Partie 16 - En fin de course
6x09
---
Rick a attendu le retour de la samouraï plus froide et déterminée que jamais. Quand tout le monde a compris le plan du flic, tous se sont regardés interloqués puis ont été dégoûtés mais vite résignés. C'est bien la seule solution possible.
Emma ressent une seconde l'expérience dans la clairière et sait que cela peut fonctionner. Une fois les ponchos de draps enfilés par tous, chacun tartine alors son voisin, surmontant son dégoût. Carl s'est rapproché d'Emma dès qu'elle les a rejoints. Michonne commence à badigeonner le garçon, puis après avoir croisé le regard de la jeune femme, derrière lui, d'un air entendu, se tourne vers un autre habitant. Emma entreprend alors d'étaler la matière visqueuse noire et puante sur le dos du garçon devant elle. Faisant virer le tissu clair au rouge sombre.
"A mon tour, murmure le garçon en se tournant face à elle.
Elle le regarde droit dans les yeux, ne pouvant cacher sa surprise, alors qu'il dépose de la matière sur sa poitrine, sur son drap encore immaculé.
"Merci... articule-t-elle avec un sourire vite avorté.
Puis elle fait de même sur lui, sur ses épaules, et son torse, continuant ce que Michonne a commencé.
Rick s'occupe de Jessie et il se retourne pour voir comment se débrouille Carl. Il comprend, encore avec un peu d'étonnement, qu'il a encore loupé un passage entier de la vie de son fils en le découvrant avec Emma. Il n'a pas vraiment écouté son enfant quand il a commencé à parler de la jeune femme, ne comprenant pas sur le moment, qu'elle entrait doucement, sans heurt, dans sa vie.
Il a tant eu à faire qu'il n'a encore rien suivi du reste, ni même de l'intégration de Carl dans cette communauté. Il sait que le garçon veille sur sa soeur nuit et jour, s'en est vite rassuré et en a aussi vite conclu que cela devait remplir tout son temps. Il s'est, à l'évidence, encore trompé. Mais même si une pointe de culpabilité lui pince le ventre, il est vite heureux que son fils s'en sorte finalement sans lui.
Puis voilà, vient le moment où tout le monde semble prêt. Tous sont recouverts de leur drap sanglant, armés par en dessous.
Rick se retourne pour voir son groupe massé derrière lui, et observe son fils encore une toute dernière seconde. Il ressent cette conscience absolue d'un instant qui marquera encore leur vie à tous, il le sait. Et il note encore que Carl a choisi de rester près d'Emma, sans lui demander son avis et encore moins sa permission. Il comprend soudain que si même Daryl semble faire confiance cette fille aux yeux du reste du monde - allant jusqu'à, parait-il, partager le même lit - alors il peut sans doute laisser couler. Cette fille peut certainement veiller sur son garçon. Et cela lui donne une pointe d'espoir et de courage supplémentaires pour affronter ce qui les attend dehors. Carl ne sera pas seul si lui ne s'en sort pas.
Emma touche une dernière fois le manche de son couteau, ne sentant pas la lame contre la peau de son ventre qui en a pris la température. Puis elle glisse une main dans son dos, s'assurant une dernière fois que le petit pistolet de Carol est bien là lui aussi. Un éclair de conscience la saisit : et Carol, où est Carol maintenant ?!
Mais Rick se charge de la ramener à son présent immédiat :
"On y va, les uns derrière les autres... ordonne-t-il, d'une voix basse mais dure, adressant un regard ferme à chacun d'entre eux avant d'ouvrir la marche.
Ils commencent à avancer lentement à la queue leu leu dans le couloir, passant le canapé, calé debout au pied de l'escalier, chacun leur tour, lentement. Puis ils comprennent que les marcheurs n'ont pas conscience de leur présence. Alors ils continuent à avancer les uns derrière les autres, et font une pause sur le perron. Les visages se figent encore davantage devant l'horreur qui se présente à eux. Les rues sont envahies par une foule noire, grouillante, terrifiante.
