14. Sensitive Talks
"La parole a été donnée à l'homme pour cacher sa pensée."
Stendhal
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Swann
- Tu es allé parler de moi à Austin ?
Je me retournai précipitamment pour voir Joyce remonter le couloir d'un pas déterminé jusqu'à arriver à ma hauteur. Je m'étais raidis face au ton qu'elle avait employé, mais ce fut pire lorsque je vis l'expression de son visage. Elle était furieuse. Je n'eus pas de mal à le deviner, surtout après qu'elle m'ait asséné une claque sur l'épaule.
Joyce me laissa à peine le temps de me plaindre de la douleur provoquée, trop occupée à déverser sa colère sur moi.
- Tu es vraiment allé lui donner des conseils sur la façon dont il est censé s'y prendre pour m'inviter à sortir ? Mais pour qui tu te prends !
- Calme-toi, Joyce, soufflai-je en continuant de masser mon épaule. Je vois pas où est le mal. Et puis, techniquement, c'est Austin qui est venu me parler de toi, pas l'inverse. J'avoue que je lui ai donné des conseils mais tu es toujours libre de refuser si tu n'as pas envie de sortir avec lui. C'est pas la peine de t'en prendre à moi !
- Mais depuis quand tu te mêles de ma vie sentimentale ? De quel droit tu fais ça ?
- Attends, tu te fous de moi, là ? Tu ne le fais jamais, toi, peut-être ? Tu ne vas pas me faire croire que ton passe temps favoris n'est pas de mettre ton nez dans ma vite sentimentale à chaque occasion !
- C'est pas pareil !
- Et je peux savoir en quoi ce serait différent ? demandai-je en croisant mes bras contre moi torse. Vas-y, explique-toi.
Joyce imitait ma position, ses bras fermement calés contre elle et ses jambes ancrés dans le sol. Nous nous défiâmes du regard pendant de longues secondes, ses sourcils étaient froncés et ses prunelles noisettes étaient soudainement devenues plus sombre. Elle me fusillait sur place. Mais je ne lâchai rien, acceptant ce duel. Je tenais à savoir pourquoi les lubies de Joyce ne pouvaient pas être réciproques. Pourquoi pourraient-elle se permettre des actions qui m'étaient interdites ? Si elle voulait interférer dans ma vie sentimentale alors elle devait être prête à ce que j'interfère dans le sienne.
Déterminés à obtenir le dernier mot, nous ne faisions plus attention aux nombreux étudiants qui passaient à côté de nous, et eux-même nous ignoraient de toute façon. Nous étions en fin de journée et la plupart se dirigeaient d'un pas rapide vers la sortie de l'université. Nous n'étions qu'un grain de poussière dans leur journée.
- Je sais pas, j'ai juste pas envie que tu te mêles de mes affaires, finit-elle par souffler en laissant ses bras retomber le long de son corps.
- Bienvenue au club, alors ! Maintenant tu sais ce que ça fait.
Je n'obtenu qu'un énième regard noir pour seule réponse. Je poussai un soupir et relâchai à mon tour mes bras, détendant mes épaules. Lentement, je m'approchai de Joyce et pris sa main dans la mienne.
- Joyce, je ne vois pas où est le problème, dis-je doucement. Austin à vraiment envie de passer un moment avec toi et, même si tu ne l'admettras jamais, je sais qu'il t'intéresse. Alors pourquoi tu ne lui donnes pas une chance ? Essayez au moins, vous ne regretterez rien après ça. Et si ça ne fonctionne pas, s'il n'y a pas d'alchimie ou que tu sens que ça ne mènera à rien alors tu lui dis et il n'y aura pas de second rendez-vous. Austin s'en remettra.
- Je ne veux pas sortir avec Austin, s'entêta-t-elle. Je ne veux pas sortir avec un de tes potes. S'il sont tous comme Hugo, alors ils ne sont pas fiables. Je ne tiens pas à être juste un nom dans leur tableau de chasse.
- Si c'est ce qui t'inquiète, je peux t'assurer qu'Austin est quelqu'un de bien. C'est pas un collectionneur. Sinon je ne l'aurais pas laisser t'approcher, crois-moi. Il est sérieux, et il a des étoiles dans les yeux quand il parle de toi. Fais-moi confiance. Fais-lui confiance, et donne lui une chance. C'est juste pour un ciné, après tout.
