-45-CONNOR

"Ne vois pas dans mes soupçons des affronts contre toi, mais seulement des sûretés pour moi."

William Shakespeare - Macbeth

Connor

Charlie n'était pas bavarde sur son passé, plus j'y pensais, plus ça m'inquiétait. Qu'elle reste si silencieuse était déconcertant, du vraiment lourd m'attendait. A chaque fois que je tentais de lui en parler, je la voyais se murer dans le silence ou changer de conversation.

Que me cachait-elle? J'avais été patient, essayant de lui montrer que je pouvais tout entendre, comprendre, que je voulais être à ses côtés mais rien n'y faisait.

Charlie continuait en rongeant son frein et le pire c'est qu'elle s'éloignait de moi. Elle trouvait toujours des excuses pour que nous ne soyons pas seuls, élucidait les conversations et je la sentais toujours en tension. Elle sursautait souvent, passait son temps à regarder dans son dos. Même courir elle n'avait plus envie alors que depuis longtemps Charlie ne vivait que pour cette heure et était impatiente. Je ne la reconnaissais plus depuis plusieurs jours.

J'avais trop insisté pour connaître ses secrets hier soir. Je l'avais compris quand elle avait voulu fuir de chez moi mais j'avais rattrapé le coup, en me confiant sur des détails. Je lui avais parlé de ma vie à New York, de mon pote Matt, de mon père, mes manques pour lui faire comprendre qu'elle pouvait en faire de même. Pourtant ça n'avait pas fonctionné, elle s'était contenté de verser quelques larmes en m'écoutant. Je ne m'expliquais pas son comportement.

Ça n'avait pas raté, le matin, elle s'était enfuie presque en courant avalant tout juste une tasse de café et toujours silencieuse.

Je me frottais les yeux devant mon écran. Mes jambes remuaient seules.

—Heasley. Je voulais voir justement.

Encore Rowland qui me tournait autour comme un vautour. Je ne le supportais de moins en moins. Il était continuellement sur mon dos. Mes collègues se foutaient de ma gueule pour ça. Jared qui semblait se faire chier plus qu'autre chose avec sa balle qu'il faisait rebondir sur le mur, prit la poudre d'escampette à l'arrivée de la sangsue.

Quel lâcheur celui là.

—Où en votre cherche sur Greer ?

Rowland s'asseyait sur un coin de mon bureau, je prenais cela pour une agression mais je ne disais rien, toujours conciliant et ça me faisait chier.

—Introuvable, monsieur. J'ai fais pas mal de coin. Il y a un mandat d'arrêt sur sa tête mais pour l'instant c'est le néant. C'est un furtif.

Disparaître pour un mec dans ce genre était chose facile. Il ne devait pas être du genre à prendre un billet d'avion en première classe. Non, Greer en bon soldat avait connu bien des situations dangereuses.

—Si vous le souhaitez, je peux vous mettre en relation avec la NSA.

Voilà autre chose maintenant, Rowland avait le bras sacrément long pour une petit chef de service s'il avait des accointances avec l'agence de renseignement mais j'acceptais. L'enquête passait avant toute chose alors je devais sacrifier mon envie de l'envoyer chier pour trouver cet homme et ça me coutait. Un homme qui nous apporterait beaucoup de réponse, nous le savions en lien avec notre affaires sans plus vraiment de doute. D'après nos dernières infos, il était entre ici et le Mexique mais invisible sur nos écrans radars. Cet homme, un ancien patriote semblait bien inscrit dans ce cartel. Si nous le chopions, nous pourrions l'intégrer à notre tour et envoyer des hommes au Mexique pour continuer le démantèlement, une aubaine.

Mon humeur n'était pas au beau fixe, j'avais l'impression de faire du surplace au boulot, sauvé par le connard de l'ATF et aussi de perdre ma copine au prix de secrets qui collaient une barrière que je trouvais infranchissable entre nous.

Sasha ne m'aiderait plus, Jace semblait n'être au courant de rien et Léo bien trop fidèle à celle qu'il considérait comme une petite sœur était une pierre tombale.

En somme, je devais me débrouiller par mes propres moyens.

