Chapitre 1

« Lorsque l'avenir est sans espoir, le présent prend une amertume ignoble. »

Émile Zola.

*

Niall et Louis restèrent au téléphone encore quelques minutes puis Louis raccrocha. Il avait réussi à obtenir l'adresse du foyer où résidait le jeune Styles et il comptait bien s'y rendre le plus tôt possible. Il passa brièvement sa langue sur ses lèvres et finit par se lever. Il enfila son trench coat, retira ses lunettes, attrapa ses clés et sortit de son bureau. Il salua d'un signe de tête April, sa secrétaire et quitta l'immeuble. Il entra dans sa voiture et sourit en entendant le moteur se mettre à tourner. Il était toujours euphorique quand il s'agissait de sa voiture, une Aston Martin db9 noire qu'il avait achetée à prix d'or. Il en était énormément fier et ne laissait jamais passer une occasion de la montrer. Lorsqu'il arriva au foyer, une demi heure plus tard, la première chose qui le frappa fut la beauté du bâtiment. Un immense mur de briques rouges lui faisait face, comme le gardien d'une forteresse regorgeant de secrets et de merveilles. Le mur était lui même surmonté d'un toit d'ardoises grises. La porte d'entrée, massive et en fer forgé aurait découragé quiconque d'entrer dans le bâtiment mais elle avait un côté mystérieux, attirant. Comme si elle menait à un autre monde. De petites fenêtres ornaient le bâtiment. Tout semblait étrangement paisible. « Ironie du sort. » pensa Louis avant de souffler un grand coup et de s'avancer jusqu'à la porte. Il frappa trois coups brefs mais fermes. Une jeune femme vint lui ouvrir quelques minutes plus tard, un immense sourire aux lèvres. Il se présenta et elle le fit entrer dans une petite pièce dans laquelle se trouvait un canapé en cuir et deux fauteuils assortis. Il s'assit et attendit, réfléchissant. Il ne savait même plus exactement ce qu'il faisait ici. Sans doute était-ce trop tôt, sans doute n'aurait-il pas dû. Mais son instinct l'y avait poussé. Et s'il avait eut tort ? Il fut coupé dans ses réflexions par la jeune fille de l'entrée qui toussa pour le faire sortir de sa rêverie. Elle était accompagnée d'un jeune garçon, qui se tenait un peu en retrait. Louis l'observa quelques instants avant de réaliser qu'il était Harry Styles. Même si le dossier donnait une description physique assez précise, il n'aurait jamais pensé que le jeune homme serait aussi beau. Il se mit une claque mentale en pensant de telles choses. Il était son patient. Il devait rester professionnel. Il se concentra à nouveau sur le jeune bouclé et remarqua alors la lueur. Cette lueur qu'il avait dans le regard. Comme si elle était la trace d'une blessure profonde et extrêmement douloureuse. Comme si ses yeux brillaient de terreur et étaient également ternis par le manque. Ses yeux étaient des paradoxes à eux tout seuls. Cette lueur qui faisait toute la différence et qui montrait une autre facette de sa personnalité : il était brisé. Louis se leva et vint lui serrer la main. La jeune femme qui jusque là était restée muette se recula un peu en faisant une signe de tête au jeune docteur, signe que Louis lui rendit. Puis il se retourna vers le jeune homme en face de lui et lui sourit gentiment. Ce dernier essaya de lui rendre son sourire mais sa bouche ne bougea pas et ses yeux parlèrent à sa place. Louis soupira discrètement. Il n'aurait pas dû accepter, il allait encore essayer de le sauver, de le sortir de là et si jamais par malheur il s'attachait à lui ce qui arriverait forcement, il serait détruit. Détruit par un échec s'il survenait, détruit parce que tous ses efforts auraient étaient vains. Et ça le briserait, encore une fois. « Idiot. » pensa-t-il avant de se concentrer à nouveau sur le bouclé, lui proposant de s'asseoir avec lui. Le jeune homme hocha la tête et s'assit en face de lui, sur un des fauteuils. Louis comprit immédiatement qu'il n'avait pas envie de parler. Du moins pas pour le moment. Et certainement pas en présence de la jeune femme qui se tenait un peu à l'écart, juste à côté d'un rideau rouge, cachant ainsi une partie de la lumière apportée par les fenêtres. Alors Louis lui donna sa carte, les horaires auxquelles il était disponible et lui demanda de l'appeler dès qu'il se sentirait près à le faire, le plus tôt étant le mieux. Harry hocha la tête et ne prononça pas un mot. Finalement, au bout d'un quart d'heure de silence, le psychologue se leva, décidant qu'il était temps pour lui de rentrer. Il remit son manteau et fit signe à la jeune femme qui n'avait toujours pas bougé, lui expliquant qu'il devait partir. Elle ne le retint pas et il sortit sans un mot, l'esprit encore embrouillé. Si Harry refusait de lui parler, il ne pourrait pas l'aider et encore moins le « sauver ». Parce que c'était ça, son objectif principal, sauver cet homme qui ressemblait à un ado de quatorze ans alors qu'il en avait huit de plus. C'était déchirant, de le voir ainsi, se refermer toujours un peu plus sur lui même et refuser de parler à qui que ce soit. C'était frustrant. Louis avait l'impression qu'il ne parviendrait jamais à le sortir de cette mauvaise passe. Sans doute avait-il raison, mais il n'abandonnerait pas. Pas déjà, en tout cas.

