-19-CONNOR

"En amour comme en amitié, je n'ai jamais été doué : Toujours trop loin ou trop près"

Inconnu

Connor

De prime abord, le bateau ne semblait pas capable de contenir l'immense glacière embarquée par monsieur Summers qui pour un homme de plus d'une cinquantaine d'années était un sacré morceau. Puis moi qui ne bossait pas dans la catégorie poids léger mais une fois sur l'eau, c'était stable.

J'avais accepté sa proposition de partie de pêche tout en étant conscient qu'il voudrait connaître mes intentions envers sa fille qui étaient obscures même pour moi. Il était venu me réveiller à cinq heures du matin alors que j'avais dis que je mettrais mon réveil, sûrement pour voir si je n'avais pas atterri dans le lit de sa fille.

—Vous voyez cette rivière, commença t-il. J'y viens tous les ans et chaque année, j'attrape le même poisson.

D'accord, cet homme avait développé une obsession pour un poisson. Ça commençait bien.

—Je le reconnais parce qu'il lui manque un morceau de nageoire, reprit il. C'est étrange, sachant qu'il pourrait s'enfuir loin ou rester caché, il revient toujours et se débat quand je l'attrape. On se dit qu'il aurait compris mais non. Chaque année, il revient à la charge, c'est comme si quoi qu'il arrive, il voulait prouver qu'il essayera de garder sa liberté malgré tout. Il se bat comme un diable pendant de longues minutes jusqu'à ce que j'arrive à le remonter sur le bateau. Même là dans son regard, je vois bien qu'il fait tout pour me montrer qu'il ne se laissera pas faire. Je le relâche à chaque fois parce que je n'arrive pas à m'y résoudre. Sa détermination m'impressionne. C'est votre cas aussi ?

Je me raclais la gorge, pas sûr de le suivre dans son raisonnement parce qu'il était en train de me demander si je pourrais me prendre d'affection pour un poisson.

—Effectivement, c'est étrange.

—Je trouve aussi. Pourquoi s'approche t'il autant au risque d'être attrapé et quand c'est fait, se battre autant pour sa liberté ?

Je ne savais pas trop quoi répondre parce que je ne comprenais rien. Ça me dépassait totalement. Déblatérer sur un poisson à la limite masochiste ressemblait à un canular ou il s'agissait de réthorique. Ça me turlupinait le cerveau.

On garda le silence pendant un bout de temps. Je commençais à me poser aussi des questions sur la véracité de ses propos quand aux poissons qui pourraient vivre dans ses eaux, nous n'avions même pas eu une touche.

La voix de Dean Summers me sortit de mes songes.

—Vous connaissez ma fille depuis longtemps ?

Il avait pris son temps. Me laissant mûrir dans mon jus mais nous y étions et Dean Summers adorait poser des questions, il me rappelait quelqu'un.

—Quelques mois, je répondais. On a une passion en commun, courir.

Rester le plus naturel possible. Répondre de manière honnête, je connaissais la procédure des interrogatoires. Je me trouvais à une place que je n'aimais pas. Pas la mienne habituellement.

—Oh, s'exclama t-il, visiblement pas l'air convaincu. C'est très bien. Et que genre d'homme êtes vous ?

Oula, ça prenait une drôle de tournure. Sa franchise était déroutante et je manquais de m'étouffer.

—C'est à dire ?

Je voulais gagner du temps afin de me ressaisir.

—Je suis un père et j'aime savoir qui ma fille fréquente. Vous avez fait tous ces kilomètres pour rejoindre ma fille, pourquoi ?

Il n'y avait rien de méchant dans sa voix. Dean Summers avait une espèce d'aura qui en imposait. Il n'était pas effrayant mais je me sentais comme un môme prit sur le faite. Pas vraiment à l'aise, j'allais tout de même lui répondre.

—Je sentais qu'elle avait besoin de soutien. Je l'adore et...

—Vous êtes amoureux d'elle, me coupa t-il.