Rick ne s'éternise pas, pour ne pas être lui-même tétanisé par la peur. Il avance et le groupe se met en marche. Emma est presque collée au dos de Carl devant elle. Sa bouche n'est qu'à quelques centimètres d'un amas de chair pourrie collée sur le tissu du garçon. Il avance un peu et un espace se crée entre eux. Elle baisse les yeux avec l'impression de déjà vu, alors qu'elle ne voit plus que le sol de bois, mais une main entre dans son champ de vision. Sans se retourner, sans un mot, Carl lui tend la main par derrière, restant droit et solide devant elle. Elle prend sa main déjà plus grande que la sienne, comme on tient un enfant avant de traverser la rue. Mais Carl manipule ses doigts dès qu'il sent sa paume contre la sienne, pour enlacer leurs doigts, les nouer. Pour qu'ils ne se lâchent plus. Cette sensation de déjà vu est de plus en plus forte, mais elle refuse de se laisser gagner par la terreur qui pourrait la figer net. Elle donne une légère pression à leur étreinte à laquelle il répond immédiatement, un peu plus fort. Emma lève les yeux sur le chapeau, les mèches de cheveux sombres, devinant la nuque fragile en dessous. Le garçon est mort de trouille.
Ils avancent dans le brouhaha lancinant. N'entendant que le mot répété de Sam.
"Maman ?"
.
.
Emma n'entend pas le mot de Carl devant elle
"Papa ?"
La balle a touché le garçon. Elle l'a vue transpercer sa tête, avec effroi, avant d'avoir elle-même la tête projetée violemment sur le coté, la déséquilibrant. Mais elle a lutté pour ne pas s'étaler de tout son long. Elle sait que si elle tombe, c'est fini. Sam, Jessie, Ron, tout a été si vite.
Elle a presque tourné sur elle-même sous la force de l'impact, le champ de vision penchant dangereusement vers le bitume derrière elle, mais elle se redresse et cherche immédiatement Carl du regard. Où est Carl ?!
Elle aperçoit Rick déjà à quelques mètres devant, puis le poncho de Carl pendant sur le coté, sa tête bringuebalant, inerte. Son père l'emporte en courant, Michonne lui ouvrant la voie à coups de sabre redoutables.
"Nooon... !"hurle sa pensée
Emma se met à courir, tentant de les rejoindre avant que le chemin jusqu'à eux ne soit à nouveau fermé par les rôdeurs. Elle avance, sans réfléchir, sans prendre le temps d'avoir peur, seulement muée par son refus catégorique.
Après avoir vu Sam, puis Jessie, assaillis, engloutis par les cadavres, la peur a même disparu. Emma a à nouveau les pensées blanches. Elle se contente de rester debout, coûte que coûte. Rick est dorénavant son cap et elle ne le lâche plus des yeux tandis que ses jambes se mettent à courir pour le rejoindre.
Mais elle ne rattrape pas son retard et quand elle arrive sur le perron, la porte se referme déjà sur Michonne.
Elle entre à son tour dans la maison. Tout le monde s'agite, comme au ralenti, elle entend les injonctions de Denise qui s'active autour de la civière bleue. Emma voit la tête de Carl, ses longs cheveux pendent dans le vide, au bord de la table. Et elle ne peut plus bouger, finalement figée, le souffle coupé. En attente.
Heath et Spencer assistent le jeune docteur, tandis que Rick s'approche de la fenêtre de l'entrée, à quelques centimètres d'elle, sans la voir, focalisé vers l'extérieur.
.
.
Elle est à nouveau dehors, et son bras frappe, dans un rythme effréné, implacable.
Rick est passé devant elle, sans la voir, poussant le petit rideau de la fenêtre une dernière fois avant d'ouvrir à nouveau la porte d'entrée.
"Que fais tu ?" a demandé Michonne, alors que la porte se refermait déjà.
Emma a eu comme une décharge électrique dans tout le corps. Elle a regardé autour d'elle, cherchant et trouvant une arme digne de ce nom sur le plan de travail. Un couteau de cuisine large et long de plusieurs dizaines de centimètres. Léger. Efficace. Idéal.
Elle regarde la civière une dernière fois, n'osant s'approcher pour ne pas déranger Denise, avant de sortir à son tour.
Elle avance sur le perron, et prend le temps de repérer Rick dans la pénombre, avant de le suivre, bousculant les cadavres qui s'approchent d'elle pour les déséquilibrer avant de leur asséner son coup fatal. Puis elle répète sa routine, encore et encore et encore.
Toujours plus de rôdeurs s'approchent, tendent leurs bras maigres, grattent son vêtement, avant de tomber à ses pieds. Puis elle aperçoit Aaron, Heath, et Spencer qui ont rejoint, eux aussi, le chef d'Alexandria. Et cela lui donne encore du courage et de la vigueur au bras. Elle reste proche de Michonne et Rick mais comprend qu'ils vont vite être cernés par les cadavres face à eux, et l'enceinte haute et métallique dans leur dos.