*

Il grimpa dans sa voiture et regarda sa montre en soupirant avant de prendre la direction du commissariat. Niall l'avait mis dans cette position délicate, ils devaient avoir une conversation. Une vraie conversation. Il manqua de rentrer dans une voiture lorsqu'il grilla un feu rouge et la maudit une bonne dizaine de fois avant de se rendre compte que tout ceci était de sa faute, à lui et à sa capacité un peu trop développée à rêvasser au volant. Il jura dans sa barbe et reprit sa route. Il faillit causer deux autres accidents mais il parvint tout de même à arriver sain et sauf au commissariat, de longues minutes plus tard. Bien sûr, comme si tout cela n'allait déjà pas assez lentement, on le fit encore patienter une quinzaine de minutes -parce que, vous comprenez, le lieutenant Horan a énormément de travail. Il est flic, il fait un vrai boulot, lui.- avant de finalement l'amener jusqu'au bureau de son ami. Louis s'installa dans le fauteuil qu'on lui présenta et enfin, Niall fit son apparition. Il avait revêtu son uniforme ce qui lui donnait un air stricte et formel qui fit glousser Louis. Son ami leva les yeux au ciel et s'assit en face de lui, derrière son bureau. Il croisa les bras devant lui et attendit, il commençait à s'impatienter quand finalement le jeune psychologue pris la parole.

« - Pourquoi tu m'as donné ce genre de patient alors que c'est voué à l'échec, Niall ?

- Bonjour à toi aussi.

- Arrête de jouer au con, c'est inutile avec moi et ça ne te va même pas bien.

- Sympathique.

- Réponds à ma question, Horan. Arrête de tergiverser et réponds.

- Bien. Je te l'ai « donné » enfin proposé parce que je pense qu'il a une chance de s'en sortir.

- Il ne parle pas. Je lui ai laissé une chance de s'exprimer et il a refusé de me parler.

- Tu parlais toi au début de tes thérapies ?

- Ne me parle pas de ça, dit-il brusquement et sa voix était devenue glaciale. On est pas là pour parler de ça.

- Tu devrais en parler à Zayn. Je ne sais pas tout, lui oui. Je t'ai donné une chance de soigner cet homme et par la même occasion, de te soigner toi. Tu as décidé que peut-être tu devais saisir cette chance. C'est pour ça que tu m'as appelé. Maintenant tu fais ce que tu veux, j'ai un carnet pleins d'adresses de psys je peux très bien lui en trouver un autre. Tu saisis ta chance ou non. C'est ton problème.

- Je suis soigné depuis longtemps, trancha-t-il, amer. Je veux juste comprendre pourquoi tu me refiles un patient comme lui alors qu'il ne souhaite pas parler.

- Il a demandé à voir un psy, répondit calmement Niall en penchant la tête sur le côté.

