47. I Need You
"Protéger qui vous aime, donner le nécessaire à qui vous donne les étoiles, il n'est rien de plus doux."
Victor Hugo
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Swann
Les mains appuyées sur le meuble en marbre de ma salle de bain, je fixai mon reflet dans le miroir. J'avais l'air d'un fantôme. J'étais blanc, mes cheveux partaient dans tous les sens, mes yeux étaient rouges et gonflés, peut-être parce que je m'étais laissé aller à pleurer alors que je prenais ma douche, quelques minutes plus tôt, laissant mes larmes se confondre avec l'eau qui ruisselait sur mon visage et mon corps. Quant à ma joue, elle aussi était rouge et une coupure nette surplombait ma pommette. C'était la chevalière de mon père qui m'avait blessé sous le coup de la gifle, signe de la puissance et la violence de l'impact. Je ne ressemblais plus à rien.
Et je ne savais pas quoi ressentir non plus. Je crois que, après les quelques larmes versées dans la douche, je n'avais plus rien à fournir. Je me sentais juste vide. J'étais fatigué et je n'avais plus la force d'être en colère, déçu ou triste. C'était ça que je devrais ressentir pourtant. Mais il n'y avait plus rien, ça n'en valait pas la peine. Après que mon père m'a donné son point de vue sur la situation, je savais qu'il n'y aurait rien que je puisse dire ou faire qui le fera changer d'avis.
Alors désormais je voulais simplement m'enfoncer sous mes couvertures et dormir le plus longtemps possible afin d'oublier cette journée catastrophique, cette semaine catastrophique. Et ce que j'aimerais aussi par-dessus tout, c'était de pouvoir me blottir dans les bras de Yaël, de me fondre dans son étreinte. Parce qu'après les deux heures que je venais de passer, il n'y avait que lui dont j'avais besoin. Il n'y avait que lui qui pourrait arrêter les méandres bruyants de mes pensées, il n'y avait que lui qui pourrait me convaincre que je n'étais pas un minable ou une cause perdue.
J'avais bien compris que c'était ce que pensait mon père. Un minable, une cause perdue, un moins que rien, un gamin insolent qui ne faisait jamais ce qu'on lui demandait, un gamin capricieux qui n'était là que pour gâcher la vie du politicien Dave Nelson, la rendant bien trop compliquée. Un gamin bien trop influençable puisque visiblement je n'étais pas capable de prendre mes propres décisions et que le maléfique Yaël Stevens avait réussi à me manipuler. Un gamin gênant et pathétique. Une honte.
Je poussais un soupir et m'observait un peu plus à travers ce grand miroir. Peut-être qu'il avait raison. Parce que le garçon que je voyais là, en face de moi, ne m'inspirait pas confiance. Avec ses cernes, ses cheveux en pétard, son regard vide et bouffi, ses vêtements débraillés, ses mains tremblantes sur la console en marbre, il me paraissait bel et bien pathétique.
Même si je ne voulais pas le croire, même si je voulais penser qu'il ne me connaissait pas assez pour me juger, c'était difficile de me détacher de tout ce qu'il essayait de me mettre dans le crâne. La seule chose qui me faisait prendre du recul et me faisait réaliser qu'il ne racontait que des conneries était la façon dont il avait parlé de Yaël. Tout ce qu'il avait dit, tous les noms avec lesquels il l'avait qualifié, moi je savais que ce n'était pas lui. C'était lorsqu'il s'en prenait à Yaël que je comprenais que c'était bien mon paternel le problème, pas moi.
Du bruit venant de mon balcon me fit sortir de mes pensées, attirant mon attention. Je fronçai les sourcils et quittai ma salle de bain en direction de ma baie vitrée que j'ouvris. C'est alors que je tombais sur Yaël qui essayait d'escalader mon balcon. Les yeux plissés, je le regardais faire comme si j'avais un extraterrestre devant moi, circonspect. Je ne savais pas si je devais m'inquiéter de sa décision ou exploser de rire. Je lui reconnaissais au moins le don de me divertir.
