trois
J-108
2 septembre 2020, 6h40
Lycée Paris
Lila Grey
Je suis bien contente d'avoir une chambre à l'internat, rien que pour moi. Il y a un lit vide de l'autre côté de la chambre, je n'ai pas de colocataire et tant mieux. J'ai besoin de personne, en ce moment.
Je m'habille et me rince la bouche. J'aime bien me maquiller, mais très légèrement. Pas besoin de 3 couches de maquillage pour ressembler à Kim Kardashian ou Kylie Jenner. Je préfère rester naturelle. J'ai appliqué les conseils de ma mère, mais malheureusement, elle ne sera sans doute pas là pour me donner d'autres conseils.
Le petit-déjeuner est à 7h20. Tous les élèves sont priés de se rendre au self. Je prends un café, ça me suffit amplement. Je mange pas du tout. J'ai pas faim le matin. Avant, je prenais un repas équilibré, mais depuis quelques semaines, le repas a diminué. Je mange plus du tout, à vrai dire. Le simple fait de voir de la bouffe me dégoûte. Si ça continue comme ça, je vais devenir anorexique et j'ai peur... Mais j'y arrive pas.
Heureusement que j'ai emmené mon téléphone. Je fais un petit tour sur les réseaux sociaux, rien d'intéressant à part que Damso sortira son album dans 3 jours. J'ai hâte de l'écouter.
J'ai complètement disparu des réseaux sociaux depuis ce qu'il s'est passé, cet été. J'ai reçu des menaces de morts, des insultes, je pensais pas en avoir autant, alors j'ai bloqué toutes ces méchantes personnes. Nous sommes en 2020 et il existe encore des gens désagréables, irrespectueux et malpolis. Où va le monde...?
Lorsque ma tasse est remplie, je remarque que des dizaines de paires d'yeux se sont posées sur moi. Je peux lire de l'incertitude, de la haine et de la surprise dans leurs yeux. Même moi, je ne comprends pas. Presnel me fixe comme s'il avait pitié de moi. Alors là, je n'arrive pas à le croire. Je quitte enfin le self, ne supportant plus ces regards incessants.
Je ne savais pas que Presnel était à l'internat. Il y a trop de choses que j'ignore, les gens que je connais ne me parlent plus.
Je n'étais jamais allée à l'internat avant, j'aimais pas cet endroit, mais cette année, je suis obligée pour raisons personnelles.
Une fois arrivée à l'étage réservé aux filles, j'entends des chuchotements mais j'y prête pas attention. Je continue mon chemin tout en lisant un message que je viens de recevoir. Puis, je bouscule involontairement un fille rousse et je fais renverser mon café sur sa combinaison. Ses lèvres, d'un rouge intense, se forment en O. Qu'est-ce que je suis si nulle et si maladroite !
Fille rousse : Tu te rends compte que ma combinaison a coûté une fortune et toi, tu viens de la gâcher ! Son amie blonde portant une frange, pose une main sur son épaule.
Fille blonde : Maddie... Elle ne l'a pas fait exprès. Arrête d'en faire tout un plat. Donc, elle s'appelle Maddie.
Maddie : J'espère que c'est une plaisanterie. Tu vas me le payer, espèce de nigaude !
Furieuse, elle s'en va, je lui ai même pas présenté mes excuses. J'arrive plus à dire quoi que ce soit. Je suis nulle, je suis malpolie, je ne m'excuse plus. Qu'est-ce qu'il m'arrive ?
Fille blonde : Désolée pour elle. Ne t'inquiète pas, ça va lui passer.
Elle me sourit chaleureusement avant de suivre son amie. Quant à moi, je retourne dans ma chambre et je souffle un bon coup. Il est même pas 8h et je fais déjà des conneries dès le matin !
Une heure plus tard, je me retrouve en physique à côté de... Presnel Kimpembe. À ce moment-là, j'ai envie de disparaître six pieds sous terre. J'ai du mal à respirer, il faut vite que je sorte de là.
Presnel : Lila, il faut qu'on parle.
Sûrement pas ! Il tente de poser sa main sur la mienne, mais je la retire. Et pour la première fois, j'ose regarder droit dans ses yeux pour qu'il comprenne ma douleur.
On frappe à la porte et la surveillante, Caroline que j'aime beaucoup, entre.
Caroline : Bonjour. Je viens chercher Lila Grey. Elle doit aller immédiatement voir la principale.