- Et c'est tellement bizarre ! il se releva brusquement et soupira longuement. Je veux dire pourquoi il demande un truc pareil ? Les psys ça fout la trouille, ils sont là pour traquer des démons que t'as pas envie d'affronter. Je comprends pas. Je comprends pas comment une personne dotée d'un minimum de bon sens peut demander à consulter un psy.

- Louis, il soupira et décroisa ses bras. Il a vingt deux ans. Il est complètement traumatisé, il a juste besoin qu'on l'aide. Il ressent ce besoin, il a juste besoin tu sais de .. S'accrocher à quelqu'un de plus fort que lui.

- J'ai pas envie d'être cette personne. J'ai pas envie de ça, j'ai pas besoin de ça. Un patient comme ça tout ce que ça va m'apporter c'est des ennuis. Et en plus il ne parle pas.

- Il parlera. Et toi tu devrais discuter de tout ça avec Zayn. Sincèrement, Louis. Je l'aime pas tellement mais c'est ton meilleur pote et il sait tout de toi. Demande lui ce que tu dois faire et il saura. Même si on sait tous les deux que tu as déjà pris ta décision. Sinon tu n'aurais pas appelé. »

Louis leva les yeux au ciel et marcha de long en large pendant encore quelques minutes avant de saluer Niall et de quitter le commissariat. Il était perdu. Complètement perdu. Il posa sa tête sur le volant de sa voiture et se lamenta sur son sort pendant dix bonne minutes avant de se traiter d'idiot pathétique tout droit sorti d'un film à l'eau de rose dégueulasse et de se décider à appeler Zayn. Bien évidemment, il ne décrocha pas. Parce que c'était Zayn et qu'à moins que quelque chose ne prenne feu dans sa garde robe, il ne répondait jamais à son téléphone. Louis l'insulta pendant deux minutes sur son répondeur avant de se rappeler que ça aussi, c'était totalement inutile parce que son imbécile de meilleur ami n'écoutait jamais ses messages. Alors il raccrocha, balança son portable sur le siège passager et rentra chez lui. La femme de ménage avait tout rangé, tout lavé, tout repassé, tout défroissé, elle avait tout fait. Sa maison brillait de mille feux. Comme toujours quand elle passait. Et il détestait ça parce qu'elle avait cette mauvaise habitude de mettre la télécommande de la télé sur la table du salon alors qu'il y avait un putain de socle de prévu pour ranger la télécommande. C'était quand même pas si compliqué, de ranger les affaires à leur place. Et pourtant elle ne le faisait jamais. Elle faisait ça pour la télécommande de la télévision, pour sa brosse à dent -qu'elle rangeait toujours dans le tiroir droit alors qu'elle devait normalement se trouver dans le tiroir gauche-, pour ses vêtements qu'elle ne triait pas par couleur comme Louis le lui avait gentiment demandé et pour à peu près toutes les choses qui se trouvaient dans sa maison. Et c'était totalement, complètement, extrêmement exaspérant. Il soupira longuement mais ne replaça pas les objets qu'elle avait déplacés. Il posa sa sacoche dans un coin et se rendit directement dans sa salle de bain. Voilà ce dont il avait besoin. Une douche glacée pour lui remettre les idées en place. Il se déshabilla rapidement et alluma le jet, se contentant de recevoir toute l'eau dans la figure sans bouger. Puis, bien évidemment, il commença à avoir froid alors il ressortit en grelottant et s'enveloppa dans une serviette en éponge. Il allait sûrement chopper la crève et en plus de ça, son esprit était toujours embrouillé. Il y penserait la prochaine fois, les douches froides n'étaient pas la bonne solution. Il enfila des vêtements propres et tenta de se recoiffer avant d'abandonner et de récupérer ses clés de voiture. Il s'apprêtait à partir quand le téléphone sonna. April. C'était toujours April de toute façon. Il n'y avait qu'elle pour l'appeler à chaque heure de la journée pour savoir comment il allait alors qu'il lui avait expressément demandé de ne le déranger sous aucun prétexte. Mais elle semblait aussi être la seule personne sur cette planète à s'inquiéter pour lui alors il décrocha.

« - Docteur Tomlinson ?

- Oui April ?

- Je voulais juste vous prévenir que vous avez un nouveau patient.

- Bien et pourquoi m'appelez vous ? Ça aurait pu attendre demain non ?

