12. Friendship
"Ami ne t'en va plus si loin
D'un peu d'aide j'ai grand besoin
Quoi qu'il m'advienne
Je ne sais où va mon chemin
Mais je marche mieux quand ma main
Serre la tienne."
Alfred de Musset
♠️♠️♠️
Swann
- Alors c'est vraiment fini avec Brayden ?
Je lançai un regard en coin vers Hugo qui me suivait avant de pousser un soupir. Il ne voulait pas me lâcher avec ça, et je ne savais pas ce que je pourrais bien rajouter pour assouvir sa curiosité malsaine. Il n'y avait pas eu de tromperie, pas non plus d'énorme dispute, Brayden avait juste pris une décision et je n'avais pas cherché à la retenir. Ça s'arrêtait là. Mais visiblement, ce n'était pas suffisant pour mon ami.
- Oui, pour la dixième fois, je crois que cette fois c'est vraiment fini avec Brayden, lui répondis-je avant de me concentrer sur le ballon à mes pieds.
Nous étions en plein entraînement et venions de finir l'exercice de conduite de balle, qui nous permettait de contrôler notre maîtrise du ballon. Nous nous préparions désormais à commencer les exercices de passes. Cependant, Hugo semblait davantage concentré sur ma vie sentimentale que sur ce que le coach attendait de lui. Qu'est-ce qu'ils avaient tous à se mêler de mes relations amoureuses ?
- Je l'ai croisée l'autre jour, reprit-il. Elle m'a méchamment ignoré. J'ai l'impression qu'elle me déteste autant qu'elle te déteste ce qui, entre nous, n'est pas juste puisque techniquement, moi, je ne lui ai rien fait.
- Mec, je ne crois pas qu'elle ait besoin de faire beaucoup d'effort pour te détester, lui fis-je remarquer.
- N'importe quoi ! Les filles m'adorent ! D'ailleurs, je me demandais, si c'est vraiment fini avec Brayden, ça te dérangerait que je tente quelque chose avec elle ?
- Putain, Hugo, t'es lourd, soufflai-je. Ne viens pas me demander pourquoi les filles te détestent après ça.
- En attendant j'étais sérieux, Swann, ça te poserait un problème ?
Je me retournai vers lui et plantai mon regard dans le sien.
- Non, si ton égo est prêt à se faire rembarrer alors vas-y, fonce, lâchai-je.
Hugo me lança un regard noir. Il s'apprêta à me répondre quelque chose, certainement une insulte, mais il n'en eut pas le temps puisque ce fut la voix du coach qui s'éleva à la place de la sienne.
- Bon les pipelettes là, vous refaites le monde ou vous vous bouger le cul pour faire rentrer ce ballon dans les buts ! s'écria-t-il. Continuez comme ça et vous resterez sur le banc pendant le prochain match.
Hugo souffla discrètement tandis que je me mettais en place devant le ballon. C'était à notre tour d'évoluer sur le terrain. Cet exercice s'effectuait à deux et consistait à remonter le terrain tout en se faisant des passes jusqu'à atteindre les buts et tirer. Je fis ma première passe à Hugo et courait pour le suivre, ce schéma se répéta quelques temps jusqu'à ce que je fasse une dernière passe à mon ami pour qu'il puisse tirer et confronter le goal. Evidemment, Hugo étant Hugo, il ne put s'empêcher de faire une petite parade avant de finalement lancer le ballon. C'était un frimeur, mais le plus important était qu'il soit un bon buteur et que le ballon atterrisse au fond des filets.
L'entraînement et les exercices s'enchaînèrent encore pendant de longues minutes. Hugo ne me pris plus la tête avec Brayden, en réalité il ne parlait plus du tout, certainement à cause de la menace du coach. Fier comme il était, il ne pouvait pas ne serait-ce que risquer sa place sur le terrain pour le prochain match, premier de la saison.
