5. First Step
" Tout ce qui nous aidera, plus tard, à nous dégager de nos déconvenues s'assemble autour de nos premiers pas."
René Char
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Swann
- N'oubliez pas que vous devez rendre votre premier devoir dans une semaine, lança notre professeur alors que nous étions déjà en train de ranger nos affaires.
C'était notre dernier cours de la journée et je crois que tout le monde voulait quitter cet endroit au plus vite, surtout après les deux heures mortellement ennuyeuses que nous venions de passer.
- Mec ? m'interpella Hugo à mes côtés. Tu voudrais pas qu'on le fasse ensemble ce devoir ? Je me sens vraiment pas chaud pour me plonger dedans maintenant. Franchement attaquer l'année comme ça, il abuse.
Je savais très bien que par « faire ensemble » Hugo entendait plutôt « faire à sa place » mais je me retins de lui faire la remarque.
- Ça va pas être possible, en fait je l'ai déjà fini, lui appris-je.
- Quoi ? Mais t'as fait ça quand ? On est pas censé s'y pencher à la dernière minute ? Enfin c'est pas très grave, tu pourrais très bien m'aider en me laissant jeter un petit coup d'œil à ta copie.
Qu'est-ce que je disais ?
- Tu crois pas qu'il serait temps que tu apprennes à travailler tout seul ?
- T'es sérieux là ? Ça ne serait pas la première fois qu'on s'entraide. Tu n'oserai pas me laisser dans la merde quand même ? s'offusqua-t-il.
- Je suis désolé mais j'ai encore besoin de ma copie pour finaliser quelques petits trucs. Et tu verras, le sujet n'est pas bien compliqué. Je peux te recommander des livres pour t'aider, si tu veux ?
- Des livres ? répéta-t-il en faisant une grimace. Non merci, ça ira. Tu sais quoi, laisse tomber.
Hugo se retourna et termina de ranger ses affaires tout en grommelant des paroles incompréhensibles. Alors qu'il s'apprêtait à mettre son sac sur son épaule pour ensuite sortir de la salle, je le retins par le bras.
- Au fait, tu as toujours le dessin de Yaël ? demandai-je peu sûr de moi.
Hugo fronça les sourcils en me regardant d'un air perdu, comme s'il ne comprenait pas vraiment de quoi je lui parlais.
- La feuille que tu as arraché de son bloc de dessin, précisai-je. Tu l'as encore ?
- Ah, ce chiffon. Oui je l'ai encore. Pourquoi ?
- Je peux le voir ?
- Pour quoi faire ? Tu t'intéresses au dessin, toi, maintenant ? lança-t-il, suspicieux.
- Je veux juste voir ce qu'il a encore dessiné comme connerie, me justifiai-je. Je veux voir l'ampleur des dégâts, je suis sûr qu'il a pas progressé, ce con.
Hugo laissa échapper un rire sonore, acquiesçant à ma remarque alors que, moi, je me demandais comment j'avais pu dire un truc pareil. Sans plus attendre, mon ami ouvrit la petite poche de son sac à dos pour en sortir un papier plié en quatre qu'il me tendit. Je l'attrapai et, curieux, je n'attendis pas une seconde pour découvrir ce qu'il contenait.
Le dessin ne représentait rien d'autre qu'une silhouette, une ombre sans visage. Il était clair qu'il était loin d'être terminé, et j'avais soudainement envie de voir le résultat final. Les traits étaient finement tracés avec une précision étonnante. J'avais toujours aimé ses dessins.
- C'est à chier, pas vrai ?
Loin de là.
- Ouais, carrément. Au fait, mec, pour le devoir, je pourrais te laisser lire le mien une fois que je l'aurais complètement terminé, proposai-je, histoire de changer de sujet. Tu sais, pour que tu puisses comparer.
- Je savais que tu me laisserais pas tomber, lança-t-il en me donnant une tape sur l'épaule avant de se retourner pour quitter la salle.
Au moins j'avais pu récupérer le dessin, et le garder.
Je glissai la feuille dans ma poche avant de sortir à mon tour de la salle avec une petite idée derrière la tête. Une idée que j'avais encore plus envie de réaliser alors que je distinguai sa silhouette dans le couloir. Malheureusement, je fus coupé dans mon élan par une masse qui se jeta sur moi.
- Salut bébé ! Ça fait pratiquement une semaine qu'on s'est pas vus, tu peux pas savoir à quel point tu me manques !
Brayden avait enroulé ses bras derrière mon cou, elle déposa sans attendre ses lèvres sur les miennes. Je répondis à son baiser par automatisme.
- Ça te dirait de venir chez moi ce soir ? proposa-t-elle. On pourrait se faire un dîner et tu pourrais même rester dormir.