- Je n'en sais rien, ce n'est même pas le patient en question qui a appelé mais cela m'a semblé tellement important que j'ai préféré vous mettre au courant dès à présent.

- Bien, il soupira longuement et reprit. Quel est son nom ?

- Styles. Harold Styles.

- Quand avons nous rendez-vous ? demanda-t-il, tout à coup beaucoup plus attentif.

- Dans une semaine exactement. A quatorze heures.

- Bien. Merci April.

- Avec plaisir, Docteur Tomlinson. »

Il raccrocha et arrêta quelques instants de marcher. Finalement, peut-être qu'il allait enfin se décider à parler. Ce serait bien. Vraiment bien. Parce que s'il ne faisait rien pour changer son attitude, il ne pourrait pas être sauvé. Et Louis détestait ne pas parvenir à ses fins, ne pas arriver à sauver les gens. April était peut-être porteuse de bonnes nouvelles, finalement. Si on oubliait cette horrible habitude qu'elle avait d'appeler Louis « Docteur Tomlinson » comme si ça allait lui donner un avantage quelconque. C'était ridicule, à la limite du risible et ça lui donnait juste envie de la renvoyer. Mais en même temps elle était efficace et à part ce genre d'écarts, il n'avait rien à lui reprocher. Et au fond, ce n'était pas vraiment un écart. Juste une chose parmi tant d'autres qui le mettait hors de lui.

*

Pour la troisième fois de la journée, il monta dans sa voiture et il se rendit chez son meilleur ami. Parce que si les douches froides ne marchaient pas, si la visite au commissariat ne marchait pas, si engueuler sa femme de ménage et April ne marchait pas, Zayn était la seule solution qui lui restait. Il atteignit l'appartement dudit meilleur ami exactement sept minutes plus tard. Il entra sans frapper comme à son habitude et peut-être aurait-il dut, pour une fois, ça lui aurait évité de voir Zayn en pleine partie de jambes en l'air avec son mari. Parce que ça bordel il n'en avait vraiment pas besoin. Il ne prit même pas la peine de s'excuser et partit dans la cuisine, se chercher un verre d'eau en attendant que les deux autres aient fini leurs galipettes. Son meilleur ami le rejoignit quelques minutes plus tard, les cheveux en bataille, encore à demi nu et un large sourire aux lèvres.

« - Louis. Appelle la prochaine fois si tu veux pas tomber sur ce genre de scène.

- Je ne sais pas ce qui est le plus ridicule, toi qui me dit de t'appeler pour prévenir ou me demander de prévenir avant de passer. Je te connais depuis quoi ? Cinq ans je pense. Est-ce qu'une seule fois en cinq ans j'ai frappé avant d'entrer chez toi ou j'ai annoncé ma visite ? Non. Jamais. Alors je vais pas commencer aujourd'hui, et le fait que tu sois marié ne change absolument rien.

- Pour toi, non ça change rien. il ricana et s'approcha de lui en penchant la tête sur le côté. Pour nous ça change pas mal de choses. Mais c'est pas le sujet là. Pourquoi t'es venu Lou ?

- Arrête de m'appeler Lou, s'il te plaît.

- Désolé. Bon, raconte moi ton histoire maintenant pourquoi t'es là ?

- Dis le si tu veux que je me casse.

- Arrête de faire le con et viens en au fait.

- Je .. il soupira et se passa une main sur le visage avant de commencer un récit décousu. Y'a ce nouveau patient, que Niall m'a donné enfin donné il m'a proposé de le prendre en charge et tu comprends je pouvais pas dire non. Mais le problème c'est son histoire. Ah ouais et aussi le fait qu'il ne parle pas. Il parle pas du tout il a raconté des parties de ce qu'il a vécu à Niall en les écrivant sur un bout de papier et malgré tout il demande à voir un psy. J'en sais rien c'est trop bizarre.

- Je comprends pas .. Alors .. Y'a un mec, il a quel âge ce mec ?

- J'en sais rien, vingt deux je crois.

- Donc je résume attends. Y'a un mec, qui a vingt deux ans, que Niall a retrouvé avec son équipe et qui a demandé à voir un psy.

- Oui.

