60. Fly Away

"Je n'aimais pas regarder en arrière, et j'abandonne au loin mon passé, comme l'oiseau, pour s'envoler, quitte son ombre."

André Gide

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Swann

Yaël était beau. Dans ma chambre, adossé à ma tête de lit, un crayon à la main, concentré sur son bloc à dessin, il n'avait rien besoin de plus pour attirer mon attention. Je ne voyais que lui, ses yeux sombres étincelants rivés sur sa feuille, ses cheveux noirs dont une boucle retombait sur son front, ses lèvres qu'il torturait, les mordant à mesure qu'il faisait courir son crayon sur le papier. Il était beau.

Installé en face de lui, mon dos posé contre le cadre de lit, cela faisait plusieurs minutes que je l'observais, que je ne parvenais pas à détacher mes yeux de mon petit-ami. En réalité cela faisait plusieurs minutes que je faisais semblant de travailler. Mon ordinateur posé sur les genoux, j'étais censé finir un devoir pour un de mes cours de politique. J'avais à peine retenu quel était le cours exact, ce n'était pas bien important et ça revenait au même, ils étaient tous mortellement ennuyeux.

Yaël était une bien meilleure distraction. Je préférais largement laisser mes yeux redessiner sa silhouette, inspecter chaque détail de son visage et examiner chacun de ses mouvements. Les sourcils froncés, il s'appliquait. Ses traits de crayons semblaient précis, réguliers, expérimentés.

Cela devait bien faire une heure qu'il ne m'avait plus accordé une seconde d'attention. Il restait obstinément concentré sur sa feuille, ne me lançant que quelques brefs regards de temps en temps. Moi, je n'arrivais plus à travailler, pas quand j'avais l'adorable homme que j'aimais devant moi. Et, aussi beau était-il, je commençais à m'ennuyer, désirant désespérément qu'il se préoccupe de moi. Une idée bien plus alléchante que ce maudit devoir de politique.

Et puis ce dessin qu'il était en train de perfectionner m'intriguait. Ses dessins, qu'il ne m'avait plus montré depuis que nous étions petits, m'intriguaient. Je n'avais toujours pas eu l'occasion de mettre le nez dans ce bloc qui renfermait ses œuvres. Et aujourd'hui, alors que la motivation avait quitté chaque parcelle de mon corps, semblait être le moment rêvé.

— Tu dessines quoi ? lançai-je soudainement, d'une voix presque enfantine.

Je n'eus pour seule réponse qu'une légère œillade. Quelques secondes, c'est tout ce que j'obtins de ses yeux, une attention bien trop insuffisante pour moi. Et ce sourcil haussé ainsi que son petit sourire malicieux me rendaient encore plus curieux. Je voulais savoir, et je savais que le gamin insupportable, impatient, insistant et légèrement ennuyant en moi allait ressortir. Et Yaël le savait très bien aussi.

— Allez, montre-moi, insistai-je en faisant trainer la dernière voyelle, capricieux.

Toujours ce même sourire. Aucune autre réaction à part ce coup d'œil, ce regard de défi. Un défi que je relevai bien volontiers. J'obtiendrais ce que je voulais.

Alors, d'un mouvement brusque et soudain, j'attrapai mon ordinateur, encore sur mes genoux, et le posai un peu plus loin. Je n'attendis ensuite pas une seconde de plus pour me hisser sur mes bras et glisser jusqu'à Yaël, grimpant sur lui. Mes jambes de part et d'autre de son corps, je l'écrasai délibérément pour qu'il ne bouge plus, pour qu'il ne se dérobe pas sous mon assaut, même s'il ne semblait pas s'en plaindre.

Je tendis vivement mon bras vers son carnet, dans le but de lui voler, cependant Yaël sembla anticiper mon mouvement puisqu'il retira rapidement son bras, levant son bloc à dessin haut au-dessus de ma tête et me retenant de son autre main pour être certain que je ne l'atteindrais pas. Je luttai pourtant, mais Yaël paraissait déterminé à ne pas me laisser l'emporter.

Alors je décidai de changer de stratégie. Je n'avais pas dit mon dernier mot, et je savais comment le faire craquer.