Il était direct, pas de doute, j'avais affaire à forte partie. Je le regardais pour jauger l'homme, il attendait une réponse et n'en démordrait pas. Mais je savais la marche à suivre. Ne jamais donner plus d'informations que nécessaire.

—C'est mon amie.

Il m'observa un sourcil en l'air puis hocha de la tête. J'ignorais bien ce que Charlie lui avait dit sur moi. Pas grand chose si je comprenais bien puisque il semblait ignorer ce que il s'était passé entre nous sinon l'accueil n'aurait pas été si chaleureux.

—Vous devez être un homme très prévenant alors pour faire autant de kilomètres pour votre "amie".

Il accentua sa voix sur le dernier mot puis reprit sans interruption.

—Je note aussi que c'est un mot qui revient souvent dans vos bouches à tous les deux.

Pas bête le paternel, il menait bien sa barque et il la jouait fine.

—Parce que notre amitié compte beaucoup pour nous, je répondais, pas sûr d'être pris au sérieux.

Il eut un petit rire étrange avant de se recaler plus confortablement dans son fauteuil de pêche.

—Je comprend. Comme ce fameux poisson adore mes mouches et ma ligne de pêche.

Ce fut la conversation la plus bizarre de ma vie. J'avais l'impression d'être mener en bateau sans savoir où.

***

Le soleil un peu plus haut sur l'horizon, nous avions enfin pu choper quelques poissons et la tension de l'interrogatoire de Dean comme il m'avait obligé à l'appeler était redescendu.

—Comment était Charlie, adolescente, je veux dire ?

—Une boule de nerf, me répondait Dean. Difficile à canaliser, elle en a fait voir de toutes les couleurs à ses sœurs. Être en avance sur ses camarades n'a pas été toujours facile pour elle. On a pensé un temps à la placer dans une école spécialisée pour qu'elle puisse être entourée de professeurs qui comprendraient ses capacités mais elle a toujours refusé. Ma femme et moi étions très inquiets. Charlie est un personnage à part.

Je ne pouvais que confirmer.

—A l'âge de l'innocence où les enfants jouent à chat et où les petites filles veulent être un princesse, Charlie passait son temps à se demander qu'elle était la finalité de tout cela, pourquoi jouer. Elle ne souriait pas beaucoup non plus.

—Elle est déconcertante, j'avouais. Difficile de comprendre ce qu'il peut bien se passer dans sa jolie tête.

Lapsus révélateur, je me mordais la langue.

—Vous admettez qu'elle est jolie alors ?

Je m'étais fais avoir à mon propre jeu, merde. Vicelard, le vieux.

—Ouais enfin c'est pas un façon détournée de dire autre chose, je me reprenais tant bien que mal. C'est juste la vérité, vous voyez ?

Je n'étais pas claire, merde. Je n'avais jamais eu à être confronté au père d'une nana autour de qui je tournais, c'était déroutant.

***

A notre retour, un déjeuner composé de différents sandwichs nous attendait sur le plan de travail de la cuisine mais d'abord une douche s'imposait parce je puais le poisson et la vase.

Quand je descendis, Charlie était assise dans un grand fauteuil, lunettes sur le nez et bouquin à la main, j'avais droit à un sourire. Son exaspération de voir ma tête hier semblait être passée . Elle me désigna la table où était entassée la montage de sandwich.

—Mon père a mangé, tu peux avaler ce qu'il reste.

—Merci.

Elle resta dans son fauteuil et se replongea dans sa lecture. Je commençais à manger, tout en lui jetant des coups d'œil, c'était trop silencieux.

—Charlie, si ça te gêne que je sois là, je peux repartir à L.A.

Posant son bouquin, elle me torpilla. Je savais sa surprise de me voir débarquer, normale. Charlie n'avait pas été à l'aise à en juger la tournure du repas de la veille et elle avait développé son sarcasme envers sa famille comme moyen de défense, j'avais fait l'objet de toutes les attentions auprès de sa famille, là mettant mal à l'aise. Je me doutais bien que ma présence soulevait des milliers de questions dans sa tête mais je voulais faire les choses bien. Lui prouver que je pouvais être présent à ses côtés simplement, pour le reste, nous verrions après.

