3 : Mon envie de lui prouver que je savais m'amuser.
Je suis sortie de l'eau après avoir surfer ma dernière vague. Les rouleaux de la mer m'avaient manqué, j'avais enfin pu retrouver mon élément. Nous étions venus surfer tôt cette après-midi avec mon cousin, Charlotte et Pierre.
Quand j'ai regagné la terre ferme, j'ai porté ma planche jusqu'à l'école de surf et je l'ai rangée à l'endroit qui était consacré à cette tâche. J'ai salué les quelques visages que je reconnaissais et j'ai filé dans les vestiaires pour retirer ma combinaison qui me collait à la peau. Cette sensation était la pire du monde. J'ai seulement enfilé un short par dessus mon maillot de bain et je suis retournée sur la plage. J'ai étalé ma serviette où je me suis assise pour regarder l'océan. Mon cousin venait de perdre l'équilibre, et Charlotte avait réussi à chopper une vague.
— Tu surfes vraiment mal, ai-je entendu derrière moi.
Je me suis lentement retournée pour savoir si la réflexion m'était destinée et je n'ai pas été surprise de découvrir un Oscar, avec un sourire arrogant aux coins des lèvres. Cette remarque sortant de sa bouche, ne m'étonnait même pas. Il n'y avait que lui pour être aussi direct et chiant.
— Dis le mec qui est un professionnel, évidemment, ai-je ironisé en roulant des yeux.
Il m'a souri et est venu s'assoir à mes côtés.
— Je surfe dix fois mieux que toi, a-t-il repris.
Je lui ai rigolé au nez avant de le regard d'un air amusé.
— C'est impossible.
— Tu me crois pas ? Pourtant je t'assure que c'est la vérité. Tu n'as aucune technique.
— Monte sur une planche et montre moi comment tu te débrouilles avant de parler de ma technique. Je surfe depuis que je suis toute petite.
— Rendez-vous demain, à neuf heure, tu pourras m'admirer glisser sur les vagues avec la plus grande élégance.
J'ai haussé les épaules, le regard rivé sur les vagues qui embrassaient le sable, laissant une trace d'écume sur ce dernier. Je n'aimais pas spécialement l'écume, je trouvais sa consistance, étrange, mais je devais bien l'avouer, sans cet écume, les vagues seraient moins belles.
— T'as écouté mes conseils d'hier, je suis flatté ! T'as changé de maillot ! s'est-il soudainement exclamé.
J'ai baissé les yeux sur mon maillot de bain rouge, avant de tourner la tête vers Oscar.
— Il ressemble à ceux que portent les actrices dans Bay Watch. T'es nettement moins bandante dedans, mais c'est un bon début.
J'ai haussé les sourcils, agacé de recevoir des piques de sa part, pourtant je n'ai pas pu m'empêcher de vouloir le regarder. Mes yeux l'ont donc détaillé et j'ai esquissé un sourire quand j'ai remarqué que sa peau était rougie au niveau de son cou.
— Bah alors Oscar, on a oublié la crème solaire ? ai-je dit amusé.
— Ferme-la.
J'ai explosé de rire et il a fait mine de me faire la tête, cachant son coup de soleil avec son bras. Entre temps, Pierre, Charlotte et mon cousin nous ont rapidement rejoins et nous sommes allés boire un verre au bar réputé de la plage.
Le serveur nous a servi, chacun notre tour, non sans oublier de fixer lourdement Charlotte. La brune ne l'a même pas remarqué et s'est ruée sur sa boisson.
— J'ai un ami qui fait une fête ce soir, ça vous dirait de venir ? a lancé Pierre en portant la paille de sa boisson rafraîchissante à sa bouche.
— Oh ouais ! me suis-je immédiatement exclamée.
Oscar a explosé de rire et j'ai froncé les sourcils. Qu'y avait-il de si drôle dans ce que je venais de dire ?
— On va pas à une boum, là, minus, a-t-il cinglé.
Je l'ai foudroyé du regard avant de rétorquer :
— Tu me fais chier.
— Arrêtez tous les deux, nous a demandé Charlotte. Tu penses que tes parents te laisseront venir Beckie ?
— On va tout faire pour, m'a devancé Raoul.
J'ai souri et ai approuvé. J'allais réussir à convaincre mes parents.
*
J'ai claqué la porte de ma chambre, avec rage. Je détestais ma mère, elle et sa sur-protection ridicule. Elle m'avait interdit d'aller à la soirée. J'étais obligée de rester à la maison. J'avais vraiment une vie de merde.