Je poussai un soupir et cessai de résister, laissant retomber mes bras. Mes yeux sur lui s'adoucirent alors que je plongeai mon regard dans le sien, arborant la mine la plus adorable que j'avais en stock. Puis je me penchai vers son visage, jusqu'à sentir son souffle rencontrer le mien.

— S'il te plaît, je veux juste jeter un coup d'œil, murmurai-je tout contre ses lèvres. On peut partager tous nos secrets, maintenant.

Je n'attendis aucune réponse, préférant rompre la distance entre nous et l'embrasser tendrement. Puis, je laissai mes lèvres vagabonder sur sa peau, au coin de ses lèvres, sur sa joue, jusqu'à descendre dans son cou dont je pris soin avant de remonter vers le lobe de son oreille. Progressivement, je le sentais se détendre contre moi, ses muscles se relâchaient et son bras, qu'il tenait encore au-dessus de nos têtes, retomba doucement. Comme je l'avais prévu.

Je n'hésitai pas une seconde et me précipitai pour m'emparer du carnet que j'ouvris instantanément sous le regard résigné et amusé de Yaël. Je tombai rapidement sur ce dessin qu'il peaufinait encore avant que je ne l'interrompe. Je haussai un sourcil en me reconnaissant très clairement, découvrant ma silhouette sur ce lit, dans la même position que j'occupais il y avait quelques minutes. Cela expliquait les petits regards qu'il me lançait de temps en temps.

Comme toujours, j'étais impressionné par son talent. Chaque coup de crayon était pensé, chaque détail était travaillé, que ce soit pour donner de la densité à mes cheveux ou faire pétiller mes yeux, pour révéler une œuvre très proche de la réalité. Je n'avais pas de mal à me reconnaître, c'était même très étrange de me voir sur papier presque de la même façon dont je me voyais dans un miroir.

— Je suis plutôt pas mal là-dessus, commentai-je, un sourire en coin. Tu sais me mettre en valeur.

— C'est pas très difficile, j'ai un bon modèle, répondit-il simplement en posant ses mains sur mes hanches. Je dessine juste ce que je vois, et tu es toujours beau à mes yeux, Swann.

Je lui jetai un coup d'œil attendri, sûrement niais aussi, avant de replonger mes yeux curieux dans son bloc à dessin. Ne le voyant pas protester, je tournai les pages et découvrais un peu plus son art et son univers. Les dessins se succédaient et je ne pus que constater que, parmi quelques paysages, abstraits et portrait des membres de sa famille, je m'y trouvais omniprésent. J'y étais représenté dans de simples portraits, ou à des moments pendant lesquels il avait dû m'observer – comme lorsqu'il me dessinait en train d'évoluer sur un terrain de foot – et je reconnaissais même parfois des moments que nous avions passé tous les deux et pendant lesquels je n'avais pas remarqué être observé, ni compris avoir servi de muse. Cela me paraissait toujours étrange, je n'allais pas le nier, mais j'en étais aussi flatté.

— J'apparais sur les trois quarts de tes dessins, lui fis-je remarquer l'évidence. Swann, fait du foot, Swann travaille, Swann lit un livre, Swann dort, il ne manque plus que Swann à la plage et on aura toute la panoplie. Tu es constamment en train de me dessiner en fait ! C'est une véritable obsession !

Yaël laissa échapper un léger rire face à mes bêtises avant de secouer la tête de gauche à droite, reprenant son sérieux.

— Tu ne t'en doutais pas ? me demanda-t-il, un sourcil haussé. Je t'ai toujours dessiné, Swann, même quand on était petits. Tu as toujours été mon inspiration.

— Si, peut-être que j'avais fini par le comprendre, dis-je en haussant les épaules. Mais les voir là, tes dessins, je sais pas, ça me touche. Et puis je suis rassuré de ne pas voir de dessins de Camille.

Yaël pouffa et je me penchai pour déposer un léger baiser sur ses lèvres.

— Il n'y en a pas, dans ce carnet là, jugea-t-il bon de préciser.

Je retrouvai le chemin de ses yeux alors que les miens s'étaient probablement assombris, accompagnant cette sensation dans mon ventre, comme s'il se tordait sous le poids de la jalousie. Yaël, lui, avait un foutu sourire aux lèvres. Ça l'amusait en plus !