- Non ça va pas être possible ce soir, lançai-je. Je dois rentrer, j'ai des choses à faire, du travail.
- Alors on pourrait juste rentrer ensemble, juste passer une ou deux heures tous les deux, aller se prendre un milkshake ou quelque chose comme ça.
- Je peux pas Brayden, je viens de te le dire !
- Qu'est-ce qu'il se passe Swann ? Je vois bien que quelque chose ne va pas. Je ne suis pas conne. Tu ne peux pas te jouer de moi comme tu le ferais d'une pauvre fille naïve. Tu es ailleurs depuis la rentrée, on ne se voit plus, on ne fait plus rien ensemble. Je comprends que tu aies tes activités à côté, et je ne demande pas à ce qu'on reste collé l'un à l'autre à chaque minutes, mais j'ai aussi besoin qu'on soit là l'un pour l'autre. Enfin merde, histoire de se rappeler qu'on est un couple et pas des étrangers ! Je veux juste un peu d'attention, c'est trop te demander ?
Je fixai Brayden en silence, j'étais peiné pour elle. C'est vrai que je n'avais pas été très cool avec elle, et c'était vrai aussi qu'elle n'était pas la fille la plus chiante que je connaisse, bien qu'un peu capricieuse. Brayden était sympa, et elle ne méritait pas ça. C'était moi le problème, je n'étais pas fait pour les relations de couple.
- Je suis désolée, Brayden. Je... je me suis pas rendu compte, tentai-je. Mais, écoute, vendredi il y a la fête chez Hugo, on pourra passer la soirée ensemble. Je te promets que tu auras toute mon attention. Mais là, aujourd'hui, je peux vraiment pas.
- Donc, ce que tu proposes, c'est un rendez-vous à la soirée de ton pote ? Classe. Laisse tomber, dit-elle en se retournant.
Comprenant mon erreur, je saisi Brayden par le poignet pour la retenir.
- Ou alors on pourrait se voir demain après les cours ? proposai-je, peu sûr de moi. On pourrait commander à manger, ou au pire aller prendre un café.
Brayden me fixa quelques secondes, un sourcil haussé, avant de soupirer.
- Tu sais quoi, Swann, appelle-moi quand tu auras réellement envie de passer du temps avec moi.
Cette fois-ci, je ne pus la retenir. De toute façon, je ne savais pas quoi rajouter. Je poussai un léger soupir avant de scanner le couloir du regard. Je l'avais perdu du vue le temps de ma conversation avec Brayden. Mais je savais exactement où le trouver.
Je sortis rapidement de l'établissement et marchai quelques minutes jusqu'à ce que j'arrive devant le bâtiment qui m'intéressait. J'y entrai et naviguai quelques instants à travers les rayons jusqu'à ce que je le remarque.
Il était assis à une table, entre deux allées, le nez plongé dans un bouquin imposant et vieilli. À le voir là, je n'osai pas le déranger, et puis il fallait bien admettre que je me dégonflais un peu. Repensant à ce qu'il m'avait dit la dernière fois, j'hésitai a m'avancer. Et s'il avait raison ? C'est vrai que c'était souvent moi qui faisait le premier pas vers lui. Pourquoi je faisais ça, déjà ? Qu'est-ce qu'il allait penser de moi, de mon comportement ?
Néanmoins, je décidai pour une fois d'arrêter de réfléchir et m'approchai après l'avoir observé un peu trop longtemps à mon goût.
- Tu n'as pas trop l'air de travailler là, lançai-je alors qu'il relevait soudainement la tête. T'es sûr que tu t'es pas foutu de ma gueule ?
D'abord surpris, Yaël me regarda ensuite avec une lueur d'amusement dans ses yeux. Il ne tarda pas à arborer son petit sourire en coin.
- Je travaille bien dans cette bibliothèque, mais pas tous les jours, précisa-t-il. Parfois je viens ici pour étudier, ou pour lire, tout simplement.
- Tu te rends sur ton lieu de travail même quand tu n'y es pas obligé ?
- Ça reste une bibliothèque, répliqua-t-il d'un air détaché. Toi aussi tu y viens pour lire ou travailler.
Je ne répondis rien. Au lieu de ça, je plaçai ma main dans ma poche et sentis le bout de papier, me rappelant de la raison de ma venue. Je le sortis timidement.
- Tiens, je... j'ai récupéré ça pour toi, dis-je en faisant doucement glisser le papier sur la table.
Les yeux de Yaël fixèrent un instant ma main qui tenait la feuille pliée en quatre. Il attrapa le bout de papier et le déplia lentement. Un sourire sincère illumina alors son visage, me donnant presque envie de sourire aussi.