J'étais allée voir ma mère avec Raoul, et j'avais laissé parler ce dernier, pour mettre toutes les chances de mon côté. Il était beaucoup plus doué que moi en négociation et grâce à lui, ma mère finissait souvent par céder.
— C'est hors de question, avait-elle répondu de manière catégorique.
J'avais froncé les sourcils et j'avais tourné la tête vers mon cousin, paniquée. Je n'avais aucune envie de rester ici. Raoul m'avait fait comprendre qu'il ne savait plus comment s'y prendre, alors j'avais lâché :
— S'il te plaît, Maman. Je suis grande, tu peux me faire confiance !
— Rebecca, j'ai dit non !
— April, t'inquiète pas je la surveillerais, tu me connais !
Elle nous avait lancé un regard meurtrier et elle avait ensuite posé son magasine sur la table d'un geste brusque.
— Mais vous croyez quoi ? J'ai été jeune moi aussi ! Je sais comment ça se passe une soirée, où il y a pratiquement que des majeurs complètement torchés.
J'avais juré, je fulminais. Ma mère m'agaçait, si elle avait été jeune, elle pouvait se mettre à ma place et comprendre que je devais aller à cette soirée. Il n'allait rien m'arriver ! Elle voyait toujours le mal partout, je n'allais quand même pas me faire violer par des ados un peu trop éméchés !
— Tu peux la laisser y aller seulement deux heures ? était intervenue Ethel en posant sa main sur mon épaule. J'irais la chercher, si tu veux.
— Ethel, reste en dehors de ça. Rebecca, j'ai dit non, c'est non. Tu n'iras pas là-bas, s'il t'arrive le moindre soucis, je serais trop loin pour venir te chercher. Cette soirée n'avait qu'à être dans la ville.
J'avais foudroyé ma mère du regard et j'étais montée dans ma chambre.
J'ai essayé de faire redescendre ma colère en écoutant un peu de musique. Ça ne marchait pas vraiment. J'étais dégoûtée de ne pas pouvoir y aller. Mon cousin a toqué à ma porte et a passé sa tête par l'entrebâillement. Il s'est finalement décidé à entrer et est venu me faire un câlin. Il était déjà prêt à sortir, vêtu d'une chemise blanche, repassée, qu'il avait soigneusement enfoncé dans son jean. Il allait faire fureur ce soir.
— Ça va être nul sans toi.
J'ai haussé les épaules. Je ne lui en voulais pas particulièrement, après tout il avait dix-sept, il avait le droit d'aller s'amuser avec des gens de son âge plutôt que de rester avec moi. Néanmoins, j'aurais aimé qu'il me dise qu'il n'y allait pas et qu'il passait la soirée avec moi devant une bonne série.
— Tu me raconteras tout ? lui ai-je demandé.
— Je te raconterai tout, promis.
J'ai souri et il s'est éclipsé de ma chambre après m'avoir mimé un bisou. Je l'ai ensuite entendu partir et j'ai laissé tomber ma tête sur mon oreiller. Génial, j'allais passer ma soirée seule avec des adultes, à manger des raviolis. Je détestais les raviolis en plus.
Mon téléphone a vibré, m'indiquant que j'avais reçu un message. Je me suis précipité sur ce dernier, espérant que mon cousin m'annonçait que la fête était annulée et qu'on passerait la soirée ensemble. Oui, je sais, je suis égoïste.
Quand j'ai remarqué qu'il s'agissait seulement d'Oscar, j'ai perdu mon sourire. J'ai quand même ouvert son message et ma colère s'est réveillée une nouvelle fois.
De peut-être Oscar :
Bah alors minus, on ne peut pas venir à la boumboum party ?
Ce mec m'énervait, il était vraiment chiant. J'étais encore plus dégoûtée. Ce n'était pas la première fois que ma mère refusait que j'aille à une soirée. J'étais habituée et j'avais appris à ne plus lui en vouloir. Mais celle-ci, j'avais réellement envie d'y aller. Cela m'aurait permis de prouver à Oscar que je n'étais pas une gamine et que moi aussi, j'allais en soirée. Il m'aurait sûrement envoyé des piques sur ma tenue, il m'aurait sûrement énervé, mais au moins il m'aurait vu différemment. Il ne m'aurait plus vu comme la cousine gamine de Raoul. Il m'aurait vu comme Rebecca, l'adolescente de quinze ans qui sait s'amuser.