- Ils l'ont retrouvé où ? Enfin comment ils l'ont retrouvé et tout ça ?

- Je .. il soupira une nouvelle fois et redressa la tête, fixant intensément son meilleur ami. Zayn. C'est le genre de patients que je refuse toujours l'habitude.

- Je .. Oh. D'accord. Je vois. Et c'est ça qui te fait peur ?

- Oui. Ça me fait peur et je ne sais pas si je dois le prendre en charge.

- C'est pas déjà fait ?

- En quelques sortes, si.

- Comment ça en quelques sortes ?

- On a rendez-vous la semaine prochaine mais si je le sens pas je peux toujours annuler.

- Eh, regarde moi. il s'avança vers lui et lui prit la main. On est amis toi et moi pas vrai ?

- Évidemment. T'es mon meilleur ami.

- Alors tu peux me faire confiance ?

- Oui.

- Fonce Louis. Prends le comme patient. Au fond peut-être que ça t'aidera à affronter ton passé ou quelque chose comme ça.

- J'ai déjà affronté mon putain de passé ! Putain vous avez quoi tous avec ça ? s'exclama-t-il soudainement en retirant vivement sa main. Remets pas ça sur le tapis Zayn. C'est pas le moment.

- Moi je pense que c'est le moment. Et que ce patient peut t'aider autant que toi tu peux l'aider.

- Tu dis que des conneries, sincèrement. Mon boulot c'est de l'aider je vois pas comment le contraire serait possible.

- Et bien réfléchis et peut-être que la solution t'apparaîtra.

- C'est ça, je suppose que tu crois avoir raison ? Parce que t'es Zayn Malik et que forcément t'as toujours raison. il leva les yeux au ciel. Je sais pas pourquoi je suis venu te voir.

- Parce que tu viens toujours me voir quand tu sais pas quoi faire ? Et que je suis Zayn Malik et que j'ai toujours raison, comme tu le dis si bien.

- Ouais c'est ça. Je crois que je vais partir.

- Alors tu vas faire quoi ? Avec ton patient j'veux dire ?

- J'en sais rien.

- Et la vérité ?

- La vérité c'est que je vais le prendre voilà. Vous me faites tous chier à me poser trente six mille questions. Je lui ai donné rendez-vous je peux plus reculer.

- Mais bien sûr, comme c'est facile de me sortir ce genre d'excuses pathétiques.

- Ta gueule Zayn.

- Tu deviens vulgaire, mais moi aussi je t'aime. Salut Louis.

- Passe le bonjour à Liam.

- Il t'a déjà vu il me semble.

- Je crois pas qu'il était en excellente position pour me dire bonjour.

- Ça dépend du point de vue. Je trouvais sa position plutôt avantageuse personnellement. »

Louis grogna et tapa doucement son ami à l'épaule avant de sourire en coin et de ressortir comme il était entré.

*

Louis se morfondait, dans ce grand appartement qui était pourtant le sien. Il avait beau tourner, retourner et encore retourner la situation dans sa tête, c'était toujours la même chose au final. Il avait eu envie de prendre ce patient, ce Harry alors qu'il n'avait pas pris de patient de ce genre depuis une éternité. Plus depuis qu'il avait lui même suivit une thérapie. Premièrement, se faire suivre par un collègue lui avait beaucoup coûté et pendant longtemps il en avait été gêné, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il en avait réellement besoin. Deuxièmement, cette thérapie lui avait appris qu'il y avait des épisodes de son passé qu'il ne souhaitait vraiment pas revivre. Troisièmement, les patients de ce genre lui faisaient peur parce qu'ils étaient souvent tellement désespérés que les sauver représentait bien plus qu'un simple défi, c'était un espèce de miracle si on y parvenait et Louis n'avait pas besoin de ça. Alors il essayait de comprendre pourquoi il avait soudain ressenti le besoin de prendre un patient comme Harry. Il avait beau cherché il ne trouvait pas. C'était un mystère total. Ou peut-être que Zayn avait raison, qu'il avait soudain trouvé le courage pour affronter son passé et qu'il le faisait à travers ce jeune homme. Mais il en doutait fortement. Il n'était pas encore assez fort pour affronter les épisodes de son ancienne vie. Pas déjà, c'était bien trop tôt et c'était bien trop compliqué. Il se laissa tomber sur son lit, sa bouteille de whisky à la main et il but une longue gorgée avant de fermer les yeux. Dormir, voilà quelque chose qui lui remettrait les idées en place.

