-49-CHARLIE
"Il faut un cœur solide pour aimer mais il faut un cœur encore plus fort pour continuer à aimer après avoir été blessé."
Anonyme
Charlie
Je me battais avec des vis à la con, j'avais accroché un nouveau tableau mais ça ne tenait pas. Je jurais. On toqua à la porte doucement, ça ne pouvait pas être Sasha qui était plutôt du genre à exploser la porte. Mon cœur battait plus vite avec cette boule d'angoisse qui venait se loger dans ma poitrine.
Connor se tenait devant moi pas l'air franchement heureux d'y être. Il portait un pantalon large à multiples poches noir, un tee shirt à manche longue de la même couleur et ses vieilles Vans, une tenue bien sombre pour une humeur maussade. Il s'était placardé sur le visage son masque. Celui qu'il réservait à ses combats, dur et sans autre expression et ce qui faisait la différence avec notre dernière conversation, c'était les yeux cernés.
Il passa la porte mais resta dos à celle ci.
—Rentre.
Je désignais le canapé.
—Non. Dis moi ici toute la vérité, je veux tout savoir.
Il n'avait pas besoin de s'expliquer d'avantage, on était encore sur le même sujet. Un tout petit espoir naissait dans ma poitrine. La conversation ne serait pas agréable à vivre mais il n'avait pas tout lâché, il tentait de faire face pour revenir vers notre couple. Connor n'avait pas fui.
—Que veux-tu savoir d'autre ?
J'embrayais tout de suite dans le vif du sujet.
—As-tu oui ou non participé au moindre trafic, coupure de drogue ou transaction d'argent et n'importe quoi qui concerne la drogue ou des activités illégales ?
Rejouer cette scène ne me branchait franchement pas. Je m'étais expliqué suffisamment sur mes activités mais il avait besoin de tout entendre, le moindre détail scabreux de mon existence. Je ne voyais pas l'intérêt mais son regard insistant m'y obligea alors je posais ce que je tenais en main pour lui faire face à nouveau.
—Oui, malheureusement. Ce qui suffit à me rendre coupable. Je ne me suis jamais drogué, je te le jures, ni même mit mes mains dessus. Jamais. J'étais dans l'ombre de Zaine, je l'ai aidé à développer son réseau. Ça suffit à me rendre coupable plus que d'autres, j'en ai conscience parce que je l'ai fais délibérément. On n'avait notre propre appartement. J'allais à la fac, je rentrais, faisais mes devoirs et je préparais le dîner comme une épouse normale.
Il tiqua à ce mot mais c'était la pure vérité, je prenais soin de l'homme que j'aimais. Ménage, linge tout comme je le faisais avec Connor. A l'époque j'étais tout aussi reconnaissante à Zaine qui payait l'intégralité de mes frais scolaires ainsi que tout le reste d'ailleurs. J'avais été totalement dépendante de cet homme. Connor voulait la vérité, je lui servais accompagné d'une soupe à la grimace particulièrement aigre.
—Il y avait du monde à la maison forcement, des connaissances de Zaine ou des partenaires. Ils fumaient tous des joints de temps en temps mais pas de raison de s'affoler.
Dis comme ça tout me paraissait si futile et pourtant c'était très grave, ce que j'avais fais.
—Et Alec, demanda Connor en croisant les bras, toujours posté contre la porte.
—Comme je te l'ai dis, Zaine a disparu de la surface de la terre subitement. Je connaissais Alec, il bossait pour Zaine. On avait le même âge et nous avons passé pas mal de temps à discuter, il était mon ami. Je me suis fait arrêter par la police, un mois après la disparition de Zaine. Ils m'ont posé des tas de questions sur lui mais je ne savais rien alors ils m'ont relâché en me promettant d'avoir un œil sur moi, Alec m'attendait à la sortie du commissariat. L'histoire s'est arrêté là puisque rien ne permettait de remonter à moi. Mes études étaient payées depuis un moment alors j'ai continué.
—Alec m'a aidé à trouver un appartement, un boulot, ouvrir un compte bancaire et reprendre une vie normale. C'est grâce à lui que j'ai repris le téléphone avec mes parents. Au bout d'un an, j'ai contacté un avocat qui m'a aidé pour faire passer la procédure de divorce le plus rapidement possible. Alec s'est fait oublié pendant un long moment même s'il revenait temps à autre. Il est revenu définitivement à L.A au bout de quelques mois. Nous étions amis au départ puis on a finit par vraiment être ensemble. Il voulait tout quitter et il l'a fait. Le merdier dans lequel il a grandi, les vols, la drogue ça ne l'intéressait plus mais il a été tué sous mes yeux, une balle. Je ne sais pas qui l'a tué, il s'était fait pas mal d'ennemi surtout en quittant le milieu. C'était quelqu'un de bien.
