51. Crashing

"Ecraser l'innocent qui résiste, c'est un moyen que les tyrans emploient pour se faire place en mainte circonstance."

Goethe

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Swann

Je n'avais pas pu rester avec Yaël. J'avais enfin eu le courage de retourner en cours et d'affronter la fac, seulement j'aurais voulu pouvoir rester avec Yaël tout au long de la journée. Collé à lui. Parce que j'avais l'impression qu'il pourrait me protéger de n'importe quoi. De n'importe qui. Et j'en avais besoin, aujourd'hui plus que tout.

Mais malheureusement, nos emplois du temps ne concordaient pas. Bien sûr il m'avait emmené à la fac, nous étions venus ensemble et il m'avait réconforté aussi longtemps qu'il le pouvait mais il avait ensuite dû se dépêcher de se rendre à son premier cours de la journée. J'aurais tout fait pour le garder auprès de moi mais je commençais une demi-heure plus tard, et je ne tenais absolument pas à être un obstacle dans ses études. Alors, même s'il m'avait proposé de rester avec moi, je l'avais poussé à se rendre en cours. C'était important pour lui, et c'était important pour moi qu'il puisse faire ce qu'il aimait.

Bien évidemment, il n'avait cessé de me rassurer avant de partir à la dernière seconde. Des mots doux, des gestes tendres, de légers baisers volés échangés, tout pour me faire penser à autre chose qu'au monde qui nous entourait et ces étudiants qui me dévisageraient bientôt. Il m'avait assuré que je pouvais l'appeler à n'importe quelle heure, que nous pourrions rentrer si je le décidais, et ce dès que je me sentais mal. Et enfin, il m'avait aussi promis qu'il me verrait en fin de journée puisqu'il serait présent à mon entraînement pour me soutenir, quoi qu'il arrive.

Après un dernier baiser, Yaël s'était ensuite mit en route vers sa classe, me laissant pantelant et angoissé. Heureusement, Joyce n'avait pas tardé à me rejoindre, presque comme s'ils s'étaient mis d'accord pour ne pas me laisser seul trop longtemps.

Alors que j'étais toujours caché dans un coin reculé du parking, Joyce passa un bras sous le mien et déposa un de ses fameux baiser sur ma joue. Toujours souriante, sa stratégie semblait être de me parler sans s'arrêter pour me divertir.

Mais je n'avais pas besoin de distraction. Je savais ce que j'étais venu faire ici et je ne me démonterais pas. J'étais angoissé, évidemment, mais j'étais prêt. J'avais choisi de retourner en cours aujourd'hui et je n'avais pas l'intention de me défiler. Je sentais que je pouvais le faire. Je savais que je ne pourrais pas rester caché éternellement et affronter la fac, après la rumeur déjà répandue par Hugo, était inévitable, une étape importante qui prouvait que ça ne me touchait pas.

Et puis rester caché confirmait cette rumeur. Bon, d'accord, elle était vrai, mais c'était montrer que je ne l'assumais pas. Or j'en avais assez de prétendre être quelqu'un d'autre que moi-même et de ne pas assumer mes envies, ou mon couple. Alors j'allais faire mon entrée dans ce fichu hall et montrer que j'étais toujours vivant, et que ce n'était définitivement pas une rumeur, ni la vérité, qui m'avait abattu.

Et Yaël m'avait convaincu. J'avais conscience que j'étais au bord de la paranoïa et que je m'étais monté la tête, me créant des scénarios tous plus catastrophes les uns que les autres alors qu'en réalité la majorité de la fac ne trouvera aucun intérêt à cette nouvelle information. Tout le monde savait pour Yaël, parce qu'il ne s'en était jamais caché, et si ce n'était pas pour Hugo alors personne ne l'aurait pris en grippe simplement à cause de son orientation sexuelle. A part mon ancien meilleur ami, personne ne lui en tenait rigueur et je n'avais jamais vu qui que ce soit d'autre le harceler à cause de ça.

Alors pourquoi serait-ce différent pour moi ? Parce que j'étais plus populaire que lui et que davantage de personnes prétendaient être mes amis ? Parce que je faisais partie de l'équipe de foot et que l'homophobie dans le sport représentait encore un grand problème ? Peut-être. Mais si je ne m'affirmais pas, si je ne confrontais pas ceux qui voudraient m'en rendre des comptes alors je ne le saurais jamais. Et surtout je n'aurais jamais l'occasion de défendre qui je suis, de défendre Yaël et notre couple. Parce qu'à partir de maintenant je ne laisserai plus rien ni personne se mettre entre lui et moi.