Joyce baissa les yeux, semblant réfléchir. Perdue dans ses pensées, elle se mordillait la lèvre et paraissait peser le pour et le contre. Je comprenais ses doutes mais je savais aussi qu'Austin n'avait rien d'autre que de bonnes intentions envers elle. Je n'aurais pas encourager un type comme Hugo à sortir avec ma meilleure amie, et je l'aurais éloigné de tous coureurs de jupons. Joyce méritait d'être avec quelqu'un de bien, d'attentionné et de respectueux et pas avec un mec qui blessait les filles parce qu'il était incapable d'en prendre soin et d'être assez à l'écoute pour les respecter, pas avec un mec comme moi.
- D'accord, je vais accepter, dit finalement Joyce en relevant subitement la tête vers moi. Mais tu viens avec moi.
- Quoi ? Non ! Il est hors de question que je tienne la chandelle pendant votre rendez-vous !
- Allez, s'il te plaît, ça me rassurerait que tu sois là. Vois ça comme une sortie entre amis. Après tout, c'est juste un ciné, pas vrai ?
Je la foudroyais du regard, lassé de son esprit rusé et malin. Parfois, elle me fatiguait.
- C'est pas une sortie entre amis, c'est un rencard dans lequel je vais m'incruster, insistai-je. Je ne serais pas à ma place. J'ai rien à faire avec vous et je ne tiens pas à me retrouver comme un con dans un coin pendant que vous vous bécoterez à la fin du film. Je serais définitivement de trop.
- Déjà, on ne va pas se "bécoter", affirma-t-elle en mimant les guillemets. Et si tu ne veux pas te sentir seul, tu as qu'à venir avec quelqu'un, ça sera comme un double date.
Je pouffai légèrement en levant les yeux au ciel.
- Votre sortie, c'est une soirée ouverte à tous ou un rencard ? Et avec qui veux-tu que je vienne ? Je te rappelle que je n'ai plus de copine, et ça m'étonnerait que Brayden accepte ton plan tordu juste pour te faire plaisir, elle est bien trop occupée à me détester.
Lorsque je reportai à nouveau mon attention sur Joyce, je remarquai qu'un grand sourire avait pris place sur son visage, un sourire étincelant, tandis que ses yeux pétillaient. Son air malicieux était de retour, elle était rayonnante. Seulement, je ne pus m'empêcher de hausser un sourcil, cette expression ne me disait rien qui vaille. Elle qui, il y a une minute de ça était encore en proie à de nombreux doutes alors que, deux minutes avant cela, elle était prête à laisser retomber sa rage sur ma personne, semblait désormais parfaitement sereine et heureuse. C'était officiel, Joyce était folle !
J'avais soudainement très peur de mon amie. Qu'est-ce qu'elle était encore en train de mijoter ? Je la connaissais assez pour savoir qu'elle avait actuellement quelque chose derrière la tête.
- Il suffit de trouver quelqu'un pour t'accompagner d'ici là. T'inquiète pas, je m'en occupe. Laisse-moi faire.
- Comment ça, "laisse-moi faire" ? Qu'est-ce que tu veux dire par là ? Joyce, répond-moi !
Mais j'avais beau insister, mon amie faisait la sourde oreille. Réajustant son sac, elle commençait déjà à reculer, s'éloignant de moi. Son sourire ne la quittant pas, elle semblait prête à partir, sans même se préoccuper de me laisser planté là, perdu et inquiet.
- Fais-moi confiance, Swann ! lança-t-elle, moquant mes propres mots. Je ne vois pas où est le problème, tu ne va pas t'inquiéter pour un simple ciné !
- Joyce ? J'aime pas ça ! Joyce !
Mais elle était déjà partie, agitant sa main dans ma direction, signe qu'elle se fichait bien de mes plaintes. J'avais vraiment un mauvais pressentiment. Joyce était ma meilleure amie, ma confidente, celle sur qui je pouvais vraiment compter, pour toujours, je pourrais lui confier ma vie. Mais là, maintenant, avec son esprit tordu et ses plans foireux pour se mêler de ma vie, je n'avais aucune confiance en elle.