Finalement, je choisi d'aller l'aider à finir d'enjamber mon balcon. Une fois sain et sauf, Yaël se retourna vers moi et pris mon visage en coupe pour m'embrasser.
- Salut Juliette ! souffla-t-il simplement, tout sourire, fier de sa remarque.
- Pourquoi ce serait moi, Juliette ? râlai-je.
- Bah parce que c'est toi qui es sur le balcon, idiot, répliqua-t-il en haussant les épaules.
Je levai les yeux au ciel mais choisis de ne rien répondre. Mine de rien, son arrivée toute en légèreté et en sourires me faisait du bien, chassant un instant mon mal-être.
- Qu'est-ce que tu fais là ? lui demandai-je alors. Et pourquoi tu t'es senti obligé de faire de l'escalade ?
- Je pouvais pas te laisser comme ça, me confia-t-il, plus sérieusement. J'avais besoin d'être certain que tu ailles bien. J'avais besoin de te voir. Et je ne pense pas que ton père aurait apprécié que je passe par la porte.
Je baissai la tête, penaud, alors que le vif souvenir de cette journée me serrait le cœur. Je repassai les dernières heures qui venait de s'écouler dans mon esprit et me rappelai que j'avais encore perdu le peu de foi que j'avais en mes parents, mais je me voyais aussi dans les bras de Yaël et me sentais mieux. Ce dernier, de son côté, semblait m'inspecter pour être sûr que je n'étais pas blessé. Ses mains, toujours posées sur mon visage, me poussèrent à relever la tête jusqu'à ce que je plonge mes yeux dans les siens, inquiets.
- Ça va, je vais bien, murmurai-je.
Yaël ne répondit pas tout de suite, se contentant de garder son regard bien ancré dans le mien, et j'avais soudainement l'impression qu'il sondait mon âme. Jusqu'à ce que ses yeux ne retombent sur ma joue. Je me mordis la lèvre alors que lui fronçait les sourcils, un voile sombre passant au fond de ses prunelles.
- Non, ça ne va pas, souffla-t-il en effleurant ma joue de son pouce, juste en dessous de ma blessure.
La gorge nouée, j'avais du mal à retenir un sanglot. Non, ça n'allait pas.
- Serre-moi dans tes bras, lui intimai-je d'une voix à peine audible.
Yaël déposa un très léger baiser sur mon front et n'attendit pas une seconde de plus pour m'entourer de ses bras qui se resserrèrent dans mon dos pour me rapprocher de lui. Je me laissai faire, comme un pantin désarticulé, et nichai ma tête au creux de son sou, m'enivrant de son odeur. J'avais trop besoin de ce contact, de lui tout entier, et j'avais l'impression que je ne pourrais jamais être assez proche de lui. Alors je renforçai moi aussi ma prise autour de lui et le laissai me bercer doucement.
- Je le déteste pour avoir réagi comme ça, murmura Yaël à mon oreille, la voix serrée.
- Moi aussi.
Pas besoin de préciser de qui nous étions en train de parler, nous savions tous les deux contre qui notre haine était désormais dirigée.
- Viens, il commence à faire froid et tu n'es pas très couvert, me dit-il en m'entraînant à l'intérieur deux minutes plus tard.
Je suivis Yaël et m'assis à côté de lui sur mon lit. Il ne lâcha pas la main qu'il tenait depuis qu'il m'avait ramené jusque dans ma chambre. Son autre main, elle, avait retrouvé mes cheveux et massait mon crâne jusqu'à descendre dans ma nuque. Je baissai la tête avant de la poser sur son épaule. J'aimais tellement quand il faisait ça, c'était si agréable que j'en oublierai presque toutes mes tensions.