Je n'avais aucun tort à me reprocher, si ce n'était le fait que j'aurais pu avoir cette merveilleuse relation avec Yaël plus tôt si je n'avais pas joué les poules mouillées. Je n'avais pas à me cacher. C'étaient les idiots et leur bêtise qui se mettront sur mon chemin qui devraient plutôt retourner ramper dans leurs cachettes. Hugo y compris. Parce que je ne m'abaisserais plus à porter un masque juste pour leur faire plaisir.

Etrangement, et sans trop que je ne sache pourquoi, je me souvenais à cet instant des mots que m'avaient dit Camille il y a quelques semaines de ça. Lorsqu'il m'avait conseillé de sauter, de me jeter dans le vide et de me laisser tomber, et ce même si la chute était effrayante. Surtout si la chute était effrayante. Parce que, parfois, ça en valait la peine.

A l'époque, j'avais été trop jaloux pour comprendre l'ampleur de ses paroles, ainsi qu'à quel point elles pouvaient s'appliquer à de nombreuses situations. Mais aujourd'hui, j'étais prêt à me jeter dans le vide. Et être enfin moi-même.

Alors resserrant ma prise autour du bras de Joyce , je pris une grande inspiration et lui adressai un signe de tête indiquant que j'étais prêt à avancer. Ma meilleure amie m'offrit un immense sourire et commença à marcher à mes côtés.

Nous traversâmes le parking, qui était encore relativement vide à cette heure-ci, avant d'atteindre le parvis et d'enfin arriver jusqu'à ce fameux grand hall d'entrée. Je tentai de ne pas faire attention à l'attraction que je représentais désormais. J'étais, certes, déterminé à en finir mais j'étais aussi toujours tremblant et fébrile. Mon cœur battait à une vitesse incroyable dans ma poitrine tandis que je m'accrochais plus que de raison à Joyce pour éviter de déchanter. A cet instant, et comme souvent, elle représentait mon roc, mon soutien sans faille, une épaule sur laquelle je pourrais toujours m'appuyer.

Alors je me concentrais sur elle et sur sa présence plutôt que sur cette dizaine de regards braqués sur moi. Je les sentais, ces yeux qui scrutaient chacun de mes gestes. Et je les entendais, ces chuchotements. Je savais qu'on m'observait et que ces gens semblaient attendre mon prochain mouvement. Mais, lorsque je réussi à regarder discrètement autour de moi, jugeant un peu plus de l'ampleur de la nouvelle, je remarquais que ces personnes n'étaient pas si nombreuses que ça.

Evidemment, il y avait ces quelques étudiants qui me lançaient un regard curieux mais ils étaient finalement minoritaires. Une grande partie de ceux qui étaient présent dans ce hall ne me réservait aucune once d'intérêt et ne semblaient que très peu touchés par ma présence. Tant mieux.

Les quelques groupes qui semblaient s'intéresser et chuchotaient sur mon passage ne paraissaient pourtant pas hostiles, d'apparence, ce qui me rassurait. Il y avait seulement ces trois amis, en face de moi, qui m'avaient jeté un rapide coup d'œil avant de s'éloigner avec une mine dégoûtée et écœurée. Cette vision me piqua le cœur et me tordit le ventre, ce genre de réaction faisait mal, mais je m'y étais préparé. Et puis j'avais l'impression que l'opinion d'inconnus me touchaient bien moins que celle de mes parents.

Alors je continuais d'avancer en resserrant encore un peu plus ma prise sur le bras de Joyce qui, elle, était trop occupée à les foudroyer du regard. Son soutien me réchauffait le cœur, tout comme cet autre groupe d'ami qui me sourit sincèrement lorsque je passais près d'eux. Tout le monde n'était pas hostile. Alors je pouvais respirer.

Yaël avait raison, beaucoup se fichait de cette nouvelle information, de cette rumeur qui, en plus de ça, n'était rien que ça. Une rumeur. Puisque rien n'avait été confirmé. Alors, malgré les questions que certains devaient se poser, ça attirait moins de curieux. Et puis la majorité des étudiants ici étaient matures et tolérants. Contrairement à d'autres.

