-51-CONNOR

"Quand le vin est tiré, il faut le boire."

Proverbe

Connor

Mon portable sonna au son de l'hymne national Irlandais, ce qui me tira une vilaine grimace. Faisant un rapide calcul, il était encore tôt là bas mais mon père était matinal, j'hésitais un instant à décrocher.

En ce moment, je me sentais bien, j'acceptais les révélations de Charlie même si je grinçais des dents parfois et un coup de téléphone de mon père pourrait tout faire basculer. Il ne m'appelait jamais pour le plaisir de prendre de mes nouvelles. Il y avait toujours une bonne raison pour lui, mauvaise pour moi. L'appel du paternel n'augurait rien de bon mais je me forçais à décrocher tout en continuant à avancer dans la rue. J'avais besoin d'un exutoire pendant la conversation.

—Bonjour papa, je soufflais dans le téléphone.

J'espérais vraiment que la conversation serait courte, que je puisse retourner à mes affaires. La demande de mon père, ses tentatives de persuasion et récrimination d'usage à coup d'arguments solide et expédition de l'appel pour passer à autre chose. Le circuit habituel quoi !

—Fils, comment vas-tu ?

—Très bien.

Je répondais toujours la même chose parce que nous n'avions pas l'habitude de nous étendre sur des sujets perso. Mon père et moi n'avions pas la même vision de la vie. Impossible de réellement nous entendre.

—Je suis ravi.

C'était toujours très cordial avec mon père comme si on marchait sur des œufs.

—Je te téléphone pour te rappeler que nous serons aux États-Unis la semaine prochaine, continua t'il sur le même ton lisse. Et pour savoir quand tu comptais venir nous voir ?

Bingo! La demande entrait dans le vif du sujet. J'avais zappé complet, ils arrivaient bientôt. Je n'avais pas posé de jours pourtant mon frère m'avait bassiné avec ça, me suppliant de retourner surfer ensemble et passer du temps entre frères. Je croyais  que j'avais surtout fait en sorte de ne pas y penser. Plus facile d'occulter que de me rendre à l'évidence. Je n'allais pas y couper, à cette réunion familiale. J'en avais déjà des sueurs froides.

Je posais mon cul à la terrasse d'un café, à l'ombre pour pouvoir parler tranquille. La négociation serait ardue parce que j'avais une idée en tête.

—Je vais venir dans le courant de la semaine bien sûr, mardi comme ça je resterais quelques jours. Ça te convient ?

Même si je n'avais pas envie d'accepter, il le fallait pour Aydan. Notre paternel n'avait pas intérêt à protester.

—C'est parfait, Aydan sera content et Mary aussi.

Sa voix contente me rassura et m'étonna. Il n'avait rien à y redire mais j'avais encore un truc à balancer qui me pesait, angoissé par sa réaction et certaine de la mienne.

—Il y a une condition papa.

Je sentais une boule d'appréhension se former dans ma gorge. Mon père resta silencieux, attendant mon propos.

—Je viens avec ma petite amie.

Je lâchais la bombe. Mon père n'avait pas l'habitude de m'entendre employer ce mot. Je parlais pas ou peu de mes relations avec lui. Nous n'étions pas proche, je gardais toujours une distance bien calculé. Il y eut un gros blanc qui s'étirait trop, il devait digérer la nouvelle. J'en profitais pour commander un café serré à la serveuse qui me reluquait avec un air absent.

—Avec plaisir, me répondît mon père.

Je sentais qu'il n'était pas en extase non plus. La voix de Mary, ma belle mère se fit entendre demandant si je venais bien et elle serait mon salut. Mary était une bouffée d'oxygène dans notre conversation. C'était plus facile avec elle dans les parages pour faire passer les prérogatives auprès de mon père.

—Oui chérie, assura le paternel. Il sera là et pas seul.