Les yeux fermés, je retrouvai une respiration régulière, trouvant un moyen de me détendre dans cette chambre silencieuse et plongée dans la pénombre. Il avait cette capacité, ce pouvoir qui lui permettait de me calmer, de m'apaiser avec quelques simples touchers. Je n'avais jamais été comme ça avec personne, mais avec lui, tout avait toujours été différent. Il était unique pour moi, et je ne voulais pas abandonner cet unique qui me faisait tellement de bien. Il me faisait me sentir vivant.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé après que je suis parti ? me demanda finalement Yaël, tout doucement. Qu'est-ce que tu lui as dit ?
- Rien. J'étais tétanisé, et lui était enragé. Il me faisait peur. Alors j'ai pas réussi à parler, j'ai pas su quoi dire. Toutes ces choses qu'il a dites sur moi, sur toi, c'était horrible et j'aurais voulu nous défendre mais je n'y arrivais pas. C'était comme si j'avais momentanément perdu la parole. De toute façon, je ne suis pas certain qu'il m'aurait laissé en placé une. Et j'aurais jamais pu le convaincre, je crois qu'il est simplement persuadé que je fais encore un caprice, ou que je me rends intéressant pour le provoquer. Il avait déjà sa version, alors je n'ai rien dit. C'était lui qui parlait, qui criait. Et moi j'étais là, à me demander quand est-ce que ça se terminerait. C'était terrifiant.
Yaël passa son bras autour de ma taille et me serra encore plus contre lui.
- Et il ne t'a pas... il ne t'a pas frappé à nouveau ? s'enquit-il. Dis-moi qu'il n'a pas recommencé après la gifle.
- Non ! Non, il ne l'a pas fait, le rassurai-je. C'était plus verbalement qu'il était violent, mais il n'y a rien eu d'autre que la gifle. Promis.
- C'est déjà trop, Swann, soupira-t-il en embrassant ma tempe. Il a quand même réussi à te blesser, et les mots peuvent faire aussi mal que les coups. Je suis désolé, Swann, mais je déteste tes parents. C'est pas comme ça qu'on doit réagir. Et je les déteste de te faire subir ça.
- Ça va aller, dis-je en haussant les épaules. Ce ne sont que des mots, je m'en remettrais. Je sais que ce qu'il pense de moi, ce n'est pas ce que je suis. Je sais que ces mots ne me qualifient pas.
- Vraiment ? Je sais que tu es fort, Swann. Mais est-ce que tu es sûr que ça ne t'atteint pas ?
Je relevai la tête vers lui et je compris à la vision brouillée que j'avais de son visage que je m'étais trahi. Mes yeux pathétiquement larmoyants m'avaient trahi. Yaël m'offrit simplement un petit sourire compatissant avant de passer une main sur ma joue, y déposant ensuite un baiser.
- Je suis content que tu sois là, murmurai-je tout doucement, préférant changer de sujet plutôt que de m'éterniser sur ce que mon père pensait désormais de moi. Je suis désolé de t'avoir demandé de partir tout à l'heure, mais je voulais juste éviter qu'il te blesse, toi aussi.
- Je sais, mais j'aurais quand même dû rester, j'aurais pas dû te laisser seul avec eux, avec lui. Quant à mon retour ici, je t'avoue que j'avais peur. J'avais peur que tu ne veuilles pas me voir après la confrontation avec ton père. Peut-être parce que ça aurait été trop tôt, ou que je t'aurais rappelé un mauvais moment de ta journée. Peut-être parce qu'il aurait réussi à te convaincre de plus me voir. Je t'avoue que j'appréhendais un peu, je me demandais si tu allais préférer me fuir.
- Non ! m'exclamai-je en plantant à nouveau mon regard dans le sien. Je ne fais plus ça, je ne fuis plus. Et je n'aurais jamais laissé mon père me convaincre de quoi que ce soit ! Impossible ! J'ai trop besoin de toi. J'ai besoin de toi là, maintenant.
Je pressai légèrement nos doigts entrelacés et posai ma deuxième main sur sa joue alors qu'un petit sourire illumina son visage.
- Tant mieux, souffla-t-il. Parce que je ne vais nulle part. Et je n'ai pas l'intention de t'abandonner.