Hugo devait d'ailleurs être vert de voir que si peu de monde se ralliait à sa cause. De voir que, malgré la rumeur qu'il avait lancée, la terre ne s'était pas arrêtée de tourner et personne ne semblait vouloir me faire la peau. Pour l'instant.

- Tu vois, ça s'est pas si mal passé, lança Joyce une fois arrivés à la première intersection entre deux couloirs.

- J'ai survécu, répondis-je simplement sans pouvoir m'empêcher de regarder autour de moi, comme pour vérifier que je n'étais pas épié.

- Je suis sûre que ça va aller et que ta journée n'en sera pas trop bouleversée, affirma-t-elle. Tout le monde n'est pas Hugo, loin de là. Et heureusement ! Ne t'angoisse pas pour toute une fac qui n'en a probablement rien à faire, qui ne te connait pas et qui ne te connaîtra certainement jamais. Ces gens-là, tu ne les reverras plus jamais de ta vie une fois que tu auras quitté la fac, et de toute façon ils n'ont aucun droit sur ta vie. Ne les laisse pas avoir un droit sur ta vie. Et puis, tu vois bien, personne n'a l'air de s'en soucier à part les trois idiots qui sont probablement trop frustrés pour savoir ce qu'est le véritable amour.

Je pouffai sans pouvoir me retenir. Ma meilleure amie saurait toujours me faire rire, tout en allégeant l'atmosphère, et dédramatiser un sujet qui me touchait, comme maintenant. Elle était géniale.

- Pourquoi tout le monde n'arrête pas de me parler d'amour en ce moment ? soufflai-je finalement, amusé.

- Swann, tu ne vas quand même pas essayer de me faire croire que tu n'es pas amoureux de Yaël ? répliqua-t-elle en levant les yeux au ciel. Ce serait peine perdue. Tu sais très bien que je ne te croirais pas, parce que j'ai raison.

Je ne répondis rien, me contentant de hausser les épaules. Je n'avais rien à répondre, pas si c'était pour me mentir à moi-même, ou pire, mentir à Joyce. Je ne voulais plus mentir. C'en était terminé des mensonges.

- Ça va aller ? me demanda Joyce, plus sérieusement. Il va falloir que j'ailles en cours, et toi aussi. Je peux te laisser ? Ou peut-être que tu veux que je t'accompagne jusqu'à ta première salle ?

- Je ne suis pas un petit animal fragile ou blessé, Joyce, soupirai-je. Et je n'ai pas besoin de baby-sitter. Ça va aller. Et de toute façon on se verra à la pause déjeuner, puis à mon entraînement. Je ne serais pas mort d'ici là.

Joyce m'observa encore un instant. Le pli qui barrait son front me prouvait qu'elle était véritablement inquiète. Mais elle réussit néanmoins à m'accorder un sourire doux et sincère avant de s'approcher pour déposer un nouveau baiser sur ma joue, comme elle aimait tant le faire.

- D'accord, je te laisse, concéda-t-elle. Et puis t'a raison, on se voit bientôt et je sais que tout se passera bien. Mais si une seule personne vient t'emmerder, tu m'appelles tout suite, que je lui refasse le portrait, ou alors je trouverais quelque chose de plus créatif. Je connais quelques personnes qui m'aideraient à trouver des idées de tortures toutes plus ingénieuses les unes que les autres ! Je te promets qu'ils auront à faire à moi !

- Vas-y, Joyce, tu vas être en retard, ris-je. Je suis un grand garçon, je sais me défendre.

- Et si c'est Hugo qui te cherche des ennuis, je te jure que je lui fais la peau ! Je l'attraperai par...

- Joyce ! la coupai-je. J'ai compris, mais ça va aller, je te le promets.

Je déposai un baiser sur son front et lui adressai le sourire le plus franc que j'avais en stock pour l'apaiser. Il n'y avait aucune raison pour que ça dérape. Tout irait bien.

Et j'en eu la confirmation tout au long de cette journée, à croire que je m'étais fait des films pour rien. Certes, une ambiance pesante planait toujours autour de moi et je ne pouvais échapper à certains regards et chuchotements que les autres laissaient échapper sur mon passage, mais dans l'ensemble tout allait bien. Les étudiants me laissaient tranquille, même ceux que je commençais à bien connaître puisque nous partagions les mêmes cours.