Je sentais que j'allais regretter cette sortie, puisque visiblement elle avait décidé que j'avais accepté, je n'aurais donc jamais mon mot à dire avec elle. J'aurais peut-être dû dissuader Austin de l'inviter à sortir. Parce que maintenant j'allais en payer les conséquences. L'être maléfique allait se retourner contre moi.
Si j'avais rembarré Austin , je ne me serais pas attiré ses foudres.
Je poussai un long soupir et secouai la tête, dépité, avant de me remettre en marche. je n'allais quand même pas rester planté là toute la soirée. Surtout que les étudiants qui passaient par là commençaient déjà à me regarder d'un oeil curieux. Je pressai le pas, décidé à rattraper Joyce qui devait pourtant déjà être partie.
Ce fut en tournant à l'angle d'un couloir débouchant sur cette grande allée qui nous permettait de rejoindre le hall d'entrée de l'université, que je remarquai cette grande brune que je reconnaitrais entre mille. Brayden était à quelques mètres de moi. J'avais prévu d'aller lui parler. Je devais essayer, à nouveau. Je devais prendre la température et m'assurer qu'elle se soit calmée. La voir en colère contre moi me peinait, et cela m'angoissait aussi terriblement. Je ne savais pas jusqu'où sa rancune pourrait aller. J'accélérai alors le pas jusqu'à arriver à sa hauteur.
- Brayden ! lançai-je en posant ma main sur son bras. Je peux te parler deux minutes ?
Mon ex copine se retourna, les sourcils froncés, avant de me jauger du regard pendant quelques secondes.
- Non, soupira-t-elle finalement en levant les yeux au ciel. Je te l'ai dit, Swann, c'est définitivement fini entre nous. Il est hors de question que je reste avec un mec qui ne voit en moi qu'un passe-temps, qu'un jouet qu'il peut utiliser quand il veut avant de le jeter. J'ai bien trop de respect envers moi-même pour te laisser me faire ça. Je préfère couper les ponts maintenant avant de souffrir encore plus.
- Je sais, Brayden. Je sais que je t'ai blessée. Et je ne cherche pas à recoller les morceaux, enfin si mais... Je veux dire, je ne cherche pas à te convaincre de te remettre en couple avec moi, je voudrais juste m'excuser. Je sais que je n'ai pas été très présent pour toi, je sais que je n'étais pas le meilleur copain qui soit, et j'en suis désolé. Je m'excuse aussi de ne pas m'en être rendu compte. J'ai jamais cherché à te faire du mal intentionnellement, Brayden. T'es une fille bien, et tu mérites pas qu'on te laisse de côté. C'était ça que je tenais à te dire. Je préfère qu'on puisse en parler plutôt que tu restes indéfiniment en colère contre moi.
Les yeux ambrés de Brayden me scrutaient toujours. C'était comme si elle tentait de déceler la véracité et la sincérité de mes paroles au travers des expressions de mon visage ou de ce qu'elle pouvait lire dans mes yeux. Je la laissai faire, attendant qu'elle se fasse une idée, qu'elle prenne une décision sur mon sort. Je pouvais comprendre ses doutes, après tout, je savais que j'étais souvent un connard avec les filles. Je ne savais pas être en couple. Finalement elle baissa les yeux vers le sol et passa une main dans ses longs cheveux bruns en poussant un soupir.
- Je ne suis pas en colère contre toi, Swann, souffla-t-elle. Enfin j'avoue que je l'étais au début. Mais à quoi bon ? Je ne vais pas me tuer la santé en entrant en guerre contre toi, ça n'en vaux pas la peine. Je ne suis pas en colère mais je t'en veux encore, pour ça j'aurais besoin d'un peu de temps. Comprends moi, Swann, je commençais réellement à développer des sentiments pour toi quand j'ai compris que ce n'était pas réciproque et qu'on n'avait pas les mêmes attentes. Et je vais être honnête, ça m'a fait chier. Parce que je t'aime beaucoup et je me suis sentie conne d'y avoir cru. C'est vrai, à quoi je pensais ? Personne n'arrive à faire craquer Swann Nelson. Et je ne suis pas l'exception.
