant leur équipe avec des applaudissements et des chants. L'air était électrique et nous ressentions la pression, cette vibration, dans tous notre corps, par tous les pores de notre peau.

Soudainement, ce fut comme si le temps s'était arrêté, comme si tout se passait au ralenti alors que tous les supporters se calmaient, silencieux, concentrés sur l'action en cours. L'un des défenseurs de Manchester venait, dans un geste splendide, de dégager le ballon de la surface de réparation, la faisant voler au-dessus du terrain et des autres joueurs sur plusieurs mètres. C'est Swann qui la rattrapa, la contrôlant parfaitement bien d'un mouvement du torse puis du genou avant de la maîtriser avec son pied droit. Mes yeux brillèrent lorsque je le vis s'élancer sans attendre vers la surface de réparation adversaire, slalomant entre les joueurs de Liverpool désespérés de récupérer le ballon, surtout dans un moment de jeu aussi crucial.

Mais Swann ne lâchait rien. Au contraire, il redoublait d'effort pour avancer cette balle au plus près des buts de Liverpool. Et il ne se démonta pas non plus lorsqu'il se retrouva acculé devant un mur de défenseur, feintant alors pour lancer et déposer la balle au pieds d'un de ses coéquipiers attaquants. Je crois que tous les supporters présents dans ce stade, qu'ils soutiennent Manchester ou Liverpool, retenaient leur souffle lorsque ce joueur tira en direction du goal et du but adverse. En tout cas, moi, j'étais certain que plus rien n'existait autour de moi à part ce ballon que je regardais s'envoler, j'étais certain que mon cœur battait à tout rompre lorsque nous comprîmes que le tir était cadré, et j'étais certain que mes genoux tremblèrent lorsque le gardien effleura cette balle de son gant avant que cette dernière aille se perdre dans les filets.

Une liesse assourdissante s'éleva de notre côté des gradins à la seconde où nous réalisâmes qu'un but venait d'être marqué. Tout le monde était debout, criant notre joie, sautant, faisant taper nos pieds contre le sol, nous prenant dans nos bras. Je n'étais évidemment pas l'exception, loin de là, puisque je sentis ma voix déjà brisée déchirer ma gorge et que les bras de ma petite sœur ne tardèrent pas à s'enrouler autour de moi. De l'autre côté, Joyce sautait comme une folle en levant son poing en l'air. 

Lorsque je me tournai à nouveau vers le terrain, mes yeux croisèrent un instant ceux de Swann, rayonnant. Je n'eus le temps que de faire un hochement de tête, cet échange ne dura qu'une seconde, mais il était intense, rempli de fierté, de bonheur et d'amour.

Les quelques minutes qui restaient se passèrent dans une atmosphère défensive pour les joueurs de Manchester qui étaient tous réunis de leur côté du terrain pour protéger leur but. Jusqu'au coup de sifflet final.

Instantanément, nos gradins s'enflammèrent dans un hurlement de joie. Nous étions tous debout, laissant exprimer cet instant fugace de bonheur, ainsi que notre reconnaissance auprès des joueurs. Une chaude ferveur s'élevait dans tout le stade, l'embrasant et l'entraînant dans cette ambiance euphorique.

Les joueurs de Liverpool étaient évidemment déçus, dépités, mais ils saluaient avec fair-play et respect les joueurs de Manchester United. Ces derniers rayonnaient. Ils faisaient le tour du stade, les poings en l'air, des sourires sur leur visage, célébrant la victoire avec les spectateurs déchaînés. C'était presque comme une transe, un moment hors du temps. Une communion avec les supporters.

Quelques minutes se passèrent pendant lesquelles ils savourèrent tous cette victoire, avant que quelques-uns ne s'approchent de nous, le côté des gradins où la majorité des familles se trouvaient. Nous nous étions tous rapprochés de la barrière et, sans grande surprise, je pus distinguer Swann qui courait déjà dans notre direction.

Il n'hésita pas une seconde à se jeter dans mes bras. Je le réceptionnai et entourait son dos des miens. Sa chaleur m'enveloppa instantanément, et le sourire qu'il m'offrit lorsqu'il dégagea sa tête de mon cou fut ce qui fit encore un peu plus fondre mon cœur. Prenant mon visage en coupe il m'embrassa avec passion, ardeur. Il souriait toujours à travers notre baiser, et je pouvais le sentir me transmettre tout son bonheur. Il était heureux, et je ne me lasserai jamais d'en être témoin.

Swann n'avait plus peur de s'affirmer, et il n'hésitait plus à venir m'embrasser à la fin d'un match. Il ne se posait plus la question et ne faisait que s'écouter lorsque son cœur lui criait de célébrer sa victoire avec les personnes qu'il aimait. Et même depuis qu'il avait fait sa place et commencé à marquer les esprits dans cette célèbre équipe anglaise, il n'avait jamais caché le couple que nous formions.