Certains de mes "amis" m'avaient évité ou s'étaient éloignés, me lançant des regards soit curieux, soit froids et sévères, mais je m'en foutais, ce n'était pas des gens qui comptaient pour moi, ce n'était pas de vrais amis. C'était plutôt ceux de Hugo.

D'ailleurs, en parlant de lui, je ne l'avais pas vu de la journée, ce qui m'étonnait grandement. Je pensais qu'il viendrait m'écraser de sa supériorité en me renvoyant son sourire mauvais et odieux à la figure. Je pensais qu'il se ferait un plaisir de venir m'humilier en personne, devant tout le monde, qu'il me montrerait à quel point je le dégoûte. Je pensais qu'il ne laisserait jamais passer cette occasion de m'atteindre.

Mais rien, il ne s'était encore rien passé. Alors j'avais essayé de relativiser toute la journée en me disant que je m'étais peut-être monté la tête, que Hugo s'était peut-être fait à l'idée, et qu'il sortirait de sa tête cette envie de s'en prendre à moi pour quelque chose d'aussi stupide.

Cependant, j'avais du mal à y croire moi-même. Et ma journée avait eu beau bien se passer, mon déjeuner avec Joyce m'ayant aussi fait du bien, m'allégeant d'un poids, je ne pouvais empêcher le retour de cette angoisse à mesure que l'après-midi défilait. Parce que, finalement, ce que j'appréhendais le plus était mon entraînement de foot. J'avais le sentiment que c'était ce moment qu'attendait Hugo. Et je ne savais pas ce qu'il avait en tête, mais j'avais un très mauvais pressentiment.

Alors c'est le corps tremblant et le cœur palpitant que j'empruntais le chemin qui me mènerait jusqu'au terrain de football. Revoir Hugo et confronter les autres membres de mon équipe me foutait une peur bleue. Je n'étais donc pas serein lorsque je remontais cette petite allée qui débouchait sur le bâtiment qui abritait les vestiaires.

Ce fut à cet endroit que mon sentiment d'insécurité s'accentua. Mon sang bouillonnait dans mes veines, ma respiration se faisait plus irrégulière et mon corps fut parcouru d'un frisson d'angoisse lorsque j'aperçus trois silhouettes devant moi qui semblaient m'attendre de pied ferme. Sans surprise, lorsque je fus assez proche pour distinguer leur visage, je tombai nez à nez avec Hugo et deux de ses acolytes.

- Qu'est-ce que tu fous là ? lançai-je d'un soupir, déjà lassé par la conversation qui allait suivre. Tu n'as pas autre chose à faire qu'à te cacher dans une allée sombre ?

Hugo laissa échapper un rire qui sonna terriblement faux avant de se rapprocher de moi.

- Je pourrais te retourner la question, dit-il. Où est-ce que tu comptais aller comme ça ?

- A ton avis, du con ? soupirai-je. Tu sais très bien qu'on a un entraînement aujourd'hui. Je sais que tu n'as pas toute ta tête, et qu'il te manque quelques neurones, nos précédents échanges l'auront montré, mais je ne te pensais pas capable d'oublier la seule chose de ta vie pour laquelle tu n'es pas complètement misérable.

Impassible, Hugo croisa les bras et ne se donna plus la peine de sourire. Visiblement, mon trait d'humour ne l'avait pas touché. Quel dommage.

- Oh alors tu n'as pas reçu la nouvelle, enchaîna-t-il en haussant un sourcil et arborant un air faussement peiné. L'entraînement se fera sans toi aujourd'hui, et tous les autres jours aussi d'ailleurs.

J'eus l'impression que tout mon sang quitta mon visage tandis qu'un lourd poids se formait dans mon estomac. L'air détaché que j'avais voulu me donner s'effrita instantanément pour laisser place à une expression fermée et profondément inquiète alors que mon cœur ratait un battement. C'était impossible, il ne pouvait pas me faire ça.

- Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ? demandai-je tout de même, dans l'espoir de me tromper.

- Je pensais que c'était assez clair pourtant, répliqua-t-il avec un horrible sourire provocateur accroché au visage. C'est toi qui ne dois plus avoir toute ta tête Swann. C'est fini pour toi. Tu n'es plus capitaine, tu n'es même plus dans l'équipe. On dirait que j'ai enfin trouver un moyen d'obtenir le poste de capitaine !