Alors que nous allions commencer les matchs, je sentis soudainement un regard sur moi. Je tournai légèrement la tête, tout en gardant une oreille attentive pour écouter les recommandations du coach, et tombai sur un regard sombre en haut des gradins. Yaël était là, assis tout là-haut, avec son carnet à dessin sur les genoux, comme lors du premier jour où je l'avais revu. Il était venu et s'était installé au même endroit. Il ne s'était pas caché sous les gradins comme la dernière fois.
Un léger sourire pris place sur le visage de Yaël lorsqu'il remarqua que je le regardais. Je lui répondis discrètement avant de me mettre en place, suivant les instructions du coach qui ne tarda pas à siffler le début du match.
Je savais qu'il me regardait et, sans trop savoir pourquoi, je me donnais au maximum. J'avais envie de lui montrer de quoi j'étais capable, et les progrès que j'avais fait depuis le dernier match auquel il avait assisté, il y a plus de six ans de cela. Etrangement, ça ne me gênait pas qu'il soit présent à cet entraînement, au fond, j'en étais même plutôt content. Je savais qu'il n'était pas un grand fan de foot mais, lorsque nous étions petits, il venait quand même me voir jouer, tout comme il assistait maintenant aux entraînements et aux matchs de sa petite soeur.
Un petit sourire pris place sur mon visage lorsque je pensais à cet après-midi passé avec eux, il y a deux jours de ça. Si j'avais eu peur de me sentir un peu comme un intrus au début, j'avais finalement apprécié ce moment passé avec le frère et la soeur Stevens. Je ne m'étais pas senti exclus, au contraire, Selia m'avait tout de suite intégré à la conversation. Cette petite était adorable et très attachante. Moi qui, généralement, ne savait pas comment me comporter auprès d'enfants, avec Selia c'était facile. Elle était déjà très mature, réfléchie, intéressante, et passionnée de football, ce qui nous faisait un point commun et facilitait nos interactions.
Et, pendant ces quelques minutes, cela avait aussi été agréable de parler avec Yaël. Normalement. Sans avoir peur de dire quelque chose de travers, sans craindre mes réactions où les siennes, sans plus penser à rien d'autre qu'à l'amitié que nous avions. Et me remémorer tous ces souvenirs m'avait rappelé à quel point nous étions proches et complices à une époque, mais aussi à quel point je me sentais bien et libre à ses côtés. Je me sentais moi-même, et j'aimerai bien me sentir comme ça un peu plus souvent.
J'aimerais bien que notre esquisse d'amitié tienne un peu plus d'une semaine, cette fois-ci. Et je savais que ça ne tenait qu'à moi.
Je courais à travers le terrain, dribblant, faisant des passes, m'avançant vers les buts, évitant au mieux les membres de l'équipe adverse, tout cela sous le regard de Yaël. Je le sentais, dans mon dos, je sentais ses coups d'oeil à répétition. Et ça me dérangeait pas. Au contraire, une force me poussait à donner le meilleur de moi-même, comme pour lui prouver que j'étais capable.
Et lorsque je mis ce but, je contrôlais à peine mon corps lorsque celui-ci se retourna vers les gradins pour se nourrir de sa réaction. Je voulais voir ce qu'il en avait pensé, je voulais voir cette même expression que lorsqu'il regardait jouer sa soeur avec tant de fierté. Je ne savais pas vraiment pourquoi. C'était plus fort que moi.
Depuis le haut de ces gradins, Yaël croisa mon regard. Il ne dit rien, ne s'exclama pas, ne bougea pas, ne leva pas même un pouce en l'air. Mais je le vis, ce très mince sourire, et cet éclat passer dans ses yeux sombres. Notre échange de regard disait tout. Et cela me suffisait, je n'avais besoin que de ça.
Peut-être qu'il n'était pas le seul à avoir le pouvoir de lire en moi. Peut-être que l'inverse fonctionnait encore aussi.