Quand une lueur gigantesque et dorée surgit droit devant, au-delà de la horde. D'un regard de Rick, les bras s'activent derechef, frappent, martèlent, écrasent, tranchent, percent, brisent, achèvent. Encore. Encore. Encore. Encore. Encore.
.
.
Le jour est là. Gris. Enfumé. Puant la mort et l'essence.
Tous les survivants d'Alexandria sont sur le perron de la maison 74, abasourdis, épuisés, mais surtout dans l'attente.
Abraham entre dans la maison aménagée en infirmerie. Daryl fait recoudre son épaule par une Denise très appliquée. Le grand homme roux pénètre plus avant dans la maison. Un silence surréaliste règne entre ces murs. Le contraste de la veille est saisissant. Emma voit Abraham arriver dans le salon, du canapé où elle est étendue. La belle chemise blanche de l'homme est maculée de grandes taches rouges. Le bleu de son pantalon et le canon du fusil qui pointe derrière son dos lui fait davantage penser à un soldat de la Sécession, plutôt qu'un survivant de l'épidémie de la Mort Toujours Vivante. Il lui sourit doucement en se laissant tomber sur un des fauteuils près d'elle.
"Carl... ? demande-t-elle.
Il secoue la tête en reposant son dos massif contre le dossier du fauteuil, posant son avant bras sur son front, éreinté.
"Quoi ?! se redresse Emma, alarmée.
- Je veux dire qu'il ne s'est pas encore réveillé... pas de panique, jeune fille... levant une main en signe d'apaisement, fermant les yeux.
Emma se rallonge sur son coussin, alors que la tête lui tourne déjà.
"Sympa la coupe... l'informe Abraham, les yeux toujours fermés, un sourire flottant sur ses lèvres.
Elle ne peut retenir un sourire triste, fermant les yeux à son tour, faisant déborder les larmes qui roulent, chaudes, sur ses joues.
.
.
Puis tout a été enfin terminé. Aaron s'est approché d'Emma, posant une main sur son épaule avant de se pencher vers elle.
"Emma ? Tu m'entends ? demande-t-il doucement, inquiet.
Elle lève enfin son regard vers lui et hoche la tête.
"Viens avec moi, on va essayer de nettoyer ça... lui propose-t-il sur le même ton.
Ils sont dans les premiers à rejoindre la maison 74. Tous les habitants encore debout semblent déambuler tels des rôdeurs eux-mêmes, perdus, déconnectés.
Aaron et Emma trouve Denise qui prend la jeune femme en charge au premier regard. Calmement. Mais immédiatement.
Emma réalise que quelque chose a coulé, a piqué son oeil gauche, recouvert son visage, collé ses cheveux encore défaits, humides de sueur, sales de sang mort.
"Ce n'est pas très confortable, mais allonge toi sur la civière, s'il te plait... lui demande Denise.
- La civière est libre ? lui demande Emma. Alors Carl... ?
- Il est dans un des lits... ne t'inquiète pas pour lui Emma, la rassure la jeune femme à lunettes, le regard doux.
Denise observe le visage d'Emma sans plus la regarder dans les yeux, l'expression concentrée.
"Aaron, peux tu me trouver la tondeuse sur l'une des étagères, et de quoi nettoyer tout ça, s'il te plait ? demande-t-elle toujours calmement à Aaron qui s'exécute.
L'homme sort de la pièce après avoir lâché la main d'Emma, étendue sur la civière.
Emma regarde le plafond, l'esprit vidé, et porte ses doigts à sa tempe gauche. Elle est collante, visqueuse et froide. Comme celle d'un rôdeur, l'idée fusant dans sa tête.
"Ne touche pas ! lui somme précipitamment Denise, revenue vers elle, en lui enlevant la main de sa blessure.
Elle fait entrer ses doigts dans son champ de vision et les découvre ensanglantés de rouge sombre.
"Merde... dit-elle dans un subit sanglot.
La peur est revenue, son coeur s'accélère avec la panique qui pointe.
Mais Aaron est de retour. Il se penche sur elle, avec un triste sourire.
"Je l'ai trouvée ! présentant son trophée tendant l'appareil dans la seconde suivante à Denise, voulant atténuer l'urgence emplissant encore l'air.
Aaron pose une dernière fois sa main sur l'épaule d'Emma avant de sortir de la maison.
Emma regarde Denise qui lui demande son accord d'un regard, levant l'appareil. Elle hoche légèrement la tête et reporte ses yeux sur le plafond alors que la tondeuse vrombit très près de son oreille gauche, réveillant la douleur assoupie.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top