Ma belle mère poussa un cri de joie, elle se réjouissait pour chaque chose. Les arcs en ciel après la pluie, un bon café, un film et visiblement la petite amie de son beau fils entrait en pôle position. Aydan devait morfler. Elle demanda de mettre le haut parleur.

—Connor mon chéri, c'est vrai ? Tu amènes ta copine mais c'est fabuleux.

Qu'est ce que je disais, l'extase.

—Comment s'appelle t-elle, entama ma belle mère.

J'étais le flic de la famille mais Mary menait les interrogatoires comme personne. On ne pouvait résister à sa voix douce pour commencer et à l'enchainement des questions qui allait à un rythme endiablé, ne laissant pas place à réflexion. Un quizz en vingt réponses, cash. Elle cachait bien son jeu en revanche, une main de fer dans un gant de velours. Ses nombreuses questions pertinentes quand le besoin s'en faisait sentir trouvant toujours le centre de la cible.

—Charlotte. Enfin, elle n'aime pas qu'on appelle comme ça alors ça sera Charlie, d'accord ? Et ne la bousculez, pas de question trop perso.

Je devais mettre les olas avant que ma belle mère s'emballe un peu trop vite.

—Sans faute, je ferais la leçon à ton père. Mais parle moi d'elle, mon grand !

C'était bizarre, j'étais plus proche de ma belle mère que de mon père ou ma mère d'ailleurs. Elle avait toujours porté un égard tendre à mon attention pourtant j'avais été un petit con avec elle. Je lui en avais fait baver les premiers mois ou j'avais atterri en Irlande. Refusant par exemple de lui adresser la parole, je la tenais pour responsable de l'éloignement de mon père alors que je savais que c'était complètement faux. Il me fallait quelqu'un à détester et malheureusement c'était elle mais Mary avait pris patience. A force de temps et suivit de quelques engueulades bien senties de mon père, nous avions sympathisé pour se rapprocher mais pas trop non plus. Ma crise d'adolescent ne s'était pas passé sans mal. Arraché de ma ville natale, de mes potes, j'étais furieux mais bien décidé à le faire payer à qui conque voulait m'approcher.

—Mary... je sais pas quoi te dire.

Elle poserait une série de question, j'en étais sûr.

—Elle est jolie ?

Quelle question, je ne serais pas avec elle si je la trouvais moche.

—Brune ? Ou plutôt blonde ? Je ne sais pas pourquoi, je t'ai toujours imaginé avec une belle eurasienne. Je ne connais pas tes goûts cela dit! Je me souviens très bien de cette charmante fille que tu avais ramener pour le dîner. Oh tu devais avoir dix sept ans et elle ....

Le moulinet était enclenché et elle étirait le fil à perte de vue. J'imaginais bien une conversation entre ma belle mère et Sasha à bâton rompu, avec Charlie au milieu qui lèverait les yeux au ciel à intervalles réguliers. Je me marrais de l'image n'écoutant même plus Mary.

—Grande, petite ? Cela dit je t'imagine mal avec une fille d'un mètre cinquante, sans vouloir être offensante, ça créerait un déséquilibre. Qu'elle âge a t'elle ? Elle est de Los Angeles ? Vous travaillez ensemble ?

Fin de la tirade. Je pouvais en placer une. Mary n'avait même pas reprit son souffle, quel exploit.

—Très jolie, elle a vingt sept ans. Elle est née à Seattle et encore une fois non, nous ne bossons pas ensemble.

—Depuis combien de temps vous vous fréquentez ?

Je commençais déjà à en avoir marre de répondre. Qu'est ce que ça pouvait leur foutre?

—Réellement quatre mois mais on se connaît depuis plus longtemps.

La voix de mon frère me parvient dans le lointain.

—Vous foutez quoi au dessus du téléphone ?

Je râlais intérieurement en tapotant la table mais trop fort car mon café arrivé comme par magie déborda dans la soucoupe. Il allait falloir refaire la conversation une fois de plus pour la demie portion.

—C'est Connor, répondit mon père.