Une tape sur l'épaule me ramena à la réalité. Cela n'avait duré que quelques secondes, et je crois que personne n'avait remarqué. Je crois même que personne n'avait deviné la présence de Yaël au bord de ce terrain. Mais je savais, au fond de moi, que ce que je ressentais à cet instant voulait dire beaucoup.
- Bien joué, Nelson, lança Hugo avant de me dépasser pour regagner son poste.
Je lui accordai un signe de tête avant de me concentrer à nouveau sur mon jeu, et ce jusqu'à ce que le coach siffle la fin de l'entraînement quelques minutes plus tard. Entouré de mes coéquipiers, je me dirigeai vers les vestiaires. Mon ancien meilleur ami était toujours là, à sa place, le nez cette fois-ci plongé dans son carnet. Un crayon à la main, il semblait concentré sur la feuille qu'il griffonnait avec passion.
Je détournai le regard et regagnai cette pièce faite pour nous changer mais aussi débriefer sur ce que nous avions bien fait ainsi que sur ce que nous pouvions améliorer. Je sentis soudainement un poids sur mes épaules. Je compris rapidement que c'était Hugo qui venait d'y poser ses mains d'un geste à la fois viril et quelque peu violent. Mes épaules s'en rappelleront.
- Tu as été plutôt performant aujourd'hui, Nelson, mais n'oublie pas que c'est moi qui suis censé marquer les buts pendant les matchs, lança-t-il.
- Et toi n'oublie pas, Maxwell, que c'est un sport d'équipe, et que tu n'es pas le seul attaquant, rétorquai-je alors qu'il me dépassait.
Mon ami se retourna pour m'offrir un sourire que je savais hypocrite. Avec le temps, j'avais appris à connaître Hugo, et à reconnaître quand il était vrai et quand il était faux. Il n'était pas un ange, et j'avais bien conscience qu'il n'était pas la personne la plus altruiste et sincère qu'il puisse exister. Mais on apprenait à faire avec.
- C'est pas ma faute si je suis le meilleur, Swann. Tu devrais t'y être habitué depuis le temps.
Je levai les yeux aux ciel mais ne pris pas le temps de lui répondre. De toute façon, il n'attendait aucune réponse, il partait déjà vers les douches en ayant eu le dernier mot. La modestie n'était pas non plus sa principale qualité, et son égo prenait souvent beaucoup trop de place dans une pièce comme celle-ci dans laquelle une équipe tentait d'être la meilleure. Et il n'était pas le seul dans ce cas là. Ce vestiaire était rempli d'égos et d'espoirs d'être recruté par une grande équipe. Certains, dont Hugo, serait près à écraser leurs coéquipiers les plus faibles pour une place, tandis que d'autres voulaient juste jouer, s'amuser, donner le meilleur d'eux même, ou être libres.
J'avais pleinement conscience de ces différences. Et mon rôle de capitaine me poussait à garder ces différences d'égo sous contrôle. Sans ça, certains seraient près à tout pour en évincer d'autres. Et je savais que je ne serais pas épargné. Il suffisait d'un seul faux pas.
Il ne s'agissait peut-être que d'une équipe universitaire, mais elle était rempli d'hypocrites. De riches hypocrites.
Alors oui, Hugo n'était peut-être pas un modèle, il n'était peut-être pas la meilleure personne sur cette Terre, tout comme il n'était peut-être pas le meilleur ami qu'il soit. Mais une chose était sûre, il valait mieux l'avoir de son côté plutôt que d'en faire son ennemi.
Du coin de l'oeil, je vis Austin s'avancer dans ma direction, son maillot à la main.
- Tu crois qu'il s'étouffera, un jour, avec son égo ? demanda-t-il très sérieusement, une fois arrivé à ma hauteur.
- Fais pas attention à lui, dis-je. Il est comme il est, il faut simplement ignorer ce genre de remarques. Le plus important c'est qu'il soit bon, et qu'il nous fasse gagner. On a besoin de lui.
