Fais-toi belle
Madge descendait tranquillement les escaliers. Ses cheveux bruns et courts étaient désordonnés et ses lèvres roses étirées en un sourire. Elle portait son plus joli sweat avec un jean qui la mettait en valeurs. Elle se sentait bien comme ça. Elle était à l'aise, et elle se sentait elle-même, comme si ces habits étaient une seconde peau. Sa mère, en bas des escaliers, leva les yeux vers elle. Elle poussa alors un long soupire, l'air agacée.
- Bon dieu Madge, nous sortons ce soir ! Fais-toi belle.
Madge se figea et son sourire s'évapora. Elle se trouvait belle comme ça. Alors que signifiait vraiment ce « fais-toi belle » ?
Madge, obéissante, remonta à toute vitesse. Elle alla toquer à la chambre de sa sœur pour lui demander conseil.
- Maman veut que je me fasse belle, mais je ne sais pas comment faire.
En bonne grande sœur, Aurore arrêta ses occupations pour gratifier sa sœur d'un grand sourire. Elle se leva et se dirigea vers son placard, qu'elle ouvrit grand.
- C'est simple, dit-elle, pour être belle, il faut porter une robe.
Elle fouilla à travers ses nombreux vêtements, puis dénicha l'objet convoité. C'était une robe noire, un peu courte sans être vulgaire et moulante.
- Tu vas être magnifique dedans. Assura-t-elle.
Madge la saisit, un peu hésitante. Ce n'était vraiment pas le genre de chose qu'elle portait d'habitude, mais si c'était ça se faire belle, alors elle le ferait. Elle remercia sa sœur puis partit dans la salle de bain se changer. Elle se regarda dans la glace une fois habillée. Il est vrai qu'elle paraissait plus apprêtée, mais elle avait l'impression qu'il manquait quelque chose. Perdue devant son reflet, elle finit par attraper son téléphone et appeler sa meilleure amie, Lilas.
- Ma mère veut que je me fasse belle, j'ai mis une robe, mais je sais que ça ne suffit pas. Qu'est-ce que je dois faire ?
- J'arrive à la rescousse.
Peu de temps après, la jeune fille sonnait à sa porte. Elle était venue armée d'un grand sac, qu'elle présenta comme « tout ce qu'il faut pour être belle » Elles montèrent à l'étage et Lilas ouvrit grand son sac, qui était rempli de produit de beauté.
- C'est simple, pour être belle, il suffit de se maquiller.
Comme Madge n'y connaissait rien, ce fut Lilas qui se chargea de son maquillage. Elle mit du rouge sur ses lèvres, appliqua du mascara sur ses cils, étala un discret fond de teint sur sa peau puis lui donner un air plus lumineux. Elle lui mit même du verni, pour qu'elle soit belle jusqu'au bout des ongles.
- Merci. Fit Madge comme à contre-cœur.
- Mais de rien, c'est ça être une meilleure amie.
Lilas partit, et Madge revint à la salle de bain. Elle eut du mal à réaliser que c'était bien elle devant le miroir. Elle ne ressemblait pas du tout à la Madge habituelle. A la vraie Madge. Un malaise l'envahit face à cette vision. Pourquoi devait-elle porter un masque pour qu'on la trouve belle ? Elle ne se reconnaissait plus. Etait-ce donc comme ça qu'on l'aimait ? A des kilomètres de sa personnalité ? Elle descendit les escaliers, et sa mère, en la voyant, sourit de satisfaction.
- Tu es splendide ma chérie.
Bizarrement, ça ne lui fit pas plaisir du tout.
- Chérie, est-ce que ça te dérangerait d'aller jeter cette boîte dans le tri écologique dehors ? reprit-elle immédiatement en lui tendant la boîte.
Madge la saisit avec un sourire forcé.
- Pas de problèmes.
Elle enfila un manteau et sortit. Elle n'était pas du tout à son aise dans cette robe trop serrée. Elle avait comme l'impression d'être une intru dans ces vêtements, comme si elle n'était, tout d'un coup, plus à sa place. Elle soupira et jeta la boîte à la poubelle.
- Oh tiens, salut Madge ! s'écria une vois derrière elle.
C'était Noah, son voisin. Ils se connaissaient depuis leur plus tendre enfance et avaient toujours été très proches. Elle fit volte-face et il lâcha un « Wow ».
- Quel changement ! s'exclama-t-il.
Il avait l'air déstabilisé. Son malaise se renforçant, elle haussa les épaules en essayant de paraître désinvolte.
- Ma mère m'a dit de me faire belle, et comme je ne savais pas vraiment comment faire, ma sœur et Lilas m'ont donné un coup de mains.
Le visage du garçon se fit grave.
- Mais Madge, pour être belle, il suffit simplement de rester toi-même.
Elle sourit, gênée. En réalité, avec tous ces avis et ces jugements, elle ne savait plus vraiment qui être. Le garçon reprit :
- Parce que tes cheveux ont cette manière d'être désordonnés, et tu as cette façon de sourire. Parce que tu ris trop fort en public mais c'est ça qui me plait. Parce que tes sweats sont trop grands mais comme ça tu es libre dans tes mouvements. Parce que tes yeux brillent de cette manière. Parce que tu as ce petit grain de beauté, caché sous ton fond de teint. Parce que tu as toutes ces choses qui font de toi Madge, et personne d'autre. Toutes ces choses qui te rendent uniques, ce sont celles qui te rend belle.
Emue, elle ne dit rien. Pendant tant de temps, elle avait attendu ses mots. Elle ne voulait pas être belle, elle voulait être Madge. La petite Madge qui chante faux et qui ne se tient pas correctement à table. Elle n'avait pas envie d'être cette image de fille bien comme il faut. Elle voulait être Madge. Et lui l'avait vu, lui l'avait comprise.
- Tu m'aimes ? demanda-t-elle timidement.
Il roula des yeux.
- Bien sûr que oui.
Il se pencha pour déposer ses lèvres contre les siennes, mais elle recula.
- Madge ne t'embrasserait jamais avec du rouge à lèvre. Dit-elle. Attends-moi là.
Elle partit en courant et monta les escaliers à toute vitesse. Puis elle les redescendit, comme elle était avant : démaquillée, vêtue d'un sweat, un grand sourire aux lèvres. Elle enfila son manteau et rejoint le garçon.
- C'est bon, je me suis faite belle. Déclara-t-elle.
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