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Jimin


— On ne devrait pas être là.

Minho observe l'immeuble avec dédain. Je ne peux pas lui en vouloir, même s'il est censé soutenir mes idées : entre coéquipiers, on se serre normalement les coudes.

— Éteins les phares, dis-je.
— Pour quoi faire ? Tu veux qu'il nous remarque, non ?
— Lui, oui. Mais pas ses parents.
— On est en terrain hostile, Jimin. Le quartier entier sait que nous sommes là, ses darons y compris.
— Éteins les phares, s'il te plaît.

Il s'exécute à contrecœur. J'aperçois plusieurs guetteurs, et suppose qu'ils ont déjà prévenu leur chef de notre arrivée : une bagnole de flics ici, même banalisée, c'est comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, ça n'a rien de discret.

Minho, fidèle à son aigreur, attrape son tacos et le dévore en bougonnant. Il mange mexicain uniquement quand on est en planque. Je ne sais pas pourquoi. C'est une habitude que j'ai découvert lorsqu'on a été mis en tandem, il y a trois ans.
Depuis que j'ai été embauché, donc.

— Tu devrais avaler un truc, dit-il, Ça risque de mettre une plombe.
— Il sera plus rapide que tu ne le penses.

Effectivement, mon indic met moins de cinq minutes à sortir de l'immeuble. J'ai droit à un regard noir lorsque je m'extirpe de la
voiture.

— Qu'est-ce que tu fous ici ?
— Monte.

Il jette un coup d'œil aux alentours, l'air anxieux, puis fait non de la tête.

— Tu veux que je me fasse buter ou quoi ? Vous êtes pas discrets !
— Ça fait une semaine que j'attends de tes nouvelles. Tu devais me donner des infos, tu te rappelles ?

Il serre la mâchoire.

— C'est compliqué, Ok ? Et merde ! Pas ici ! T'es chez moi, là !
— Monte dans la voiture, Dongpyo.

Il déteste quand je l'appelle par son prénom. Il a dix-sept ans, c'est un gamin à problèmes comme il est commun d'en rencontrer dans son milieu. J'ai réussi à le corrompre en échangeant ses infos contre de l'argent. Basique. La pension d'invalidité de son père ne suffit pas à subvenir aux besoins de la famille. Quant à sa mère, elle cumule les jobs pour rien. Je ne pouvais pas mieux tomber.

— Allez, insisté-je.

Il me jette un autre regard assassin, avant de s'installer à l'arrière. Minho l'accueille avec des restes de sauce au coin de la bouche, tandis que je claque ma portière.

— T'en veux ? lui lance mon coéquipier, le tacos dégoulinant entre ses doigts.
— Je suis végétarien.
— Tu déconnes... T'es un dealer accro à la cause animale ? C'est possible ?
— Si je te dis de la fermer, tu vas mal le prendre ?
— Ça se pourrait, ouais.

J'apprécie moyennement le manque de respect. Je pivote vers Dongpyo et lui demande silencieusement de ne pas surenchérir. On a d'autres chats à fouetter. Il se renfrogne sans piper mot ; j'ai conscience d'exercer une certaine autorité sur lui. Il m'écoute et me respecte, non pas parce que je bosse dans la police, mais parce que je n'ai qu'une parole.

Je l'aide financièrement depuis des mois, et ce, en tirant les sommes de mon propre compte en banque. La SMPA -Agence de police métropolitaine de Séoul- n'est pas au courant de notre accord. À vrai dire, personne à part Minho ne sait ce que je fais en dehors de mes heures de boulot.

— Tu as ce que je t'ai demandé ?

Il se tasse sur son siège, et fuit mon regard.

— Si je te donne l'adresse, on saura que ça vient de moi. J'ai posé trop de questions.
— Je te protège, Dongpyo , tu le sais. Fais-moi confiance.
— C'est pas le problème. On égorge les balances, au cas où tu l'aurais oublié.
— On t'égorgera si je fais une bourde, et ça n'est pas dans mes habitudes. Je gère la situation, ne t'inquiète pas.

