4 : Me retenir de lui faire des compliments


Je n'avais jamais su pourquoi, mais je n'étais pas du matin. Je détestais qu'on me parle à ce moment précis de la journée. Je préférais savourer mon petit-déjeuner en silence et je retrouverais ma bonne humeur juste une fois après avoir pris une douche bien chaude. Pourtant aujourd'hui, je comptais bien harceler mon cousin de questions à propos de la soirée d'hier. Premièrement, parce que son super pote qu'il avait rencontré aux Maldives m'avait réveillé, en créant un groupe sous prétexte de nous inviter à venir le voir surfer. Et deuxièmement car il m'avait promis qu'il me raconterait tout dans les moindres détails. J'avais donc le droit de faire chier mon cousin.

Benjamin regardait une série à la télé, en mangeant des céréales sur le canapé et Raoul somnolait devant son chocolat chaud. La gueule de bois ne le réussissait pas. Je me suis préparée mon petit-déjeuner en silence puis je me suis assise en face de mon cousin pour commencer à manger.

— C'était bien ?

J'avais dû m'exclamer un peu trop fort car Benjamin m'a demandé de me taire et Raoul m'a foudroyé du regard. Ça m'a fait sourire. J'avais horriblement envie de me venger. C'était à cause d'Oscar que j'étais réveillée.

— Tu m'as promis que tu me raconterais tout ! l'ai-je supplié.

Il a soupiré, assez bruyamment pour que je comprenne qu'il n'avait pas envie de me répondre.

— Beckie, je suis fatiguée là. J'ai horriblement mal à la tête.

— Je m'en fiche, je veux des détails croustillants. C'était bien ? ai-je répété.

Voyant que je n'allais pas lâché l'affaire, il s'est massé les tempes et m'a répondu :

— J'ai connu mieux.

J'ai froncé les sourcils. Raoul avait l'habitude de dire que chaque soirée à laquelle il avait participé était « trop bien ». C'était étrange.

—  Déjà, tu n'étais pas là. Une soirée sans toi c'est méga chiant. Ensuite, quand Charlotte a compris qu'il s'agissait de la maison d'un de ses ex, elle n'a pas voulu venir. Si bien qu'elle nous a planté et qu'elle est rentrée à pied chez elle. On est entré dans la baraque, tout le monde était bourré et j'ai vite perdu de vue Oscar et Pierre. J'ai passé ma soirée avec une fille ultra bizarre et je pense qu'on a beaucoup bu. En résumé, c'était nul à chier et j'aurais dû rester avec toi.

J'ai souri. La mienne n'avait pas été extraordinaire mais au moins, je m'étais amusée. Il a replongé sa tête dans sa boisson fumante.

—  C'est Oscar qui t'as réveillé ? lui ai-je demandé.

Il a hoché la tête sans me regarder.

—  Je crois que ce gosse est immunisé contre les gueules de bois.

—  Ou il n'a tout simplement pas bu, ai-je rectifié.

Raoul a relevé la tête vers moi, affichant un sourire moqueur. Il a secoué la tête avant de répliquer :

—  Il est venu me chercher en titubant avec deux nanas sous le bras, qui devaient être aussi éclatées que moi. Si tu veux mon avis, il n'a pas fait que jouer au Scrabble avec elle.

Je vous mentirais, si je vous disais que l'information de mon cousin ne m'a fait aucun effet. J'étais déçue. J'aurais préféré qu'Oscar ne soit pas le genre de mec à sauter toutes les minettes de soirée. Finalement ça lui ressemblait et j'aurais dû m'en douter. J'ai difficilement avalé ma salive avant de répondre :

—  Il s'en est mieux sorti que toi.

—  J'aime pas baisé en soirée. Ça sert à rien, juste à se chopper une MST, m'a-t-il répondu avant d'attraper son bol de lait chocolaté.

Je l'ai observé boire, en souriant. J'étais fière de lui. Il a brusquement posé son bol sur la table et s'est levé d'un bon. Benjamin s'est retourné, encore une fois, en nous foudroyant du regard.

—  Vous êtes relou là, c'est le moment le plus intéressant. C'est important de se protéger pour ne pas attraper des MST mais vous pouvez pas faire moins de bruit ?

Mon cousin m'a jeté un regard complice et nous avons tous les deux explosé de rire. Benjamin a soupiré et s'est retourné vers l'écran de la télévision.

