Chapitre III : Clair-Obscur (1)
[ Arctic monkeys - 505]
( Alexandros en média )
J'ouvrais mon ordinateur portable déposé sur la surface du meublier en chêne foncé de l'amphithéâtre. Mon regard déviait vers la fenêtre à ma droite, où de grosses gouttes de pluies s'écrasaient contre la vitre. Les nuages grisâtres recouvraient entièrement le ciel, laissant planer une faible luminosité dans la pièce. Chaque étudiant, sans exception, affichait un air morne. Comme si le mauvais temps à lui seul, détenait le pouvoir de les rendre moroses.
L'ambiance mélancolique qui flottait dans les airs fut accentuée par le silence qui régnait.
Je jouais avec le stylo entre mes doigts, ennuyée. Je me laissais aller un peu plus contre le dossier du banc en bois peu confortable. Je m'abandonnais à l'effleuve de mes pensées.
Une ombre m'effleura en courant d'air. Cette caresse eut le don de me donner des frissons. Une chevelure flave se révélait sous mes yeux ébahis et je contemplais cette silhouette de dos. Un long menteau noir sur les épaules, il dévalait les marches pour se retrouver quelques étages plus bas. Il s'installa et retira son pardessus couvrant auparavant son pull en laine de couleur camel. Sous le col en V, je pouvais distinguer l'encolure d'une chemise blanche.
Les vêtements qu'il arborait représentait sans doute qui il était ; un être élégant, ordonné et raffiné. A l'époque actuelle, ce que vous portiez vous définissait, reflétait votre personnalité. Les gens aimaient classer les autres dans des cases, peut-être que cela rassurait les bien-pensants. Ils prirent cette foutue manie de vous juger de par votre style, votre physique ou votre façon de penser.
Le jeune homme sortit un calepin et un stylo de son sac bandoulière puis passa sa main dans ses cheveux blonds plaqués en arrière. Discret mais à la fois imposant et sûr de lui, il demeurait un paradoxe vivant. Il se retourna dans ma direction et je pus enfin l'admirer, m'abreuver de sa beauté excessive. C'était de la perversion à l'état pur, trop pour que cela en soit décent.
Ma colocataire rappliqua enfin, devancée de quelques secondes par l'enseignant. Le teint anormalement blafard et les cheveux baptisés par les intempéries, elle s'assit à mes côtés. Elle affichait une mine de détérré.
- Franchement, c'est quoi ce temps de chien !, râla-t-elle. On est censé être à New York, pas en Antarctique.
- Ce n'est pas parceque c'est New York, qu'il fait toujours beau...
- Hahaha, je le sais bien mais n'empêche que la pluie vient de bousiller tout mon brushing !
Sa réflexion me décrocha un sourire. Elle enleva sa parka et réajustait son sweat à capuche tout en grognant. Je me reconcentrais sur les paroles du professeur.
Longeant les grands couloirs de l'université, je me dirigeais vers mon prochain cours. J'arrivais à temps dans la petite salle, et pris place. Mme. Howard, notre enseignante en sciences criminelles se leva et contourna son bureau. Elle se placa devant celui-ci s'appuyant à moitié dessus. Elle croisait les bras et se racla la gorge. La trentaine d'élèves se tut et elle entama son discours habituel :
- Bonjour jeunes gens, j'espère que vous allez bien en ce lundi matin. Aujourd'hui nous allons nous focaliser sur les circonstances qui favorisent l'acte et l'attitude criminels, annonça-t-elle.
Les étudiants acquiescèrent, elle balaya la pièce des yeux et continua.
- En tant qu'étudiants en droit pénal et criminel, j'estime qu'il est nécessaire de connaître les éventuelles raisons qui pousseraient un criminel à franchir le pas.
J'écoutais attentivement et m'extasiais devant son savoir.
- Tout dabord, il est important de différencier les facteurs de dangerosité psychiatrique, de ceux proprement criminogènes, précisa-t-elle.
Je possédais une réelle fascination pour ce sujet. Pour ces personnes dépourvues d'humanité, en passant par les tueurs, les voleurs, les gangsters ou bien les violeurs. Comment pouvait-on agir ainsi et commettre de tels actes perfides ? D'où venait cette telle acrimonie, cette haine qui les animait ? Cette prédilection malsaine à faire souffrir autrui. Cet interêt pour ces individus plus que dangereux n'inquiétait pas pour autant mes parents. Ils ne me prirent pas au sérieux le jour où je leur appris le chemin que je désirais emprunter et mon choix d'orientation mais ils s'habituaient progressivement.
