19 : Mon esprit qu'il ne quittait plus.


En regardant Cobain jouer avec ses deux peluches usées par le temps, je me souvenais des nombreuses fois où je jouais à la maîtresse avec Raoul. Il détestait ce jeu. Pourtant il acceptait toujours car il adorait jouer avec moi. Il s'amusait à faire l'élève rebelle, qui ne m'écoutait jamais. Et souvent je le suppliais d'arrêter parce que je ne voulais pas jouer comme ça. Il n'arrêtait pas de ronchonner lorsque je lui demandais d'écrire les leçons que je dictais, il se plaignait quand je lui mettais des mauvaises notes à ses contrôles et il me boudait quand je le punissais. Malgré tout, nous nous amusions vraiment bien.

—  Beckie ? Tu peux jouer avec moi s'il te plaît ? m'a supplié mon petit cousin.

J'ai souri, puis j'ai accepté. Je me rappelle des nombreuses fois où j'avais supplié ma famille de jouer avec moi. S'amuser avec quelqu'un de plus grand que soit m'avait toujours beaucoup plût et je me devais d'accepter la demande de Cobain. C'est donc pourquoi j'ai attrapé le petit âne, et que je suis rentré dans l'imaginaire de mon petit cousin.

—  Vous faites quoi ? nous a demandé mon père en s'approchant de nous.

—  On joue. Tu veux faire l'ours Antoine ? Tu le fais trop trop bien ! s'est exclamé le petit blond.

J'ai relevé la tête vers mon père et voir qu'il n'arrivait pas à décliner la proposition de Cobain, m'a fait sourire. Mon père culpabilise toujours quand il refuse des choses aux enfants.

—  Je vais prendre la place de Beckie parce que Raoul la cherche.

J'ai donc tendu la peluche à mon père avant de lui demander où était Raoul.

—  Sur la terrasse.

Je me suis levée, et j'ai laissé mon père et Cobain. Quand je suis arrivée sur la terrasse, j'ai assisté à un débat entre Ethel et Matteo. Ma mère, Raoul et Georges semblaient rire d'eux. Il fallait l'avouer c'était assez marrant : Ethel était hors d'elle et Matteo tentait tant bien que mal de la convaincre.

—  Ah ! Beckie ! Je te cherche depuis une heure !

J'ai roulé des yeux, sachant pertinemment qu'il n'avait pas bougé de sa chaise tant il était paresseux.

—  J'étais pas loin pourtant.

Il a tapoté la place à ses côtés et je m'y suis assise. J'ai jeté un coup d'œil aux deux adultes qui se disputaient puis j'ai reporté mon attention sur mon cousin.

— Ça te dit une petite sortie ce soir, au resto de la plage avec les autres ?

Je n'avais pas besoin de précisions, je savais déjà que les autres définissaient Charlotte et Pierre. L'idée me plaisait et c'est pour ça que j'ai vivement accepté.

— Maman, l'ai-je interpellée.

Elle a relevé la tête de son bouquin, et quand ses yeux azur ont rencontré les miens, un sourire a sublimé son visage de poupée.

— Oui ma chérie ?

— Raoul, Charlotte et Pierre passent la soirée sur la plage, je peux y aller ?

Elle a réfléchis pendant une dizaine de secondes avant de me répondre :

— Seulement si vous ne rentrez pas trop tard et qu'il n'y a pas d'alcool ou de drogues.

— Ce n'est pas notre genre, a lâché Raoul en lui souriant tel un ange.

Elle lui a gentiment frappé le crâne en riant à gorge déployée.

— Raoul, je ne rigole pas ! Vous êtes jeunes, ne vous retirez pas des années de vie en consommant ces merdes.

Nous l'avons tous les deux rassurée, puis elle nous a poussé à aller nous préparer. Après avoir donc passé une tenue plus confortable, et m'être très légèrement maquillée, j'ai observé tout mon corps que me montrait le grand miroir du couloir. Mes yeux ne cessaient de fixer mon débardeur blanc moulant. Mes mains ont glissé dessus et ont remonté mes seins comme pour les faire grossir. J'ai laissé retomber mes mains et j'ai poussé un long soupir en quittant mon reflet des yeux. J'aimais mes formes et pour rien au monde je ne les modifierai. Mais parfois, il m'arrivait de m'imaginer avec un bonnet de plus ou bien un postérieur plus volumineux et bombé. Mais n'est-ce pas cette société qui voulait que nous nous créons ce genre de complexes assez ridicules ?