Je poussai un léger soupir avant de me rapprocher doucement de mon ex. Ça, c'était ma foutu réputation qui me suivait de près, comme une grosse flèche rouge et clignotante qui pointerait mon front pour faire savoir au monde entier que je n'étais pas un mec sérieux.
- Brayden, je... je sais pas quoi te dire. Je suis désolé d'être un connard. Et je ne cherchais pas intentionnellement à jouer avec toi. C'est juste que...
- Tu sais quoi, Swann, je crois que tu te caches, me coupa-t-elle alors que, sans trop savoir pourquoi, tout mon corps se figeait. Je ne sais pas pourquoi, mais tu utilises cette image de mec distant et coureur de jupon pour cacher qui tu es vraiment. Je sais que tu n'es pas profondément mauvais, je le sens. Enfin tu es loin d'être comme Hugo ! Tu n'es pas un connard fini. Et je crois qu'il y a quelque chose de bon en toi mais que tu ne veux pas le montrer, tu ne veux pas t'ouvrir aux autres. Je ne suis pas stupide, je sais que je ne serais pas celle qui t'aidera à t'épanouir. On est pas dans un bouquin pour ado et je ne suis définitivement pas l'héroïne assez désespérée pour m'accrocher à toi. Mais j'espère qu'un jour, tu pourras être celui que tu es vraiment. J'espère qu'un jour, je pourrais voir le vrai Swann.
Sans un mot de plus, Brayden se retourna et s'avança vers la sortie sans me laisser le temps de rajouter quoi que ce soit. Je restai planté là, comme un con, les sourcils froncés et l'esprit en vrac, à ruminer ce qu'elle venait de me dire. Je regardai sa silhouette s'éloigner sans rien faire, immobile et désormais seul dans ce grand hall d'entrée.
Qu'est-ce que cela voulait dire ? Comment Brayden pouvait-elle prétendre à me connaître autant ? Comment pouvait-elle penser qu'elle avait vu je ne sais quelle connerie cachée en moi ? On ne se connaissait que depuis à peine un an, et nous n'étions sorti ensemble seulement pendant quatre moi. J'estimais que ce n'était pas assez pour qu'elle se permette de me faire une leçon de vie sur ma personne. J'étais comme j'étais et puis c'est tout. Si ça ne plaisait pas aux autres, alors tant pis pour eux. Je ne changerais pour les beaux yeux de personne. Enfin je crois.
Toujours perturbé par cet échange qui ne cessait de trotter dans ma tête, je tentai tout de même de le chasser de mon esprit un instant. Je devais revenir sur terre, et surtout sortir de cette université une bonne fois pour toute avant que quelqu'un ne vienne réellement à s'inquiéter de ma santé mentale.
Je respirai un bon coup et réactivai mes fonctions motrices en poussant sur mes jambes avec détermination. Cette fois-ci, je ne m'arrêterai pour personne, j'avais bien l'intention de rentrer chez moi et de m'enfermer dans ma chambre avec rien d'autre que mon ordinateur et mon paquet de cigarette. Cette journée devenait réellement trop épuisante.
Je montai rapidement dans ma Porsche et allumai le contact avant de quitter le parking d'Oxford. Quelques minutes plus tard, j'étais devant le grand portail en fer forgé qui s'ouvrait sur la maison de mes parents, le plus imposant de notre rue. Encore un signe extérieur de richesse.
Je remontai l'allée jusqu'à me garer à côté de la voiture de mon père, toujours plus imposante, encore une fois. Je récupérai mon sac avant de sortir du véhicule et de le verrouiller alors que je prenais déjà la direction de l'entrée.
A peine eus-je passer la porter que je remarquai cette silhouette à ma gauche. Mon père était là, dans le salon, bien confortablement installé dans son fauteuil, son journal à la main. C'était rare de le voir à la maison si tôt, lui qui était toujours occupé à organiser diverses réunions, à dîner avec tout ceux qui avaient un intérêt pour lui, à magouiller dans son coin.
- Fiston ! Tu tombes bien, je voulais te parler.
Moi qui avait essayé de me faire discret en tentant de me glisser sans bruit vers les escaliers, c'était raté. Est-ce qu'un jour je pourrais être tranquille ? Est-ce qu'on me laisserait bientôt rejoindre mon repère solitaire ou personne d'autre que mes pensées viendraient me solliciter ?