- Il faut donc dresser la typologie des crimes et des criminels, ainsi vous pourrez définir leurs causes ou motivations.
La femme en tailleur gris, ses cheveux roux plaqués en un chignon stricte poursuivait dans ses instructions. De temps à autres, il lui arrivait de réajuster ses lunettes sur son nez. Je prenais note sur mon pc en n'obstruant aucun détail.
- La conséquence de l'acte commis sera déterminée par l'infraction en elle-même mais également par ses facteurs, notemment dans un cas psychiatrique, spécifia l'enseignante. J'aimerai donc que vous formiez des binômes afin de réaliser un travail qui comptera comme la première note de votre premier semestre.
Quelques étudiants soufflèrent d'agacement et marmonnèrent quelques bribes de grossièreté dans leurs barbes. Elle ne prêta pas attention à ce comportement puéril et développa.
- C'est simple, il vous suffira de rédiger une thèse écrite en répondant à la consigne suivante : expliquer et démontrer les facteurs de risque criminel liés à l'enfance du délinquant, à son état mental, à son mode de vie et à sa situation pré criminelle.
Nous devions former des paires mais un problème s'imposait, je ne connaissais qu'Ellie sur le campus. Par manque de chance, c'était la seule matière que nous n'avions pas en commun. Je n'avais pas vraiment eu la chance de faire de nouvelles rencontres durant ces deux dernières semaines. Je regardais autour de moi de façon à trouver la personne avec laquelle je pourrais m'assembler. La plupart choisirent leurs amis. Encore une fois, cette situation était le spectre de ma solitude. Cela résultait de ma timidité et de mon manque d'intégration social. Néanmoins, une personne me vint à l'esprit. Je jettais un oeil au fond de la classe et croisai les yeux océans du beau blond. Il tenait sa tête dans sa main et reporta son attention sur la surface de la table. Mes camarades continuèrent de poser des questions concernant ce devoir. Ma décision était prise, je lui demanderai.
La sonnerie qui retentit marquait la fin du cours. Je rangeais avec rapidité mes affaires et plaçai la lanière de mon sac sur mon épaule.
- Votre devoir devra impérativement être rendu par écrit dans trois semaines. Les volontaires pourront faire une courte présentation orale des idées principales, que je considérerai bien entendu comme points bonus, termina-t-elle avant de nous libérer.
J'avançais à pas de souris vers ma cible, la peur au ventre. Quand je me tins enfin devant lui, il releva la tête pour atterrir dans mon champ de vision. Il m'analysait avec incompréhension. Je pouvais sentir mon rythme cardiaque augmenter. Je saisis le peu de courage qu'il me restait au fond de moi et le sollicitai.
- Euh...Salut, je m'appelle Cara..., dis-je avec appréhension.
Il me toisa un moment et je me sentis bête. Je prolongeais tout de même mon petit récit, en espérant qu'il ne refuse pas mon offre.
- Je t'ai apperçu et j'ai remarqué que tu avais l'air seul J'ai pas de binôme non plus donc je me suis dit, enfin , qu'on pourrait se mettre ensemble si tu le souhaites, évidemment, bégayai-je.
Il réfléchissait en faisant preuve de réticence. Puis il sembla mignorer. Ce type se foutait royalement de ce que je venais tout juste de lui proposer. Son attention se dériva vers le mur, la mâchoire crispée et son pied tapant frénétiquement contre le sol. Je capturai une mèche de mes cheveux et la coinçai derrière mon oreille.
- Laisse tomber, c'était une erreur, murmurai-je tous bas honteuse.
Je tournais les talons, déçue. Je ne l'aurais jamais imaginé de cette façon. Les apparences sont parfois trompeuses, son visage dange contrastait à son paroxysme avec le comportement qu'il venait d'exposer. Le jour et la nuit.
- Es-tu certaine que c'est ce que tu désires ?
Je me stoppais dans mes mouvements. Je ne me retournais par pour autant mais écoutais ce qu'il avait à me dire.
- Je veux dire, tu ne me connais pas après tout...
Il laissait sa remarque en suspent. Je ne comprenais pas pour autant le message caché de cette menace, si on pouvait appeler cela ansi. Il ne paraissait pas le moins du monde dangereux. Je fis enfin volte-face afin de déchiffrer l'expression sur son visage, sa voix ne me permettant pas de la décoder.
- Et aurais-je une raison de me méfier ?
Il échappa un petit rire amer, plein d'amertume. Ses sourcils se froncèrent.
- Simple avertissement.