Ses yeux malicieux ne me quittaient pas tandis que, moi, je gardais tout mon sérieux. Finalement, son air tendre eu raison de moi et je poussai un soupir. Yaël avait évidemment un passé et il fallait que je l'accepte. Qu'est-ce qu'il dirait, lui, s'il devait rester obsédé par toutes les aventures que j'avais eu avant lui ? Au moins Camille était un type bien qui avait donné du bonheur à Yaël et pris soin de lui.

— Allez, arrête de réfléchir et viens-là, souffla-t-il contre mes lèvres. J'ai encore envie de t'embrasser.

Je me pliai alors à sa demande sans rechigner et retrouvai le goût de ses lèvres. J'aimais tellement l'embrasser, c'était une sensation grisante, envoûtante, dont je ne me lasserai certainement jamais. Ses lèvres pleines s'accordaient parfaitement aux miennes, elles étaient un délice à explorer, à savourer.

Je lâchai à mon tour le carnet et approfondi notre baiser, laissant nos langues danser ensemble. Ma main gauche alla s'emmêler dans ses cheveux tandis que ma main droite descendait le long de son torse ferme. Celles de Yaël pressaient un peu plus mes hanches avant que l'une d'entre elle se faufile sous mon tee-shirt, caressant mon dos. Je me laissai enivrer par ce moment, ayant aucunement l'intention d'y mettre un terme. Je me sentais trop bien si proche de Yaël, son corps pressé contre le mien.

Jusqu'à ce qu'il ne m'arrête, déviant son visage et posant une douce main sur ma joue.

— J'aime beaucoup la tournure que sont en train de prendre les évènements, mais je crois qu'on devrait sortir ce soir, lança-t-il alors.

— Sortir ? répétai-je, un sourcil haussé. Alors le programme que je nous préparais et qui ne comprenait que toi, moi et cette chambre n'est pas assez alléchant pour toi ?

— Bien sûr que si, soupira-t-il. Mais je crois qu'on devrait aller au match de ce soir.

Je me redressai brusquement, quittant son étreinte protectrice. Il avait vraiment le don pour casser l'ambiance !

— Tu veux aller au match ? m'exclamai-je. Tu veux que j'aille voir une équipe, dont je ne fais plus partie, se donner pour épater des recruteurs qui seront, je le sais, présents ? Qu'est-ce que tu cherches à faire ? Remuer le couteau dans la plaie ?

Je ne savais pas si j'étais énervé ou triste, mais ce qui était sûr c'est que cette nouvelle me laissait dubitatif, et nostalgique aussi. Parler de foot, et encore plus aller voir un match alors que j'en étais privé, me nouait à chaque fois la gorge et me retournait le ventre. Je détestais cette situation dans laquelle mes parents m'avaient plongé.

Yaël, lui, ne semblait pas plus préoccupé que ça par ma réaction. Il restait même impassible, arborant un visage neutre, comme s'il attendait que la tempête passe. Sans dire un mot, il se pencha légèrement, du mieux qu'il pouvait puisque j'étais toujours installé sur lui, et attrapa un sac dont je n'avais pas remarqué la présence auparavant. Je constatai néanmoins qu'il s'agissait de mon sac de sport, qu'il posa désormais à côté de nous.

— Non, j'aimerais juste voir mon petit-ami jouer auprès de son équipe, et gagner ce match, répondit-il enfin.

Je restai un instant interdit face à ses paroles, fronçant les sourcils. Mais qu'est-ce qu'il me racontait encore ?

— Je crois que notre séance de bisous t'a coûté quelques neurones, rétorquai-je alors. Est-ce que je dois vraiment te rappeler que je ne fais plus partie de l'équipe ?

— Tu as été réintégré, Swann, m'apprit-il sans attendre, un sourire tendre illuminant son visage. J'ai parlé au doyen et j'ai fait ce qu'il fallait pour qu'il cède. Swann, tu vas pouvoir jouer ce soir.

Alors là, je ne savais plus comment réagir. Les épaules basses, le regard humide, j'étais ému, et sans voix. Je pourrais aussi bien rester ainsi, immobile et stoïque, que l'embrasser jusqu'à en perdre la raison.