- Je dis pas le contraire. Mais c'est pas parce qu'il est bon qu'il peut se permettre de rabaisser les autres sur son chemin. On est une équipe, et il n'est pas le seul bon joueur ici.
- Je sais, tu es bon à ton poste aussi, Austin.
- Je disais pas ça pour moi, répliqua-t-il. Moi à la limite je m'en fiche de ses réflexions et de ses attentes, je ne compte pas faire carrière dans le football. C'est juste son comportement qui est insupportable. Parfois j'ai juste envie de le remettre à sa place. Il mériterait qu'on le remette à sa place.
- Tu ne veux pas te confronter à Hugo, crois-moi, lâchai-je fermement en me retournant vers lui. Ça n'en vaut pas la peine. Ne t'inquiète pas, je le gère.
- Je sais, et c'est pour ça que tu es un bon capitaine, Swann. En plus d'être bon pour nous motiver. On a de la chance de t'avoir à ce poste. Imagine si c'était Hugo le capitaine, ça serait rapidement un enfer ici !
Austin pouffa devant moi mais je ne répondis pas à sa plaisanterie. Il avait raison après tout, l'esprit d'équipe en prendrait un sacré coup devenant non plus une équipe universitaire mais l'équipe d'Hugo, à ses pieds dans toutes ses décisions. Mon ami était déjà mon capitaine en second et je devais parfois le retenir d'imposer ses idées, qui le mettaient très souvent plus en valeur qu'autre chose, aux autres. Il ne valait mieux pas que le plein pouvoir lui revienne.
- T'inquiète pas, je ne compte pas céder ma place, affirmai-je.
Je me retournai dans l'intention d'aller pendre ma douche mais Austin me retint par le bras avant que je ne m'éloigne.
- Attends, Swann, j'avais quelque chose à te demander.
- Je t'écoute.
- J'ai très envie d'inviter Joyce quelque part. Ça serait comme... tu sais, un rencard, bafouilla Austin sans me regarder dans les yeux. Mais je me demandais si elle serait vraiment intéressée. Et puis, toi qui la connais, je voulais aussi savoir ce que tu me conseillerais. Qu'est-ce qu'elle aimerait ? Où est-ce que je pourrais l'emmener ?
- Tu es sûr de vouloir faire ça ? demandai-je, un petit sourire aux lèvres.
- Oui, pourquoi ? Elle va me mettre un râteau, tu crois ? Je sais qu'elle était un peu distante à la soirée mais je me suis dis que je pourrais essayer quand même. Tu crois qu'elle n'est pas intéressée ?
- Joyce est compliquée, répondis-je simplement. Mais ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas intéressée. Elle se protège, c'est tout. Mais tu devrais essayer, tu devrais lui demander. Je ne peux pas savoir pour vous si vous n'essayez pas. Il faudra simplement que tu t'accroches. Mais si tu te comportes bien avec elle, alors elle ne sera pas trop sévère avec toi.
- Je ne comptais pas sortir la carte du connard tout de suite, plaisanta-t-il dans un rire nerveux.
- Ne la sort pas du tout si tu tiens à ta vie, et à ta descendance, rétorquai-je, moqueur. Et pour ce qui est du genre de rendez-vous, fais simple pour le premier. Même si c'est cliché, propose lui d'aller au cinéma. C'est un lieu familier, elle s'y sentira rassurée, en sécurité et elle acceptera en se disant que, de toute façon, elle n'aura pas vraiment besoin de te parler. Ce détail ne parait peut-être pas très cool mais si cette sortie se passe bien, alors elle t'en accordera une autre, et cette fois-ci tu pourras la surprendre avec un rendez-vous plus inattendu. Ça sera à toi d'y réfléchir pour trouver une idée originale qui l'impressionnera.
- C'est noté. Merci mon pote. J'ai plus qu'à rassembler mon courage pour aller lui parler.
Austin se retourna et s'avança vers son casier dans un dernier rire nerveux.