Pas facile tout ça !
***

J'étais bien décidé à relâcher la pression avec Charlie, j'allais lui proposer que nous repartions pendant le weekend à moto pour nous apaiser des semaines difficiles. Je le voulais vraiment, j'étais mal de la voir m'échapper et me fuir, c'était comme si nous avions fais un bond en arrière mais cette fois, je n'étais pas responsable. Je n'étais pas très présent à cause de mon boulot, je le savais bien mais je n'avais pas le choix et Charlie semblait très bien le prendre. Elle me rassurait de ce côté là rendant toute cette situation très étrange. J'avais pensé qu'il s'agissait de cela mais non, il s'agissait bien d'elle et seulement elle.

Elle ne mangeait rien, dormait mal. Ça se voyait dans son corps, dans sa manière de bouger et ça me faisait d'autant plus mal. Qu'est ce qui pouvait bien la mettre dans un tel état de nerfs, je ne me résonnais plus à la voir dériver de cette manière.

Je voulais retrouver mon insouciante petite amie, la joyeuse Charlie. Ses joues rouges à mes mots trop crus me manquait. Sans parler de ses lèvres, un appel au péché dès qu'elles se fendaient d'un sourire.
Et toujours son foutu regard hypnotique, ses yeux gris orage qui me rendaient fou d'elle. Je pourrais les contempler des heures entières juste pour le plaisir.
Je voulais revenir à nos jours heureux et me la récupérer sous le bras. J'étais bien décidé à la faire venir habiter dans mon appartement ou ailleurs, rien à foutre. Fallait juste qu'elle soit là, avec moi. J'avais enchaîné les conneries, pas subtil pour un sous. Je plaidais coupable mais la finalité était la même. Charlie, un plumard et moi, je n'avais besoin de rien d'autre.

Et pour se faire, il me faudrait déployer tout un amas de persuasion. Elle devait me dire ce qui la tourmentait. On s'engueulerait comme du poisson pourri pour se réconcilier sur l'oreiller, remettre tout à plat et repartir sur une bonne base. J'avais besoin de la présence de Charlie dans ma vie maintenant, elle était une forme d'équilibre dont je ne pouvais plus me passer et la voir s'éloigner détraquait ma petite sphère.

Je suis un lapin avec ma copine et alors !?

Il n'y avait pas que moi en jeu, je n'étais pas un égocentrique. Je savais qu'elle devait parler pour reprendre ses ailes. Mon ange de douceur en avait besoin.

***

Arrivant chez elle, je glissais ma clé doucement pour entrer. Elle ne savait pas que je viendrais, c'était une surprise et j'espérais qu'elle le prendrait bien mais elle ne me vit même pas quand j'entrais dans son bureau. Elle était assise dans son fauteuil, une boite sur ses genoux, cette même boite que j'avais déjà vu, planquée au fond de ses étagères. C'était là, que se trouvait certainement les réponses à mes questions pourtant je ne m'étais jamais résolu à vouloir fouiller comme j'avais toujours refusé d'aller rechercher mes infos dans les fichiers de la police.

Charlie relevait la tête vers moi après avoir passé du temps à observer plusieurs objets, les uns après les autres. Les yeux écarquillés, le visage emprunt de culpabilité. Mon sang ne fut qu'un tour.

—Qu'est ce c'est, je demandais en désignant la fameuse la boîte.

Elle resserra la boite dans ses mains. Moi, je sentais l'amertume de ses silences me gagner, son visage encore plus marqué que la veille. Elle faisait peur à voir et ça m'énervait qu'elle s'étiole pour des secrets. Charlie cherchait encore une réponse fausse à me donner quand je la voyais paniquer. Encore une demie vérité ou un mensonge, nous n'en n'étions plus à un ou deux supplémentaires, après tout.

Dire que dix minutes avant j'étais plein de bonne résolution, là je me sentais partir dans le mauvais sens. Je percevais mes limites atteintes, le vase débordait cette fois alors je lui arrachais la boite des mains dans un saut. Je pouvais comprendre beaucoup de choses mais je ne supportais plus ses dissimulations alors j'allais récolter moi même les informations. Elle se leva en même temps que j'approchais cette stupide boite en bois devant mes yeux.

