Chapitre 21: Le garçon des arts
Chapitre 21: Le garçon des arts
Ce chapitre sera raconté du point de vue de Thao.
Quel beau bébé, quel magnifique petit, quel beau garçon... Combien de fois ai je entendu ces mots ? Des centaines, des milliers de fois depuis ma naissance, et j'étais encore trop jeune pour comprendre pourquoi tant d'adulte me regardaient d'un regard avide. J'étais né dans une famille modeste, pas extrêmement pauvre mais ne possédant pas une fortune gargantuesque non plus. J'étais beau, c'est ce que mes parents me répétaient le plus, ils faisaient tellement attention à moi, je prenais cela pour un amour parental normal. J'étais si loin de la vérité.
Déjà à mes trois ans, ils me maquillaient de façon à me rendre encore plus androgyne que je ne l'étais déjà. Là était la particularité des standards de beauté de notre pays, l'androgynité en était le plus beau critère. Je me souviendrai toujours de cette femme qui était venue voir mes parents quand j'allais sur mes sept printemps.
Je lisais les pages, ou plutôt les images, d'un livre parlant de l'art des Geiko. Ils sont les hommes et les femmes les plus raffinés du royaume de Shidareyanagi. Ils étaient grands, gracieux, élégants, derrière ce masque de peinture je me demandais à quoi ils ressemblaient. Leurs traits si fin, sublimés par l'art du maquillage ne pouvait laisser personne indifférent. Un tel charisme et une telle prestance n'était pas une chose qu'un être humain de pouvait ignorer.
Leurs danses étaient vus comme le spectacle le plus gracieux et le plus noble de tout l'empire. Avoir un Geiko à sa fête ou s'en offrir les services était vu comme une réussite sociale. Impossible de savoir si c'était une femme ou un homme sous la pâleur de ce teint. J'avais déjà eu la chance d'observer un spectacle. L'histoire d'un jeune homme allant voir l'esprit de la forêt pour le soigner d'une malédiction lancée par un sanglier possédé par un démon.
Alors que j'imaginais des danses gracieuses, sous un déluge de pétale de cerisier, une personne frappa à la porte. Vu la réaction de mes parents, ce visiteur était attendu, je continuai donc à vaquer à mon occupation.
- Bonjour monsieur Ténaludieh. dit l'invitée.
- Toutes mes salutations dame Ishikawa, heureux de vous voir dans notre modeste demeure.
- Tout le plaisir est pour moi, je suis impatiente de voir votre fils !
- Vous allez être satisfaite dame Ishikawa ! ajouta ma mère, un sourire que je sais maintenant intéressé.
Cette femme se présenta alors devant moi, même à cet âge je devinai qu'elle était richissime. Le teint pale, elle me dévisagea de ses incroyables yeux, jamais je n'ai su comment elle faisait pour obtenir ce regard. Le blanc de ses yeux était d'un bleu proche du grisâtre, et ses pupilles en forme de croix. Son fard à paupière rouge amplifiait son air effrayant et attirant. Une sorte de curiosité un peu morbide m'empêchait de me décoller de ses yeux quand elle me parlait. De ses getas claquants sur le sol, elle s'approcha de moi qui était simplement assis par terre au niveau de la bibliothèque.
Elle me toisa du regard en agitant son éventail raffiné ses mains gantées de velours. Cette femme, un peu maigre, portait une qipao bleu turquoise avec des fleurs de lotus pourpre. En voyant mon visage se relever, elle sourit et agita sa tête d'un air satisfait. Ses boucles d'oreilles de perle nacrée tintèrent d'un petit son aigüe ainsi que les chaines accrochées à sa broche a cheveux florale.
- Tu es bien Thao mon petit ? fit elle d'une voix douce mais non forcée.
- Oui dame Ishikawa !
- Oooh, c'est bien, tu as déjà retenu mon nom ! Tu es vraiment un joli garçon tu sais !
- Vous êtes très belle aussi dame Ishikawa !
- Dis moi, tu aimes les Geikos ?
- Oui ! J'adore ça ! Vous en êtes une ?
- Ohoh, j'étais mon garçon ! Maintenant je dois dénicher les jeunes talents ! Ça te dirais d'apprendre à en devenir un ?
- C'est vrai ? Papa et maman sont d'accord ?
- Bien sur mon amour ! Tu vas même rejoindre une école spécialisée à partir d'aujourd'hui ! dit mon père.
- C'est assez soudain comme nouvelle je sais, mais tu ne vas plus habiter ici durant la semaine ! Tu reviendras les weekend !
- Je peux prendre ma trousse de maquillage ??
- Ohoh, bien sur mon petit ! dit l'invitée. Mais tu auras de bien meilleurs produit sous peu, je te le garanti !
- J'y vais quand !??
- Dès le début de la nouvelle semaine ! Tu verras, tu vas te plaire ! Mais avant, tu peux me faire un petit spectacle ?
- Avec plaisir dame Ishikawa !
Je suis alors monté dans ma chambre et me suis habillé dans mon yukata habituel pour danser. De mes petites mains, je me me maquillai comme à mon habitude, je m'appliquai avec soin mon rouge à lèvre et réajustai ma coiffure avant de redescendre. Je me mis à danser gracieusement selon les pas de la pièce que je jouais. L'histoire de la princesse de la vallée des vents, elle demandais des pas et des mouvements très amples et légers pour représenter la brise légère faisant voler son planeur.
Après ma prestation, Miyuki Ishikawa m'applaudit courtoisement et reposant la coupe de saké que mes parents lui avait offert.
- Tu es très doué Thao, je suis sure que tu seras très courtisé dans quelques années.