Son genou remue frénétiquement sous le coup du stress. Je pourrais m'en vouloir de le mettre dans une telle situation, mais je sais ce que je fais. Je suis sur cette enquête officieuse depuis tellement de temps qu'elle fait désormais partie de moi. Je me réveille en y pensant et je m'endors avec les fiches de recherche sur le ventre. Je ne vis que pour ça. Parfois, je crois que je suis entré dans la police par sa faute; même si mon père a eu un impact indéniable sur mon choix de carrière, mon cœur a eu son mot à dire, lui aussi.

Un long échange s'opère à travers le rétroviseur. Dongpyo hésite et je le comprends. Il risque gros. Cependant, je suis honnête quand je dis qu'il peut me faire confiance : si on veut toucher à l'un de ses cheveux, il faudra d'abord me passer sur le corps. Mon intégrité envers lui est totale.

— L'entrepôt au coin de ***** . C'est là qu'ils stockent les arrivées depuis l'Amérique du Sud, lâche-t-il d'une traite.

J'opine calmement, malgré le grand huit qui se joue dans mon ventre.

— Tu es sûr de toi ? demande Minho.
— Ce sont des rumeurs, je peux rien confirmer. Je suis un dealer, c'est le bas de la pyramide.
— Si tu nous embarques dans un piège, je te jure que ta famille ne s'en sortira pas indemne !
— Ne mêle pas mes parents à ça, grogne-t-il.
— Il faut que tu saches les risques que tu encours à nous mentir, gamin.
— Je mens pas ! Jimin voulait des infos, je me suis cassé la tête pour les choper, alors me fais pas chier !
— Détends-toi, je te préviens, c'est tout...
— Tu me menaces, corrige Dongpyo avec justesse.
— Si tu te sens en danger, c'est que tu as quelque chose à te reprocher.
— Arrête, Minho !interviens-je. Il a compris.

Dongpyo ouvre la portière sans attendre. Minho hausse alors les épaules et baragouine qu'il ne fait que son travail.

— Hé ! Merci. Ton aide m'est précieuse, je te revaudrai ça, dis-je en rejoignant l'adolescent.

Il acquiesce brièvement, l'air toujours aussi crispé.

— Pourquoi tu fais une fixette sur JK ?

Le surnom déclenche en moi un frisson.

— Je veux dire, t'es pas le premier à vouloir le coffrer, mais on dirait que ça te tient à cœur, ajoute-t-il.
— Qu'est-ce qui te fait croire ça ?
— Tu m'as demandé d'être ta taupe il y a quasiment un an, et vu comment tu te fringues, tu roules pas sur l'or. L'argent que tu donnes à mes parents, c'est pas celui de la SMPA, j'en suis sûr. Tu la joues perso.

Je lève un sourcil admiratif.

— Ton analyse est intéressante, mais mes motivations ne te concernent pas. Je déposerai le liquide comme convenu, à l'endroit habituel. Si tu as du nouveau, j'apprécierais que tu m'en fasses part.
— Tu sais que JK n'est pas débile, hein ? Si tu l'approches de trop près, il se débarrassera de toi.
— Serait-ce de l'inquiétude que je perçois dans ta voix ? dis-je, amusé.
— On mange jusqu'à la fin du mois grâce à toi, alors oui, je préférerais que tu ne meures pas tout de suite.

Je secoue la tête, tandis qu'il fait demi-tour. Me prévenir quant au danger que représente cet homme est inutile, je suis déjà au courant. JK est mon obsession, et ça ne date pas d'hier. Des flashs du passé me reviennent soudain en mémoire, des moments vécus sur mon perron... des tonnes de nourriture... des jeux stupides... mais, comme toujours, je les chasse.

Ils ne doivent pas interférer dans mon objectif actuel. Jungkook n'existe plus. Désormais, c'est à JK que j'ai affaire. Et à lui, je ne ferai pas de cadeaux.

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