— Mais comment tu as fait ? lançai-je finalement, toujours abasourdi.

— Tu n'es pas le seul à savoir manier le chantage, souffla-t-il malicieusement.

Je secouai la tête de gauche à droite alors qu'un sourire certainement plus grand que moi prenait place sur mon visage. Je me penchai à nouveau vivement vers mon merveilleux petit-ami et plaquai mes lèvres sur les siennes pour un baiser passionné.

— Si tu savais comme je t'aime, chuchotai-je dans la sérénité nouvelle de cette chambre.

— Je crois que j'en ai une petite idée, parce que je t'aime aussi, répliqua-t-il doucement. Mais au lieu de comparer qui aime le plus l'autre, on pourrait peut-être se décider. Alors, tu vas le gagner ce match, oui ou non ?

— Bien sûr que je vais gagner, murmurai-je. Je gagne toujours, chéri.

Je me penchai une dernière fois pour lui voler un nouveau baiser rapide et léger avant de me redresser, cette fois-ci déterminé. J'attrapai mon sac de sport que Yaël me tendait et, en jetant un coup d'œil à l'intérieur, je pus constater qu'il y avait déjà préparé toutes mes affaires. Je me demandais un instant quand il avait bien pu faire ça avant de comprendre que c'était ce qu'il devait être en train de fouiner pendant que je nous préparais, tant bien que mal, quelque chose à grignoter lorsqu'il était arrivé.

Comprenant mon raisonnement, il m'adressa un simple clin d'œil avant de passer devant moi pour sortir de la chambre. Je le suivis par automatisme jusqu'à atteindre le rez-de-chaussée. J'enfilai mes chaussures et attrapai rapidement une veste puis me pressai pour fermer la maison.

Assis dans la voiture, alors que Yaël nous conduisait jusqu'à l'université d'Oxford, j'étais anxieux. Je n'arrivais pas encore bien à croire que j'allais réintégrer mon équipe et retrouver les terrains. Je crois que je n'arriverais à le réaliser que lorsque je me retrouverais réellement au milieu de mes coéquipiers, attendant la confirmation et les instructions de mon coach. Et puis je crois que j'avais peur. Peur de ne pas être à la hauteur, de ne plus être assez en forme, d'avoir perdu le rythme et mes habitudes sur le terrain puisque cela faisait désormais presque deux mois que je ne m'étais pas entraîné. Et je devais bien admettre que la présence de recruteurs, selon ce que m'avait rapporté Austin, me mettait une pression supplémentaire.

Ce fut seulement lorsque je sentis la main de Yaël s'enrouler autour de mon poignet que je me rendis compte que j'étais en train de me ronger les ongles. Il me lança un regard tendre et rassurant après s'être garé sur le parking de la fac. Je constatai d'ailleurs avec surprise que nous étions déjà arrivés. Perdu dans mes pensées et mes craintes, je n'avais pas vu le temps passer.

— Ça va aller, me souffla-t-il. Tu as un don, Swann, et tu vas les épater.

Il se pencha pour me voler un baiser à son tour avant de sortir de la voiture. Je l'imitai et le rejoignis alors qu'il se dirigeait déjà vers cette petite allée qui nous emmènerait jusqu'au terrain de football. Le parking de la fac était déjà bondé mais plus nous avancions, plus je pus constater que les gradins l'étaient encore plus. Une mer noire d'étudiants se dessinaient devant moi et cela fit encore plus ressortir mon trac qui me consumait l'estomac. Nous aurions des dizaines de spectateurs.

Il fallait dire que c'était un match important. Nous rencontrerions Cambridge, une université prestigieuse et dont l'équipe de foot était talentueuse. La victoire serait compliquée, elle devrait se mériter, mais nous devions gagner si nous voulions espérer nous faire une place jusqu'à la finale de notre compétition.

Mes mains tremblèrent lorsque nous nous approchâmes du banc de touche sur lequel quelques-uns de mes coéquipiers avaient déjà pris place, le coach se trouvant à leur côté. J'appréhendais de les revoir. Allaient-ils être hostiles envers moi ? Accepteraient-ils mon retour ? Hugo serait-il là ? Trouverait-il un nouveau moyen de m'évincer ? Et les deux autres, les remplaçants qui avaient pris part à mon agression, seraient-il là ? Comment réagirais-je en les revoyant ?