- C'est impossible ! éclatai-je. Tu ne peux pas me faire virer de l'équipe sans aucun motif ! Je n'ai commis aucune faute grave, je n'ai blessé, agressé, insulté personne, contrairement à toi. Tu n'as rien pour justifier mon renvoi de l'équipe. Je sais que tu as tendance à te prendre pour un dieu, Hugo, à tort d'ailleurs, mais ce n'est pas à toi de prendre ce genre de décision. Ce n'est pas à toi de choisir qui fait partie de l'équipe ou non, et tu n'as absolument pas le pouvoir de virer quelqu'un de l'équipe !

- Moi, peut-être pas, concéda-t-il. Le doyen, en revanche, à tout à fait ce pouvoir. Surtout lorsque sa décision est soutenue par ton précieux papa et qu'il est aveuglé par l'argent que ce dernier utilise pour renflouer les caisses de notre belle université. Tu n'oublies quand même pas que ton cher père finance notamment le département sportif d'Oxford ? Alors quand Monsieur Nelson donne un ordre, on l'exécute, pour mon plus grand plaisir.

- C'est dégueulasse. S'il y a bien quelqu'un qui doit être viré de cette équipe, c'est toi, pas moi.

- Il faut croire que ton cher papa me préfère à toi, répliqua-t-il en laissant échapper un rire sardonique. Il faut croire que, moi, je ne le déçois pas. Mais tu savais que ça arriverait, Swann. Tu savais ce que tu risquais. J'espère que ta petite lubie vaudra la peine de sacrifier tes plus grands rêves.

- Je te laisserai pas faire ça ! Tu ne peux pas obtenir ce que tu veux aussi simplement. Je vais parler au coach, je suis sûr qu'il sera de mon côté et qu'il fera quelque chose pour t'évincer. Ne serait-ce que pour éviter que l'équipe soit empoisonnée par ton égo.

Je ne pouvais pas les laisser faire ça, je ne pouvais pas laisser Hugo et mon père ruiner mon rêve, ruiner tous mes efforts pour en arriver jusqu'ici. Il était hors de question que je cède aussi facilement.

Alors que j'allais le dépasser, bien déterminé à aller parler au coach et ne pas laisser cette situation me tomber dessus, Hugo me coupa le passage et me repoussa violemment en plaquant ses mains sur mes épaules. Ses deux sbires, qui n'avaient toujours pas pris la parole, se rapprochèrent eux aussi, formant un bouclier que je ne pourrais traverser.

- Tu comptes faire quoi là ? lâcha Hugo dans un rictus moqueur. C'est fini, Swann. Le coach ne pourra rien faire pour toi, il ne s'agit pas de sa décision. Heureusement d'ailleurs parce que le pauvre vieux ne semble pas me porter dans son cœur et n'avait pas l'air ravi de la nouvelle. Mais son opinion est inutile, tout comme ta place dans l'équipe. Il va falloir que tu l'acceptes. Plus vite tu le feras et plus vite tu pourras retourner t'amuser avec ton petit jouet. Tant que vous restez loin de notre vue, bien sûr.

Cette fois-ci, ce fut à mon tour de craquer et de le repousser violemment. Il ne pourrait pas s'en sortir comme ça. Je ne pouvais pas le laisser me prendre ma passion, ni insulter Yaël ou mon couple. La colère qui montait progressivement en moi depuis ces cinq dernières minutes menaçait d'exploser et j'avais une soudaine envie de lui refaire le portrait.

- Tu vas le regretter ! crachai-je, les dents serrées. Je ne vous laisserai pas m'évincer de l'équipe aussi injustement sans agir. Je ne m'en irais pas sans me battre pour ma place, une place que je mérite bien plus que toi. Je ne me laisserai plus faire, et ce ne sont pas tes petites magouilles qui vont me décourager.

Hugo gardait son sourire, celui que j'avais envie de lui faire avaler. D'un geste brusque et sans que je n'ai eu le temps de le voir venir, ses bras, qu'il avait auparavant sévèrement croisés, vinrent me pousser violement et ses mains s'accrochèrent aux pans de ma veste. Je fus brutalement projeté contre le mur derrière moi et une vive douleur me remonta dans le dos.

- Tu auras du mal à récupérer ta place avec une cheville cassé, ou pire, articula-t-il en me tenant toujours fermement acculé contre ce mur. Dommage que je t'aie raté la dernière fois. Je m'en suis voulu, tu sais, ça aurait rendu les choses plus faciles et tu n'aurais pas été là, à essayer pathétiquement de te défendre alors que tu sais très bien que la partie est finie pour toi. Je gagne.

