Partie 10 - Faire un minimum envie

Emma regarde Daryl fuir de chez elle, courir dans son jardin et disparaître dans la rue. 

L'air du matin s'engouffre par la porte d'entrée grande ouverte.

Elle ne peut pas lui en vouloir : elle est nulle pour ce qui est d'exprimer ne serait-ce qu'un semblant de joie, pour faire un minimum envie. Et elle se déteste déjà car cela aurait pu être si différent. Si elle n'avait pas été elle. Elle sait dorénavant qu'il est là, à Alexandria, à portée de voix. Et même si elle va sans doute l'éviter volontairement durant un moment encore, elle est heureuse de le savoir là. Sain et sauf.

Elle est à sa table de cuisine, dégustant son thé trop chaud, remettant les choses en place dans sa tête ; quand elle entend des pas pressés sur son perron avant qu'on frappe rapidement à sa porte toujours ouverte, pour la forme.

"Emma, tu es là ?! appelle une voix forte et inquiète

Jenny, Samantha, et Elisabeth entrent dans sa maison, alors qu'elle lève un bras, agitant la main, pour leur faire un signe, silencieux, de sa présence.

"Te voila ! s'écrit Jenny en l'entourant de ses bras. Tu vas bien ?!

- Deanna nous a dit que ce rustre t'avait agressée ?! Mais c'est quoi ce type ? s'insurge Samantha à son tour.

Emma leur sourit, hoche la tête, les regarde s'agiter mais leur fait signe que tout va bien, en leur servant du thé fumant.

- De toutes manières, ce groupe est dangereux, je le pense depuis le début et je ne suis pas la seule. Même si Rick a bien fait pour Jessie... bien sûr, la pauvre... et les enfants... mon dieu... visiblement compatissante.

- On n'est pas là pour parler de Jessie, Elisabeth, mais pour s'occuper d'Emma, la reprend Samantha.

Emma ne peut renier leur sollicitude, et est reconnaissante de leur attention vis à vis d'elle, mais elles ne savent rien. Elles ne savent rien d'elle. Ne savent rien de Daryl, elles ne connaissent même pas son prénom et le méprisent déjà cordialement. Elles ne savent surtout rien de la vie au dehors des murs. Et elle s'avoue qu'elles l'agacent un peu.

Elle inspire fortement pour attirer leur attention et leur fait comprendre qu'elle va bien et est prête à les suivre pour une journée au service de la communauté.

"Très bien ! l'encourage Jenny. Nous allons travailler au potager ce matin. Et nous n'allons pas te quitter d'une semelle ! l'embrassant encore, incontestablement bienveillante.

Emma se contente de lui sourire encore, de toutes ses dents mais aucunement des yeux, avant de les suivre en fermant la porte d'entrée dans un grand claquement.

.

.

Emma traverse le village, accompagnée des trois femmes, saluant toutes les personnes qu'elles croisent. En réalité, elle cherche à apercevoir Daryl. S'il est avec le groupe de Rick, il habite certainement la maison 101 ou sa voisine. Mais en se tournant vers les batisses, elles semblent vides. Comme elle, chacun est parti à ses occupations de la journée. Alors peut être va-t-elle croiser quelqu'un du groupe sur son chemin.

Et ce sont des yeux gris acier qu'elle rencontre en premier. Les femmes souhaitent joyeusement le bonjour à Carol alors que celle-ci fixe Emma obstinément, en souriant, les yeux plissés, davantage à l'attention de ses compagnes. Emma comprend que Carol lui en veut, instantanément, ne sachant pas trop pourquoi, au fond.

"Carol, tu te joins bien à nous en début d'après-mdi chez Samantha pour préparer le repas de ce soir ? lui demande Jenny, ne s'apercevant de rien.

- Chez Samantha, pas de problème... répond Carol en hôchant la tête, ne quittant pourtant pas Emma du regard.

- Super... ! alors à tout à l'heure !

Les femmes continuent leur chemin, Elisabeth tient le bras d'Emma autour du sien, comme de vieilles amies.

"ll faut que tu viennes cette fois, Emma. C'est important que tout les gens de ce groupe te voient. Et que ce sale type s'excuse publiquement.

Emma n'en peut plus, elle se dégage un peu plus séchement qu'elle n'aurait vraiment voulu, surprenant son amie par son geste inhabituel.

"ll s'appelle Daryl. Et ce n'est pas un sale type, ne pouvant retenir l'agacement dans sa voix. Et il n'a aucune excuse à faire. Encore moins devant vous tous.

- N'empêche que ce n'est pas une manière d'aborder les gens ! se défend Elisabeth.

Mais Emma ne veut pas discuter. Elle accélère le pas pour commencer son travail. Pour se calmer, retrouver sa sérénité, et son utilité.