Je retins un soupir et me retournai afin de m'avancer vers le salon jusqu'à poser mes mains sur le dossier du fauteuil qui faisait face à celui de mon paternel. Je ne dis rien, attendant qu'il prenne la parole et qu'il m'explique ce qu'il attendait encore de moi. Ne pouvait-il pas m'ignorer comme moi je le faisais si bien ?
- J'ai entendu dire que ton premier match de la saison serait vendredi, c'est bien ça ? commença-t-il sans se donner la peine de relever son nez de son journal.
- Oui, c'est bien ça. Tu viendras me voir jouer ? demandai-je, curieux.
Cette fois-ci, mon père releva la tête et daigna affronter mon regard. Je ne me défilai pas et lui fis comprendre d'un sourcil haussé que ma question était sérieuse et qu'elle attendait une réponse. Seulement, je n'eus le droit qu'à un soupir. Il n'avait même pas besoin d'ouvrir la bouche pour que je comprenne ce que cela voulait dire. Pourquoi se donnerait-il la peine de venir me voir jouer quand il avait tellement de choses bien plus importantes à faire ? Je ne savais même pas pourquoi je m'évertuais à lui poser cette question.
- Swann, tu sais très bien que je suis très occupé, surtout en ce moment, me répondit-il. Je ne peux pas me permettre de me laisser aller à ce genre de loisir, et encore moins si c'est pour perdre deux heures de mon temps.
Qu'est-ce que je disais. Ça faisait tellement de bien de se sentir soutenu et aimé.
- Et maman ? Elle viendra ?
- Voyons, Swann, ta mère déteste le football ! Tu le sais très bien ! Je ne vois pas ce qu'elle irait faire à ton match.
Pour moi ?
Je baissai les yeux. Il ne se rendait même pas compte de ce qu'il disait. Il ne réalisait même pas à quel point ses mots me blessaient. A chaque fois que je l'entendais parler de cette manière, à chaque fois qu'ils trouvaient tous les deux le moyen de dénigrer la seule chose que j'aimais, ou de me dénigrer, moi, directement, cela me trouait le ventre. Mais ils ne le voyaient pas. Ils continuaient leur petite vie parfaite tranquillement, sans se préoccuper de leur fils qu'ils abîmaient un peu plus à chaque fois.
- En revanche, Rob Martins sera présent. Tu sais, tu l'as déjà rencontré, lui et sa fille, Kaitlyn. Il pourra me faire un rapport du match si ça peut te rassurer.
- Quelle réconfort ! soufflai-je en levant les yeux au ciel, ce qui me valut un regard meurtrier de la part de mon père.
- Je suis sérieux, Swann, je suis trop occupé pour tes caprices. Mais ça ne veut pas dire que je n'attends rien de toi. Ce n'est pas parce que je ne serais pas présent que tu peux te permettre de te relâcher. J'attends de toi que tu sois exemplaire, et que vous gagniez ce match. Tu dois être le meilleur, tu dois montrer que tu es un gagnant. Mène ton équipe vers la victoire, c'est ce que fais un leader, et j'attends de toi que tu sois un leader, mon fils.
- Et moi j'attends de mon père qu'il s'intéresse rien qu'un minimum à ce que j'aime sans penser compétition et stratégie, répliquai-je. Il faut croire qu'on a pas toujours ce qu'on veut dans la vie.
- Swann ! Tu vas changer de ton avec moi ! s'exclama mon paternel en se redressant. Je ne tolérerai aucune forme d'insolence et de condescendance de ta part. Je suis ton père et tu me dois le respect. Tu as toujours eu tout ce que tu voulais, tu n'es pas un gamin à plaindre, et maintenant il est temps que tu fasses un peu plus attention à l'image que tu renvois de notre famille. Je t'ai toujours tout cédé, et j'ai accepté que tu continues ton foutu passe-temps, mais n'oublie pas que je peux te le reprendre à chaque instant.
Comment l'oublier ? Il me le rappelait à chaque fois que je n'allais pas dans son sens. Il savait que c'était la seule chose que j'avais à perdre, et il savait que l'utilisation de cette menace me ramenait toujours vers le chemin qu'il avait choisi pour moi. Parce que je ne pouvais pas me permettre de faire une croix sur la seule chose qui me faisait me sentir libre. Alors il s'en donnait à coeur joie. Sans s'inquiéter de devenir un tyran plus qu'un père à mes yeux.