—Rend la moi Connor, me disait-elle en tendant les bras.

Je n'écoutais plus. Je ne voulais plus rien savoir parce que ça mettait dans une colère noire. Ses silences étaient en train de nous pourrir. Son visage blême, les cernes sous yeux gonflés par des pleurs. Ça me tuait de la voir dans cet état et j'avais peur.

—Non. Y en a marre maintenant.

Je jetais un coup de d'œil dans ce fouillis, rien de spécial à première vue. Des coupures de journaux qui relataient le meurtre d'Alec et une série de bibelot plus inintéressants les uns que les autres, des photos aussi. Des trucs sans valeurs apparemment mais Charlie affichait une mine déconfite comme si j'allais belle et bien voir le diable sortir de cette saloperie de boite.

Charlie demeurait silencieuse et très mal l'aise.

—C'est quoi ? Une boite à souvenirs ?

La bouche close et cet air de malheureuse me faisait monter la pression.

—Charlie !Parles moi nom de dieu !

Je criais, ce qui la fit sursauter pour revenir à la réalité. Je n'aimais pas la secouer de cette manière, ça ne me ressemblait pas. Ce n'était pas nous, plus maintenant.

—Oui !Oui ! Ça m'arrive de passer du temps avec. Connor, je t'en pris ne le prend mal.

On tourne autour du pot et ça me péte les couilles, façon de dire.

Charlie était en alerte, les muscles tendus, elle recommençait à se tordre les mains et à fuir mon regard. Je respirais pour me calmer mais rien n'y faisait. Tout était parti en cacahuètes après lui avoir dit que je l'aimais. Est-ce que c'était trop pour elle, est ce que elle regrettait de me l'avoir dit à son tour ?

Je doutais de tout à l'instant.

—Ce que je prend mal, c'est ce que tu caches, merde. Je croyais que l'on devait tout se dire.

Elle se rongeait les ongles à présent mais je devais sortir toute la merde qui me parcourait le crâne.

—Je supporte plus que tu me mentes. J'ai été patient bien plus que de raison. Je t'ai prouvé des centaines de fois à quel point, je tiens à toi. Tu as pleuré dans mes bras, hurler et je n'ai rien demandé, j'ai attendu mais maintenant, je veux des réponses. Qui es-tu Charlie ? Pourquoi tu caches ton passé ?

La colère gagnait des pas en moi comme une échelle que je gravissais et je ne voulais pas atteindre le sommet, je refusais de chuter de cette manière.

—Tu as fais du mal à quelqu'un, j'insistais. Fais des choses illégales ?

Demeurant la tête baissée, elle refusait de m'avouer ses secrets alors je comprenais bien. Elle n'était pas toute blanche, je n'y avais jamais cru mais là, c'était l'arbre qui cachait la forêt.

Je fis tomber un objet plus lourd que les autres. Un rectangle doré un peu épais avec des gravures dessus bien que tenant dans la paume de ma main, ce truc pesait lourd.

—Et ça c'est quoi ?

Ses yeux se posèrent sur l'objet et Charlie fronça les sourcils. Ses yeux gris s'étaient durcis pour n'être que deux enclumes lourdes.

—Je ne sais pas, m'avoua t-elle et je la croyais. C'est Zaine qui l'avait laissé chez nous, pour moi.

Charlie était honnête pour une fois.

—Tu n'as jamais pris le temps de comprendre ?

—Non. Je garde ça au fond de mon placard.

Elle haussa les épaules alors je regardais d'avantage mais tout ce que je remuais était sans valeur cette fois. Je prenais une photo, Charlie au côté d'un type plus grand qu'elle, brun, les cheveux plaqués vers l'arrière, souriant, il la tenait par les épaules. Quant à Charlie, elle aussi respirait la joie de vivre. Je découvrais l'autre homme qu'elle avait aimé peut-être plus que moi. Lui savait, au moins, j'en étais sûr puisque leurs passés étaient intrinsèquement liés.