Bien sûr, il avait eu son lot de critiques et de détracteurs, que cela vienne de certains supporters ou de membres du milieu professionnel, mais Swann avait toujours su garder la tête haute et se battre pour prouver qu'il méritait cette place et que sa vie privée ne devrait pas être une raison pour juger de son talent, ou le juger lui. Il ne s'était plus laissé abattre, n'avait jamais baissé les bras, face à ceux qui pensaient avoir leur mot à dire sur la façon dont il vivait sa vie.

Evidemment, il y avait eu des jours, voire des semaines, plus difficiles que d'autres, surtout au début, mais j'avais été fier de voir Swann ne jamais abandonner, et toujours se relever à chaque fois un peu plus fort. Il n'avait plus cessé de se battre pour ce qu'il pensait juste et ce combat ne s'était pas arrêté à sa vie personnelle, non, il avait même eu le courage de l'amener aux yeux et aux oreilles de tous pour défendre la cause homosexuelle et s'élever contre toute forme d'homophobie et de discrimination, utilisant alors sa nouvelle position de personnalité publique pour se faite entendre.

Et cela faisait deux ans maintenant qu'il était parrain d'une association qui venait en aide aux jeunes membres de la communauté lgbt qui ont été rejeté par leur parents, mis à la porte. C'était une cause qui nous tenait à cœur à tous les deux, et Swann n'avait pas hésité une seconde lorsqu'on lui avait proposé de prendre part à des actions jusqu'à ce qu'il en devienne parrain.

Cette association mettait en place un hébergement pour des jeunes qui avaient tout perdu et se retrouvaient sans aucun endroit où aller, aucun lieu où dormir. Malgré le traumatisme que certains avaient vécu, ils trouvaient en ce lieu une sécurité, un endroit où personne ne les jugerait, en plus de lits et de repas chauds. L'association leur apportait ensuite soutien, moral et psychologique, ainsi que des moyens pour continuer leurs études ou les reprendre. Il y avait même des ateliers qui étaient organisés afin de permettre à ces jeunes d'avoir une petite pause, le temps d'une heure ou deux et de se vider l'esprit. Je gérais d'ailleurs depuis un an un atelier de dessin pour ces jeunes artistes qui avaient besoin de l'art pour s'exprimer, extérioriser.

Swann était très impliqué, à chaque campagne, à chaque mise en lumière de l'association. Jamais il ne leur avait fait faux bond et avait toujours répondu présent lorsque la cause devait être mise en avant pour mieux se faire connaître ou appeler au don.

Il était tellement impliqué que nous avions nous-même hébergé un jeune de dix-sept ans. Ce n'était peut-être pas la meilleure idée de s'être laissés entrainer aussi personnellement dans son histoire et d'avoir laissé entrer un inconnu dans notre foyer – surtout lorsque celui-ci vénérait complètement le fameux joueur de foot qu'était Swann – mais j'avais compris sa démarche lorsqu'il m'avait expliqué leur rencontre le soir où il avait ramené Eden à la maison.

Ils s'étaient croisés dans un centre de Manchester dans lequel Swann avait rendez-vous avec le directeur pour assurer la prochaine campagne. Il s'apprêtait à sortir lorsqu'il avait vu ce jeune homme, Eden, négocier avec la personne qui gérait l'accueil une place pour la nuit. Malheureusement, ce jour-là, le centre était complet. Seulement Swann n'avait pas pu se résoudre à le laisser à son sort, il en avait été incapable, et je le comprenais. Lorsqu'il avait ramené Eden à la maison ce soir-là, j'avais pu constater par moi-même à quel point le jeune homme était frêle, il semblait fragile, désorienté, perdu. Il n'avait qu'une pauvre veste et un petit sac à dos, son œil gauche était habillé d'un cocard et malgré le feu et le défi qui brillait au fond de ses prunelles, les traces de ses larmes étaient encore visibles. Il paraissait sauvage et déterminé mais il était encore si jeune et si innocent, et ses jambes tremblantes n'avaient pas échappé à mon regard. Je n'osai même pas imaginer ce qui aurait pu lui arriver s'il avait dû dormir dans la rue ce soir-là, si Swann n'avait pas croisé son chemin. Alors nous l'avions accueilli et hébergé.

Aujourd'hui, Eden avait quitté la maison pour retrouver sa grande sœur à Londres. Elle aussi avait des rapports compliqués avec ses parents et avait disparu de leur vie depuis quelques années mais, au vu des circonstances, le frère et la sœur avaient repris contact et elle avait accepté avec plaisir de l'accueillir. Eden passerait donc ses vacances d'été auprès d'elle avant de faire sa rentrée à l'université de Londres. Nous l'avions aidé et motivé à continuer ses études et passer son diplôme.