Elle travaille sur les parcelles de terre, un peu à l'écart des autres femmes. Elle n'a pas besoin d'elles pour savoir entretenir les légumes et les fruits devant elle. Elle s'enferme à nouveau dans ses pensées, dans son silence, dans sa solitude. Même si une boule de contrariété lui serre toujours l'estomac. Elle déteste sa colère contre les autres, même si elle est justifiée. Elle s'en veut invariablement quand elle exprime son désaccord vis à vis des autres. C'est sûr, les femmes ne peuvent que médire et se méprendre sur le chasseur qu'elles ne connaissent absolument pas. Elle ne peut pas leur en vouloir d'être méchantes et d'avoir des paroles blessantes. Elles ne connaissent de Daryl que son dernier comportement à son égard. Du moins ce qu'il leur a été rapporté. Elles ne veulent que protéger l'une des leurs. Emma n'a qu'à pas se sentir blessée des mots à l'adresse d'un homme qu'elle n'a cotoyé finalement que trois jours. Elle n'a qu'à arrêter de penser à lui, maintenant qu'elle sait qu'il est toujours vivant, c'est vrai ! Elle n'a qu'à faire son travail sans plus réfléchir, comme elle sait si bien le faire depuis qu'elle a trouvé cette communauté-ci, sa nouvelle famille, accueillante et chaleureuse.

"Emma, c'est bon, on peut aller déjeuner, tu reprendras ça tout à l'heure", lui dit Elisabeth en venant vers elle.

Le sourire perpétuel de la femme a disparu quand Emma la regarde, alors qu'elle lui tourne déjà le dos. Elle comprend d'office qu'elle n'est pas invitée à venir toutes les rejoindre chez Samantha, comme elle l'a annoncé à Carol quelques heures plus tôt. Pas très grave, elle s'occupera bien ailleurs.

En avançant à nouveau parmi les maisons, mais à un pas ou deux en arrière du groupe de femmes, la tête basse, regardant ses ballerines avancer sur le bitume, elle entend soudain son prénom sur sa droite.

"Emma ! Tu peux venir me voir s'il te plait ?" lui demande Deanna à quelques mètres d'elle sur son perron abrité.

Emma jette un regard aux femmes qui font mine visiblement de ne rien avoir entendu et ne se retournent même pas. Elle ne cherche pas à leur faire signe et se dirige vers la grande maison blanche de la petite femme.

Deanna semble immédiatement détecter son malaise.

"Tout va bien Emma ?" accueillant la jeune femme sur le seuil de sa maison, le ton aimable.

Emma hoche la tête en signe d'assentiment. Elle s'est sincèrement attachée à cette petite femme autoritaire mais raisonnable et sensible. Elle sait que Deanna lui porte également une attention particulière, de part son histoire, de par son mutisme psychologique aussi.

"Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu connaissais ce groupe ?" entame Deanna alors qu'elles s'installent toutes deux sur un des divans, cote à cote.

Emma secoue la tête, le visage sérieux.

"Tu veux dire que tu ne connaissais pas Rick avant qu'ils n'arrivent ici ?"

La jeune femme secoue encore la tête.

"Mais Daryl, oui pourtant ?"

Emma baisse la tête, comme coupable.

" Pourquoi ne pas m'en avoir parlé Emma ? J'aurai paru moins idiote ce matin !

- Je ne savais même pas qu'il était ici... murmure Emma.

- Pourtant, lui t'a bien reconnue. Il était pourtant bien catégorique même s'il s'en est pris à toi d'une façon que je ne peux tolérer."

Emma la regarde, les yeux implorants, inquiète de ce que Deanna a certainement déjà décidé.

"Je vais exiger qu'il s'excuse ce soir, pendant le diner, croisant les bras sur sa poitrine pour ponctuer ses propos. Je ne peux pas laisser ce genre de comportement vis à vis d'un membre de ma famille, sans réagir...

- Il ne savait pas que c'était moi. Il n'a pas voulu me faire de mal !... le défend la brune.

- Ah bon ?! s'exclame Deanna, faussement amusée. Pour moi, il a quand même eu l'intention indéniable de t'étouffer ! Qu'est ce qu'il aurait fait s'il n'avait effectivement pas connue la personne ? Ou s'il avait vraiment voulu te faire du mal ? Il t'aurait poignardée, ou encore pire ?! Non, je ne peux pas laisser passer ça... secouant encore la tête.

- Deanna, s'il te plait, laisse moi voir ça avec lui d'abord... l'implore Emma, posant sa main sur son bras.

La femme va pour riposter mais se ravise en observant la jeune femme dont les yeux s'emplissent de larmes.

"Mais que t'a-t-il fait celui-là aussi, bon dieu ?! s'exclame Deanna, soudain inquiète, l'attirant contre elle, protectrice.

- Il m'a simplement sauvé la vie... je t'assure... posant sa tête contre son épaule", se laissant réconforter.

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