—Non, Connor, tu ne me déranges pas. J'ai été surprise, c'est tout.

Elle se leva pour partir à la cuisine et revient avec un grand verre de lait, qu'elle déposa devant mon assiette pour venir s'installer en face. Il y avait toujours cette distance qu'elle nous imposait alors que j'avais envie de la prendre dans mes bras.

—Tu es sûr ?

—Certaine. Je suis allé à l'hôpital ce matin.

Le changement de conversation clôturait mes demandes. Il valait mieux sinon, j'allais l'énerver davantage et je ne le souhaitais sous aucun prétexte. Déjà bien beau que j'eusse le droit d'être assis sur cette chaise avec toutes les parties de mon corps à leur place.

—Comment va t-on grand père ?

—C'est stationnaire, on y retourne cet après midi.

—Tu veux que je t'accompagne, j'osais demander.

—Il n'y a que la famille qui est autorisée à entrer dans sa chambre mais j'ai l'intention de faire un tour en ville après.

L'occasion était bonne de passer du temps avec elle.

—Je viendrais avec toi en ville. Je t'attends ici, le temps que tu sois à l'hôpital.

—Tu peux prendre ma voiture, me suggérait Charlie. Mon père a gardé ma vieille coccinelle, je te la confie.

Je gardais pour moi, la conversation du poisson. L'idée avait cheminé dans ma tête toute la matinée puis sous la douche. Jusqu'à ce que je me pose vraiment la question, étais-je ce poisson ? Je revenais à chaque fois mais refusais de me laisser attraper. Une sorte de combat comme l'avait dit Dean. C'est à ça que tout notre histoire pouvait ressembler de manière étonnante.

***

La vie de Newcastle n'était pas si mal en fin de compte. A écouter Charlie, c'était une ville de fermiers mal décrottés mais je trouvais le coin charmant. Ça me rappelait un peu l'Irlande. J'avais flâné le long des petites boutiques puis un peu plus sur la côte appréciant la verdure. Le ciel chargé de nuages, quelques éclaircies à des moments qui me faisait retirer mon gilet. Le calme régnait en maître. Nous étions loin du tumulte des grandes villes et respirer un air pur n'était pas quantité négligeable. C'était le genre d'endroit où je pourrais me poser plus tard, peut-être.

Mon téléphone avait vite rattrapé mon évasion. Le boulot, évidement. Le chef de l'ATF ne me lâchait pas. Il ne m'était plus aussi antipathique qu'au début mais cette manière qu'il avait d'embrassé le sol que je foulais commençait sérieusement à mes les briser. Je n'avais rien de plus que les autres.

Il me demandait sans arrêt mon avis, me faisait des pseudos confidences ou me filait des tuyaux. Ça rimait à rien. La collaboration prenait des allures tordues.
Je n'avais pas pu rattraper mon départ qui était une faute en soit mais j'en prenais mon partie après tout je m'étais tiré sans rien dire alors je devais faire amende honorable. Avec le connard de l'ATF, je prenais du gallon tandis qu'avec mon chef, c'était la chute libre, il me l'avait bien craché à la gueule.

Je m'en foutais. Depuis longtemps, j'avais l'impression d'être à ma place.

****

Nous étions attablés à un « Diner » à l'ancienne. Banquettes en vinyle criardes, vieux Jukebox qui passait des chansons style Johnny Cash, ça ne manquait pas de charme pourtant. Charlie semblait  se cacher derrière son menu, je comprenais pas trop.

—Tu restes jusqu'à quand, me demanda t-elle en parcourant la page des burgers.

—Je devrais être de retour mercredi, c'est court mais je n'ai pas pu faire mieux.

Quatre jours, vraiment court mais plus et je perdais définitivement ma place.

