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La salle des profs, antre de feu des démons sacrés de notre belle nation. Grande et spacieuse, on y passe des moments agréables. Nous sommes bien en Zone d'Education Privilégiée : absence de matériel, sous-effectifs, mais de la place, le seul luxe que l'Etat peut se payer ici. Je regarde dans mon casier, rien de neuf depuis ce matin. Je prends une brochure syndicale pour me donner une contenance, pas évident d'être nouvel arrivant tous les premiers septembre. J'observe mes confrères titulaires, leurs mérites m'imposèrent respect et admiration. Tant d'énergie dépensée en dossiers, rendez-vous, palabres avec les parents, négociations contre l'administration, un vrai sacerdoce en tout en état de cause. S'il fallait payer ces profs à l'heure, la république plongerait tout droit vers la faillite.

La sonnerie retentit déjà, pas le temps de boire un café. Un détour aux cahiers de texte pour saisir celui de la 3ème E. Ici, l'administration n'offre pas sa confiance aux enfants, trop de resquilleurs dans les couloirs. Direction la cour. La « 3 E », une classe de troisième typique avec soixante-quinze pour cent de filles. Les garçons désorientés ont été redirigés avant d'atteindre cette étape de leur scolarité. Restent les travailleurs, les moins de seize ans, et ceux aux résultats médiocres mais sages. A cet âge-là les filles acquièrent une maturité hors de portée des mecs. Elles ne sont pas systématiquement meilleures que les gars, mais toutes ou presque savent où réside leur intérêt.

A mon sens les meilleures classes dans cet établissement sont les sixièmes, car on les effraie encore, et les troisièmes, à cause de l'écrémage. Ces dernières, plus disposées à travailler, n'ont plus grand chose à prouver. Bref, en descendant l'escalier jusqu'à la cour où ils attendaient, pas d'angoisse particulière. Les filles attendent alignées, les garçons gravitent autour en bandes. La formation de ces groupes s'oriente souvent selon l'origine de ceux qui le constituent. Dans ce collège certains des enfants ne sont pas nés français. Les parents, immigrés de la première, deuxième génération ou très récemment, vivent au Maghreb, en Europe de l'Est (Ouzbékistan, Roumanie, Balkans), aux Comores, en Afrique noire, ou nulle part précisément, comme les Gitans ou les Roms. Du coup, nombre d'entre eux éprouvent des difficultés de compréhension en tous genres.

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