*

Harry se tenait dans le salon du foyer Greenwood, regardant par la fenêtre sans un mot. Il n'avait pas parlé une seule fois depuis que les flics l'avait retrouvé. Il n'en voyait pas l'utilité. Plus maintenant. Pendant plus de quatre années il avait hurlé sa douleur, hurler toute sa rancœur, toute sa souffrance, il avait hurlé pendant des jours entiers et des nuits complètes, il avait hurlé autant qu'il avait pu, espérant secrètement que quelqu'un l'entende. Mais jamais personne n'était venu, jusqu'à ce fameux jour où les policiers étaient entré dans son champ de vision, le sortant de cet enfer. Et il avait cessé de parler. Parce qu'il avait hurlé pendant des années sa putain de souffrance et que tout le monde avait fait la sourde oreille. A quoi bon parler maintenant qu'il n'avait plus personne ? Qu'il était soit disant en sécurité ? Les gens sont sourds aux souffrances des autres alors il ne comprenait plus l'utilité de les dévoiler au monde entier. Du coup il se taisait. Il regardait par la fenêtre, il regardait le temps passer sans rien dire, sans un mot. Il n'était même plus sûr de penser mais de toute façon, personne ne serait plus jamais au courant de ce qu'il pensait. Jamais. Il baissa les yeux et regarda ses poignets. Heureusement, son gilet à manches longues qu'il refusait de quitter cachait ses marques. Il n'avait jamais compté ses entailles aussi il lui était totalement impossible de lui dire combien il en avait. Et puis ce n'était que ses poignets, ce n'étaient pas les seuls endroits de son corps qui étaient marqués. De toute façon, les marques s'étaient superposées au fil des années, devenant trop nombreuses pour être comptées. Il n'avait jamais dit qu'il souffrait ou quelque chose de ce genre, il s'était contenté d'enfoncer la lame dans sa peau, laissant les larmes se mélanger au sang qui coulait abondamment sur le sol carrelé de la pièce dans laquelle il se trouvait. C'était tellement pathétique et ridicule. Jamais il ne s'était plaint non plus. Jamais, pas une seule fois. Encore moins quand il se trouvait dans cette cave de neuf mètres carrés dans cette villa qu'il devinait immense. Il savait qu'il s'il se plaignait, tout aurait été plus difficile encore. Et il n'aurait sans doute pas pu le supporter. Il sentit quelqu'un s'approcher dans son dos et il se retourna vivement, pensant qu'il s'agissait de Lizzie pour ses médicaments. Malgré le fait qu'il n'aie pas prononcé une seule parole, la jeune infirmière s'était montrée adorable avec lui, ne lui faisant jamais la morale ou des longs discours sur pourquoi il était ainsi, pourquoi il devait se comporter de cette manière ou quoi. Elle lui avait pris rendez-vous avec un psychologue qui lui avait été conseillé par le flic qui avait retrouvé Harry et elle n'avait fait aucune remarque lorsque ce dernier s'était contenté de hocher doucement la tête pour lui répondre. Elle parlait beaucoup, comblant les silences qu'il laissait et elle avait toujours le sourire aux lèvres. Harry l'appréciait. Elle n'était pas comme les autres, elle n'était pas horripilante et méchante alors il l'appréciait. Mais il ne s'agissait pas de Lizzie. Non, c'était un homme qui faisait à peu près sa taille et qui lui tendit sa main en souriant. Ses cheveux étaient relevés en arrière et il portait une chemise qui lui donnait un air bourgeois plutôt ridicule. Il n'était pas spécialement beau, mais il avait quelque chose de doux dans le regard, de presque apaisant. Il semblait sincèrement gentil mais Harry ne tendit pas sa main en retour, se contentant de le dévisager sans un mot. Finalement son vis à vis se racla la gorge, visiblement mal à l'aise et pris la parole.

« - Salut. Je m'appelle Nicholas mais tout le monde m'appelle Nick alors tu peux m'appeler Nick.