Une bien longue tirade qui me replongeait dans trop de mauvais souvenirs alors je m'asseyais au comptoir et prenait appui. J'étais troublée de reparler de toute cette période. La vie d'Alec avait été tellement injuste. Lui qui avait tout fait pour s'en sortir n'avait pas eu ma propre chance. Pourtant j'aurais inversé la situation, pris sa place des dizaines de fois si il pouvait être vivant et profiter de cette nouvelle vie qu'il avait choisi.
—Il n'a pas mérité ce qui lui est arrivé. Tu sais, il n'y a pas que le bien ou le mal, ce n'est pas tranché surtout dans l'environnement dans lequel nous étions. Il n'a connu que ça, un père alcoolique, une mère qui faisait le tapin. C'était un bon mec, loyal, il voulait fuir la merde. Il a été là pour moi, il m'a donné la chance de m'en sortir.
Connor hoche la tête.
—Ça peut te paraître bizarre, tu me le rappelles parfois. Quand tu fais deux choses en même temps ou que tu bricoles ta voiture. Il avait ce soucis du détail. Je veux pas que tu penses que tu n'es qu'un remplaçant. C'est tout le contraire, tu es une nouvelle chance que ma vie tourne bien et je pense que c'est un peu grâce à lui. Un dernier cadeau qu'il me fait.
Connor restait silencieux, pensif un long moment avant de reprendre d'un voix grave tintée d'âpreté.
—Tu me dis qu'il voulait fuir tous cela. Depuis longtemps avant même que Zaine parte?
Je répondais par la positive à sa question en hochant la tête, perplexe.
—Et toi Charlie ?
Je tiquais à sa demande, sentant une douche glacée me parcourir le corps.
—Comment ça, je demandais, voulant me reprendre avant de lui dire cette autre vérité.
—Toi, insista Connor lourdement. Est ce que tu voulais quitter ce monde là ou c'est le départ de ton mari qui a tout déclenché?
C'était horrible de l'entendre dire ce mot "mon mari", j'avais l'impression d'être entrée dans la quatrième dimension. Je soufflais pour pouvoir reprendre mon discours. Il s'agissait de la partie la plus sombre et tordue de mon histoire.
—Au départ, les deux premières années malgré ma conscience qui me rappelait à l'ordre de temps en temps et que je faisais vite passer, je trouvais notre vie géniale, fabuleuse, je répondais aigre. Zaine avait des milliers de projets pour nous, plus fous les uns que les autres. Moi, petite gamine idiote, je trouvais cela fabuleux. Je prenais des étoiles plein les yeux à chacune de ses paroles. Pourquoi ne pas le croire puisque nous en étions venus à nous marier, j'étais légitime dans sa vie. Les sorties dans les grands clubs, les restaurants hors de prix, vêtements et cette position de force, qui n'aimerait pas cela. L'argent facile, le pouvoir.
Connor donna un coup de pied dans la porte derrière lui tout en se redressant pour faire quelques pas vers moi.
—Ce n'est pas ce que je te demande, bon sang. J'ai pas besoin d'entendre quelle vie merveilleuse, tu as eu! C'est cruel de me faire ça.
Il ramenait tout à lui, me demandant la vérité, il me la reprochait ensuite mais je ne pouvais pas édulcorer. C'était bien trop tard et bien trop important.
—Non c'est faux, je répliquais. C'est à moi que ça fait le plus de mal, crois moi. Mais je te livre toute la vérité et même si ça ne te fais pas plaisir de l'entendre, ce n'est qu'à cette condition que tu devras la prendre. J'ai trop menti, caché mon passé pour aujourd'hui recommencer avec des mensonges alors laisse moi finir, s'il te plait.
Ses mâchoires roulaient sous peau mais il céda.
— La gloire à un prix, très lourd, je reprenais. Une fois l'engrenage enclenché tu ne peux plus te soustraire et ça te coûte de plus en plus et ça devient dur.
Je soulevais mon tee-shirt pour brandir la preuve de ce que je disais.
—Cette cicatrice sur laquelle tu t'es arrêté. Elle est arrivé sur mon ventre dans ses circonstances. J'ai accompagné Zaine dans une transaction, ce n'était pas la première fois. Je voulais en être sauf que tout à mal tourné quand les acheteurs ont voulu nous doubler. Je me suis blessée sur une tôle en tombant dans ma fuite. C'est là que j'ai compris.
—Compris quoi, demanda mon petit ami.
—Que je me leurrais depuis plus de deux ans. Cette vie je ne l'aimais pas. Je me faisais honte, ne voulant plus me regarder dans un miroir mais affronter la réalité, ça n'a rien de facile mais ma blessure a été comme un électrochoc. Mes parents, ma famille me manquaient, je n'avais pas d'ami. Je n'avais pas le plaisir d'aller boire un café tout simplement, complètement exclue de la société.