Je plissai les yeux d'incompréhension. Je m'apprêtais à riposter quand il poursuivit.
- Je ne penses pas que cela soit une bonne idée. Pour toi comme pour moi, déclara-t-il avec conviction.
- Je ne pense pas que tu sois placé pour me dicter ce qui est bon ou non pour moi. Toi non plus tu ne me connais pas je te rappelle.
Ces mots - débités beaucoup plus sèchement que je ne l'aurais voulu – semblèrent l'agacer. Il n'en montra rien pour autant. Il se redressa, les coudes sur la table tout en se rapprochant de moi. Il lâchait un rire nasal, avec un arrière goût de pitié.
- Plus que tu ne l'imagines, crois moi.
Perplexe, je mordais l'intérieur de ma joue. Où voulait-il en venir ? Était-ce une tentative pour me faire fuir ? Il ne désirait peut-être pas faire binôme avec moi...
- Pourquoi pas après tout, conclut-il avec placidité.
J'arquais un sourcil avec étonnement. Je ne m'attendais pas à ce qu'il change d'avis soudainement.
- Mais tu finiras par te rendre compte de ton erreur, et à ce moment là, il sera trop tard, avertit-il avant de ne se lever.
Je ne le laissais pas m'intimider avec ce soi-disant conseil. Il me fixa du haut de son mètre quatre-vingt-huit. Je croisais les bras pour me donner de l'assurance et de la crédibilité, hors de question qu'il ne remarque à quel point il me déstabilisait !
- Très bien, rendez-vous au Andrews coffee shop mercredi après-midi, à quize heures.
- Plutôt la semaine prochaine, à vrai dire je suis pas mal occupé.
Il prit en main son manteau, de l'autre son sac et me doubla.
- Au fait, moi cest Alexandros.
Le simple fait qu'il eu le dernier mot me mis légèrement en rogne, d'une part car il m'avait d'abord ignoré et s'était ensuite amusé de moi, et d'une autre car en plus de cela il se permettait de décaler notre rendez-vous car excusez moi, monsieur est prisé !
Je sortais du bâtiment moi aussi, le ciel toujours brumeux. La faible brise eut raison de ma tenue. Je regrettais de ne pas avoir enfilé un pantalon au lieu de cette robe – plutôt mignonne – bien que trop légère. J'arrivais à la caféteria en un temps record, le froid m'ayant poussé à accélérer le pas. Ellie my attendait déjà, adossée au mur non loin de l'entrée. Elle pianotait sur son portable et ne sembla pas me remarquer avant que je ne l'interpelle. Elle releva les yeux et me sourit chaleureusement. Nous nous incorporâmes dans la file, un plateau à la main.
- Alors, comment s'est passé ton heure de cours ? S'intéressa-t-elle.
Les plateaux glissaient sur les rails métalliques au rythme de nos pas. Je piétinais le sol à petites foulées, coincée entre le corps d'Ellie et celui d'un étudiant. J'attrapais au passage une bouteille d'eau sur les étagères et me tournai vers elle.
- Pas mal. Si on omet la dernière partie..., résumai-je.
Elle pouffa de rire avant de ne me demander la raison. Je continuais le parcours en saisissant une assiette et un yaourt nature. Je n'oubliais pas les couverts et m'orientais vers le buffet. Ma colocataire me suivait à la trace et ne comptait certainement pas éluder mes explications.
- Ne te méprends pas, Cara Anderson Lorenzini, en croyant que je ne vois pas ta tentative désespérée de te défiler.
Je pinçais mes lèvres pour dissimuler mon sourire. Une chose était sûre – j'étais une très mauvaise menteuse. La louche en main, je me servis une portion de pâtes à la carbonara en prenant soin d'éviter son regard. Elle remplit son plat à son tour et nous nous dirîgeâmes jusqu'à une table libre. Je soupirai d'aise une fois assis et ne tardai pas à entamer mon repas. J'enfournais une bouchée que je savourais. Je réitairais mon geste quand je constatai qu'Ellie se tenait à quelques centimètres de moi, les yeux grands ouverts.
- Malheureusement pour toi, abandonner ne figure pas dans mes projets, prévena-t-elle.
- C'est pas vrai !
Je posai ma fourchette et expirai bruyamment. Cette démangeaison qu'avait ma colocataire à toujours vouloir tout savoir finira par la tuer.
- C'est bon, j'ai compris. Rien de bien transcendant, calme toi.
- mmh, vas-y.
Je me penchais en avant et je récapitulais l'épisode de ce matin. Elle semblait boire chacunes de mes paroles avec attention.