- T'es un type bien, Austin, lançai-je. Il faudra juste que tu laisses à Joyce le temps d'apprendre à te connaître et à te faire confiance.
Je ne lui laissai pas le temps de me répondre et m'avançai vers mon propre casier. J'y déposai mon maillot et attrapai une serviette avant de me diriger vers les douches. J'anticipai avec impatience cet instant où l'eau chaude coulerait le long de mes muscles pour les aider à se débarrasser de toutes cette tension et des douleurs causées par l'effort fourni.
Ce fut quelques minutes plus tard et après une douche rapide que je sortis des vestiaires. J'avais fait au plus vite, si bien que mes cheveux laissaient encore tomber quelques gouttes d'eau sur mon passage. Quelque chose me poussait à me dépêcher pour rejoindre le terrain le plus rapidement possible. En sortant, je remarquais que Hugo était déjà parti sans m'attendre. Ce n'était peut-être pas plus mal. Je plaçai mon sac de sport en bandoulière autour de moi et marchai jusqu'aux gradins.
Je jetai un regard vers la place qu'occupait Yaël il y a encore quelques minutes mais je ne pus que constater qu'elle était vide. Il était parti. Ma bouche se tordit dans une petite moue déçue. Sans trop savoir pourquoi, j'aurais aimé qu'il soit encore là. Mais il avait sûrement bien d'autres choses à faire.
Les mains dans les poches et ma tête rentrée dans mes épaules, je me remis en marche. Je continuai de remonter l'allée jusqu'à sortir de l'université. Par acquis de conscience et d'un geste automatique, comme si mes jambes avaient d'elles-même pris le contrôle de mon corps, je pris la direction de l'arrêt de bus avant de rejoindre ma Porsche. Il y avait toujours ce petit espoir qu'il soit encore là, en train d'attendre son bus.
Plus j'avançai et plus je voyais se dessiner une silhouette devant moi. Je ne pus empêcher mes lèvres de se soulever dans un léger sourire. Yaël avait changé, et nous avions passé six ans loin de l'autre, mais je reconnaitrais tout de même cette silhouette entre mille.
Je m'approchai doucement jusqu'à me poster à ses côtés. Il ne tourna pas la tête, ne dit rien, mais je sus qu'il avait senti ma présence.
- Pour quelqu'un qui n'aime pas le foot, je trouve que tu assistes à beaucoup d'entraînements, lançai-je finalement. Ta soeur, je peux comprendre, mais je te manquais tant que ça pour que tu viennes voir le mien ?
Yaël ne bougea toujours pas, mais je vis un léger rictus amusé se former au coin de ses lèvres.
- Je passai dans le coin, répondit-il simplement en haussant les épaules.
- Ça ne t'obligeait pas à rester jusqu'à la fin, à me regarder, ou à m'encourager, lui fis-je remarquer.
- Je ne t'ai pas encouragé, et je t'ai à peine regardé. Tu ne peux rien prouver.
- Tu m'a souri quand j'ai marqué un but.
Yaël tourna la tête juste le temps de me lancer un regard malicieux avant de retrouver sa position dans un haussement d'épaule, fixant l'horizon devant lui.
- C'était une belle action, admit-il. Mais certainement pas le plus beau but que tu aies marqué.
- Parce que tu t'y connais en football, toi, maintenant ? rétorquai-je en croisant les bras. Laisse-moi rire.
- Ce n'est pas parce que je ne sais pas jouer que je ne connais pas le sujet. Après toutes ces années, et à force de vous regarder jouer, j'ai appris à reconnaître les meilleures actions.
Je l'observai quelques instant, les bras toujours croisés contre mon torse et les sourcils froncés. Je savais très bien que ce qu'il disait n'était pas méchant, au contraire, il disait ça parce qu'il savait de quoi j'étais capable, et parce que je leur avait raconté mon plus beau but. Mais j'admettais être très légèrement susceptible.
Alors je boudais, clairement. Et Yaël sembla s'en rendre compte lorsqu'il se tourna vers moi et qu'il m'analysa quelques secondes avant de pouffer.