Nous étions toujours en contact, et je crois que nous garderions toujours de l'affection pour Eden. Il avait passé quatre mois à la maison et nous étions devenu proches, comme un petit frère adoptif dans notre famille.

Je sortis de mes pensées lorsque je vis les joueurs se réunirent enfin, une fois le podium installé, et se mettre les uns à la suite des autres. Rapidement, et un par un, ils reçurent leur médaille avant de rejoindre leur capitaine sur le podium. Une fois toute l'équipe réuni, nous retînmes tous notre souffle jusqu'à ce que le capitaine se voit être remis une coupe qu'il s'empressa, dans un cri de joie, de soulever fièrement devant tous ces supporters pour témoin. C'était incroyable, une euphorie hystérique faisait vibrer l'immense stade. Et lorsque la coupe fut passée à Swann, je cru que mon cœur allait sortir de ma poitrine.

J'avais toujours cru en lui, mais voir ça de mes propres yeux, le voir dans son élément, voir ce sourire interminable étirer ses lèvres, voir ses yeux briller, c'était si envoûtant, enivrant. C'était magnifique. Et je me nourrissais de cette vision merveilleuse.

Ce fut deux heures plus tard que nous passâmes enfin les portes de notre maison. Swann était toujours euphorique, excité comme un gamin, mais nous avions préféré rentrer dans le calme de notre foyer après qu'il ait dû faire un passage obligé à la conférence de presse et la soirée organisée pour fêter la victoire. Swann n'était pas fan de ces fêtes où les excès régnaient et dans lesquelles il devait juste être là pour se montrer, il préférait souvent savourer le succès d'un match auprès de moi, au calme, ou entre amis. Même lorsqu'il s'agissait d'une compétition officielle et d'une coupe aussi prestigieuse que celle de la Premier League anglaise.

Ce soir, nous ne serons rien que tous les deux. Kaitlyn et Iris étaient déjà reparties, quant à Austin et Joyce ils avaient préféré ne pas tarder à rejoindre leur hôtel puisqu'ils devront prendre la route pour Oxford très tôt le lendemain. Même Selia avait préféré prendre une chambre d'hôtel avec nos amis puisqu'ils devront la ramener chez mes parents, et puis elle ne voulait pas devoir subir avec nous la soirée d'after ni, je cite "être témoin de nos niaiseries et de nos effusions d'amour".

Je pourrais donc profiter de Swann comme je le voulais sans être dérangé. Je posai d'ailleurs mes mains sur ses hanches alors qu'il s'approchait de moi. Il sautillait comme un enfant, et son sourire était si communicatif que je ne pus faire autrement que de l'imiter.

— J'arrive pas à y croire ! s'exclama un Swann pétillant de bonheur. On a gagné, et j'ai participé à cette victoire ! On est champions ! J'aurais jamais imaginé réussir à accomplir ça ! J'ai dû mal à réaliser.

— Et pourtant je t'assure que c'est réel, Swann, lui soufflai-je. Tu as été incroyable. Et si tu as du mal à y croire, je pense que cette photo de ton équipe soulevant la coupe qui fera certainement la une de tous les magazines sportifs anglais t'aidera à en prendre conscience.

— Tu imagines ce que dirait mon père s'il la voyait, cette une ? lança-t-il.

— Alors ça lui prouverait une fois de plus que tu n'as pas besoin de lui pour réussir, et pour briller.

Swann me sourit à nouveau, un sourire si irrésistible que je me penchai déjà pour l'embrasser. Seulement je n'en eus pas le temps puisque nous fûmes interrompus par la sonnerie du téléphone de Swann. Je vis se placer sur son visage un air interrogateur alors qu'il se demandait, tout comme moi, qui pouvait l'appeler à une heure pareille, surtout qu'il s'agissait d'un numéro inconnu.

— Allo ? dérocha-t-il d'une petite voix alors que je fronçais les sourcils lorsqu'il s'éloigna de moi de quelques pas. Oui c'est bien moi... Oui, évidemment... J'en serais honoré... D'accord, merci... Merci énormément... Bonne soirée à vous aussi, au revoir, monsieur.

Toujours confus, et curieux, je ne lâchai pas Swann du regard. Ses yeux se posèrent instantanément sur moi lorsqu'il se retourna dans ma direction. Il avait l'air tétanisé, mais je n'arrivais pas à deviner ou comprendre l'expression de son visage. Je haussai alors un sourcil, n'osant pas prendre la parole, pour lui intimer de m'expliquer le contenu de ce coup de fil tardif.