Bien souvent, j'ai énormément de mal à différencier mes véritables complexes de ceux que me créaient mes fréquentations. Par exemple mon nez était quelque chose que je n'aimais pas spécialement chez moi, je le trouvais plutôt imposant, et il grossissait encore plus quand je mettais des lunettes. Contrairement à ma pilosité qui n'était qu'un complexe créé non seulement par les autres mais aussi par notre société. En temps que femme qui se respecte, nous sommes obligées de nous épiler et de ne laisser apercevoir aucun poil. Ceci était profondément stupide. Pourtant, je me consacrais, moi aussi, des après-midi entières chez l'esthéticienne.

   Les soirées sur la plage ont toujours été mes préférées. Dans la nuit noire, écouter les vagues s'écrouler sur le sable qui sans la lumière du soleil n'est plus brûlant, apprécier le vent frais qui nous gifle gentiment le visage, et regarder la ville seulement éclairer par les lampadaires et les étoiles, me plaisaient. Ces soirées étaient agréables, pimentées de rigolades.

— On va chercher des bières, nous a crié Pierre en s'éloignant avec Raoul.

Nous avons hoché la tête, puis j'ai fixé le sable.
Nous venions tout juste de finir de dîner au resto de la plage. Je n'avais plus faim du tout tant j'avais mangé. Nous nous étions assis sur la plage, respectant notre fidèle habitude.

—  Ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas fait une petite soirée plage, a remarqué ma meilleure amie.

—  Ouais, c'est vrai. Ça m'avait manqué.

J'enfonçais nerveusement les doigts dans les grains à la couleur de l'or et les retirais pour finalement réitérer l'opération. Le vibreur de mon portable m'a sorti de mes pensées et je l'ai immédiatement sorti pour m'assurer qu'il ne s'agissait pas de mes parents.

— C'est qui ? m'a demandé Charlotte en se penchant sur mon cellulaire.

J'ai louché sur l'écran quand j'ai réussi à voir de qui provenait ce message.

De Oscar :
Salut. Ça va ?

— Alors lui, il te quitte comme une merde, puis il revient comme un ange et prend de tes nouvelles ?

J'ai haussé les épaules, tout en étant d'accord avec ce qu'elle laissait sous-entendre. Oscar était lunatique. Con. Et méchant.

— Répond lui que tout va bien, ça lui fera les pieds de voir que tu vis très bien sans lui. Sans rire je ne sais pas comme Raoul a pu être ami avec ce con !

Je n'ai rien répondu et j'ai fait ce qu'elle me conseillait. Je lui ai sèchement répondu un très bien et j'ai éteint mon téléphone. Si mes parents souhaitaient me joindre, ils devront le faire par l'intermédiaire de mon cousin.

— Je suis fière de toi ma Beckie. Tu te laisses pas abattre, t'es vraiment forte.

Je lui ai souri, reconnaissante. Elle a passé son bras sur mes épaules et m'a attiré contre elle.

— J'aimerais bien qu'on voyage ensemble. On ne se voit jamais en dehors de cette région, m'a-t-elle dit.

— Tu devrais venir à Greenville. Ça pourrait être super cool. Et mes parents seraient ravis de te voir à la maison.

— C'est vrai que ça serait sympa. Je vais en toucher un mot à mes parents. Ça pourrait être l'objet de mes prochaines vacances.

J'ai approuvé d'un hochement de tête et elle a lâché un rire doux. Les garçons sont revenus à ce moment-là, avec des bouteilles de bière à la main. Ils nous en ont tendues une chacune puis ils se sont laissés tomber à nos côtés. J'ai relevé la tête vers les étoiles. Le ciel n'était éclairé que par elles et c'était splendide.

— Je me sens minuscule face à elles, m'a soufflé Pierre.

— C'est vrai que c'est impressionnant. J'adore regarder les étoiles.

Il n'a pas répondu de suite, occupé à avaler sa gorgée de bière.

— Moi aussi, mais après ça je me remet en question. C'est un peu déprimant du coup.

J'ai ri et cela l'a fait sourire.

— J'adore quand tu ris.

Le rouge m'est monté aux joues mais il a préféré ne pas me le faire constater – ce qui aurait pu me mettre extrêmement mal à l'aise.

—  On voit super bien Cassiopée, a dit Raoul en pointant la constellation du doigt.

—  C'est vraiment magnifique.

—  Je n'avais jamais aussi bien vu les étoiles ici, ai-je dit.

—  Tu les regardes aussi à Greenville ? m'a demandé Pierre en me regardant intensément.

J'ai tristement secoué la tête de droite à gauche.

—  Non, il y a trop de lumières. C'est un truc que je fais qu'avec vous.

Pierre a souri, satisfait de savoir que je ne partageais cette activité qu'avec notre bande.

  Nous avons continué à regarder cette bande noir parsemée de diamants, allongés dans le sable frais. Du doigt Pierre nous a indiqué une étoile filante et c'est la tête posée sur son torse que j'ai honteusement souhaité retrouver Oscar.

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