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Jimin

Tenter. Se prendre des portes. Réessayer. C'est à force de persévérance que je
finis par récupérer une info.
Elle me vient d'un des hommes de Kai, après un mois à investiguer. C'est une tête brûlée qui rêve de voir l'ennemi de son chef en prison. Ou mort. Quand
il a saisi mes intentions, il m'a livré l'un des lieux où le gang de JK passe ses fins de soirée.

Ce n'est ni un pub branché ni un bar morbide. L'adresse me mène dans les artères sombres de Séoul, où des bâtisses en lambeaux, remplaçant les belles maisons, sont occupées par des camés sans domicile fixe, ou des hommes armés.

Un gringalet émacié en garde la porte. Je ne m'arrête pas à sa carrure peu effrayante, je suppose que, s'il est là, c'est pour une bonne raison : soit il sait se battre, soit il a appris à viser.

Il me refuse l'entrée d'un vague mouvement de la main.

- Je sais que JK est à l'intérieur, dis-je.
- Dégage !
- Je sais que tu sais qui je suis.

Comme il ne réagit pas, à part avec un microscopique
froncement de sourcils, je poursuis :

- Je ne porte ni ma plaque ni mon flingue, mais il paraît que j'ai la tête de l'emploi.

Il croise les bras sur le torse, l'air amusé.

- Dévoiler ton identité, c'est plutôt risqué ici, mon mignon. On n'est pas trop fans des poulets.
- J'ai quelque chose à dire à JK. Fais-le venir.
- Bien sûr. Tu veux un thé pour patienter ?
- C'est important.
- Allez, je suis sympa, je te laisse te casser sans t'abîmer le visage. Mais un conseil : ne reviens jamais.

Voilà. Encore une réaction exagérément calme à mon encontre.

- Vous avez eu une photo de moi, en même temps que les directives ?
- Va-t'en.
- Je me pose la question... C'est dingue, vous êtes tous des anges !
- Pour la dernière fois : disparais.

Mon sourire l'exaspère.

- Tu as aussi reçu l'interdiction de me toucher ?
- Écoute, tu...

J'écrase le coude sur sa glotte et le projette contre la porte. Son premier réflexe est de m'enserrer, mais j'ai quelques années d'entraînement à mon actif ; les cours de self-défense avec Minho sont parfois utiles.

- Park Jimin. Ton patron m'a mis sur liste noire depuis quelques semaines, mais ça, tu le sais déjà. Je ne suis pas là pour l'arrêter, au contraire. Alors, laisse-moi entrer dans ce taudis avant d'être asphyxié.
- Hé ! Il se passe quoi, là ?

Je relâche la pression sur sa gorge. S'il pouvait me frapper, je baignerais dans mon sang. Malheureusement, il n'en a pas l'autorisation.

- Rien, lance-t-il à l'intention de l'autre homme. Fais-le entrer.

Le nouvel arrivant m'ausculte de bas en haut, puis s'étonne.

- C'est pas le délire de la maison...
- C'est pas à toi de décider de ça. Grouille !

_____

La fête se déroule au troisième étage. La cage d'escalier est inondée de tags et de fumée, si bien qu'on ne distingue plus les marches. Je ne me prononcerai pas sur la musique qui résonne, c'est une insulte pour mes tympans.

Un autre garde est prostré devant la porte de l'appartement. J'ai droit à une seconde étude en règle et, comme précédemment, il semblerait que mon look ne
fasse pas l'unanimité. J'en comprends la raison en pénétrant dans les lieux.

Les femmes, indénombrables, sont plus que dévêtues. Cela va de la robe moulante au microshort en satin. Très joli, mais peu couvrant.

On me dévisage, tandis que je gravite parmi les invités ; drogue, alcool et sexe. Cet endroit pue la débauche. La décadence est telle que certains dorment sur les canapés, un verre encore plein entre les doigts.

- Tu es perdu ?

On me le demande quatre fois d'affilée, dont deux avec une main plaquée sur mes fesses.

- Où est JK ? m'enquiers-je, en repoussant l'importun.
- T'es pas sa came. Trop coincé.
- C'est à lui de le dire.

Le type ricane et, sans surprise, explose le record du lourdingue en regardant mon postérieur comme s'il détenait les réponses à tous les secrets de l'univers.

- JK, lui rappelé-je.
- Il est occupé pour le moment, mais pas moi.
- Ce n'est pas toi qui m'intéresses.
- Je suis plus doué que lui.
- À draguer comme un novice ? Je n'en doute pas.

Un doux « connard » siffle à mes oreilles, tandis que je décortique le salon des yeux. Le nombre de bras tatoués au centimètre carré est phénoménal.

Pour parfaire le cliché, je ne serais pas surpris de découvrir quelques bracelets électroniques aux chevilles.

Le séducteur parti, on m'aborde à plusieurs reprises. Les compliments vont bon train ; j'apprends d'ailleurs que j'ai un « cul de bombe » et une « bouche à pipe ». Un délice.

Les minutes s'écoulent, et je ne parviens pas à trouver celui pour qui je suis venu , même en visitant les toilettes ou la salle de bains.

- Pas par là.

On me stoppe à l'orée d'un couloir. Un énième homme, une espèce de vigile, me fait signe de rebrousser chemin.

- Il y a quoi, là-bas ?
- Les chambres.
- C'est le mot correct pour
« baisodrome » ?

Il pince les lèvres, contenant visiblement un sourire narquois.

- Tu n'es pas un habitué, toi.
- Disons que je suis en plein stage d'immersion.
- Alors, retourne au salon et fais-toi plaisir avec une boisson. Avec un peu de chance, tu reviendras ici accompagné et, cette fois, je te laisserai passer.
- Ce programme est très alléchant, mais je préférerais avoir un aperçu des lieux en amont. Je peux visiter ?

Le grincement d'une porte attire mon attention. Une brune plantureuse jaillit d'une des chambres, avec une tête aussi débraillée que sa tenue. Le vigile sourit en la voyant, puis revient à moi.

- On ne visite pas, comme tu peux le constater.

Une seconde personne sort de la chambre. Son profil me retourne instantanément l'estomac, mais ce n'est rien comparé à l'instant où sa bouche plonge sur celle de la femme.

Quelque chose se déchire en moi. Je n'ai pas d'image plus parlante.

Il la bloque contre le mur et l'embrasse avec une impatience animale. Si je ne les avais pas vus sortir de la chambre, j'aurais juré qu'ils s'apprêtaient à faire l'amour, et non qu'ils l'avaient fait.

La douleur dans ma poitrine est ignoble. Je ne comprends pas pourquoi je me sens trahi, blessé. C'est une réaction inappropriée à une situation somme toute logique ; il couche avec qui il veut comme je couche avec qui je veux.

Pourtant, j'ai mal.

_____

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