Swann ouvrit la bouche dans un halètement mais resta silencieux encore quelques secondes avant de prendre une grande inspiration.

— C'était le sélectionneur de l'équipe nationale d'Angleterre, commença-t-il tout doucement, la voix tremblante. Yaël, je... il me veut dans l'équipe d'Angleterre pour les prochains matchs qui arrivent. Je suis sélectionné !

Je restai abasourdi quelques secondes avant de comprendre pleinement ce que Swann venait de me dire. Tout se passa alors ensuite très vite, puisque je m'élançai vers Swann au même rythme que mon cœur qui sortait de ma poitrine. Mes bras s'enroulèrent autour de lui jusqu'à le porter. Mon petit-ami se laissa faire et enroula ses jambes autour de mes hanches, nichant sa tête dans mon cou.

Lorsqu'il recula sa tête, j'aperçus un sourire comme j'en avais rarement vu. Je plongeai dans ses yeux bleus brillants d'émotions puis avançai mes lèvres vers les siennes pour un baiser passionné.

— Je vais jouer pour l'équipe d'Angleterre, répéta-t-il encore une fois d'une manière frénétique, comme s'il n'arrivait pas encore à y croire.

— Je suis tellement fier de toi, Swann, soufflai-je contre ses lèvres. De tout ton parcours, de l'homme que tu es. Tu le mérites, Swann, et je suis impatient de te voir porter le maillot d'Angleterre. Le monde entier doit connaître Swann Nelson.

Cette fois-ci, ce fut Swann qui prit l'initiative de notre baiser, un baiser qui s'enflamma bien rapidement. Je voulais lui transmettre tout mon amour, toute ma fierté. Swann s'était accroché, et le voir grimper les échelons progressivement dans ce milieu avait été magique. C'était si beau de le voir chaque jour vivre son rêve. Et j'avais hâte d'en être encore témoin pour les prochaines années à venir.

J'ai toujours été amoureux de Swann, mais je n'aurais jamais imaginé parvenir à construire une vie comme celle-ci avec lui, auprès de lui. Je pensais que je ne pourrais qu'en rêver. Mais aujourd'hui, notre vie était encore meilleure que celle de mes rêves. Elle était parfaite. 

Nous étions heureux, tous les deux. Nous étions heureux et épanouis dans nos vies professionnelles. Nous étions heureux et épanouis ensemble, dans notre couple.

Et je n'aurais jamais pu rêver mieux.

♠️♠️♠️

Hey !

C'est avec beaucoup d'émotions que je vous dévoile et vous livre ce premier épilogue. Oui, je suis déjà émue alors qu'il nous en reste encore un deuxième mais on s'approche quand même dangereusement de la fin et ça devient compliqué pour moi de laisser partir mes petits personnages. Mais je suis en même temps ravie de vous partager cet autre petit bout de la vie de Swann et Yaël.

Vous l'avez vu, cet épilogue - tout comme le prochain qui suivra chronologiquement directement celui là - se déroule 5 ans plus tard. Nos personnages ont grandi, ils ont évolué, ils se sont construit une vie, et ils ont réalisé leur rêve. Je suis tellement fière d'eux, fière de vous partager ce parcours que j'ai imaginé pour eux cinq ans après.

Je crois que j'ai pas mal de questions à vous poser, alors m'en voulez pas trop...

Déjà qu'avez vous pensé de ce premier épilogue ? J'espère qu'il vous aura plu.

Swann évoluant désormais pour l'équipe de Manchester United ? Son équipe gagnant la finale de la Premier League ?

Yaël réalisant son rêve aussi en ayant la possibilité de publier sa bande-dessinée ? Et l'ouverture de sa librairie ?

Les amis, Cheryl, Selia : leur évolution ?

Swann n'ayant plus peur de s'affirmer, même en tant que personnalité publique, d'affirmer son couple ?

L'implication de Swann et Yaël dans cette association qui aide les jeunes lgbtq+ ? Swann étant le parrain et Yaël organisant des ateliers ? Le jeune Eden qu'ils ont aidé en l'accueillant chez eux ?

Swann sélectionné en équipe d'Angleterre ?

Nos amoureux toujours aussi amoureux depuis cinq ans ?

Allez, j'arrête de vous embêter avec mes questions. Je suis maintenant super impatiente de lire tous vos commentaires !

En attendant, nous on se retrouvera vendredi pour le deuxième épilogue, toute dernière partie de cette histoire. La partie remerciements suivra tout de suite après. Et puis ce sera la fin... Je suis déjà émue mais il nous reste encore une partie à savourer tous ensemble et celle-ci je suis aussi très impatiente de vous la partager !

D'ici là je vous souhaite une très bonne semaine et je vous embrasse très fort !

À bientôt, T.

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