- Merci, souffla-t-il en remontant le regard vers moi. Mais tu n'étais pas obligé.
Je haussai les épaules. Je lui avais simplement rendu son dessin, ce n'était pas grand chose. Je trouvais ça plus juste, et puis je crois que ça m'avait fait plaisir au fond.
- C'est qui, sur ton dessin ? demandai-je subitement, curieux.
Yaël plongea ses yeux sombres dans les miens alors qu'un très léger sourire malicieux se dessinait sur ses lèvres. Son regard était intense, si bien que j'avais du mal à le soutenir.
- Tu ne veux pas savoir, crois-moi, finit-il par répondre, l'air mystérieux.
- Quoi ? Mais bien sûr que si je...
- Sinon, tu voulais autre chose ? me coupa-t-il, changeant alors de sujet.
Je restai silencieux quelques secondes, ne sachant pas vraiment si je m'apprêtai à faire était une bonne idée. Mes mains étaient accrochés au dossier de la chaise qui se trouvait devant moi, comme si j'avais besoin de ça pour ne pas partir en courant.
- En fait, oui, je voulais te parler, avouai-je finalement.
- Je t'écoute.
Je quittai un instant son regard intense et tirai la chaise pour m'y asseoir. Je joignis mes mains et me raclai la gorge avant de relever la tête. Yaël attendait patiemment, intéressé.
- Je me disais que... qu'on pourrait oublier tout ça et essayer de redevenir amis. Je sais pas, t'as raison, c'est bête tout ça. Enfin on était proche et...
- Tu sais que ça pourrait ne pas plaire à tout le monde ? me coupa-t-il.
- Oui je sais. Mais on s'en fout, non. Si on se voit ici, on aura pas de problèmes.
Yaël fronça les sourcils et sembla se fermer légèrement.
- Ici ? A la bibliothèque, tu veux dire ? Là où tous tes potes problématiques ne viendront jamais ?
- Oui, comme ça on sera tranquilles.
- Donc une amitié, oui, mais une amitié cachée. Je ne sais même pas à quoi je m'attendais, souffla-t-il en refermant subitement son livre.
Je n'arrivai pas à distinguer si son visage affichait plutôt de la déception, de la colère ou de la tristesse. Tout ce que je voyais c'était qu'il était sur le point de se lever et que j'avais encore dit quelque chose pour le braquer.
- Yaël, attends. Je...
- De quoi tu as peur, Swann ? s'écria-t-il. Qu'on nous voit ensemble ? De ce qu'on pourrait dire ? Des rumeurs ? Mais tu crois pas qu'on s'en fout de tout ça ? On était censés être amis, non ? On est plus des gamins, on est censés pouvoir gérer ça. Des rumeurs, j'en ai connues, vécues, plein, et je ne suis pas mort. On s'en remet toujours. Tu ne voudrais pas arrêter de te cacher deux minutes et vivre ta vie ? Tu es un trouillard, Swann, et un lâche.
Yaël ne me laissa pas le temps de répondre qu'il s'était déjà levé, emportant son livre avec lui certainement pour le ranger. Moi je restai bouche bée, je ne savais pas trop comment réagir. Pourquoi fallait-il que toutes nos conversations se finissent comme ça ? Pourquoi devrait-il toujours finir par me faire la morale ?
Je baissai mes yeux vers mes mains, me sentant un peu honteux sans trop savoir pourquoi. J'étais triste aussi un peu. Triste de voir que notre relation était devenue telle qu'elle était aujourd'hui. Il y a quelques années, nous étions inséparables, et je crois que ça me manquait. Mais je ne semblais pas parvenir à trouver le moyen de récupérer ce que nous avions perdu. Si seulement je ne les avais pas écouté à l'époque.
Je poussai un long soupir et relevai légèrement la tête, assez pour voir l'écran du téléphone de Yaël s'allumer. Quelqu'un essayait de l'appeler. Curieux, je tendis le bras vers l'appareil et l'attrapai juste de façon à voir le nom inscrit sur l'écran. Camille.
Je fronçai les sourcils. C'était qui cette Camille ? Il ne m'en avait jamais parlé, et moi je ne connaissais personne portant ce prénom. En même temps, ça faisait des années qu'on ne s'était pas vus, ni parlés. Ce devait être une des connaissances qu'il s'était faite en France. Était-ce une simple amie ? Ou est-ce qu'il s'agissait de sa petite amie ?
Je secouais la tête de gauche à droite et reposai le téléphone sur la table. Je ne savais même pas pourquoi ça m'importait autant. Je devrais plutôt penser à comment j'allais encore me rattraper auprès de Yaël.