- T'es une ordure, lâchai-je d'un souffle. Tu te rends quand même compte que tu te donnes tout ce mal simplement parce que je ne partage pas ton opinion ? Parce que c'est bien de ça dont il s'agit, tu n'as toujours pas digéré le fait que je sorte avec un homme, pas vrai ? D'ailleurs tu devrais éviter de me toucher, on sait jamais, je suis peut-être contagieux.

- Mais c'est que tu as développé ton humour, ricana-t-il. Je suis désolé que tu sois tombé si bas, Swann. Mais pour le bien de l'équipe, je ne peux pas te laisser revenir parmi nous. Personne n'a envie d'avoir une tapette dans nos rangs. Alors retourne t'amuser ailleurs, princesse.

- En quoi ma vie sentimentale menace-t-elle ta propre petite vie pathétique ? m'énervai-je soudainement en tentant de me défaire de sa prise. La personne avec qui je sors n'est pas un motif pour me virer d'une équipe sportive. Tu t'entends parler, là ? Tu sais que ce que tu fais s'appelle de la discrimination et de l'homophobie ? Et tu ne t'en sortiras pas comme ça ! J'irais rapporter ton comportement et tu seras sanctionné, parce que l'homophobie est punie ! Je trouverais des soutiens, y compris au sein de l'équipe de foot, parce que, contrairement à ce que tu crois, tout le monde dans cette fac n'est pas aussi fermé d'esprit que toi ! A la fin, c'est moi qui gagne.

- Et dis-moi, pauvre petit Swann, à qui vas-tu te plaindre ? Au doyen qui est déjà de notre côté. Personne n'entendra ta voix, Nelson. Tu es seul. Tu es mort. Et je peux te confirmer que personne ne veut de toi dans l'équipe non plus. Personne ne te soutiendra. Personne ne veut de toi dans les vestiaires. Personne n'a envie que tu nous mattes à chaque fois qu'on se changera. Tu dégoûtes tout le monde, Swann. Tu es à vomir. Et je peux t'assurer qu'il est hors de question qu'on laisse un pédé comme toi remettre un pied dans notre équipe.

Furieux, le coup partit tout seul, sans que je ne puisse le contrôler, et mon poing rencontra le visage de Hugo. Je ne réalisais que trop tard que c'était exactement ce qu'il attendait, que j'ouvre les hostilités pour qu'il puisse les continuer. Et c'était exactement ce qu'attendaient ses deux sbires peu éloquents pour intervenir et le défendre, lui.

Je me retrouvai alors bientôt plaqué contre le mur à encaisser les poings de Hugo qui se défoulait sur moi sans aucun moyen de me défendre. Je tentai de m'éloigner, ou de rendre les coups afin de les déstabiliser assez longtemps pour que je puisse m'échapper, mais il n'y avait rien à faire. J'étais acculé, seul et choqué par la tournure que venait de prendre les évènements tandis qu'eux étaient trois, et ils étaient déterminés.

- Pourquoi tu fais ça ? lançai-je finalement et avec peine alors que j'obtenais une seconde de répit pour respirer. Je suis toujours le même, et tu étais censé être mon ami.

Brièvement, je pus apercevoir le sourire mesquin de Hugo alors qu'il se rapprochait de moi. Je n'avais plus la force de bouger, le mur derrière moi m'aidait à me tenir debout. La tête lourde, je me penchai pour cracher un peu de sang venant des blessures qu'ils m'avaient infligées à la joue et aux lèvres avant d'ancrer à nouveau mes yeux dans ceux de Hugo.

- Tu as toujours été ennuyeux et insipide comme ami, de toute façon, me souffla-t-il. Et maintenant, tu n'es plus rien.

Le coup brutal qu'il m'envoya ensuite dans l'estomac me fit plier. J'étais trop faible pour riposter, trop faible pour tenir sur mes jambes et je me retrouvai bientôt à terre.

Désormais au sol, je n'arrivais plus à me défendre. Je perdais la notion du temps et de ce qui était en train de se produire. Je ne voyais plus rien, n'entendais plus rien, je ressentais juste les coups et la douleur. J'avais mal partout, au visage, au ventre, à la poitrine. J'avais l'impression que ma tête allait exploser et j'avais juste envie de vomir de douleur.