- Il était très bien mon but, râlai-je.
- Quoi ? Ton veux que je t'emmène manger un cupcake, toi aussi, pour te féliciter de ton entraînement ? Ou pour te réconforter ?
- J'aime pas les cupcakes.
- Tu n'aimes rien, Swann, me fit-il remarquer. Tu es un petit gamin boudeur et capricieux.
- Sympa. En tout cas ça fait toujours plaisir de parler avec toi.
- Mais, reprit Yaël en plantant son regard dans le mien, ça fait aussi partie de choses qui te rendent attachant. Tu sais quoi ? Tu es attachiant, Swann Nelson.
- Je sais vraiment pas comment je dois le prendre, avouai-je d'un ton neutre après quelques secondes.
- Je sais pas non plus si c'est une bonne chose, parce que tu es quand même très chiant, Swann, plaisanta-t-il.
Il ne put retenir le rire qu'il semblait contenir depuis quelques temps déjà, et cela s'empira lorsque j'envoyais doucement mon poing dans son épaule. J'essayai de garder mon air contrarié mais le voir et l'entendre se laisser aller au rire me fit craquer et je l'imitai alors.
Au fond de moi, je savais que ce n'était pas tout à fait faux, j'étais chiant. Je l'admettais et j'étais près à en rire. Mais Yaël me le paierait un jour. Se croyait-il parfait, lui ? Il avait sûrement des défauts, lui aussi. Tout le monde avait des défauts. Il faudra que je les trouve.
Le calme se fit autour de nous alors que nos rires s'évanouissaient petit à petit. Nous ne bougions plus, nous ne parlions plus, nous nous contentions de nous regarder. Nos yeux s'était croisés et notre regard s'était accroché. Mes yeux étaient plongé dans ses prunelles sombres. Ça m'avait toujours fasciné de voir à quel point ses iris pouvait être presque noires mais toujours transmettre tous les sentiments qui passaient à leur travers. Si sombre mais avec cette lueur qui ne semblait jamais s'éteindre.
Yaël fronça les sourcils et se racla la gorge avant de détourner le regard. Je secouai la tête pour revenir sur terre. Où est-ce que j'étais parti encore ? Putain, il fallait que j'arrête de planter devant lui ! Il allait finir par me prendre pour un fou.
Mon ancien meilleur ami s'était rapproché de la route et semblait regarder au loin afin d'apercevoir, peut-être, son bus arriver.
- Tu veux que je te ramène ? lançai-je soudainement, sans réfléchir et ayant visiblement perdu le contrôle des mots qui sortaient de ma bouche.
Yaël se retourna vivement vers moi, un air plus que surpris accroché au visage, peut-être même choqué. Je le comprenais, moi non plus je ne savais pas d'où j'avais sorti ça.
- Ça t'évitera de prendre le bus, rajoutai-je en haussant nonchalamment les épaules.
Les mains dans les poches, Yaël se rapprocha de moi, un rictus moqueur au coin de ses lèvres.
- Toi, tu me laisserais monter dans ta précieuse Porsche ?
- Tu dois bien reconnaître que c'est quand même plus classe qu'un bus bondé et nauséabond. Après c'est toi qui voit, dis-je en me retournant, faisant mine de partir sans lui.
- Et tu ne t'inquiètes pas qu'on puisse nous voir repartir tous les deux ensemble ? demanda-t-il, plus sérieusement.
Je me figeai instantanément. Je n'avais pas pensé à ça. Je fixai le sol quelques secondes avant de prendre une décision. Je pris une grande inspiration et me retournai lentement, trouvant le regard de Yaël.
- Il n'y a plus personne à cette heure là, de toute façon, assurai-je en tentant de prendre un air convaincu.
J'espère.