—  Beckie, je te donne une heure pour te préparer. Sinon je pars sans toi.

Sur ces mots, il a quitté la cuisine et m'a laissé face à mon petit-déjeuner, avec comme bruit de fond la série de Benjamin.

  Une heure après, j'étais fin prête. Revêtu d'un short et d'un débardeur par dessus un maillot de bain, mes cheveux détachés afin qu'ils sèchent, j'avais retrouvé mon cousin en bas. Il riait à gorge déployé avec mon père. Ce dernier m'a remarqué et une étincelle est apparue dans son regard.

—  C'était bien avec Ethel et Matteo hier soir ? m'a-t-il demandé quand je me suis approchée de lui pour lui dire bonjour.

J'ai acquiescé en souriant.

—  Bon Antoine, c'est pas que t'es trop vieux, mais nous on doit y aller.

Mon cousin a salué mon père, Benjamin qui était encore allongé sur le canapé et m'a poussé vers l'entrée.

—  Tu fais attention à toi Beckie, s'est exclamé mon père. Mets de la crème solaire aussi, sinon ta mère va devenir folle.

J'ai étouffé de rire en l'imaginant s'énerver contre moi. Elle m'aurait sûrement dit : « Rebecca, tu vas avoir un cancer de la peau à force de ne pas m'écouter ».

—  Et surtout rentrez avant midi les losers, sinon j'en connais une qui va péter une crise parce que vous ne mettez jamais la table, a rajouté Benjamin.

J'ai immédiatement pensé à Paola. Chaque été c'était pareil. Elle s'énervait parce que Raoul avait trop la flemme de la mettre et parce que moi j'avais toujours du vernis, qui devait sécher, sur les ongles. Elle devenait folle et elle demandait donc à Benjamin de le faire à notre place.

On a retrouvé Charlotte et Pierre sur la plage, celle où on allait d'habitude. J'ai étalé ma serviette sur le sable à côté de la grande brune et je me suis allongée. Charlotte faisait partie des gens qu'on pouvait qualifier de magnifique. Elle avait des jambes interminables, une taille de guêpe et des formes là où il en fallait. Elle avait de très beau cheveux, une bouche d'un rouge naturel et des yeux qui reflétaient son caractère joyeux.

Bien qu'en temps normal, je n'adhérais pas à ce concept de juger que quelqu'un était beau seulement parce qu'il correspondait aux critères décidés par la société, il fallait bien l'admettre : Charlotte ne passait pas inaperçue.

Peut-être que si les caractères physiques qui convenait à l'adjectif « beau », n'était pas ceux-là, on aurait pu dire que j'étais belle voire magnifique ? Après tout, j'aurais pu l'être. On aurait tous pu l'être.

—  Ça va ma Beckie ? J'aurais dû t'appeler hier soir, j'ai pas été à leur espèce de soirée.

J'ai tourné la tête vers Charlotte, je lui ai souri.

—  Ouais, je sais, Raoul m'a raconté. T'inquiète, c'est pas grave je ne me suis pas autant ennuyer que ça, l'ai-je rassuré voyant qu'elle était embêtée de m'avoir laisser seule.

— Ouf...tant mieux.

Je n'ai rien dit et j'ai fait glissé mes lunettes de soleil sur mon nez.

— Bon, il est bien gentil Oscar de nous réveiller archi tôt pour qu'on vienne le voir surfer mais s'il n'est pas là ça ne sert à rien, s'est plainte la brune.

— Je suis d'accord avec elle.

Les gars ont roulé des yeux avant de rétorquer :

— Vous êtes vraiment stupides ! C'est lui qui est en train de surfer, là-bas, avec une combi rouge.

On s'est regardée avant de lâcher un petit rire. J'ai donc tourné la tête vers Oscar et j'ai été drôlement surprise. Il ne mentait pas quand il disait qu'il surfait dix fois mieux que moi – je me retiendrai de lui avouer par contre. Il glissait si facilement sur les vagues que quiconque l'aurait vu, aurait cru que ce sport n'était pas difficile. Il a bifurqué et a essayé de chopper une autre vague qui se dirigeait vers nous. De toute évidence, il a réussi à l'avoir et cela lui a permis de rapidement regagner la terre ferme. Oscar était doué, bien plus que moi.

— Ce mec est le dieu du surf, m'a soufflé Charlotte qui semblait aussi épatée que moi.