Toutes mes interrogations furent balayées lorsque le coach croisa mon regard. Il n'hésita pas un instant avant de s'approcher de moi, posant une main virile sur mon épaule en guise de bienvenu.

— Juste à temps, on commence bientôt, dit-il simplement. Swann, va te changer, te préparer et échauffe-toi un peu. Maxwell, tu restes sur le banc ce soir.

Hugo, que je n'avais pas remarqué jusqu'ici se releva brusquement, le visage crispé et indigné.

— Vous êtes pas sérieux, coach ! protesta-t-il. Il faut que je le joue, ce match, vous le savez aussi bien que moi ! Il y a des recruteurs de présent, je ne peux pas me permettre de ne pas participer !

— Ma décision est définitive, Hugo, gronda notre coach. Je préfère éviter de te voir sur le terrain en même temps que Swann. Qui sait ce que tu auras encore prévu pour le nuire ? Je vais être honnête avec toi, si la décision ne tenait qu'à moi, tu ne serais pas seulement sur le banc mais dans les gradins, en train de prier pour qu'on te pardonne et te réintègre à cette équipe. Ce que j'attends de mes joueurs, c'est la cohésion et l'unité de groupe. Je ne tolèrerais plus aucune sorte de discrimination. Et là je m'adresse à tout le monde. J'espère que je me suis bien fait comprendre.

Je vis plusieurs joueurs hocher la tête tandis que Hugo était rouge de fureur. Sa mâchoire était crispée, ses poings serrés et je pourrais presque voir sortir de la fumée de sa tête tellement il semblait surchauffé de colère.

— Coach, je ne me permettrais pas de ruiner ma chance aujourd'hui, d'une quelconque manière, insista-t-il pourtant. Vous pouvez me faire confiance, je peux vous assurez que je ne toucherais pas un cheveu de Nelson. Et puis, sauf votre respect, coach, je ne vois pas l'intérêt de remplacer un attaquant par un milieu offensif. Ce n'est pas logique. Surtout pour ce match où vous aurez besoin de vos meilleurs attaquants si vous espérez gagner.

— Maxwell, pose tes fesses sur ce banc et tais-toi avant que je considère réellement de t'y coller pour le reste de la saison, s'énerva coach Garcia. Je ne reviendrais pas sur ma décision. Quant à nos attaquants, ne t'inquiète pas, ils s'en sortiront très bien. Calvin va entrer sur le terrain pour accompagner Zack et Evan. J'ai confiance en eux pour travailler ensemble. Quant à Swann, il reprend simplement sa place et son poste de capitaine. Maintenant assez de discussion et plus d'action. Swann, va te préparer.

Je hochai la tête avant de tomber dans le regard noir de Hugo. Il me regardait d'un air de dire tu me le payeras.

— Je ne me laisserai pas faire, dit-il à mon intention, tentant de ne pas attirer l'attention du coach. Je ne te laisserai pas ruiner mes chances.

— Comme tu as essayé de ruiné les miennes ? répliquai-je froidement.

Yaël, toujours à mes côtés, le dévisageait aussi, un petit sourire malin aux lèvres. Il savait, tout comme moi, quelque chose que Hugo ignorait encore.

— Tu peux toujours rêver si tu cherches à te venger, lança alors mon petit-ami. A trop vouloir détruire le rêve d'un autre, on finit par ruiner ses propres chances. Tu ne pourras t'en prendre qu'à toi-même.

Je mis fin au duel de regard entre Yaël et Hugo en posant une main sur le bras de mon copain, attirant son attention. Ce dernier m'offrit un joli sourire et pressa ma main.

— Je n'ai pas besoin de te dire merde, tu vas tout déchirer, murmura-t-il avant de déposer un baiser sur ma joue.

Je n'avais plus peur du regard des autres alors je me fichais bien de ce que ceux qui nous entouraient pensaient de ce baiser. Tout comme je me fichais de leur avis lorsque j'embrassais brièvement les lèvres de mon petit-ami. Pour moi c'était important, parce qu'il me donnait le courage nécessaire. J'étais prêt.