- Cela serait un honneur que notre fils devienne le plus grand Geiko de notre bel empire ! dit ma mère.
- Ce n'est à en point douter !
De mes sept à douze ans, j'ai passé ma vie dans cette école d'art. À chaque fin de semaine je retournai chez mes parents. Puis au bout de quelques mois, les prétextes pour que je reste ne faisaient que croître. Mon père alité, un simple manque de temps, un voyage pour affaire, tout y passait et je n'y avais vu que du feu. J'avais mis du temps pour m'en rendre compte, mais les faits étaient là, mes parents m'avais vendu. Je n'étais qu'un enfant beaucoup trop faible et innocent, je ne pouvais m'enfuir, ni même réaliser.
Ce fut durant ma douzième saison je suis devenu un vrai Geiko. Comme mes camarades, une partie de l'école nous était rigoureusement dédiée. Des clients venaient réclamer nos services directement à dame Ishikawa. Nous allions chez eux et faisions démonstration de nos talents. Il n'y avais aucune jalousie entre les autres enfant et moi, que ce soit pour notre visage ou nos danse. Nous nous ne serrions pas les coudes non plus, c'était une très ambiance très étrange. Rarement des conflits éclataient, mais dame Ishikawa venait en personne régler la situation en un tour de main.
Jamais je ne l'ai vu hausser la voix ou s'énerver, toujours calme et passive, son simple regard suffisait à nous calmer. C'est un soir que j'ai entendu ma première histoire sordide, Robin racontait qu'un des clients l'avait ''légèrement'' dévêtue après sa performance, puis lui avait demander une tenue plus ''attirante'' pour la prochaine fois. Comme elle, et les autres, je minimisais la situation. C'était simplement client plus exigeant voilà tout, d'ailleurs dame Ishikawa nous le répétait régulièrement, trop régulièrement.
Une fois nos treize ans atteint, nous étions exposés dans la rue. Dans une sorte de grande roulotte avec des barreaux pour permettre aux clients de nous voir sans pour autant nous toucher. Mécaniquement, nous dansions ensemble devant des visages extasiés, ou alors étaient ils lubriques, je n'arrivais pas à le voir.
C'était durant une journée pluvieuse que nous nous sommes rencontrés la première fois. Une certaine fille plus âgée que moi aux cheveux roux fuyait la garde, pieds nus sur les rudes pavés de l'allée. Je trouvais ses cheveux ébouriffés et sales plutôt jolis si je pouvais les coiffer. La garde interpella les rares passants pour tenter de l'attraper. Les citoyens coopérèrent et se jetèrent sur elle. Heureusement, elle parvint à se dégager en les frappant de ses bras déjà vaillants du haut de ses quatorze ans. Cette jeune fille réussit à se débarrasser de ses poursuivants mais écopa d'une sale estafilade sur le ventre et d'une entaille au front. Alors que je la voyais grimacer de douleur, et que son sang se mélangeait à l'eau ruisselante, elle se baissa pour fouiller ses adversaires assommés.
Elle nous jeta un regard noir, suivi d'un rictus de mépris avant de s'essuyer le visage avec un pauvre bout des manches encore relativement propre de ses assaillants. Instinctivement, je sortis de ma petite poche un mouchoir et le lui tendis à travers les barreaux.
- Tiens, cela sera mieux. dis-je gentiment.
- Boucle-la Geiko, j'sais même pas si t'un mec ou nana...
Lía me dévisagea et s'enfuit.
Le lendemain, tard dans la nuit, éclairé par les lampions, j'étais le seul à être dans la cage. Mes amies étant parties travailler avant moi. J'avais un client dans quelques heures, dame Ishikawa jugeait que je pouvais prendre une personne avant de partir. Tous mes amis m'avaient raconté que eux aussi certain client avaient certaines idées bizarres, homme comme femme, peu importe notre sexe. Mais aucun d'entre nous ne semblait affecté, comme si c'était normal.
J'étendis des bruits de pas se rapprocher, j'ai commencé à me mouvoir pour attirer les clients, machinalement, et se fut Lía qui se présenta. Elle s'assit à même le sol pour ne pas être dans le champ de vision si l'on regardait par la fenêtre de l'école.
- Oh, c'est vous ? dis-je posément. Êtes vous en bonne santé ?
- Quelques bandages m'ont suffit ! Je peux pas m'éterniser longtemps mais je vais aller droit au but ! Tu peux me filer un peu d'argent ?
- Vous manquez cruellement de tact !
- C'est bien possible ? Et alors ? Si t'es pas content, je peux t'enfoncer mon poing dans la tronche ?
- Ne touchez pas à mon visage ! C'est un grave délit de frapper un Geiko
- Réponds alors !
- Vous pensez que j'ai de l'argent sur moi ? Je ne fais mon travail ici ! dis-je en commençant à danser.
- Vous gagnez une fortune en vous dandinant, et bien pire ! Tu peux bien me donner quelques pièces !
- J'étais sûr que vous alliez revenir, j'ai pensé à vous ! dis je en sortant une bourse de pièces de ma manche. Je la lui tendis généreusement, alors qu'elle restait coi pendant une petite seconde avant de s'en emparer.
- Eh bien... Merci, je suppose. fit Lía, un peu déboussolée.
- Allez, file maintenant, je ne voudrais pas que la garde t'attrape !
Elle me regarda, l'air ahuri, ses yeux passant de ses mains à mon visage. Finalement, elle resserra sa prise et s'enfuit sans demander son reste. Je pris un client quelques minute plus tard et joua la pièce du château nomade, et le soir je suis allé à la demeure d'un noble.
Se fut la première fois que je dus ôter certains de mes vêtements durant une représentation...
To be continued
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