Chapitre IV : Défi (2)

[ Muse - Supermassive Black Hole ]

Kéhila venait d'abattre son poing sur la mâchoire de son adversaire. Instantanément, la situation dégénéra. Les deux hommes échangèrent des frappes. Tout se passa très vite et le quarantenaire se retrouva à califourchon sur Kéhila. Il lui asséna un violent coup de poing au visage qui eut le don de rouvrir sa blessure à l'arcade sourcilière. Je crus voir les yeux de Shado prendre une teinte rouge avant qu'il ne se précipite sur l'homme fou de rage.

   Il le tira en arrière et écrasa à son tour son poing sur son nez et enchaîna avec un coup de genoux. Affaibli, l'individu s'écroula au sol, du sang pissant de son nez. Kéhila revint à la charge et lui attribua le même sort à son abdomen. L'adrénaline prit possession de son corps, l'euphorie perceptible dans ses yeux. Les phalanges ensanglantées, il demeurait impossible à raisonner. La rage s'était emparée de chacune des parcelles qui le constituaient. Comme je l'eus prédit, le sens de l'agressivité coulait dans ses veines.

   Le mari gisait à présent dans son propre sang tant il avait été roué de coups. Sa femme hurlait tout le long à s'en déchirer les poumons en implorant que le spectacle prenne fin. Mais personne n'avait bougé, pas même Damian qui me retenait toujours contre lui. Les clients furent choqués de la brutalité des évènements eux aussi. Mon collègue finit par intervenir, escorté par la sécurité. Les deux gorilles s'emparèrent des avant-bras du combatif pour le séparer de son rival à moitié inconscient. Un hématome virant au violet se dessinait sur l'œil de la victime de Kéhila et il ne s'en montra pas peu fier.

- Vous deux, dehors !

   Les armoires à glace traînèrent les fauteurs de trouble jusqu'à la sortie et les virèrent. Les gens reprirent peu à peu leur activité et Damian me lâcha.

- Bon, et bien ça ne s'est pas trop mal passé, jugea Adam.

- On bouge.

   Shado avala le reste de son verre cul-sec et le reposa dans un claquement assourdissant après avoir débité cet ordre, sa contrariété facilement déchiffrable. Il s'éclipsa, la petite troupe à ses talons. Je nettoyai les dégâts et me remis au boulot. La soirée s'acheva approximativement bien. La fin de mon service arriva et je dénouai et rangeai mon tablier dans mon casier. Matthew me prévint qu'il ferait la fermeture et je m'en allait après lui avoir souhaité une bonne nuit.

   Je quittai le bar et m'engagea dans les ruelles sombres en direction de l'abribus. À peine ai-je fais trois mètres que l'angoisse me gagna, de revivre le même épisode que l'autre soir. Je me sentais suivi mais je devais forcément halluciner. Je ne pouvais pas revivre ça une seconde fois.

- Je crois t'avoir demandé de ne plus traîner ici la nuit, non ?

   Je sursautai et me retournai avec frayeur. Damian se dressait devant moi, appuyé au mur les bras croisés.

- Tu m'as fait peur, articulai-je encore sous le choc.

- La Cara excessivement courageuse à déjà laissé place à la petite chose fragile ? Se moqua-t-il. Tes propos ont bien changé en l'espace de quelques heures.

   Je lui offris mon regard le plus noir.

- Aurais-tu déjà oublié ce qu'il s'est passé la dernière fois ?

   Il se rapprocha lentement tel un prédateur tandis que je reculais.

- Non, prononçai-je. Et je te remercie encore une fois mais je te le répète, je n'ai aucun compte à te rendre.

   Si j'avais su passer à coté de cet aspect de sa personnalité qui me terrifiait, ce soir, il étouffait le peu de bonté qu'il détenait. Depuis la querelle dont je fus témoin, chaque membre de leur groupe me paraissait dangereux. Je devais me méfier. Je fis donc volte-face et continuai ma route.

- Arrête-toi tout de suite, je ne vais certainement pas te laisser rentrer seule à pieds.

- Non merci, ça va aller, je le contredis.

   Il pris son mal en patience et insista.

- Tais-toi et suis moi, ma moto est garée pas loin.

   Il marchait en direction du parking mais je ne l'imitai pas pour autant.

- Qu'est-ce qui me dit que je peux te faire confiance, à toi ?

   Ses mouvements se stoppèrent et il me fit face. Il serrait les dents et ses yeux s'assombrirent.

- Rien, en effet. Mais tu vas arrêter de faire ta chieuse et me suivre, trancha-t-il.

   Sa réponse ne me rassura pas mais elle eut le mérite d'être honnête. Je fis alors ce qu'il me dit et nous rejoignîmes ensemble son véhicule. Il me tendit son casque qu'il m'attacha après que je l'eus enfilé. Je m'installai derrière lui et il démarra en trombe. Nous roulâmes dans les rues New-yorkaises. Mes cheveux volaient au vent et j'admirais les hauts buildings tapissés de grands écrans publicitaires. Un bon nombre de taxis jaunes circulaient et d'innombrables lumières éclairaient la ville plongée dans le noir. La vitesse à laquelle Damian conduisait m'obligea à resserrer mes bras autour de son bassin. Pendant ce court moment, je fis le vide dans mon esprit. Quelques minutes plus tard, il se gara devant la résidence du campus. Encore une fois, je ne fus pas surprise qu'il sache ce détail de ma vie. Lorsque sa moto fut à l'arrêt, je descendis et il m'aida à retirer le casque.

- Original, ta chevalière, complimentai-je.

   Son corps se raidit comme si le sujet le gênait.

- Ah, euh... Merci. C'est un bijou familial, balbutia le brun en se grattant la nuque.

   J'acquiesçai et piétinai jusqu'à l'entrée de mon immeuble. J'entendis un vague « bonne nuit Cara » et je le regardai une ultime fois avant de ne pousser la porte.

   Les jours passèrent et nous étions mercredi 2 octobre, cela faisait officiellement un mois que je me trouvais à Manhattan et c'était également la date de mon rendez-vous avec Alexandros. Le temps filait si vite que je ne voyais pas les jours se succéder. J'avais fixé cette entrevue dans l'unique but d'avancer sur notre projet. J'avais dailleurs entrepris des faire des recherches préliminaires pour nous éviter de perdre du temps.

   Le climat était clément aujourd'hui, l'astre du jour rayonnait dans toute sa splendeur. Le ciel dégagé présentait un magnifique bleu et la légère brise égalisait avec la chaleur des rayons sur ma peau. Surprenant pour un mois d'automne. J'avais choisi de porter une fine robe en dentelle blanche et une simple paire de tennis. Ellie valida ma tenue, affalée sur son lit. Mon visage n'arborait qu'une fine couche de mascara et un gloss rosé. Dans mon sac à main, je glissai mon téléphone, mes fiches de notes ainsi qu'un stylo.

   Je me promenais dans la ville et observais le cadre urbain. Dans le parc, les familles nourrissaient les oiseaux. Ce cadre transpirait la bonne humeur. Ma petite balade prit fin quand j'arrivai au Andrew's coffee shop. J'appréhendais un peu la suite. Au départ, Alexandros ne parut pas enjoué de faire équipe avec moi. Il eut même essayé de me dissuader de mon choix. Mais au-delà de ne pas vouloir me retrouver seule, je souhaitais vraiment apprendre à le connaître.

   Je m'engageais à l'intérieur et après avoir examiné les alentours, je le vis assis quelques tables plus loin, attendant patiemment.

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