Je répondis à son sourire et le laissai se pencher vers moi jusqu'à sentir ses lèvres sur les miennes. C'était comme une bouffée d'oxygène, comme s'il avait le pouvoir de me communiquer toute sa force à travers son baiser. C'était tout ce dont j'avais besoin, alors j'en profitais.
Jusqu'à ce que trois coups résonnent contre la porte de ma chambre.
Je sursautai et m'éloignai brusquement de Yaël. Je tournai la tête, jetant un coup d'œil à la porte comme si elle allait m'apporter toutes mes réponses ou que c'était de sa faute. Dans un éclair de rationalité, je tentai cependant de calmer les battements de mon cœur en me félicitant pour l'avoir fermé à clé.
- Swann ? Est-ce que tu pourrais ouvrir pour que je te parle un instant ? demanda la voix de ma mère depuis le couloir.
Je reportai mon attention sur Yaël qui me regardait avec intensité, l'air de se demander ce que je comptais faire. Je jetai un coup d'œil autour de moi pour trouver une solution avant d'avoir une idée.
- J'arrive ! criai-je à l'intention de ma mère tout en me relevant, attrapant le bras de Yaël par la même occasion.
Il trébucha presque en se relevant mais il me laissa tout de même l'entraîner jusqu'à mon dressing, dont j'ouvrais la porte.
- Va dans le dressing, chuchotai-je à l'intention de Yaël.
- Attends, t'es sérieux là ?
- Yaël on n'a pas le temps là, s'il te plaît, va dans le dressing, insistai-je en le poussant à l'intérieur.
- Cliché, souffla-t-il en me jetant un regard noir mais amusé.
Je levai les yeux au ciel et refermai la porte avant de m'avancer vers l'autre porte, celle derrière laquelle ma mère devait commencer à s'impatienter. Un dernier coup d'œil vers le dressing, une grande inspiration pour me donner du courage, et j'actionnai la poignée jusqu'à tomber nez à nez avec ma mère à la tenue et la coiffure toujours parfaite.
- Qu'est-ce que tu veux ? lançai-je sèchement, sans préambule.
Je n'avais pas envie que ça s'éternise et je n'avais définitivement aucune intention de lui faire la conversation.
- Je venais voir comment tu allais, répondit-elle simplement en me dépassant pour s'imposer dans ma chambre. Ecoute, je suis désolée que ton père t'ait blessé.
Physiquement ou mentalement ?
Je levai les yeux au ciel et me retournai pour lui faire face, sans me gêner pour la foudroyer du regard. Elle, jetait un coup d'œil à ma joue, l'air à peine peiné. Il n'y avait absolument rien qui n'allait dans sa présence. Que ce soit ses fausses excuses ou le fait qu'elle s'invite dans ma chambre sans que je ne l'aie désiré, tout dans son comportement commençait déjà à m'énerver.
- Il était vraiment obligé de me frapper ? lâchai-je, amer.
- Il a réagi de manière impulsive, je le reconnais, commença-t-elle d'un ton neutre. Mais il faut le comprendre, ton père était en colère. Je suis certaine, qu'au fond, il n'a pas voulu te blesser. Et puis tu sais que tout ce qu'on fait, c'est pour le mieux. C'est pour ton bien, Swann.
- Mon bien ? Sérieusement ? Mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez vous ? Ça se saurait si vous vouliez mon bien ! Mais ça fait des années que vous n'en avez plus rien à foutre de ça ! Si c'était mon bien que vous vouliez, vous m'accepteriez comme je suis, vous me laisseriez faire ce que je veux et aimer qui je veux.
Le visage, déjà impassible, de ma mère se ferma encore plus et ses yeux tournèrent au bleu foncé. Ça y est, je l'avais énervée. De toute façon, je ne m'étais attendu à rien venant d'elle, je savais qu'elle ne m'accepterait pas plus que mon père. Ça me faisait mal, évidemment, mais j'étais conscient que je ne pourrais pas plus compter sur elle que sur mon paternel.
