17

Jimin

Trois semaines. Vingt et un jours se sont écoulés depuis ma démission.

Mis à part l'ennui mortel et le binge-watching sur Netflix, je me porte plutôt bien. Mon père a été informé la semaine dernière de mon émancipation de la sphère policière, et il m'en veut énormément. Ça ne me fait ni chaud ni froid, pour être honnête... Cette profession était le rêve du Park Jimin parfait, pas celui de l'être humain que je suis en réalité. Il devra s'en accommoder.

Un plaid sur les jambes, je poursuis mon incursion obscure au sein des séries télévisées. Le solitaire aigri qui sommeille en moi ne peut s'empêcher de râler à propos de chaque fait et geste des personnages. Ils se plaignent de problèmes qui me dépassent, j'aurais presque envie d'écrire une lettre aux producteurs pour leur expliquer qu'un concours de beauté ne vaut pas tant de drames. Mettez quelques dealers et un amour impossible, ça sera plus parlant.

Un bruit à ma fenêtre me détourne d'une énième scène absurde. Je fronce les sourcils en constatant une légère fissure sur mon carreau.

— Il ne manquait plus que ça...

Je lâche le plaid et gagne la fenêtre. J'ai envie d'insulter les gamins qui s'amusent à balancer des cailloux sur la façade de l'immeuble, mais reste coi et, durant une seconde, mon cœur lâche.

L'instant d'après, les souvenirs me submergent, et je me dirige vers l'Interphone sans chercher à comprendre : avant que ma tête ne me prévienne de ma bêtise, j'active l'ouverture de la porte d'entrée du bâtiment.

Fais marche arrière.

Mauvaise idée.

Tu le veux. Alors, fonce.

Arrête de peser le pour et le contre, tu sais que c'est mal.

Il est déjà là, autant lui ouvrir la porte.

Cette dernière réflexion a raison de moi.

Fébrile, je déverrouille la serrure et prends une profonde inspiration. Une foule d'émotions se bousculent dans ma tête. Une part de moi continue de le rejeter, comme si mes années dans la peau d'un homme exemplaire m'avaient conditionné à repousser mes désirs profonds. L'autre part veut le voir plus que tout. Et c'est elle qui l'emporte.

L'escalier craque. Le rythme de ses pas est trop lent, comparé aux battements de mon cœur. Je finis par ne plus en pouvoir et me rends sur le palier.

Je redoute la syncope quand il arrive enfin... et je sens avec précision où ses yeux se posent.

— Bonsoir.

Les commissures de ses lèvres se relèvent légèrement ; ça peut signifier mille et une choses, qui se répercutent en moi comme la réponse à toutes mes questions.

Posément, il extirpe mon bracelet de sa poche.

— J'ai l'impression de passer mon temps à te le rapporter.
— Tu es quelqu'un de persévérant.
— Pour certaines batailles uniquement.

Il me rejoint d'une démarche assurée et, en douceur, s'empare de mon poignet ; je le regarde y attacher son présent abîmé par les années, sans oser m'aventurer vers son visage.

Il ne me fait pas peur, seulement, à cet instant précis, je suis intimidé.

— J'ai déplacé mes affaires à Busan. La totalité de la marchandise est dissimulée dans les sous-sols d'une usine textile. Ce n'est pas le meilleur coin de l'État pour un trafiquant ayant la SMPA aux fesses, mais, en attendant, ça devrait suffire.
— Tu ne devrais pas me dire ça.

Contrairement à moi, il n'hésite pas à me regarder. La chaleur de ses iris fond sur ma peau.

— Je pourrais te dénoncer, Jungkook.
— Si tu sens que c'est la bonne chose à faire, alors vas-y.

Il me prend le menton, m'obligeant à ne pas détourner les yeux.

— Je suis un connard, Jimin. Un rebus de la société. Ma place est en prison et on le sait tous les deux.
— Alors, dénonce-toi.
— Si tu ne le fais pas avant moi, je m'y appliquerai. Je t'en fais la promesse.
— Seulement quand tu auras terminé ce que tu as commencé, lancé-je.

Je sais qu'il a besoin de mettre Kai à terre. C'est viscéral, il veut venger son frère. Il continuera à graviter dans cet univers tant que l'homme responsable de cette tragédie ne sera pas mort.

Est-ce que je le comprends ? Oui.

Est-ce que je cautionne ? Pas vraiment.

Est-ce que je veux l'arrêter ? Non.

— Qu'ai-je à voir dans tout ça ?
— Dans ma vengeance ? Rien du tout. Mais tu fais partie du reste.

Il arbore un sourire doux.

— Je voudrais continuer d'avancer sans te mêler au merdier que représente ma vie, mais plus le temps défile, plus j'ai peur que tu disparaisses pour toujours. Je ne peux ni me passer de toi ni te forcer à être avec moi, et c'est là le nœud du problème.

Il lâche mon menton pour poser son front contre le mien.

— Je voudrais que tu me prennes, moi, ce qui implique de récupérer le bordel qui va avec. Tu as un sens de la justice qui dénote avec mon monde. Tu n'es pas taillé pour accepter ce qui m'a forgé. Clairement, tu as tout à perdre...
— Mais ? Il y a un «mais», non ?

Il caresse ma joue, et je succombe à ce geste tendre.

— Mais je suis amoureux de toi. Je t'aime, Park Jimin. À un point tel que je refuse que mon bracelet quitte ton poignet, et que je suis prêt à faire ce que tu veux, pourvu que tu veuilles de moi.

On pourrait juger ma décision. Ou la sienne. Qualifier notre histoire d'insensée ou d'irréelle. Il y a fort à parier que Minho n'aura plus que des termes dédaigneux à mon égard, ou que mon père pleurera son fils.

En posant ma bouche sur la sienne, je scelle un amour compliqué, qui n'aurait jamais dû exister. Le fait est que j'ai choisi de suivre la voix du cœur, et je ne m'excuserai pas.

— Jure-moi qu'une fois Kai hors d'état de nuire, tu...
— Je te le jure, me coupe-t-il, avant de m'embrasser à nouveau.
— Dis-le-moi.

Son nez caresse le bout du mien, et c'est avec un sourire rayonnant une sincérité rassurante qu'il murmure :

— Je ne t'abandonnerai plus. On marche à deux, maintenant. Pour toujours.

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