—C'est déjà beaucoup Connor.

Alors qu'on attendait nos commandes, je vis Charlie se renfrogner quand la porte s'ouvrit pour se fermer sur un couple bien assorti. Ils s'approchèrent de nous pour se foutre devant notre table.

—Regarde Brad, le vilain canard !

La blonde peroxydé avait une voix s'apparentant à un cri de chouette.

—Qu'est ce que tu fais dans le coin au bout de toutes ses années, continua t-elle. Je croyais que tu avais décidé de mener la grande vie à Hollywood ?

C'était qui cette pétasse et c'était quoi ce surnom à la con ?Franchement, elle avait quelle âge ?

—Je ne suis pas là longtemps, céda Charlie. Rassure toi.

Elle s'écrasait devant une pétasse, j'en revenais pas. Avec moi, le moindre mot et je prenais une soufflante et là, elle semblait vouloir s'enfoncer dans son siège.

—Y a intérêt. Tu sais ce que je t'ai dis la dernière fois. Tu n'es plus la bienvenue.

—Chérie, calme toi, chuchota le minet.

Quel lopette ce gars, sérieux, c'était un sketch. Y avait une caméra qui allait sortir des cuisines en nous annonçant la surprise, pas possible autrement.

—Tais toi Brad ! Tu sais ce que je pense d'elle.

Charlie ne répondait rien, le rouge aux joues. Je ne supportais plus la voix haut perchée de cette fille, elle me faisait mal à la tête. Le tout en trente secondes, c'était dire à quel point elle était chiante.

—Bon, ça suffit maintenant.

Je me levais pour appuyer mes mots et faire dégager cette brochette d'imbécile.

—Tu l'as piqué à qui celui là, demanda la pétasse.

Ok, une rivalité féminine, ça devenait ridicule.

—J'ai dis stop. Alors Brad, tu vas prendre ta connasse de femme et vous partez sur le champ.

Je ne plaisantais pas mais l'autre était tellement perchée qu'elle ne fit pas cure de mes menaces.

—Tu te prend pour qui, s'égosillait t-elle. Brad, défend moi. Il n'a pas à me parler de cette manière, ce connard.

Je ne tenais plus d'entendre autant de merde être débiter en si peu de temps.

—Non seulement, je suis son mec mais en plus officier de police.

Je tirais mon porte feuille de ma poche pour lui coller ma plaque sous son pif qui rendrait obsolète un bec d'un canard.

—Alors si tu veux pas te faire coffrer pour outrage à agent, je te conseille de dégager d'ici. J'ai été clair ?

Une fois les allumés du bocal partis sous les cris stridents de la pétasse du coin, je me rasseyais bien décidé à ce que Charlie crache le morceau. Elle semblait soulagée de mon intervention.

—Tu m'expliques, je demandais.

—Je suis sortie avec Brad au lycée. Il l'a largué un soir pour moi.

Ça volait haut les pâquerettes dans ce trou.

—D'accord, je concluais. Tu as vraiment un goût de chiotte en matière d'homme. Heureusement que je suis arrivé dans ta vie.

J'espérais ne pas être trop insistant dans ma manière d'amener les choses. Je ne comprenais pas trop d'où ça me sortait mais ça me plaisait bien.

Une serveuse du nom de Rosemary aussi âgée que le diner passa devant le comptoir pour prendre nos commandes. Elle demanda des nouvelles du grand père de Charlie et d'un geste d'affection sur son épaule, lui indiqua qu'elle était heureuse de la voir.

Sous mon regard, Charlie m'expliqua, qu'elle adorait venir ici boire des milkshakes au chocolat.

****

Le papa de Charlie semble bien informé et comprendre beaucoup de chose. ☺️
J'aime beaucoup cet homme.
Et vous ?

Et ce petit voyage dans la famille de Charlie, ça vous plaît ?

Mon Connor se comporte comme un bon élève, hein ?

Gentil, prévenant, docile .... il marque des points ?

Bises 😘😘

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