- ...

- T'as pas l'air de trop aimer parler t'es ici pourquoi ?

- Et toi ? demanda-t-il de sa voix si rauque qui semblait usée par le temps et par la vie en général.

- Parce que je suis un junkie. il sourit de toutes ses dents. Mais j'ai vingt cinq alors l'année prochain je suis obligé de partir, ça m'fout les boules je suis bien ici même si y'a pas de drogue ni rien. Je me sens en sécurité.

- Ah.

- Ouais. Et toi alors ?

- Je sais pas.

- Tu sais pas ? Oh. Tu veux pas en parler c'est ça ?

- Exactement. Je veux pas en parler.

- Pourquoi t'aimes pas parler ?

- Parce que personne ne m'écoute quand je parle. Et que parler ne sert à rien.

- C'est faux, les gens vont t'écouter ici.

- Tu ne connais rien, tu ne sais rien, tu ne comprends rien. »

Quelque chose changea dans son regard quand il prononça ces mots. Comme si d'un coup, il était plus lointain, plus distant. Pas une seule fois il n'avait regardé Nicholas dans les yeux et il continua de fuir son regard cependant, quelque chose avait changé. Tout avait changé, en une seule phrase. Il avait battit comme une muraille imaginaire autour de lui. Son regard disait « ne m'approchez pas, n'essayez pas de me parler, de me contredire, n'essayez pas de me changer. » Son regard était une protection à lui tout seul, il aurait repoussé quiconque aurait essayé de pénétrer sa coquille. Nick sourit en coin et haussa les épaules avant de repartir en courant joyeusement. Ce garçon était vraiment un imbécile, c'est ce que pensa Harry en tout cas. Mais c'était un imbécile heureux. Et Harry aurait tout donné pour savoir sourire à nouveau, pour être heureux juste quelques secondes. Il ne savait plus ce que c'était, alors il aurait vraiment aimé être comme lui. Imbécile, mais heureux. Insouciant aussi. Parce qu'être un drogué ne faisait pas de lui quelqu'un de malade. Pas au point de vouloir se donner la mort en tout cas. Au fond, Harry était jaloux de lui. De ce bonheur qu'il avait réussi à atteindre et que lui n'aurait jamais. Pourtant il était habitué, ça avait toujours été comme ça. C'était toujours les autres qui obtenaient ce qu'il voulait. Pourtant il ne demandait pas la lune. Il demandait juste quelque chose, quelqu'un qui arriverait à le faire sourire à nouveau.

*

C'était aujourd'hui. Aujourd'hui que Louis avait rendez-vous avec le fameux patient qui le terrifiait autant qu'il le fascinait. Il était angoissé. Peut-être un peu plus que d'ordinaire. Et il avait perdu son téléphone dans sa propre voiture ce qui n'arrangeait rien. Il avait enfilé une chemise. Une putain de chemise alors qu'il détestait ça parce que le col lui grattait toujours le cou. Il avait mis cette chemise, donc. Elle était bleue avec de fines rayures blanches. Il était élégant. Très élégant. Trop sans doute pour un patient, il ne savait même pas pourquoi il avait fait ça. Il se sentait ridicule maintenant mais il se trouvait dans son bureau alors c'était trop tard. Il n'y avait aucun retour en arrière possible. Absolument aucun. Il s'était endimanché pour un fichu patient. C'était vraiment pathétique. Il était pathétique. Mais d'un autre côté, ce patient n'était pas comme les autres. Pas vraiment. C'était Harold. Il avait décidé qu'il l'appellerait Harold et non Harry. Il ne savait pas très bien pourquoi, mais il avait décidé ça en passant le pas de la porte. Harold donc. Qui était un très beau garçon. Louis s'en voulait de penser ça mais c'était la vérité, la stricte vérité. C'était un très beau garçon mais il était totalement et complètement brisé. Détruit par la vie. Un de plus dans ce monde de fous. April frappa à sa porte et il se redressa vivement en lissant sa chemise. Foutue chemise. Foutu patient, foutu job. Harold entra et il regretta immédiatement de s'être habillé comme un homme d'affaires alors que le jeune homme qui se trouvait en face de lui était vêtu aussi simplement que possible. Il soupira longuement et le fit asseoir sur un des fauteuils en face de lui. April lui fit un signe de tête et sortit en rougissant. Il se concentra à nouveau sur le bouclé et lui sourit gentiment.