C'était peut être pour cela qu'aujourd'hui, j'estimais mes amis au plus point. J'étais attachée à eux comme à la prunelle de mes yeux car j'avais peur de les perdre d'une et je ne souhaitais plus jamais de ma vie, être seule. Je pouvais passer mon temps à leur râler après, ils m'étaient plus précieux que tout le reste.
—Je me suis éloignée de tout ça de plus en plus. Cette blessure en était la parfaite excuse et j'ai vu le vrai visage de Zaine au fil des mois. Sa perversion, son arrogance, il me débectait mais comment me soustraire à lui alors que j'avais fais la connerie de l'épouser et de me pervertir par la même occasion.
Zaine était d'un flegme à tout épreuve. Un parfait manipulateur. Il savait user des mots à son avantage et comme une arme pointée sur ma tempe.
—J'attendais la fin de mes études pour pouvoir partir avec une chance mais je peux te dire que ce n'était pas la vie rêvée. J'ai beaucoup souffert, un juste prix pour mes erreurs.
J'avais vu le revers de la médaille. J'avais succombé au bad boy, belle gueule aux yeux océan mais j'avais découvert son côté sombre bien plus profond que je n'aurais pu l'imaginer. Une perversion dont il avait conscience et qui l'amusait. Il aimait le mal qu'il procurait, s'en délectant pour son propre compte.
—Il te frappait n'est ce pas, c'est pour cela que tu as réagi de cette manière, l'autre soir?
Connor analysait mon expression quand je relevais les yeux vers lui, mise à nue. Des images du passé revenait me hanter. Des mots, des expressions qui ressortaient comme un volcan effusif.
Si tu crois pouvoir m'échapper, tu te trompes.
Sa main sur ma joue pour me forcer à le regarder et à l'écouter.
Ne m'oblige pas à employer les grands moyens Charlie, tu n'aimerais pas.
Son emprise. Mon dos qui percute le mur et ses mains qui sers mes bras. Je n'ai d'autre choix que de le regarder.
Tu m'appartiens. Mes règles, mon monde, ma femme.
Ses yeux bleus, son sourire diabolique. Sa main qui m'empoignait sans brusquerie mais tellement oppressante.
Je t'ai tout donner mais je peux tout te reprendre, n'oublie pas.
Connor me sondait au plus profond de moi. Ses prunelles vertes étaient intenses mais pas assassine. Pas comme Zaine mais Connor avait mis le doigt sur un sujet fâcheux.
—Zaine n'était pas un violent, pas physiquement juste par son verbiage incisif, je répondais calmement. Les mots peuvent être tranchant et bien plus douloureux parce qu'ils laissaient une marque invisible dans l'âme. Je savais me sortir de ses impasses à force. J'ai acquis une certaine assurance qui m'aidait à ne plus écouter, devenue imperméable. Son emprise sur moi était moins forte parce que je me rebellais avec défiance. Zaine l'a compris lui aussi, je lui échappais. Mais notre relation sur les tous derniers mois avait pris une tournure plus malveillante jusqu'au point de non retour. Ça n'avait rien de facile pour autant. Toujours sur le qui vive, je m'épuisais à être toujours en alerte.
Je venais de lui expliquer la forme psychologique de mes tourments. Connor attendait le reste alors je jouais carte sur table.
—Une seule et unique claque, je répondais. Pas forte, dans un moment involontaire comme l'autre soir mais ça à suffit à ce que je comprenne qu'il pourrait passer très vite à la vitesse supérieure. Il ne pouvait plus me contrôler alors je savais que tôt ou tard, il passerait au stade supérieur. Si Zaine n'était pas satisfait alors il devenait intransigeant et expéditif. J'aurais tôt ou tard fini avec une balle dans la tête.
Ma bouche se ferma sur ses derniers mots et j'expirais longuement.
Je le savais au fond de moi, il ne m'aurait pas laissé partir. J'étais à lui, son objet et le joyau de son monde. Il me l'avait si souvent répété. J'avais pris ça pour des caprices d'enfant et des envies de possession amoureuse au début mais j'étais loin du compte. J'espérais sincèrement que Connor était capable de comprendre les subtilités de cette situation à l'époque.
—Je ne sais pas pourquoi il est parti même si j'ai des soupçons mais je n'ai plus regarder en arrière. J'étais libre, c'est tout ce qui m'importait.
J'avais l'impression de parler de quelqu'un d'autre, d'une autre femme, délestée de tout un poids, vidée. Tous les mécanismes de mon cerveau que j'avais verrouillé pour oublier cette partie de ma vie venaient d'être désamorcés. J'étais comme une page blanche, unie et dépourvue.