Je n'attendis alors pas plus longtemps pour me diriger vers les vestiaires, enfin jusqu'à ce que la voix du coach m'interpelle.

— Nelson ! m'appela-t-il. C'est bon de t'avoir de retour parmi nous.

Il en profita pour me lancer ce brassard de capitaine qui m'avait tant manqué. Je ne trouvai rien d'autre à faire que de lui sourire, reconnaissant. Je me retournai ensuite, après un dernier hochement de tête. Oui, c'était bon d'être de retour sur les terrains, et j'étais impatient de pouvoir à nouveau fouler l'herbe sous mes pieds. Alors je me préparais avec empressement.

Quelques minutes plus tard, j'étais enfin en position au milieu de ce terrain que je connaissais par cœur. Je m'y étais installé, reprenant ma place, après un accueil chaleureux de la part d'Austin et de quelques tapes dans le dos de la part de mes coéquipiers. Aucun d'entre eux ne semblaient s'être opposés à mon retour, au contraire, ils m'accueillaient avec bienveillance. Les quelques regards hostiles étaient restés sur le banc.

Les derniers grammes de force qu'il me fallait avant le coup d'envoi me furent livrés par le regard de Yaël, qui m'observait avec bonheur depuis le bord du terrain. Il avait d'ailleurs été rejoint par Joyce, Kaitlyn ainsi que Iris. Je remarquai aussi Cheryl et, plus étonnamment, ma mère. Je me demandais ce qu'elle faisait là mais décidai de ne pas laisser ce détail me déconcentrer avant ce qui pourrait être une des soirées les plus importantes de ma carrière retrouvée.

Je pris alors une grande inspiration et laissai le coup de sifflet résonner dans tous mon corps, faisant vibrer mes muscles, m'imposant de pousser sur mes jambes pour me mettre en action et accomplir ma tâche, pour gagner.

Le ballon arriva rapidement à mes pieds. Je m'élançai alors sans hésiter, remontant le terrain vers les buts opposés, me heurtant à l'équipe adverse. Je sentais le vent fouetter mes joues, je sentais mon souffle quitter mes poumons, les brûlant presque, je sentais les muscles de mes jambes tirer, mes cuisses et mes mollets me lançant sous la pression de l'effort. Je donnais tout de moi, et je me foutais de savoir si je serais courbaturé le lendemain. J'aimais ça. Et cette sensation retrouvée était grisante.

Plus les minutes passaient, plus le match avançait et plus je me sentais dans mon élément. La tension qui régnait autour de nous, autour de tous ces joueurs qui se démenaient pour la victoire était vivifiante, l'air était électrique et l'atmosphère était envoûtante. J'adorais jouer avec les acclamations du public, être porté par eux, j'adorais cette ambiance qui m'avait tant manqué. Cela me boostait et me poussait à donner le meilleur de moi-même pour donner une victoire à tous ceux qui nous soutenaient.

Je voulais gagner pour eux. Je voulais gagner pour moi et pour prouver que je pouvais le faire, pour impressionner ce recruteur que j'avais repéré dans la foule. Je voulais gagner pour mes proches, pour mes amis, pour Yaël qui m'avait redonné espoir, je voulais qu'ils soient fiers de moi. Nous gagnerions ce soir, il ne pouvait en être autrement.

Alors je distribuais le ballon avec un maximum de précision, serpentant entre mes adversaires, trouvant mes coéquipiers pour libérer le milieu de terrain et les emmener jusqu'à notre objectif. Je laissais entendre ma voix de capitaine et écoutai celle du coach. C'était tellement bon de les retrouver. Et jouer était tellement plus agréable quand l'égo de Hugo n'étouffait pas le terrain.

J'avais l'impression d'une liberté retrouvée, et cela me faisait pousser des ailes. Des ailes qui me permettaient de m'envoler et cette clameur venue du public qui réchauffait mon cœur lorsque ma passe décisive à Zack fut soldée par un premier but. C'était bon de se retrouver entouré de ceux qui partageaient ma passion, sans plus penser à ce qui se passait hors du vestiaire et dans nos vies privées, lorsqu'ils vinrent nous féliciter.