- Je vais gagner ce match, assurai-je. Mais ça ne sera pas pour montrer à ceux qui s'intéressent à notre famille, s'ils existent, que ton fils n'est pas un raté. Non, ça sera pour te prouver à toi, que je suis le meilleur dans ce domaine, que ce sport est ma passion, et qu'un jour un recruteur me repérera parce qu'il me voudra dans son équipe.
Sans un mot de plus, je me retournai en ignorant ses poings serrés et son visage ridiculement rouge. J'étais bien décidé à m'éloigner de lui et de ses idées arrêtées. Cependant il n'en avait visiblement pas fini avec moi.
- Notre conversation n'est pas terminée, jeune homme, lança-t-il, obligeant mon corps à s'immobiliser. Il fallait que je te parle d'autre chose.
Je me mordis la langue pour éviter de dire ou faire quelque chose que je regretterais avant de faire à nouveau face à mon paternel. Il s'était levé, s'éloignant alors de son précieux fauteuil et délaissant enfin son foutu journal. Il était toujours impeccable, tiré à quatre épingles dans son costume dont il tombait la veste seulement une fois revenu à la maison. Son allure devait toujours être parfaite, peut-être pour contrer certaines de ses idées qui l'étaient bien moins.
- Je t'écoute, soufflai-je finalement en essayant tant bien que mal de cacher mon ennui.
- Il paraît que le petit Stevens est de retour en ville, et qu'il étudie à Oxford.
Ça y est. Le sujet était lâché comme une bombe. Mon souffle s'était coupé, mon corps, mes muscles, s'étaient crispés, mes mains s'accrochaient à mon sac de cours pour éviter de trembler. Je ne savais pas où mon père voulait en venir en abordant ce sujet mais ça ne me plaisait pas. Tout simplement parce que je savais que ça ne finirait que par mal tourner.
- Sa famille et lui sont revenu, oui, confirmai-je prudemment en comprenant que c'était ce que mon père attendait de moi.
- Et toi, tu l'as vu ? Tu lui as parlé ? Toi et moi, nous savons très bien qu'il aurait été capable de reprendre contact avec toi.
- On s'est croisé quelques fois, dans les couloirs, rien de plus, mentis-je en tentant de garder mon sang froid. C'est difficile d'éviter quelqu'un quand il fréquente le même établissement.
Et surtout quand nous ne semblions pas parvenir à rester éloignés l'un de l'autre. C'était pas faute d'essayer pourtant.
Mon père m'observa un instant, m'inspectait même. Il me jaugeait. Sans retenue et sans honte pour déceler, je le savais bien, la moindre parcelle de mensonge. Je gardai la tête haute et le défiai du regard. Je ne devais pas le laisser deviner quoi que ce soit. Je devais ne rien laisser transparaître. Mais, après tout, j'étais devenu fort à ce jeu là. Sauf auprès de Yaël qui semblait toujours parvenir à lire en moi comme dans un livre ouvert.
- Bien. Fais en sorte que ça continu comme ça, dit-il finalement. S'il cherche à reprendre contact avec toi, fais-lui bien comprendre que ce n'est pas ta volonté. Je te fais confiance, Swann. Comme je viens de te le dire, il faut que tu commences réellement à te préoccuper de l'image que tu renvoies et, que tu le veuilles ou non, certaines personnes ne sont pas bonnes pour cette image. Que tu traînes avec ton amie Joyce passe encore, même si je continue de penser qu'elle t'influence de la mauvaise manière, en revanche il faut que tu fasses une croix sur le petit Stevens. Il n'est pas du même monde, et toi tu as bien trop de choses à accomplir pour t'encombrer de ce genre de personnes.
Ce genre de personnes. Une colère monstre s'était constituée dans le creux de mon ventre jusqu'à former une boule qui réchauffait dangereusement ma poitrine, ne demandant qu'à exploser, comme une bombe à retardement.