- Voyons, Swann, ton petit caprice ne peut pas être sérieux ! s'emporta-t-elle les dents serrées et les traits durs. Tu sais très bien que ça ne peut pas continuer comme ça. Alors ta petite expérience, elle s'arrête ici, et on n'en reparlera plus. Tu sais, c'est parce qu'on t'aime que l'on fait ça.
- Non vous ne m'aimez pas, cinglai-je en me rapprochant d'elle. Ce n'est pas comme ça qu'on aime ses proches. Ce n'est pas comme ça qu'on aime son fils. Alors maintenant arrête de m'inonder de tes conneries et sors de ma chambre.
- Swann !
- Sors de ma chambre ! répétai-je en haussant le ton. J'ai pas envie de parler de ça avec toi ce soir. J'ai envie d'être seul.
Elle me fixa un instant, tentant certainement de m'intimider, mais elle finit par céder après m'avoir jeté un regard noir. Les mains liées entre elles, le dos toujours droit, la démarche fière et assurée, elle se résigna à quitter ma chambre, me laissant enfin tranquille. Je claquai la porte derrière elle et me retournai dans un soupir de frustration.
Mes yeux se reportèrent ensuite vers la porte de mon dressing. Heureusement que ma mère avait été dos à cette dernière puisque je l'avais vu bouger tout au long de notre conversation. Visiblement, Yaël ne s'était pas gêné pour l'entrebâiller et écouter notre maigre dialogue de sourd.
Je ne perdis pas une seconde pour m'approcher de mon dressing, aussi grand qu'une pièce lambda, et ouvris un peu plus la porte. Yaël était toujours là, et me regardait d'un air tendre. J'avais tellement besoin de son étreinte, encore une fois, que je ne lui laissais pas le temps de sortir pour me jeter dans ses bras. On avait l'air de deux pauvres idiots à se réconforter et se câliner dans mon dressing, en plein milieu de mes jeans, mes sweats, et mes chaussettes, mais je m'en foutais. Parce que j'étais bien.
Yaël plongea sa tête dans mon cou tandis que je respirai l'odeur douce de son shampoing. Mes bras entouraient sa taille pendant que sa main droite massait encore ma nuque. Je ne pensais pas pouvoir devenir aussi dépendant d'une autre personne. Pourtant la réalité était là, et il n'y avait aucun retour en arrière. J'étais complètement dépendant de Yaël Stevens mais je ne m'en plaignais pas, je le laissai m'entraîner sous son influence sans rechigner. Les yeux fermés, il pourrait m'emmener n'importe où, tant qu'il était avec moi, je le suivrais.
- Alors comme ça tu veux rester seul ? me demanda-t-il tout bas, répétant les mots que j'avais dit à ma mère.
- Seul avec toi, baragouinai-je en posant mon front contre son épaule.
Je le sentis sourire dans mon cou avant qu'il ne relève la tête pour ancrer ses yeux dans les miens. Comme toujours il cherchait à savoir comment je me sentais.
- Je les supporte plus, soufflai-je simplement. Leurs discours, leurs sermons, je ne veux plus les entendre. Et je n'ai plus envie d'en parler non plus aujourd'hui.
Yaël hocha doucement la tête et se pencha pour déposer un léger baiser sur mon front. Il ne s'arrêta pas là puisque, tendrement, il prit mon visage en coupe et continua ses assauts en multipliant de rapides baisers sur mes joues, ma mâchoire, mon nez, mes lèvres, mon cou, jusqu'à me faire sourire. C'était léger, rassurant, des gestes simplement remplis de douceur, de sensibilité, d'affection, et même peut-être plus. Peut-être qu'il y avait de l'amour aussi, peut-être que c'était ce que je voyais au fond des prunelles de Yaël lorsque ses yeux rencontrèrent à nouveau les miens.
Nous restâmes encore un instant à nous observer, silencieux, communicant par nos regards avant que Yaël ne le détourne. Un petit sourire devenu timide se dessina au coin de ses lèvres, il était adorable. Je me surpris à penser que ses sentiments aussi étaient adorables.