« - Tu vas bien Harold ?

- Ne m'appelez pas Harold. »

Louis sentit tout de suite mal à l'aise et se mit à triturer les stylos qui se trouvaient sur son bureau. Il se racla plusieurs fois la gorge avant de sourire timidement et de relever la tête vers Harry, donc, puisqu'il ne fallait pas l'appeler Harold.

« - Et alors est-ce que tu vas bien ?

- ...

- Ok j'ai compris tu veux pas parler. Alors j'en sais rien tu prends rendez-vous avec un psy mais si tu veux pas parler moi je peux pas t'aider Harry. Va falloir faire des efforts aussi.

- Venir ici c'est déjà un effort pour moi. »

Louis soupira et passa une main lasse sur son visage. Il ne devait pas le brusquer, pas déjà. Il n'était pas prêt. Cet homme n'était pas prêt à voir quelqu'un cela se voyait. Alors pourquoi est-ce qu'il tenait autant à venir le voir ? C'était tellement bizarre et incompréhensible.

« - Pourquoi es-tu venu ici si tu ne veux pas parler et si c'est compliqué pour toi ?

- Lizzie m'a pris rendez-vous.

- Lizzie ?

- L'infirmière du foyer où je suis, celle qui vous avez ouvert quand vous êtes venu.

- Oh, oui, je me souviens. Et donc elle t'a forcé à venir ?

- Elle m'a pas forcé. Elle a dit que j'avais besoin d'aide et .. il haussa les épaules, je suppose qu'elle a pas tort.

- Bien. Et toi au fond t'en penses quoi de tout ça ?

- Je pense que je dois voir quelqu'un.

- Mais tu te sens prêt à parler de .. ce qu'il t'es arrivé ?

- Rien. il releva la tête et fronça les sourcils. Il ne m'est rien arrivé. »

Il ne l'avait pas prévu. C'était pourtant ce qui se passait, la plupart du temps mais vraiment, il ne l'avait pas prévu. Le déni. Harry était en plein dans le déni, refusant de voir la réalité en face. Cela s'annonçait encore plus compliqué que prévu. Harry ne voulait pas parler parce qu'il n'acceptait pas que quelque chose d'aussi mal lui soit arrivé à lui. Ou alors il l'acceptait mais il ne le montrait pas. Il se protégeait. Et si Louis voulait le faire parler, il allait devoir acquérir sa confiance. Et ce n'était pas quelque chose de simple. Il allait devoir faire tomber ses barrières, cela risquait d'être long et compliqué. Il eut envie d'abandonner. De tout lâcher, de tout abandonner. De renvoyer son patient dans son foyer et de s'enfermer à double tour dans son appartement avec une bouteille de vodka. De hurler jusqu'à la mort et de pleurer toutes les larmes de son corps. De congédier ce mec qui se trouvait en face de lui ou de lui mettre son poing dans la gueule. Il avait vraiment envie de lâcher prise. Mais il ne pouvait pas. Il était engagé. Aussi bien auprès de Niall et de Zayn que de lui même. Il s'apprêtait à reprendre la parole quand la voix rauque et lente d'Harry le coupa dans son élan.

« Je crois que j'aurais préféré être mort, tout serait tellement plus simple. »

FA L L E N  K I N G D O M

*

Salut les gens. Voici mon premier chapitre. J'angoisse terriblement . Ce chapitre n'est qu'une mise en bouche, il est trop long je trouve - 5499 mots avec ma note - et pour l'instant mes personnages ne souffrent pas tellement. On ne le voit pas clairement en tout cas. Ne vous inquiétez pas, les prochains chapitres seront plus longs et plus "psychiques". J'espère que vous aimez toujours ma fiction, sinon abandonnez la. Je préviens juste que les thèmes tels que le viol, la mutilation, et ce genre de choses seront abordés bien plus en profondeur dans les chapitres à venir. Préparez vous. 

En tout cas, j'espère que le second  chapitre vous plaira.

M.


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