- "Le petit Stevens", comme tu l'appelles, possède un prénom et a été mon meilleur ami pendant onze ans. Tu penses qu'on peut effacer toutes ces années comme ça, sous un simple prétexte débile que tu me sors pour te rassurer toi-même et arriver à dormir la nuit ? Et ce genre de personnes, comme tu le dis si bien, sont des gens bien, simples, qui prennent la vie comme elle vient au lieu de la calculer et d'imposer des règles aussi creuses que tes idées !
J'étais essoufflé et mon coeur battait à toute allure. Je ne sais pas ce qui m'avais pris, je ne sais pas pourquoi j'avais réagi comme ça. Je n'avais simplement pas supporter cette façon dont mon père parlait de Yaël.
Le seul problème désormais, c'était que j'allais certainement le payer. Rien qu'à la vue de mon paternel, qui fulminait en face de moi, je sus que j'allais le regretter. Il se rapprochait dangereusement de moi en pointant un doigt accusateur dans ma direction.
- Fais bien attention, Swann, gronda-t-il. Fais bien attention au chemin que tu vas prendre. Parce que tu te diriges vers une pente glissante et dangereuse. Et compte pas sur moi pour te rattraper une fois que tu seras en bas. J'ai pas de temps à perdre à refaire ton éducation. Yaël et toi, vous êtes trop différents. Vous avez grandis dans deux mondes opposés et vous vous êtes éloignés.
- A qui la faute, marmonnai-je.
- Tu vis encore sous mon toit, fils, alors tu es sous mes ordres. Ce n'est pas un petit garçon insolent de dix-huit ans qui va me donner des leçons sur la façon dont je dois diriger cette famille. Tu n'as qu'une mission, faire ce que je te demande. Ça ne devrait pas être si compliqué. Alors quand je te demande de te tenir éloigné de Stevens, tu t'exécutes sans discuter.
- Oui, père. A vos ordres, père. Je me tiendrais bien et ferais tout pour être le fils parfait dont tu as toujours rêvé mais que, manque de peau, tu n'as jamais eu. C'est bon ? T'es content comme ça ?
Je récupérai mon sac que j'avais balancé à côté de moi lorsque j'avais pris la parole pour défendre Yaël et me retournai afin de m'engager vers les escaliers sans prendre en compte son regard noir. Je ne l'écoutais plus. Si lui n'avait pas le temps de venir voir le match de son fils, alors je n'avais plus le temps d'écouter ses conneries. Alors ses appels à revenir lui parler, je les ignorais. Je n'avais pas de temps à perdre avec lui.
- Je me casse, lançai-je.
Je ne m'arrêtai que lorsque j'eus atteint ma chambre. Je claquai violemment la porte et balançai mon sac au sol. Je me dépêchai d'ouvrir la porte fenêtre qui donnait sur mon balcon et m'étalai sur mon lit, les bras en croix. Je restai quelques secondes dans cette position à fixer le plafond avant de chercher mon paquet de cigarette dans la poche de ma veste.
J'avais besoin de ça. De ce calme que m'apportait mon seul repère impénétrable de cette maison, ainsi que de cette échappatoire que je ne trouvais que dans la cigarette. Cette pression, je n'en pouvais plus. Brayden, Joyce, Yaël, ils avaient tous raison, après tout, je n'étais pas moi-même. Je n'étais pas libre.
Mais je n'avais ni la force, ni le courage de changer et de devenir pleinement celui que je voudrais être. Je n'y arriverais pas.
En tout cas pas tout seul, pas sans aide.
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Hey !
Contente de vous retrouver aujourd'hui pour ce nouveau chapitre. J'espère qu'il vous aura plu !
C'est un chapitre fait majoritairement de dialogues avec différents personnages. Ça permets de voir les relations que Swann entretient avec ses personnages mais aussi de voir, je trouve, ses différentes facettes.
Et vous, qu'en pensez-vous ?
La discussion Swann / Joyce ? Selon vous, que manigance Joyce ?
La discussion Swann / Brayden ? Des avis sur Brayden ?
La discussion entre Swann et son père ? Je suppose qu'on le déteste toujours autant celui-là...?
Hâte de lire tous vos petits avis...
En attendant, je vous souhaite une très bonne journée et semaine. Pour le prochain chapitre, je ne vous promets rien puisque je n'ai toujours pas commencé à l'écrire... Je fais au mieux.
À bientôt, T.
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