- Et donc, qui tu as choisi ?
- Alexandros avouai-je – à moitié car elle ne connaissait pas son nom.
- Je suis censée savoir qui est ce Alexandros ?
Elle articula ridiculement son prénom pour accentuer l'idiotie de la situation. Je n'étais pas bête. J'étais parfaitement au courant que son nom lui restait inconnu pour l'instant. Mais je savais pertinemment qu'elle se mettrait immédiatement à imaginer des scénarios – très peu probables.
- Grand, blond, les yeux bleues ?
La description de son physique ne semblait pas la faire percuter, qui après réflexion, était digne dune bonne partie des élèves de ce campus.
- Mais si ! Rappelle-toi, dans notre cours de droit.
Elle eut l'air de réfléchir puis sa bouche s'ouvrît comme témoignage de son illumination.
- Tu veux parler du gars qui te matait en amphi la semain dernière ?
- Il ne me matait pas. Il me fixait, c'est tout.
Et tu faisais de même ! Me souffla ma conscience.
- Fais moi confiance, je sais reconnaître quand quelquun te reluque. Et la, c'était clairement le cas ! Non qu'est-ce que je dis, il ne te matait pas ; il te dévorait des yeux !
Ellie s'esclaffa tout comme moi.
- Il te plaît, avança-t-elle.
Ce n'était pas une question mais une affirmation. Je ne pouvais pas nier qu'il avait beaucoup de charme et que son physique de mannequin pourrait faire craquer n'importe quelle fille.
- Peut-être bien...
- J'en étais sûre !
Je roulais des yeux et dévissai le goulot de ma bouteille d'eau. Elle scrutait de près mes mouvements. Elle brûlait d'impatience d'en savoir plus.
- J'avoue qu'il est mignon, mais je doute qu'il s'intéresserait à une fille comme moi.
- Une fille comme toi ? Tu veux dire une fille belle, intelligente et pleine de bonnes intentions ?
Je me dendinais sur ma chaise, gênée. Je detestais recevoir des compliments. Ellie prit une bouchée de son plat.
- Non je pensais plus à une fille coincée, banale et donc insignifiante, je réctifiai.
Admettre ces vérités de moi me faisait mal, mais il fallait voir les choses telles quelles demeuraient. Je devais arrêter de me voiler la face. Je ne me démarquais pas du lot. Mon physique n'avait rien d'exceptionnel et je ne pouvais pas m'empêcher de me comparer à – un peu près – toutes les autres filles que je croisais. Ma timidité me faisait défaut et me rendait fade. Chiante à mourir en réalité. Contrairement à Ellie, il me manquait ce petit grain de folie, qui faisait toute la différence. J'avais un blocage, une question qui me hantait. Pourquoi est-ce qu'un garçon pourrait vouloir de moi alors qu'il y avait des tas d'autres filles beaucoup plus belles et intéressantes que moi ?
Ma vie, autant ennuyeuse que mon style vestimentaire à l'heure actuelle, ne me suffisait plus. Je me sentais opressé au quotidien et avais besoin de changements. Un souffle nouveau. Si au départ, je cru que mon déménagement à New York saurait me contenter, ce n'était pas assez. J'en voulais plus. J'avais besoin de plus. Il me fallait de la nouveauté, de l'adrénaline et pourquoi pas une once de danger ?
- Ne dis pas nimporte quoi. Tu sais très bien que je déteste ça, quand tu te rabaisses et te compares sans cesse. Combien de fois devrai-je te dire que chacun est différent et possède son propre charme ?
J'acquiescais, plus pour lui faire plaisir que par attestation.
- Envisager quelque chose avec ce Alexandros serait une possibilité pour toi ?
L'amour. Je le négligeais pas mal dans ma vie. Je n'y avais jamais vraiment accordé d'importance. Mais inconsciemment, je le désirais. Ressentir cette sensation d'euphorie parcourir l'intégralité de mon corps. Celle d'être aimée. Il m'était encore inconnu mais il avait toutes les qualités requises. Le parfait prétendant.
- Seul l'avenir nous le dira pas vrai ?
- Voilà la Cara que j'aime ! Sérieux, tu devrais être plus souvent comme ça, confia-t-elle joyeusement.
Une fois ma journée de cours achevée, je quittai le campus. L'idée d'aller à la bibliothèque me venu en tête. Je pourrais ainsi faire des recherches sur ce symbole. Mais je doutais que celle du campus détienne ce que je cherchais. Je prenais alors un bus en direction de la librairie publique de New York.
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