Il se mit soudainement à regarder tout autour de lui, comme pour trouver quelque chose à dire, combler ce silence devenu électrique. Et faire retomber la pression.
- J'arrive pas à croire que t'ai réussi à me remettre dans le placard ! s'exclama-t-il finalement.
Je pouffai et me reculai juste le temps de lui donner un coup sur l'épaule du plat de ma main.
- Arrête, c'est pas drôle, soupirai-je en levant les yeux au ciel.
- Moi je trouve que si, et puis c'est de circonstance. Je peux t'aider à en sortir, du placard. Allez viens, regarde.
D'un mouvement souple, il se décala de moi et recula jusqu'à sortir de mon dressing. Fier de lui et de son idée stupide, il écarta les bras d'un air triomphant avant de tendre une main vers moi, attendant patiemment que je le rejoigne. Je secouai la tête de droite à gauche, à la fois blasé et amusé. Mon rictus en coin trahissait l'expression bougonne que je voulais me donner et, finalement, après avoir été envoûté par ses yeux sombres, je me décidai à attraper sa main. Il entrelaça nos doigts et me tira tout doucement vers lui, jusqu'à ce que je sorte enfin de mon dressing.
- Tu vois, c'est pas si compliqué, chuchota-t-il en plongeant son regard dans le mien alors que je retrouvai sa chaleur et le confort de sa présence.
Je haussai les épaules et me collai à nouveau à lui. Je crois que je ne voulais plus le lâcher, pas ce soir, ou peut-être jamais. Mais en tout cas, là, maintenant, j'avais besoin qu'il me rassure. Et je m'en fichais s'il me voyait comme un enfant capricieux et collant, à cet instant, tant qu'il gardait ses bras autour de moi.
Seulement je n'eus pas le temps de me fondre dans son étreinte qu'il se décala. La moue boudeuse, je le regardais retourner dans mon dressing pour attraper un sac qu'il avait déjà dû sortir – après avoir certainement fouillé dans mes affaires – pendant que je parlais avec ma mère.
- Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda-je, les bras croisés, alors que je le voyais continuer de fouiller.
Yaël se redressa et me regarda un instant avant de se rapprocher à nouveau de moi.
- Je ne te laisse pas là, me dit-il très sérieusement. Je ne te laisse pas avec eux. Tu as besoin de respirer et de t'éloigner un peu de leur toxicité. Alors je t'emmène avec moi. Tu vas passer la nuit chez moi, quelques jours s'il le faut.
Sans réfléchir, j'encadrai ses joues de mes mains et me relevai sur la pointe des pieds pour l'embrasser. C'était tout ce dont j'avais besoin, qu'il me sorte de là, qu'il m'emmène ailleurs, et qu'il reste tout près de moi, à portée de mes bras.
- Merci, soufflai-je contre ses lèvres.
Nous échangeâmes un sourire tendre avant que je ne décide de l'aider à rassembler quelques unes de mes affaires dans le sac qu'il avait trouvé. Je ne savais pas combien de temps je resterais chez Yaël, si cela ne durerait qu'une nuit ou plus, mais pour l'instant je n'avais pas envie d'y réfléchir. Je voulais juste qu'il m'aide à m'enfuir de chez moi, m'enfuir de cette prison dorée trop étroite pour moi.
- Est-ce qu'on doit repasser par le balcon ? me demanda Yaël dans une grimace.
- Non, j'aimerais éviter que tu te casses une jambe, pouffai-je. Il faut juste qu'on soit silencieux mais je pense qu'on peut passer par la porte cette fois-ci. Mon père doit être enfermé dans son bureau et, à cette heure-là, ma mère doit déjà être dans leur chambre.
Yaël se contenta d'acquiescer face à mes paroles avant de me demander si j'étais prêt à partir. Je hochai la tête et il attrapa mon sac avant de se diriger vers la porte de ma chambre.
- Je ne suis pas un incapable, je peux porter mon propre sac, bougonnai-je.
- Silencieux, on a dit, me rappela-t-il, amusé, en tournant la tête vers moi, ignorant ma remarque boudeuse.