Les sourcils froncés, Yaël me défia quelques secondes du regard. Il m'examinait, m'analysait, comme s'il tentait de me sonder, voir si j'étais sincère ou si je bluffais. J'étais presque mal à l'aise de voir qu'il pouvait lire en moi comme ça. Mais je gardai une expression neutre, tentant de ne rien laisser paraître.
- Je te suis, finit-il par dire simplement.
Vraiment ? Je ne pensais pas qu'il accepterait. J'espérais même qu'il refuse. Ou alors c'était le contraire, j'espérais peut-être secrètement qu'il accepterait. Je ne savais plus. Je me sentais de plus en plus perdu lorsque j'étais à ses côtés.
Je respirai un bon coup et me remis en marche vers le parking, Yaël sur mes talons. Timidement et les mains tremblantes, je cherchai mes clés dans mon sac. Yaël avait déjà fait le tour de la voiture et semblait inspecter ma Porsche avec minutie jusqu'à ce qu'un léger rire lui échappe.
- Je comprends que ce soit adapté pour toi mais tu es sûr que, moi, je rentre là-dedans ? lança-t-il. C'est minuscule !
Je grognai légèrement en ouvrant la portière avant de m'installer au volant. Mon ami ne tarda pas à me rejoindre sur le siège passager, à ma gauche. Et il était très bien installé !
- Tu vois, il n'y a aucun problème ! Et ce n'est quand même pas de ma faute si tu es immense ! Pour ta gouverne, moi je suis parfaitement dans la moyenne, c'est toi qui est complètement anormal ! D'ailleurs, comment tu as fait pour grandir autant ?
- J'ai mangé plus de soupe que toi, plaisanta-t-il.
- J'aime pas les soupes.
- Ce qui ne fait que confirmer ma théorie, tu n'aimes rien, Swann.
Je secouai le tête d'un air dépité mais ne pus m'empêcher d'esquisser un rire amusé. Au lieu de répondre à sa provocation, j'allumai le moteur et me concentrai sur la marche arrière que je devais effectuer pour sortir de ma place de parking.
- Vous avez récupéré votre ancienne maison, c'est ça ? Tu habites toujours là-bas ? lui demandai-je en m'engageant sur la route.
- C'est ça. J'étais heureux de pouvoir retrouver ce que je considère toujours comme mon chez moi, ainsi que les souvenirs qui accompagnent cette maison, confia-t-il.
Moi aussi j'avais plein de souvenirs dans cette maison, et ils étaient tous majoritairement très heureux. Je tournai la tête une seconde vers Yaël avant de me reconcenter sur la route. Il regardait droit devant lui et ses mains étaient posées sur sa sacoche en cuir qui reposait sur ses genoux.
- Qu'est-ce que tu dessinais tout à l'heure, sur le terrain ? demandai-je soudainement, curieux.
Je sentis alors le regard de Yaël s'échouer sur moi. Il y resta un instant tandis qu'il gardait le silence. Un simple coup d'oeil m'appris qu'un grand sourire avait pris place sur ses lèvres, illuminant presque autant son visage que ses yeux pétillants.
- Je ne te le dirais pas, répondit-il simplement.
- Alors montre-moi.
- Encore moins !
- Allez, s'il te plaît, insistai-je dans une petite moue boudeuse. J'ai toujours aimé voir tes dessins.
- Sers-toi de ta mémoire alors, répliqua-t-il. Je dessine toujours à peu près les mêmes choses que lorsqu'on était enfants.
- T'es pas drôle, tu me les montrais à peine ! me plaignis-je.
Yaël haussa les épaules mais ne répondit rien.
- J'ai trouvé ton défaut, clamai-je. Tu es têtu.
- Tu me cherchais un défaut ? releva-t-il, amusé. Et tu n'as trouvé que ça ? Un défaut que tu partages et dans lequel tu dois certainement être plus expérimenté que moi ?
- N'importe quoi ! Je ne te cherchais pas de défaut, me défendis-je maladroitement. Je sais que tu en as. Plein. Je pourrais même te faire tout une liste !
- J'aimerais bien voir ça !