—Tu crois que tu pourras continuer en sachant la vérité. Que tu pourras me pardonner ?
Aucune réponse favorable ne transperçait le visage de Connor. Il ne m'avait jamais regardé de cette manière.
—Charlie, tout ce que tu m'as dit à l'effet d'une bombe sur moi.
Je hochais de la tête pas sûr de comprendre.
—Je me doutais bien que tu n'étais pas une sainte surtout après t'avoir entendu me parler de drogue et tout le reste.
Je continuais à faire le petit chien avec la tête. J'attendais la sentence, mon cœur battait fort dans ma pointure.
—Mais je suis là devant toi aujourd'hui, finit par dire Connor. Si tu m'as tout dis alors j'accepte mais j'espère que tu ne mens pas sinon je partirais.
Il y a des détails que je ne pourrais jamais lui donner. Ce n'est pas que je veuilles lui cacher mais il ne comprendrait pas. Sa vie était dictée par ses valeurs, le bien, le mal. J'avais approché le mal d'assez près pour connaître ma part d'ombre pour savoir à quel point, il pouvait faire souffrir. Au départ tout semblait beau, facile et ensuite, il vous prenait un morceau de l'âme. Dans ces moments de doute, on se dit qu'on pourrait vivre avec par pur instinct de survie puis c'était un deuxième morceau qui s'en allait. Le reste suivait très vite et sans pouvoir s'en rendre compte, il ne restait rien qu'une coquille vide. Connor ne le connaissait pas et c'était tant mieux, il était vertueux et bon, un être brillant.
Je m'élançais contre lui en laissant mes larmes de soulagement se perdre sur mon visage. Je me sentais lessivée d'avoir tout dit à voix haute. J'avais essayé de tout enfouir au plus profond de moi pour oublier mais je venais de tout étaler devant nous. Des années de mauvaises actions, de doute, de manipulation. Se prendre la vérité en pleine face faisait très mal. Je laissais éclater mes sanglots, j'en avais besoin. J'avais l'impression d'avoir passé mes jours à pleurer de désespoir. Les bras de Connor s'enroulèrent autour de moi et il frottait mon dos comme on pouvait apaiser un bébé pour me calmer avec douceur. Ma tête enfouie dans son cou, je pouvais à nouveau respirer librement. Il restait pour moi, parce qu'il m'aimait assez pour accepter mon passé. Je ne voulais plus jamais le quitter ou qu'un obstacle vienne se mettre en travers de notre route. Je lutterais de toutes mes forces pour continuer.
—Pourquoi tu ne m'en a jamais parlé, demanda Connor alors que je sentais sa main chaude continuer à parcourir mon dos.
Il ne parlait pas de mes activités. Non. Son questionnement était tourné vers mes dernières phrases. Vers cette relation malsaine avec Zaine.
—Tu sais, je hoquetais. J'ai ... j'ai été sous la domination de cette homme. Il me donnait l'illusion que je faisais mes propres choix mais c'était faux. Quand on perd le contrôle ... comme ça ... comme ça été le cas pour moi alors se taire est bien plus évident.
Je levais les yeux pour lui parler alors qu'il me regardait avec tristesse.
—C'est la seule chose que je contrôlais où sur laquelle j'avais un ascendant, mon silence. Alec m'a aidé à me reconstruire pierre par pierre. J'ai trouvé ma vraie personnalité grâce à lui.
Je n'avais plus rien à ajouter. Tout resterait derrière, le livre définitivement fermé. Je voulais être aux côtés de Connor pour espérer être de nouveau toucher par sa lumière, de retrouver mon ancre.
—Je suis nulle en bricolage, j'avouais pour rendre un peu de légèreté à l'instant.
Il rigola un peu me gardant dans ces bras. Je retrouvais ma place contre lui, je pouvais de nouveau respirer librement.
—Ça je m'en charge.
Après avoir accrocher mon tableau et réparer mes bêtises, il accepta de rester pour le dîner. Nous nous étions mis au fourneau tous les deux dans un silence gêné. Connor repartit à son appartement le soir. J'eus droit à un tout petit baiser, j'étais en manque mais je devais m'acquitter de ma pénitence sans râler, nous retrouverions notre complicité avec le temps.
Il était revenu à la maison, le mardi soir pour repartir ensuite. Encore une fois, je n'avais eu droit qu'à un simple baiser de collégien quand il était parti.
Je gardais l'espoir de retrouver mon petit ami pleinement.
****
Tout est enfin dit.
Vous savez tout ce qui compose ma Charlie. La lumière comme l'obscurité.
Vous commenciez à vous en douter pour beaucoup.
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