Je poussai un soupir en levant une nouvelle fois les yeux au ciel. Son sourire était taquin alors qu'il me faisait signe de me taire juste avant d'ouvrir prudemment ma porte. Comme je l'avais prévu, le couloir était désert, comme la maison en général qui était plongée dans le noir. Le seul petit halo de lumière venait du bureau de mon père dans lequel il devait ruminer.
Nous nous dirigeâmes sans tarder vers les escaliers et atteignîmes rapidement le rez-de-chaussée. Nous passâmes la porte sans encombre et nous nous fîmes encore plus silencieux alors que nous descendions cette longue allée jusqu'au portail, afin de ne pas éveiller les soupçons de mes parents et que l'idée leur prenne de regarder par la fenêtre.
Une fois les murs de chez moi passés, je me mis à chercher la main de Yaël. Ce dernier tourna la tête vers moi, me sourit tendrement et entrelaça nos doigts. Il ne me lâcha pas jusqu'à ce que nous atteignîmes sa voiture, garée un peu plus en contrebas dans la rue. A ses côtés, je me sentais libre. Je souriais à nouveau alors qu'une heure plus tôt j'étais pathétiquement en train de pleurer sous la douche. Mais avec lui tout était plus simple, je me sentais plus léger, et aimé aussi, je devais bien l'admettre.
Et puis cette escapade aussi était libératrice. C'était nouveau pour moi de quitter mon domicile de cette façon, et d'arrêter de penser à ce que mes parents en diraient. C'était exaltant de m'enfuir vers ce qui m'avait toujours était interdit. C'était grisant d'enfin adopter cette attitude de rébellion qui m'avait toujours à la fois tenté et terrifié. Mon cœur battait un peu plus vite mais ce n'était plus de la peur, c'était du soulagement et de la joie d'avoir enfin fait le bon choix. J'avais choisi celui qui m'aimait au lieu de me complaire avec des personnes qui ne m'accepteraient jamais.
Je pris une grande inspiration et tournai la tête vers Yaël qui était concentré sur la route. Il était beau de profil, son visage illuminé par les lumières de la ville plongée dans cette nuit hivernale. Je mesurai chaque jour un peu plus la chance que j'avais d'être auprès de lui, tout comme je mesurai à chaque fois un peu plus cette envie que j'avais de le garder auprès de moi le plus longtemps possible.
Tout était calme chez les Stevens lorsque nous arrivâmes chez lui quelques minutes plus tard. Selia devait déjà être couchée, et je ne savais où était son père. Seule sa mère était toujours dans le salon, sur un fauteuil avec un livre à la main, illuminée par une simple petite lampe. Je me sentis soudainement timide et embarrassé. Qu'est-ce qu'elle allait dire en me voyant là, à une heure aussi tardive ? Allait-elle accepter que je reste ici pour la nuit ou allait-elle me renvoyer chez moi ?
- Reste ici, j'arrive, me souffla Yaël avant de s'avancer vers sa mère.
Il s'accroupit à sa hauteur et je les vis échanger quelques paroles que je ne pouvais distinguer. Malika hocha finalement la tête et déposa un baiser sur le front de son fils. Yaël, lui, embrassa sa joue avant de revenir vers moi.
- Allez viens, tu devrais te reposer, m'indiqua-t-il en attrapant à nouveau ma main.
Je jetai un dernier coup d'œil à Malika qui me souriait tendrement avant de suivre Yaël jusqu'à sa chambre. Ce dernier partit se changer alors que je m'installai déjà dans son lit, satisfait de retrouver une atmosphère et une odeur qui me rassurait, m'apaisait. Dans le plus grand des silences, Yaël me rejoignit et se coucha à mes côtés. Nous n'avions plus besoin de mot, le fait que nous soyons ensemble était suffisant.
