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Jimin

La semaine suivante est dédiée au repérage. Le lieu que m'a indiqué Dongpyo se trouve dans un quartier calme. Il y a très peu de passage. Je n'ai répéré présence d'hommes dans l'entrepôt qu'au cours de trois de mes planques : ils n'arrivent jamais à la même heure, ne sont pas chargés de sacs - ils ne transportent donc pas de drogue - et sortent vraisemblablement par l'arrière, puisque je n'en ai vu aucun revenir.

C'est pour cette raison que je fais actuellement le tour du bâtiment. Mon holster et mon arme sont restés dans ma voiture, à deux blocs de là. Si on m'attrape avec ce matériel, j'aurai du mal à mentir sur ma fonction, alors j'ai préféré m'en débarrasser... quitte à courir un risque. Je n'ai pas repéré de caméras, mais je n'en reste pas moins certain que les alentours sont surveillés.

Toutes les portes que je teste sont soit verrouillées, soit bloquées par une chaîne. Je ne perds pas de temps avec les fenêtres : elles sont trop hautes et probablement sécurisées, elles aussi.

Il ne me reste plus qu'à attendre qu'un des hommes transitant ici commette une erreur.

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Six autres jours et autant de planques seront nécessaires pour que ça arrive.

Normalement, ils prennent soin de verrouiller derrière eux ; on entend le loquet de la porte principale lorsqu'ils sont entrés. Le son est discret, mais je suis tellement en alerte que je pourrais repérer une mouche voler à dix mètres.

Cette fois, pas de loquet. L'homme n'a pas mis le verrou. Une occasion pareille ne se représentera pas, alors je quitte mon poste d'observation et foncé vers l'entrepôt.

Minho me hurlerait dessus s'il me voyait : je ne respecte aucune des règles apprises à l'école de police. De plus, mes collègues ne savent pas où je suis. S'il m'arrive quelque chose, seuls mes poings pourront me défendre. Tant pis.

La peur n'est pas un frein chez moi. J'ai grandi avec une figure paternelle forte et autoritaire. Un flic comme les clichés en font si bien ; mon père m'a appris à choisir le chemin le plus droit, même s'il est semé d'embûches. Ce que je dois faire, c'est donc entrer dans ce foutu bâtiment et ramasser assez de preuves pour que JK tombe. C'est mon rôle. Mon but. Alors, je m'y attellerai, quitte à y laisser deux ou trois plumes. Voire plus.

Tout est étonnamment facile.

Je découvre un hangar immense, à peine éclairé et surtout très vide ; mis à part des palettes de bois et des échafaudages, il n'y a pas un chat. Je me déplace avec
précaution parmi les débris de ce qui semble être une ancienne sidérurgie, prête à croiser une tête rousse...

Sauf qu'il n'y a personne. Ni homme baraqué ni drogue entreposée. J'en viens à croire que Dongpyo a été dupé : qu'il m'ait menti n'est pas envisageable, pour la simple et bonne raison qu'il tient à ce que sa famille continue à bénéficier de notre deal. Me mener en bateau le desservirait.

— Surprise ?

Je sursaute brusquement. Ma tête tourne à gauche et à droite, mais je ne repère pas le propriétaire de la voix. Mon corps se poste en position de défense.

— Derrière toi, Jimin.

L'intonation est sensiblement différente, plus grave et sauvage. Elle s'est érodée au fil des ans, donnant naissance à quelque chose que je ne devrais pas
reconnaître.

Et pourtant...

Mon rythme cardiaque explose quand je me retourne. Mes poings se desserrent, comme s'ils estimaient qu'il n'y avait plus de danger. Un mélange d'euphorie et de haine me happe... avec une pointe d'amertume et beaucoup de déception.

Quelque part, je voulais croire que ça n'était pas réel. À quel moment peut-on accepter que son ami d'enfance, un garçon avec le cœur sur la main, bourré de douceur et de gentillesse, soit devenu tout ce qu'on exècre ? Le choc de la réalité me coupe le souffle.

Parce qu'il est bien là.

La dernière fois que j'ai vu Jungkook, j'avais quatorze ans. On s'est embrassés devant chez moi. Il ne savait pas que j'avais rêvé de ce moment pendant six ans. Il n'a jamais su que je nourrissais des sentiments profonds à son égard, parce que j'ai joué le rôle du bon ami au lieu d'être honnête envers lui. Je le trouvais beau. C'était terrible. Chaque fois que je le regardais, mon ventre faisait ce truc idiot, comme des loopings incontrôlables, à en avoir des fourmis dans les bras. Il faisait tambouriner mon cœur et me donnait un sourire béat. Il n'était pas comme les autres garçons et j'aimais cette différence. Moins bête. Plus respectueux. Il ne parlait pas du dernier jeu vidéo tendance ou de la paire de baskets hors de prix qu'il s'était offerte. À vrai dire, Jungkook était peu loquace. On passait notre temps à jouer, parfois, on se laissait aller à une petite confession. Notre amitié était aussi unique que la façon dont nous nous étions rencontrés.

En fait, j'étais clairement sous le charme... même quand il revenait de chez l'épicier du coin avec les provisions qu'il avait dérobées. Même quand j'ai
compris qu'il suivait les traces de son grand frère. Même quand j'ai vu qu'il prenait peu à peu la tangente. Jungkook était mon secret. Ce garçon dont je ne parlais à personne, mais qui me rendait heureux .

Je n'ai pas arrêté de penser à lui le lendemain du baiser. Le matin, je m'étais coiffé et habillé, je portais son bracelet. J'ai quitté le collège telle une furie en transe, au point que je suis arrivé en avance à la maison. Je l'ai attendu pendant plus de quatre heures, mais il ne s'est pas montré. Ni ce jour-là ni les autres.

Je ne l'ai jamais oublié. Onze ans ont passé. Et le voilà à quelques mètres, avec son regard profond sensationnel, ses cheveux en bataille, et une vie qui me dégoûte.

Le trop-plein d'émotions est compliqué à gérer. Je n'ai pas besoin de lui poser la question, je vois qu'il m'a reconnu.

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