Il avait fermé la bouche pour laisser s'exprimer sa femme. C'était bien la seule à avoir un ascendant sur lui.

—Salut frangin, disait mon petit frère, joyeux.

Il s'était rapproché car sa voix était plus forte et je les imaginais penché au dessus du téléphone tous les trois. Sûrement dans la cuisine, assis autour de la vieille table en bois un peu bancale. J'y avais passé pas mal de temps aussi, à regarder dehors dans le jardin. Ma belle mère en remit une couche.

—Il va venir à Santa Barbara avec sa petite amie qui s'appelle Charlie.

Elle avait une voix extatique et j'avais envie de crier au secours. La coupe était pleine. Bientôt, ils feraient une annonce dans toute l'Irlande.

—Je la connais, répondit mon frère.

C'est vrai qu'il l'avait vu à plusieurs reprises pendant son séjour chez moi mais à ce moment là, nos relations n'étaient vraiment pas les mêmes. Je n'avais pas encore réaliser que j'étais dingue de cette fille mais mon frère oui et toutes ses messes basses en gaélique où il me posait des questions sur elle aurait du me faire tiquer à l'époque. Le môme percutait plus vite que moi, moins handicapé du cerveau que son aîné. Il avait fait la conquête de Charlie et de toutes les nanas en un claquement de doigts, le bad boy poète. Regard langoureux et une bonne dose de bagout dont il avait le secret. Je n'avais pas reçu la même façon de faire, je m'y prenais comme un manche à côté de mon petit frère.

—Ha bon mais comment...

Je coupais l'élan de Mary. A ce compte là, on serait au téléphone pour le reste de la journée.

—C'est bon, l'interrogatoire est terminé parce que je dois y aller, je travaille là.

Petit mensonge sans conséquence. Je errais plus que je ne bossais mais j'approchais ma limite avec la famille.

—D'accord mon chéri, finit par conclure de manière chaleureuse, Mary. Prend soin de toi.

—Attention fils, la voix de mon père beaucoup plus autoritaire résonna dans mon oreille.

—Ouais, promis. A plus tard.

Voilà une conversation plus que pesante. La famille ne me lâcherait pas avec Charlie, j'en avais pour la semaine surtout s'ils la rencontraient. Je devais demander son avis à Charlie. J'avais besoin qu'elle soit à mes côtés pour m'aider à rester calme avec mon père et appréhender un peu plus facilement ce séjour qui me collait une angoisse pas possible.

***

Je retrouvais ma petite amie le soir autour d'un dîner. J'allais lui demander de m'accompagner. J'espérais vraiment qu'elle dirait oui parce que je ne me voyais pas faire ce chemin seul et plus j'y pensais et moins j'avais envie d'y être sans Charlie. Elle serait un bon tampon pour ma mauvaise humeur.

—Mon père sera à Santa Barbara la semaine prochaine avec sa femme et mon frère, je finissais par dire en posant ma fourchette et après avoir souffler un coup. Ils veulent que nous venions.

Charlie me regarda par dessus son verre d'eau, un peu étonnée.

—Nous ? Mais je ne les connais pas.

Non et ça n'allait pas tardé. Elle allait foutre les pieds dans mon bordel.

—Tu es ma petite amie donc moi je veux que tu viennes, je connais bien tes parents et tes sœurs. J'ai encore des jours à prendre. Je pensais partir après ce week-end et ils sont impatients de te connaître surtout ma belle mère et ne me demande pas pourquoi. Elle irradie de bonheur à chaque nouvel événement. On se casse mardi pour la semaine.

Je la vis hésiter et j'étais prêt à y mettre les arguments.

—Je peux pas partir si longtemps, finit par me dire Charlie alors que je serrais déjà les mâchoires. J'ai une réunion avec mon patron mardi. Je reçois de nouveaux clients mercredi et il y a une réunion en visioconférence avec les chef de la côte ouest. Si tu me laisses emporter quelques dossiers, je peux demander à Logan de prendre la relève, les deux jours suivants.