Je grognai et me tassai sur mon siège, prétextant être trop occupé à mettre mon clignotant pour répondre. Je préférais garder le silence plutôt que de m'enfoncer davantage.
- Je te ferais ma liste quand tu me montreras tes dessins, déclarai-je avec fermeté.
- Je suppose que je vais prendre mon mal en patience, dans ce cas.
Je poussai un léger soupir et ralentis alors que j'arrivais dans la rue où habitait Yaël jusqu'à me garer à quelques mètres de sa maison.
- Sérieusement, Yaël, est-ce qu'un jour tu m'accorderas le droit de voir tes dessins ? insistai-je dans un souffle qui semblait un peu trop désespéré.
- Ça dépend.
- De quoi ?
- De toi, souffla-t-il mystérieusement.
Je fronçai les sourcils, perdu, mais je n'eus pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il reprenait déjà la parole.
- Tu veux rentrer deux minutes ? proposa-t-il en faisant un signe de tête vers la maison. Par contre, je te préviens, c'est à tes risques et périls, ma mère voudra sûrement te garder pour elle jusqu'à ce que tu acceptes de rester dîner.
Je laissai échapper un rire avant de secouer la tête de gauche à droite.
- Non, il vaut mieux que je rentre chez moi.
- Comme tu voudras, dit-il en souriant.
Je l'imitai et le regardai récupérer ses affaires avant d'ouvrir la portière de la voiture. Je le quittai du regard quand il en sorti et rallumai le moteur de ma Porsche. Seulement, à la dernière seconde, Yaël se pencha avant de fermer la portière pour retrouver mon regard.
- Ça fait du bien, de parler avec toi comme ça, simplement, confia-t-il. J'ai l'impression de te retrouver, Swann. Et j'ai pas envie de perdre ça à nouveau, je voudrais le garder le plus longtemps possible.
Sans trop que je ne comprenne ma réaction, je sentis mon coeur faire un saut dans ma poitrine à l'entente de ces mots. Mon corps se réchauffa jusqu'à mes joues que je sentis rougir. Putain, pourquoi fallait-il toujours que mon corps réagisse comme ça ? Je retins un grognement et laissai échapper un rire nerveux tout en fuyant le regard de Yaël.
- Ne repars pas en France alors, lâchai-je alors que je savais très bien que le problème pourrait davantage venir de moi.
Je relevai timidement le regard, de peur d'avoir vexé Yaël, mais je tombais plutôt sur des yeux remplis de bienveillance et de compréhension. Avec le temps, il savait comment je fonctionnais. J'attaquai pour mieux me défendre. Et il savait très bien que ce n'était pas contre lui.
Il me sourit presque tendrement et se décida à refermer la portière après un dernier signe de tête. Je ne le quittai pas des yeux et le suivis du regard jusqu'à ce qu'il passe la porte de chez lui.
Je vais faire de mon mieux, Yaël, pour ne pas m'éloigner. Mais j'ai peur de ne rien pouvoir te promettre.
♠️♠️♠️
Hey !
Contente d'avoir pu terminer ce chapitre pour pouvoir vous le faire partager aujourd'hui ! J'espère qu'il vous aura plu.
C'est un chapitre assez calme faisant parti des quelques chapitres de transition. J'ai besoin que la relation entre Swann et Yaël évolue, qu'elle soit plus apaisée avant de pouvoir passer d'autres étapes. Et puis ça fait quand même du bien, je trouve, de les voir se parler sans se crier dessus...
Et vous, qu'en avez-vous pensé ?
Hugo ?
Austin qui veut un rendez-vous avec Joyce ?
Ces petits moments entre Swann et Yaël aussi bien sur le terrain qu'à l'arrêt de bus puis dans la voiture ?
Impatiente de vous lire !
Comme vous le savez désormais, prochaine publication uniquement quand le chapitre suivant sera prêt. En attendant, je vous souhaite une très bonne fin de semaine !
À bientôt, T.
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