J'ai balancé mon cellulaire sur mon lit, ne souhaitant pas répondre à sa provocation.
Quelqu'un d'autre a toqué à ma porte et j'espérais vraiment qu'il ne s'agissait pas de ma mère. Je n'avais pas du tout envie de lui parler. J'étais suffisamment énervée contre elle. À la place, j'ai découvert Matteo et Ethel. Ils sont entrés dans ma chambre avec un grand sourire qui ne prédisait rien de bon.
— On ne peut pas aller à la soirée de l'ami de je sais plus qui ? s'est exclamé Matteo.
— De Pierre, l'a corrigé Ethel.
— Il a vraiment un prénom de cailloux.
La rousse a roulé des yeux et il a réussi à m'arracher un sourire.
— Étant donné que je suis le meilleur oncle de la terre et que ma nièce préférée ne peut pas sortir...
— C'est la mienne aussi, l'a coupé une nouvelle fois la rousse, les poings sur les hanches.
— Oh commence pas à me faire chier !
La rousse l'a foudroyé du regard et je n'ai pu m'empêcher de rire. J'avais toujours admiré sa façon de congeler l'enfer en un regard.
— Enfin bref, on sort.
— Quoi ? ai-je dis.
Matteo a poussé un long soupir bruyant, signe que sa patience avait certaines limites.
— Tu sais le verbe sortir, celui qui veut dire qu'on quitte le lieu où l'on se trouve pour aller dehors, a-t-il cinglé.
— Tais-toi, a pesté Ethel.
Pendant quelques secondes, ils se sont défiés du regard, puis Ethel l'a poussé vers ma porte avant de dire gentiment :
— Bon, on attend en bas, dépêche-toi.
J'ai souri et je me suis apprêtée à me lever de mon lit quand Matteo a rajouté :
— Change-toi surtout, parce que je ne te reconnais plus là. T'es pas très belle dans cette tenue.
J'ai étouffé un rire et ils sont sortis de ma chambre en se chamaillant. Ils avaient réussi à me remonter le moral.
J'ai donc écouté mon oncle, et je me suis changée. Puis je les ai retrouvés, lui et Ethel, dans l'entrée. Ils étaient en train de tirer chacun de leur côté sur une veste, qui n'allait pas tarder à se déchirer. En observant la scène, personne n'aurait cru qu'ils avaient trente-cinq ans. Même moi, j'étais plus mature. Matteo a profité de la nanoseconde où mon arrivée a distraie la rousse, pour tirer un grand coup sec et remporter le vêtement. Ethel a tapé du pied et a croisé les bras sur sa poitrine.
— Ne faites pas d'enfants sur le chemin tous les deux, s'il vous plaît, a rigolé Paola qui les observait depuis le salon.
Ma mère a rigolé avec elle.
— T'inquiète pas pour ça, ça ne risque pas ! lui a répondu la rousse.
— Elle dit ça juste parce que c'est une mauvaise perdante, m'a confié Matteo. Je sais qu'elle en meurt d'envie.
Ethel a roulé des yeux et j'ai esquissé un sourire. Ils étaient vraiment trop mignons et secrètement, j'aimerais qu'ils sortent ensemble. Ils étaient faits l'un pour l'autre. Tout le monde enviait leur complicité et même s'ils ne cessait de dire qu'ils ne se supportaient pas, dans le fond, ils ne pouvaient pas être séparer plus d'un jour. Mon regard s'est posé sur l'horloge tatoué sur l'omoplate d'Ethel, puis sur celle tatoué sur l'épaule de Matteo. Il était l'obstacle à leur relation.
Ma mère avait son petit groupe d'amis. Elle m'avait eu très jeune, à l'âge de 21 ans, à peu près comme Noémie a eu mon cousin. Ethel et Stan allaient se marier, Paola et Benjamin s'aimaient. Il ne manquait plus que Matteo et tout le monde aurait trouvé l'âme sœur.
Évidemment, toute bonne chose a une fin, et ce petit bonheur a pris fin d'une manière extrêmement brutale et inattendu. J'étais âgée de huit ans lorsque ma mère avait reçu un coup de fil, provenant de France. Je l'avais vu se mettre à pleurer et raccrocher, tremblante. Stan était mort dans un accident de voiture. Il allait au cinéma avec Ethel, il neigeait à cette période là à Paris, la voiture avait glissé et était rentrée dans un mur. La mort de Stan m'a traumatisé, certes je ne l'avais connu que pendant huit années, mais il restait l'oncle avec qui, Raoul et moi s'entendions le mieux. Il nous a transmis sa passion pour le surf, il nous couvrait quand on jouait avec les voisins tard le soir, il nous donnait des pièces en cachette pour qu'on aille s'acheter des bonbons à la boulangerie.