Je le voyais, il était à quelques mètres de là, dos à moi, devant un des rayons de la bibliothèque. Il avait la tête baissée et ne semblait pas du tout s'intéresser aux livres qui se trouvaient devant lui. Je le vis prendre une grande inspiration, comme s'il tentait de se calmer, avant qu'il ne se retourne pour s'avancer à nouveau vers moi.
- Écoute, Yaël, je suis désolé, lançai-je précipitamment. Je sais que c'est pas idéal, que c'est pas ce à quoi tu t'attendais, mais je fais ce que je peux, je...
- Non, c'est moi qui suis désolé, souffla-t-il. Je devrais déjà m'estimer heureux que tu ne me rejettes pas. T'as raison, on devrait essayer de retrouver ce qu'on avait avant, peu importe les conditions. Tant que je peux te voir, je m'en fous du lieu où on se trouve.
Sans que je ne puisse le contrôler, un grand sourire illumina mon visage, entraînant alors le sien. Nous nous regardâmes pendant une longue minute sans qu'aucun de nous deux ne dise quoi que ce soit. Finalement, Yaël rompit notre contact visuel et commença à ranger ses affaires.
- Je dois rentrer, m'indiqua-t-il.
- Tu as eu un appel, lui dis-je en le voyant attraper son téléphone.
Je le regardais froncer les sourcils alors qu'il déverrouillait l'appareil. Il poussa un profond soupir avant de le ranger dans sa poche.
- C'est qui Camille ? ne pus-je m'empêcher de demander, curieux.
- Mon ex, soupira-t-il après m'avoir regardé quelques secondes.
Je hochai la tête alors que Yaël avait le nez dans son sac. Mon intuition était la bonne, il s'agissait de quelqu'un de proche.
- Et qu'est-ce qu'elle te veut ? continuai-je.
Cette fois-ci, Yaël releva complètement la tête vers moi, un sourcil haussé. Il planta son regard dans le mien et arbora un sourire qu'il semblait contrôler pour éviter de laisser éclater son rire. Qu'est-ce que j'avais encore dit ?
- Tu... tu es incroyable, lança-t-il. Incroyablement buté.
- Quoi ?
- Laisse tomber.
Je le regardai, perdu. Comme souvent avec lui, je n'avais absolument pas compris ce qu'il venait de se passer. Yaël semblait amèrement amusé alors qu'il finissait de ranger ses affaires.
D'un geste automatique, je me levai alors qu'il passa à côté de moi, sans un mot. Je l'observai avancer en direction de la sortie d'un air absent.
- Au fait, pourquoi tu m'as ramené ce dessin ? me demanda-t-il alors qu'il se retournait, s'avançant à nouveau vers moi. Tu aurais très bien pu ne jamais le récupérer et laisser Hugo en faire ce qu'il voulait.
Je plongeai mes yeux dans les siens et secouai doucement la tête.
- Non. Je sais ce que ça représente pour toi, le dessin. Je m'en souviens. Je sais que c'est quelque chose qui te tiens à cœur. C'est pas cool ce qu'a fait Hugo, il ne mérite pas d'avoir ton dessin, et il n'aurait jamais dû te le prendre de cette façon. Je devais le récupérer, je devais te le rendre, parce que c'est important pour toi.
Un sourire sincère s'afficha sur le visage de Yaël alors qu'il se rapprochait encore un peu plus de moi, tout prêt.
- Tes défauts n'ont pas changés, Swann. Mais tes qualités n'ont pas changées non plus, souffla-t-il en frôlant rien qu'un instant ma main.
Captivé par ses yeux, je remarquai à peine le frisson qui remonta le long de mon bras. Yaël se recula, tout sourire, tandis que je ne revins à moi seulement lorsqu'il rompit notre contact visuel en se retournant.
Je clignai des yeux et baissai immédiatement le regard vers ma main pour l'inspecter, comme pour comprendre, pour trouver ce qui était en train de me brûler. Mais il n'y avait rien. Aucune explication logique.
Putain ! Qu'est-ce qui venait encore de se passer là ?
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Hey !
J'espère que vous allez bien, et que ce chapitre vous a plu. Finalement j'ai réussi à vous le poster aujourd'hui ( oui j'ai souvent du mal à me mettre d'accord avec moi-même...)
J'ai hâte de savoir ce que vous avez pensé de ce chapitre.
Swann qui récupère et rend le dessin à Yaël ?
Swann qui veut retrouver une amitié sous certaines conditions ?
Les réactions de Yaël ?
Vos avis sur Brayden ?
Camille ? Des avis déjà sur ce coup de téléphone ?
Voilà, dites-moi tout, je suis impatiente de vous lire.
Comme d'habitude, je vous tiendrais au courant sur la sortie d'un nouveau chapitre. En attendant, je vous souhaite une bonne semaine.
À bientôt, T.
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