Nous ne nous relachâmes pas pour autant et nous reconcentrâmes bien rapidement pour continuer à creuser l'écart. Quelques minutes plus tard, ce fut à mon tour d'aller féliciter Calvin alors qu'il venait de marquer un magnifique but après avoir feinté un défenseur. J'étais heureux que notre coach lui ait donné sa chance, Calvin n'était qu'en première année mais il était doué. Et bien plus humble qu'un de nos autres attaquants, sans le nommer. Si lui aussi voulait faire du football sa carrière, j'étais certain qu'il pourrait aller loin.

Notre joie dans les vestiaires, alors que nous faisions le point à la mi-temps, fut calmée par notre coach. Nous menions actuellement deux buts à un mais nous ne devions pas nous relâcher, nous ne pouvions pas nous le permettre. Les joueurs de Cambridge étaient entraînés comme des machines et nous savions qu'ils donneraient tout pour revenir au score après cette pause. Nous ne pouvions pas laisser cette chance nous passer sous le nez. Alors, après un sermon et un discours de motivation, notre coach nous renvoya sur la pelouse après les quinze minutes réglementaires.

Les joueurs de Cambridge nous regardaient avec défi, mais nous ne flancherions pas. Nous étions revenus sur ce terrain avec la détermination d'un fauve devant sa proie. Et un coup d'œil vers Yaël, qui m'observait et m'encourageait toujours, me donnait toute l'énergie nécessaire pour m'envoler. Je voulais l'impressionner et voir ses yeux briller lorsqu'il me regardait.

L'arbitre siffla le début de cette deuxième mi-temps et le ballet des joueurs reprit instantanément. Je me remis à courir et repris mes enchaînements, faisant fi de la sueur qui coulait sur mon visage et le long de mon dos, de mes cheveux humides et devenus informes qui commençaient à retomber sur mon front, de la chaleur qui empourprait mes joues. Rien de tout ça n'était important. Et c'était au contraire vivifiant. Je ne m'arrêtais plus, pas tant que ce match ne serait pas terminé, sur une victoire de préférence.

Cette deuxième moitié de match fut plus compliquée. Les joueurs de Cambridge étaient remontés à bloc, jouant de manière plus agressive, déterminés. Ils parvinrent même à égaliser. Et les minutes passaient sans que nous trouvions une ouverture. Mais nous n'avions pas dit notre dernier mot.

A quelques minutes de la fin, nous comprenions que nous devions fournir les derniers efforts. Si aucune des deux équipes ne marquaient maintenant, nous devrions affronter les prolongations. Or nous voulions tous éviter ça. C'était eux ou nous. Et je donnerais tout pour faire en sorte que ce soit nous.

Certains de mes coéquipiers étaient fatigués, je le voyais bien, mais je les remotivais parce que ce n'était définitivement pas le moment d'abandonner. Au contraire, il s'agissait de la dernière ligne droite, des derniers efforts que nous devions fournir si nous voulions être récompensés.

Je savais que l'arbitre sonnerait la fin de cette mi-temps très rapidement. Nous étions à cours de temps, il nous fallait prendre des risques. Je n'hésitais donc pas un instant avant de m'élancer alors que nos défenseurs, qui avaient fait un travail extraordinaire pour ne pas permettre à nos adversaires de creuser le score, récupéraient le ballon.

Me trouvant dans une partie dégagée du terrain, je fis un signe à Austin qui me passa le ballon sans une once d'hésitation. Je m'élançais instantanément, m'envolant à nouveau. Le ballon fermement contrôlé à mes pieds, slalomant entre les joueurs de Cambridge jusqu'à obtenir ne serait-ce qu'une légère ouverture, ce que mes adversaires s'évertuaient évidemment à ne pas me donner.

Mais j'étais prêt à tous les risques. Je jouais comme je n'avais jamais joué. L'action ne dura que quelques secondes, justement le temps qu'il nous restait avant la fin de ce match. Mais je savais que l'arbitre laisserait cette action se jouer. Alors je tentais le tout pour le tout. Parce que nous n'avions rien à perdre à essayer. Parce que les joueurs de Cambridge étaient, eux aussi, fatigués puisque cela faisait plusieurs minutes que nous les faisions courir. Parce que deux défenseurs venaient de se télescoper, occupant alors la même partie du terrain et me laissant bêtement une occasion. Et parce que j'étais prêt à encaisser la responsabilité de ce tir, mes coéquipiers attaquants étant désormais trop loin et inaccessible. Alors je feintai une dernière fois.