Ethel, étant une femme forte et courageuse, a accepté la mort de son mari, mais aussi de l'enfant qu'elle portait depuis deux mois dans son ventre. Il a bien évidemment fallu que le bébé, qu'ils attendaient, ne tienne pas le choc. Je n'osais pas imaginer la tristesse qu'elle devait ressentir. Pourtant, elle s'est reconstruite et a choisi de continué de vivre. Elle a sûrement du faire ce choix par rapport à Stan, et je suis heureuse qu'elle l'ait fait.
L'été suivant la mort de mon oncle, le groupe d'amis de ma mère a décidé de se tatouer un des nombreux dessins qui figuraient sur la peau de Stan. C'est Ethel qui l'a choisi : une horloge qui indiquait seize heure, que Stan s'était fait tatouer en hommage à sa rencontre, avec sa rousse, dans une gare.
Voilà pourquoi, Matteo et Ethel n'étaient pas prêts de sortir ensemble. Ce dernier ne voulait absolument pas voler la place que son ami a dans le cœur d'Ethel. C'est triste, mais il y a toujours de la beauté dans la tristesse.
— Fais attention à toi princesse, m'a dit Paola.
— Bonne soirée Beckie.
Je n'ai pas répondu à ma mère et j'ai suivis Ethel et Matteo dehors. Nous nous sommes d'abord baladé, dans la ville qui était assez animée puis nous avons mangé des hot-dog sur le port. C'était super sympa et j'étais contente de passer ma soirée avec eux.
— Il est sympa Oscar ? m'a demandé Ethel.
Nous étions tous les trois assis sur un banc, face aux bateaux du port, en train de manger une glace. J'ai tourné la tête vers elle et je me suis apprêtée à répondre alors que Matteo m'a devancé :
— C'est qui ce mec ? Ses parents n'ont pas été cool, Oscar putain, c'est un prénom de chat !
J'ai explosé de rire, il avait un sérieux problème avec les prénoms. Je n'imaginais pas la galère que ça allait être le jour où il devra choisir le prénom de ses futurs gosses.
— C'est le pote de Raoul, tu sais celui qui vient des Maldives, lui a dit Ethel après avoir arrêté de rire.
— Ah, lui ! Pourquoi tu lui parles de lui ?
— Parce que j'ai un pari à gagner, lui a-t-elle rappelé.
J'ai roulé des yeux.
— Du coup, t'as pas répondu à sa question, a continué Matteo.
— Il est insupportable, ai-je répondu en m'essuyant la bouche avec ma serviette en papier.
Ethel a soupiré, déçue. Évidemment, j'ai fait exprès de ne pas lui dire que je l'aimais bien malgré qu'il soit usant, sinon elle ne m'aurait pas lâché. Et Matteo aussi, d'ailleurs.
— Tant pis, j'en trouverai bien un autre, l'été n'est pas fini.
— Trouve-en un avec un prénom potable, s'il te plaît, l'a imploré Matteo.
J'ai rigolé et Ethel a secoué la tête, exaspérée. Nous avons ensuite décidé de rentrer à la maison, il commençait à être tard et j'étais fatiguée.
Je m'apprêtais à aller me coucher quand une idée, peut-être idiote a traversé mon esprit. Je suis allée dans la chambre d'Ethel, qui était allongée dans son lit, un livre dans les mains. Quand elle m'a entendu arriver, elle a relevé la tête de son bouquin abîmé et m'a regardé.
— Je peux te dire un truc ?
Elle a hoché de la tête et je me suis très rapidement lancée :
— Tu devrais sortir avec Matteo.
Elle a été surprise. Au départ elle n'a rien dit, puis elle a ouvert la bouche mais s'est ravisée. On est restée quelques secondes à se regarder et je me demandais bien à quoi elle pensait. Moi, je pensais à Stan. M'en voulait-il ? À mon avis, non, il devait sûrement être d'accord avec moi.
— Bonne nuit, lui ai-je finalement dit en m'éclipsant.
Elle a sûrement dû réfléchir toute la nuit et j'espérais sincèrement que ma tentative de lui ouvrir les yeux avait marché.
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