Ce fut à cet instant, dans le silence et l'obscurité de la pièce, alors que je me rapprochai de Yaël pour retrouver sa chaleur, que je repensais à cette journée. Les seuls moments pendant lesquelles je m'étais senti bien avaient été ceux passés auprès de Yaël. Jusqu'à ce que mes parents bousillent tout, détruisant ma bulle de confort. Ils n'avaient jamais aimé que je leur désobéisse, mais désormais je n'avais plus cinq ans, et je réalisais à quel point ils étaient toxiques, alors il était hors de question que je me plie encore à chacune de leur volonté, que je me soumette à leurs ordres.
J'avais compris aujourd'hui qu'ils ne changeront jamais. C'était peine perdue, et de toute façon ils ne valaient pas la peine de la bataille. Ils ne comprendraient jamais. Et moi je ne me battrais plus pour avoir leur approbation, parce qu'elle ne valait rien. Je ne changerais plus pour eux. Ils étaient hors de question que je ruine ma vie pour eux, que j'abandonne les personnes que j'aimais pour leur plaire. Plaire à des gens qui ne m'aimaient pas tel que j'étais.
Alors j'arrêtais de penser à eux et me blottis un peu plus contre Yaël, nichant ma tête dans son cou. Je pris une grande inspiration alors qu'il resserrait son bras contre mon dos. Il n'y avait que ça qui comptait, et je ne l'abandonnerai pour rien au monde. J'avais déjà été stupide de tenter de le fuir.
Il n'y avait que Yaël qui comptait. Ses bras autour de mon corps, sa chaleur qui nous entourait, son cœur qui battait contre le mien, son corps qui me protégeait, et son odeur qui m'enivrait.
C'était grâce à lui que je me sentais bien. Et c'était grâce à tous ces petits détails, tout ce qui faisait sa présence rassurante, que je fermais sereinement les yeux jusqu'à m'endormir.
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Hey !
J'espère que vous allez bien ! Moi je suis très heureuse de vous retrouver aujourd'hui pour ce nouvel update, j'avais besoin de partager à nouveau avec vous. Bon... c'est vrai que, malgré ça, le chapitre n'est définitivement pas très joyeux.
On retrouve ici nos deux héros chez Swann, après la tornade qu'à été son père. Yaël s'inquiétait terriblement et ne pouvait pas le laisser seul trop longtemps. Voilà, je ne sais pas trop quoi vous dire de plus sur ce chapitre, à part que j'ai beaucoup de peine pour Swann et que j'ai juste envie de le prendre dans mes bras...
Et vous, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
Swann ? Ce qu'il ressent après son altercation avec son père ? On peut tout à fait comprendre qu'il n'ait pas le moral...
Yaël qui grimpe à son balcon pour le rejoindre et le réconforter ?
La mère de Swann ?
Yaël qui ramène Swann chez lui ? Bonne idée, selon vous ?
Une idée de comment vous imaginez la suite après ça ?
En tout cas moi j'ai hâte de vous la partager, tout comme j'ai hâte de voir vos réactions à ce chapitre...
Comme je vous l'ai dit hier, je pense avoir désormais un nombre définitif de chapitres pour FALLING. Si je ne change rien, il devrait y avoir 63 chapitres et 2 épilogues. Comme à chaque fois, ça va me faire tout drôle de clôturer cette histoire, mais ce n'est pas pour tout de suite. Il nous reste encore une quinzaine de chapitres et deux épilogues à passer ensemble, à partager, donc l'aventure FALLING est encore loin d'être terminée. J'adore échanger avec vous, voir vos avis, passer du temps à discuter avec vous, et c'est quelque chose qui me manquera, ça c'est clair.
Mais bon, on ne va pas tomber dans le dramatique tout de suite. Swann et Yaël ont encore bien des aventures à vivre et je suis impatiente de vous les faire partager. Je sais que je me répète mais je vous remercie du fond du coeur d'être là, de me lire et de me soutenir. Franchement je vous adore, et j'adore faire ça, être là avec vous.
Je vous souhaite une très belle journée et je vous embrasse très fort. Nous on se retrouve au plus vite pour le prochain chapitre qui sera encore au point de vue de Swann.
A bientôt, T.
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