Parfait pour moi! Rien à redire.

—Quatre jours, c'est largement suffisant, je concluais un peu ragaillardi.

Je devais retarder l'échéance et ce n'était pas plus mal parce que je savais très bien qu'au bout de quinze minutes de politesse, nous n'aurions plus rien à nous dire avec ma famille.

Charlie comprenait bien mon inquiétude, elle savait que j'avais beaucoup de soucis à affronter mon père. Nous en avions parler à plusieurs reprises et ce soir là n'y avait pas coupé. Je m'étais enfoui dans ses bras, blotti contre elle comme un petit gosse. J'avais insisté pour avoir des câlins, qu'elle passe sa main dans mes cheveux, qu'elle apaise ma tête devenue douloureuse. Dès qu'elle s'arrêtait, je grognais pour en avoir plus. Ça me rendait ridicule mais je n'y pouvais rien. Il n'y avait qu'avec ma petite amie que je pouvais me laisser aller un temps soit peu et vu que je l'avais pour moi toute la soirée et la nuit, je profiterais à fond pour en abuser. Une tête de malheureux et j'aurais droit à une partie de jambe en l'air. Ça n'avait pas coupé, Charlie avait fait glisser son corps contre le mien, enserrant ses jambes contre ma taille. Elle prenait le contrôle comme une amazone. Sauvage et torride.

Baiser pour oublier ... ouais ça c'est ma came.

Charlie serait ma force pour les jours à venir. J'étais vraiment soulagé qu'elle accepte. J'avais un poids en moins sur les épaules et puis je trouvais légitime de la présenter à mes parents comme j'avais fais connaissance avec les siens.

Aller à Seattle me ferait plus plaisir que de voir mon paternel, drôle de conclusion. Même si la famille de Charlie était un peu fofolle, il était agréable de séjourner chez eux. Je gardais un bon souvenir de l'ambiance dans laquelle je m'étais suffisamment laisser aller. Je ne leur avais trouvé presque aucun défaut, peut-être un peu trop curieux mais ils ne pensaient pas à mal. Ils s'étaient intéressés à moi sans jugement. Eux aussi m'avaient posé plein de questions et pourtant j'avais toujours répondu sans mauvaise volonté et avec le sourire à ceux qui m'étaient inconnus quelques jours avant. Alors qu'avec ma propre famille, c'était comparé leur questionnement au bagne.

J'avais repris le court de ma routine avec ce séjour auprès de mon père dans la tête. Plus les jours passaient et plus j'angoissais alors je m'étais détendu au mieux que je pouvais en passant beaucoup de temps à la salle de sport, me défoulant en tapant dans un sac de frappe. C'était un pisse aller parce que tout se passait dans ma tête mais il fallait bien que je trouve n'importe quel moyen pour ne pas péter un plomb. Je devais garder mon calme, devenir hermétique à ce qui allait se produire.

Les propos que mon père, je les prendrais tous pour des atteintes contre moi même si je savais que c'était faux, il en avait souvent était ainsi. Être un adulte, un homme avec une situation, une vie stable ne lui suffirait pas, je le savais. Mon père avait toujours eu de plus grande ambition pour moi et j'avais refusé, c'était bien pour cela que j'avais fui l'Irlande.

Je ne voulais pas le décevoir à l'époque mais je n'acceptais pas d'aller contre mes envies en faisant ce que je ne voulais pas. Alors j'avais fais ce que je savais le mieux faire, partir pour ne pas voir le désastre. Ça m'avait plutôt bien réussi puisque j'avais trouvé un super boulot, une super copine mais Heasley Senior y verrait toujours à redire et on apprenait pas aux vieux singes à faire la grimace.

****


Mes amoureux sont plus fort que jamais ! Je suis fière d'eux.

On passe sur un nouveau style de problème et pas des moindres.

On va rencontre la famille de Connor !

Prêtes ?


Bises 😘😘

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