Et je tirai.

Les quelques secondes que durèrent l'envolée du ballon me semblaient être une éternité. C'était au ralenti que je le vis partir. Au ralenti que je vis ce défenseur sauter pour tenter d'intercepter ce ballon. Au ralenti que leur gardien plongea pour seulement effleurer le ballon. Au ralenti que je vis ce dernier s'échouer dans les filets. Au ralenti que je vis nos supporters se lever d'un même geste dans nos gradins.

Je venais de marquer, assurant notre troisième but de cette rencontre. Et assurant, par la même occasion notre victoire.

J'étais toujours immobile au milieu de cette pelouse lorsque le coup de sifflet final retentit. J'étais toujours immobile lorsque je sentais mes coéquipiers se jeter sur moi, me bousculant, me félicitant, sautant partout autour de moi, m'entraînant à leur suite. Ce fut lorsque mon regard se posa sur les gradins, sur notre public que je revins enfin à moi, comprenant que nous avions gagné.

Cette liesse, cette clameur, je m'en nourrissais. C'était un bonheur qui parcourait mon corps, réchauffait mes veines, faisait vibrer mon cœur et trembler mes muscles. Je voulais connaître ça encore et encore, c'était ce pourquoi je voulais vivre. C'était une euphorie qui me faisait planer. Et c'était tellement bon de la retrouver. Je savourais encore plus ce moment maintenant que j'avais cru le perdre pour toujours. Et je voulais redoubler d'effort pour que ne plus jamais être privé de cette passion, et pour qu'elle ne m'abandonne jamais.

Je ne voulais plus jamais arrêter de voler.

♠️♠️♠️

Hey !

J'espère que vous allez bien et que vous arrivez à respirer par cette chaleur ! Moi en tout cas je suis super contente de vous retrouver pour ce nouveau chapitre que j'aime beaucoup.

Swann et Yaël sont plus adorables que jamais et Swann retrouve enfin sa passion et le chemin des terrains. Ça fait du bien de le voir comme ça je trouve, à nouveau épanoui dans ce sport qu'il aime tant.

D'ailleurs on pourra remercier mon adorable cousin qui m'a gentiment aidé à propos de la partie football de ce chapitre. C'était chou de le voir me donner des conseils ( précieux parce que moi j'y connais pas grand chose ) et de le voir lire à côté de moi ce que j'écrivais. ( Et puis c'est lui aussi qui m'a choisi les prénoms des deux autres attaquants, Calvin et Evan ). Donc voilà, merci à lui !

Sinon, revenons à ce chapitre, qu'en avez-vous pensé ?

Notre adorable petit couple Swaël ?

La réactions de Swann lorsqu'il apprend qu'il va pouvoir rejouer ?

L'accueil du coach ? Des coéquipiers ? Hugo...?

Le match ? Notre Swann épanoui et cette victoire ?

Je rajoute juste cette petite question en retard pour ceux qui n'ont pas encore lu... ( j'ai oublié avant )
Que pensez-vous de la présence de la mère de Swann au match ? Quelles sont ses intentions à votre avis ?

J'aurais tellement d'autres questions à vous poser à propos de ce chapitre, mais je ne veux pas non plus vous inonder... Je suis juste heureuse pour mon petit Swann ! Et j'espère que ce chapitre vous aura plu, et j'ai hâte de lire vos réactions !

En attendant, je vous souhaite une très belle journée ! Moi je fais mon maximum, comme d'habitude, pour vous préparer les prochaines publications mais je tiens à vous prévenir qu'une nouvelle troupe de ma famille arrive demain ( et pas la plus calme puisque tous mes cousins seront maintenant avec nous - ça va être un joyeux bazar dans la maison...) donc je verrais si j'arrive quand même à trouver un peu de temps calme pour travailler...
En tout cas je vous tiens au courant. Et jusque là, je vous embrasse fort !

À bientôt, T.

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