Charlie avait aimé Alec à en perdre la raison à sa mort. Sa mort qui nous avait conduit à nous rencontrer en quelques sortes parce que je savais bien que si cet événement n'avait pas eu lieu alors ils seraient toujours ensemble à l'autre bout du monde et moi je ne l'aurais jamais connu. C'était un faite que j'acceptais, je ne pouvais pas être jaloux d'un fantôme mais pourtant ça m'aidait pas. Je la perdais quand même, petit à petit et j'avais mal alors qu'elle aurait pu nous faire aller dans le bon sens si seulement, elle osait.

Elle me reprit la boite des mains avant que je ne puisse reculer et elle la referma rapidement. On nageait en plein délire.

—Je jettes tout. C'est fini.

Elle me dépassa pour se rendre dans la cuisine. Ça ne pouvait pas se terminer de cette manière. Nous n'avions fait qu'effleurer la surface.

—C'est de l'or Charlie, ça a de la valeur, je lui disais en repensant à l'objet rectangulaire doré.

La boite explosa dans la poubelle mais je n'avais pas ce que je voulais. Toujours pas.

—Qu'importe, c'est le passé, me répondit-elle.

Elle ne voulait pas comprendre, se bornant toujours à répondre à côté et je n'en pouvais plus.

—Je me fous des merdes que tu peux garder chez toi, Charlie. Ça pourrait être un tableau d'un grand peintre que je n'en aurais rien à carrer. Tu préfères les jeter que dire ce que cette boite contient réellement. Qu'est ce que je dois faire pour que tu ai confiance en moi?

Le tic tac de l'horloge émettait des bruits agaçants. Elle qui m'avait tant donné, se refusait aujourd'hui à le faire. Elle reprenait et je n'aimais pas, je ne voulais pas.

—Connor, je te jures que c'est pas ce que tu penses. Je t'aime et j'ai confiance en toi, vraiment.

—Non ce n'est pas vrai, au point de m'exclure et de me cacher une bonne partie de ta vie. Qu'est ce qui nous arrive ?

Une nouvelle dispute allait éclater comme à chaque fois. Et poussé à bout, l'un de nous allait fuir avant d'exploser. Je le savais bien. Ses yeux gris dans les miens, ils avaient repris la teinte de nos premières rencontres, tristes, vidés de toute joie, du métal qui s'écoulait.

—Certaines choses ne sont pas bonnes à dire, crois moi.

Des phrases creuses et vide de sens.

—J'en ai marre, je crachais entre mes dents. Ras la casquette. Je rentre chez moi. Tant que tu ne seras décidé à ouvrir la bouche pour me parler alors je ne viendrais plus.

—Fais pas ça, je t'en prie. Je vais faire des efforts.

Elle tenta d'attraper ma main mais je la relevais, me dirigeant vers la porte avec une seule pensée en tête.

—Je veux que tu me parles, j'annonçais pour clore la conversation. Je te demande rien de plus.

Sa bouche restait définitivement close alors je récupérais mes petites affaires, bien décidé à mettre mes menaces à exécutions. Il fallait systématiquement la mettre au pied du mur pour qu'elle lâche. Jusqu'ici je n'en avais jamais vraiment eu cure parce que je voulais l'aider mais aujourd'hui ce n'était plus pareil parce que c'était à moi que je faisais du mal aussi. Moi qui voulait toujours être à ses côtés, l'embrasser, la tenir contre moi.

Aujourd'hui, je mettais un stop à tout cela, je lui faisais du mal oui, à moi aussi mais je le devais parce que je savais que notre couple n'allait pas supporter toute cette merde. Alors je partais comme avant mais plus pour les mêmes raisons. Avant, je fuyais mes sentiments, je nous fuyais nous.

Aujourd'hui, je voulais nous sauver du moins ce que je pouvais encore, la balle était dans le camp de Charlie.

Je prenais ma voiture pour aller taper dans un sac de frappe, me défouler allait me faire du bien et m'empêcher de revenir sur mes paroles. Je devais tenir bon et j'avais encore un peu de confiance en Charlie pour savoir qu'elle me choisirait plutôt que ses secrets.

Rien ne pouvait surpasser ou même détruire l'amour que j'avais pour elle, je le savais, confiant dans mes sentiments.

Enfin je le croyais, un vrai naïf ...

****

Scène de tension, on est prêt à exploser ici.

Ne me détestez pas, la vérité doit éclater.

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