J'étais sur le point de perdre connaissance lorsque je réalisais que je ne sentais plus de mains, plus de pieds, plus de pression sur moi. Tout avait été remplacé par un brouhaha, des pas, des cris, de la colère, des menaces et une voix. Une voix qui me permettait de remonter à la surface. Yaël était là.

Je n'arrivais pas à le voir puisque mes yeux refusaient momentanément de s'ouvrir, mais je savais qu'il était là. Vaguement, je l'entendais menacer sévèrement et violemment Hugo. D'autres mains se posèrent sur moi et, avec des gestes bien plus délicats, cette personne, que je n'arrivais pas à identifier à cause du brouillard qui m'anesthésiait encore, m'aida à me redresser et à m'asseoir contre le mur.

- Yaël, viens ! cria-t-il. Hugo n'en vaut pas la peine, on s'occupera de lui plus tard. Pour l'instant on doit aider Swann.

C'était Austin qui se trouvait près de moi et me laissait se reposer contre lui. J'avais reconnu sa voix. Et je réussis à rouvrir les yeux lorsque je reconnus l'odeur la présence d'une autre personne devant moi.

Yaël s'était accroupi à ma hauteur. Ses mains se posèrent sur mon visage avec une douceur infinie tandis qu'il semblait prendre conscience des dégâts. Même si j'étais complètement dans les vapes et seulement à moitié conscient, je savais qu'il inspectait mon corps, comptabilisant mes blessures. Et lorsque ses yeux croisèrent les miens, je pus voir à quel point il était inquiet et terrifié, et je devinais à son regard brillant et sa mâchoire crispée qu'il donnait tout à cet instant pour ne pas craquer.

- Ça va aller, Swann, souffla-t-il fébrilement, la voix tremblante. On est là, et on va te soigner. Je... On va t'aider à te relever, d'accord ?

Sa voix s'était brisée au milieu de sa phrase, et ça me brisait aussi un peu plus, mais je n'avais pas assez de force pour le réconforter. J'avais déjà beaucoup de difficulté à rester conscient et réaliser ce qu'il venait de se passer.

Je me sentis soudainement soulever du sol jusqu'à me retrouver debout. Les jambes tremblantes, j'étais trop faible pour me tenir tout seul. Je sentis alors les deux garçons passer de chaque côté de mon corps pour que je puisse prendre appui sur eux. Vaguement, je les entendis prononcer le mot "infirmerie" mais je perdis vite le fil de la conversation. Je n'avais plus la force de rien, plus la force d'écouter ou de réfléchir. Alors je les laissai me guider.

Tout ce que je ressentais à cet instant, c'était trop. Le sentiment de trahison, le choc, la douleur pulsante et entêtante, la honte aussi de ne pas avoir su me défendre, et ce creux qui se creusait dans ma poitrine, c'était trop. Trop d'un coup, trop dur à assumer, trop accablant, trop écrasant. Trop pour rester éveillé.

Alors je cessai de réfléchir et laissai l'obscurité m'envahir jusqu'au black-out complet.

Je venais de m'effondrer.

♠️♠️♠️

Hey...

Je suis désolée...
C'est pour ça que j'ai eu du mal à écrire ce chapitre, je ne voulais pas faire du mal à Swann. Je m'en veux mais je devais le faire, malheureusement, c'était une scène qui était prévue depuis le début de cette histoire. Je déteste ça mais ça arrive encore dans la vraie vie et je voulais rester réaliste en en parlant. Hugo est le genre de personne susceptible d'avoir cette réaction, autrement dit c'est une ordure.

Enfin on va pas s'étendre là-dessus où je vais encore m'énerver... Je ne sais pas trop quoi vous dire d'autre sur ce chapitre, je crois qu'il s'explique assez bien tout seul.

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

Notre Swann plutôt déterminé du début, prêt à assumer ?

Le reste de la fac qui ne donne pas tant d'importance que ça à la nouvelle ?

Hugo ? L'agression ?

Qu'est-ce qui va se passer ensuite, selon vous ?

Voilà, j'espère que vous aurez quand même pu apprécier ce chapitre sur certains points...

Moi je vais aller me cacher et essayer de faire justice à mes personnages en continuant d'écrire la suite. Je fais au plus vite pour vous poster ensuite le prochain chapitre. En attendant je vous souhaite une bonne journée et je vous envoie un gros câlin pour me faire pardonner.

À bientôt, T.

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