Le brun s'est approché de nous avec un sourire bien à lui. Celui qu'on a envie d'arracher. Il a secoué ses cheveux juste à côté de moi, j'ai donc par conséquent, été mouillée. Je lui ai asséné un regard qui se voulait noir – il fallait encore que je m'entraîne, je le savais – mais, il n'a fait qu'élargir son horrible rictus.

— Je savais que t'avais besoin que je te rafraîchisse. Pas besoin de me remercier, m'a-t-il lancé.

J'ai roulé des yeux et je n'ai pas répliqué.

— Mec, tu surfes super bien ! s'est exclamé Pierre.

— T'as progressé depuis les Maldives !

Je m'étais attendue à des répliques vantardes de sa part, pourtant il n'a rien dit. Il s'est contenté de sourire, puis il m'a fait un clin d'œil discret. Il était comme ça qu'avec moi, alors. Je l'ai ignoré, n'ayant aucune envie de le féliciter et je me suis penchée sur le magazine qu'était en train de lire Charlotte.

— Il faut absolument que je m'achète ce truc ! m'a-t-elle dit en pointant une ceinture qui était super jolie. Ça te dirait qu'on aille faire un peu de shopping toutes les deux en ville ?

— Avec plaisir. Je m'achèterais ça, ai-je dit en pointant la paire de lunettes de soleil que conseillait son magazine pour être totalement à la page cet été.

Elle a rigolé.

— Beckie, dois-je te rappeler que tu as déjà cinq paires de lunettes ?

— Ça m'en fera six, comme ça.

Nous avons rigolé puis elle s'est remise à feuilleter son magazine. Quant à moi, j'ai décidé de bronzer mais j'ai vite été interrompue par l'espèce de surfeur exceptionnel.

— T'es tellement épatée que tu n'arrives pas a avouer que je surfe dix fois mieux que toi.

J'ai roulé des yeux et je l'ai observé derrière mes verres teintés. Il était sérieux mais ses yeux trahissaient son amusement. Il n'était pas plus beau que la veille et il avait toujours son coup de soleil au niveau du cou.

— Je sais que je suis beau, mais je t'ai déjà demandé d'arrêter de me regarder avec des yeux amoureux. Tu ressemble clairement à l'emojis qui a des cœurs à la place des yeux, là.

Je l'ai ignoré, une fois de plus. Pourtant il a continué à me parler, à croire qu'il m'adorait.

— Dommage que tu ne sois pas venue à la boumboum party, c'était vraiment cool.

— C'est sûr qu'écarter les cuisses de deux filles en même temps, ça doit être passionnant, ai-je cinglé.

— Je crois que t'es jalouse, minus.

— Ouais, ça doit être ça.

Il m'a souri, m'a gentiment poussé et s'est allongé à mes côtés.

— Tiens, t'as remis ton maillot ultra moche.

— Laisse-moi tranquille Oscar, ai-je soupiré.

— Tu devrais écouter mes conseils, je suis... merde j'ai oublié son prénom.

J'ai froncé les sourcils et il a réfléchi pendant quelques secondes avant de s'écrier :

— Christina Cordula ! Voilà, je suis elle mais en version masculine.

— J'avais pas le souvenir d'un Oscar qui s'habillait bien pourtant, ai-je dit.

— C'est un peu normal, vu que les seules fois où tu m'as vu, j'étais en maillot de bain.

On a continué à s'envoyer des piques toute la matinée. Puis midi est arrivé et je suis rentrée à la maison avec Raoul. Paola avait déjà piqué une crise et c'était Benjamin qui mettait la table. Ma mère ne m'a pas fait de morale sur mes coups de soleil et ne m'as pas dit que j'allais avoir un cancer de la peau car j'avais pensé à me mettre de la crème solaire.

Le déjeuner s'est bien passé, nous avons mangé une grande salade et c'était pour cela que j'adorais les vacances d'été. Les piques d'Oscar m'ont manqué, je me les suis donc imaginée dans ma tête. Il m'aurait sûrement dit que je faisais trop de bruit en mangeant ma salade, que j'étais moche avec les cheveux attachés et que je rigolais comme un hamster – bien que je n'ai jamais entendu les hamsters rigoler.

  En fait, plus je l'ignorais, plus je pensais à lui. Il fallait que ça cesse, j'en avais marre d'entendre sa petite voix insupportable dans ma tête.

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