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Jimin

— Sinchon ?

Minho se jette sur la chaise en face de moi et croise les jambes sur mon bureau.

— Crie-le plus fort, je pense que le commissaire, au troisième étage, ne t'a pas entendu, dis-je, en ôtant ses chaussures dégoûtantes de mes dossiers en cours.
— Ne me tente pas. Tu m'expliques pourquoi tu t'es rendu en dehors de notre secteur, et sans moi, ou je m'énerve tout de suite ?

J'ai rendu visite au fournisseur de Dongpyo, avant-hier. Comme prévu, la came était stockée dans la chambre girly de sa petite sœur et, vu la quantité, il aurait pu faire un séjour à l'ombre pour un bon bout de temps.

J'ai trouvé plus judicieux de le mettre dans ma poche : un indic en remplace un autre. Nous avons conclu un accord et, depuis, j'attends impatiemment de ses nouvelles.

— Qui te l'a dit ? demandé-je.
— Ton portable. Il y a un traceur à l'intérieur, je te rappelle.
— Oui, et il est uniquement utilisé par nos supérieurs et en cas d'imprévu pendant une mission. Tu n'es pas mon supérieur, Minho ! Depuis quand tu me fliques ?
— Depuis peu. Et ne me regarde pas comme ça, c'est toi qui m'y forces.

Il prend appui sur les coudes et me fixe. J'ai droit à son air réprobateur, celui du père Minho. Le protecteur.

— Pourquoi tu ne m'as pas informé ? lance-t-il tout bas. Je suis ton coéquipier, Jimin, on doit tout se dire ! C'est comme ça que ça marche !
— Je suis allé à la rencontre d'un nouvel indic, ne te mets pas dans cet état-là pour si peu.
— C'est en rapport avec JK ?

À son ton dédaigneux, je comprends qu'il vaudrait mieux que je mente. Sauf que ce n'est pas dans ma nature.

— Oui, Minho. Je suis toujours sur cette enquête. Je fais mon travail.
— Excuse non recevable. Tu fais ça dans le dos de nos supérieurs, et dans le mien aussi.
— Je ne vais pas m'excuser d'essayer d'arrêter un criminel !
— C'est véritablement ton objectif ?
— Pardon ?

Il me jauge à nouveau et avec plus d'attention. Je n'apprécie pas cet interrogatoire forcé, surtout venant de sa part ; Minho et moi sommes amis avant d'être collègues. Je ne me permets pas ce genre d'intrusion dans sa vie, alors j'aimerais qu'il en fasse de même avec moi.

— Écoute, je suis désolé de ne pas t'avoir prévenu pour Sinchon. J'ai fauté. Mais laisse-moi gérer cette affaire, je suis sur quelque chose d'intéressant.
— Tu n'as pas répondu à ma question, me rappelle-t-il.
— Parce qu'elle est idiote.

Évidemment que je veux arrêter JK, c'est logique !

— Pas tant que ça. Ton comportement n'est pas sensé, Jimin. Tu es obsédé par ce type depuis des mois, tu t'en rends compte ?
— Je suis consciencieux.
— Non. Tu fais tout dans ton coin, tu caches les infos que tu obtiens. Tu m'oublies, alors que je suis là pour t'aider. Tu n'as jamais agi de cette façon depuis que je te connais. Qui est-il pour toi ?
— Un enfoiré qui s'enrichit sur le dos d'une population décadente.
— Pourquoi en fais-tu une histoire personnelle ?
— Je ne suis pas un suspect, arrête avec tes questions.
— Tu devrais savoir qu'en te braquant, tu me mènes sur la bonne piste.

Minho est un homme que je respecte. Il ne me veut que du bien, et je lui souhaite la même chose. Cela étant, je ne divulguerai pas les bribes de mon passé ; si j'admettais connaître JK, il verrait dans mes actes une envie de vengeance, de récupération, ou que sais-je encore d'infondé.

Je désire qu'il aille en prison et ça n'a rien à voir avec notre passif commun.

Je m'acharne, parce qu'il faut que cette ordure quitte les rues de notre ville. Je le déteste, car il représente la lie de l'humanité. Il est toxique. Je le hais. De tout mon cœur.

— Je suis pro, Ok ? dis-je, vexé qu'il pense l'inverse. Je suis une personne droite, alors, quand je te dis que je gère, tu peux me faire confiance.
— Je ne te crois pas.
— Tu veux qu'on aille en salle d'interrogatoire et qu'on me mette un capteur au doigt pour voir si mon rythme cardiaque augmente en fonction de mes mensonges ?
— Pas la peine : je sais quand tu n'es pas sincère.
— Mes félicitations !

Il étire doucement les lèvres.

— Tu le connais, n'est-ce pas ?
— Lâche-moi, Minho.
— Tu as acheté une dose chez lui ? C'est ton amant ?
— Tu deviens lourd, là.
— Un membre lointain de ta famille ? Un ami perdu ?
— Ce n'est personne. JK n'est personne ! Fiche-moi la paix !

Voyant qu'il n'obtiendra rien de mieux qu'une dispute stérile, il abdique et se lève.

— Mets tes sentiments de côté, Jimin. Ça va te bousiller.
— Le détester ne me rendra pas moins compétent.
— Si seulement tu le détestais vraiment...

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Je ne dors plus. Je mange par obligation. J'ai lu et relu son dossier jusqu'à pouvoir en réciter chaque ligne dans son intégralité et sans faute. C'est d'ailleurs à cause de ça que j'ai repéré un détail m'ayant échappé jusqu'ici.

Jungkook évitait de me parler de son grand frère, parce que je ne le portais pas dans mon cœur. À l'époque, je le considérais comme responsable de ses bêtises ; si Jungkook volait dans les magasins, c'était parce que Namjoon le lui avait appris. Il avait découvert l'univers du deal à cause de ce garçon peu recommandable. Je n'aimais pas son influence, il était néfaste. Alors, nous taisions son existence pour ne pas nous énerver l'un contre l'autre. Je ne découvre que maintenant la corrélation entre sa mort et la déchéance de Jungkook.

Il a pris de l'importance dans le gang, dans les semaines qui ont suivi le décès de son frère, et il ne s'est plus arrêté.
C'est un peu comme s'il avait pris sa place, ou bien qu'il essayait d'honorer sa mémoire en poursuivant son œuvre.

Je ne sais pas quoi en penser. Encore une fois, c'est une info qui rend JK humain. Qui le raccroche un peu à Jungkook. À mon Jungkook.

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