Perplexe, je prends mes affaires et quitte le salle de physique sous les regards incessants des autres élèves.
Je suis Caroline sans un mot. Je m'assois sur une chaise en attendant que la principale finisse de discuter avec une fille vêtue d'un short en jean, des Martens noirs et un top noir très court. Je peux apercevoir que ses cheveux sont blonds avec des mèches roses. Pour finir, elle a des dizaines de bracelets à ses poignets. Ce n'est pas du tout mon style vestimentaire. Elle sort enfin du bureau de la proviseure et me lance un sourire, en passant. Pas un sourire sincère, plutôt un sourire... malicieux ?
??? : Lila, entre, je t'en prie.
J'entre dans le bureau de la principale, je peux lire sur une plaquette noire avec des lettres en or inscrites dessus : « PROVISEURE MBAPPÉ ».
Mme Mbappé : Je t'ai fait venir ici parce que nous devons avoir une discussion très sérieuse. Je déglutis ma salive. À vrai dire, cela concerne sur mon fils.
Son fils est bien sûr Kylian Mbappé. C'est pour ça que tout le bahut le connaît.
Je suis soulagée par le fait qu'elle ne parle pas de ce qu'il s'est passé cet été.
Mme Mbappé : Comme tu as pu le voir, il a redoublé et a raté son bac, et je nous ai convaincus qu'il doit se retrouver dans la même classe que toi puisque je voudrai que tu l'aides à réussir son année, son bac. J'arque un sourcil. Sérieusement ? Vous avez les mêmes cours, les mêmes emplois du temps, vous avez tous les deux assez d'heures libres. Je suis sur le cul. Si tu refuses cet accord, tu sais que tu pourrai perdre ta bourse.
C'est clairement du chantage, non ? Je me
contente de m'affaler dans mon fauteuil et de croiser les bras sur ma poitrine. Si je parlais encore, la première réponse qui me viendrait à l'esprit, c'est « non ».
Mme Mbappé : Pourquoi je t'ai choisi ? Parce que je sais que tu es une élève brillante, intelligente, travailleuse, studieuse. J'ai vu tes notes l'année dernière, 18 de moyenne générale ! C'est génial, c'est du jamais vu ! C'est pour ça que t'as mérité ce prix. Et de plus... Elle baisse la tête. Je n'ai pas envie qu'il rate encore son bac cette année. S'il te plaît, Lila, je te demande qu'une seule chose : aider mon fils.
On dirait qu'elle a l'air désespérée. Ses yeux brillent dans la lumière, je sens que quelque chose ne va pas chez elle. Elle a peut-être des problèmes comme moi.
Il est hors de question que je perde ma bourse, c'est très important pour moi. Je veux entrer à l'université de Lyon où elle propose des activités physiques et sportives. J'adore le sport.
Alors, je tends ma main, en hochant la tête, pour que la principale serre la mienne, signe que le marché est conclu.
Il est 10h, je dois changer mes manuels. Soudain, Presnel surgit de nulle part. Non, ça ne va pas recommencer !
Presnel : Pourquoi tu m'évites ? C'est une blague ? Je ferme mon casier et prends le chemin inverse. Lila ! Attends-moi ! Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Pourquoi tu me parles plus ?
Je cours rejoindre les toilettes des filles. La température descend, je peux souffler un bon coup. Quand il est dans les parages, je ne me sens pas bien du tout. Les souvenirs de cette fameuse nuit reviennent, comme un flashback. Ça fait des semaines que je veux plus y penser et le revoilà en train d'ouvrir petit à petit ma blessure.
J'entends des pleurs derrière moi, la cabine est fermée. Puis, elle s'ouvre brusquement laissant apparaître la fille blonde à la frange de ce matin. Elle se lave les mains sans me lancer un seul regard. Je vois bien que ses yeux sont injectés de sang. Elle fait semblant d'aller bien. Comme moi.
Tout ce que je veux, c'est lui demander si ça va, mais je ne peux pas, sinon cette fille refusera de me parler. Tout le monde s'est retourné contre moi, je suis dorénavant seule.
Mais ce matin, elle m'a parlé. J'étais plutôt surprise.
Maddie entre dans les toilettes et elle me toise. Elle s'est changée ; elle porte maintenant une jupe noire et un teeshirt rouge.
Maddie : Tu peux nous laisser tranquille ? Je dois parler avec Ester. Merci beaucoup. Au revoir.
Toujours aussi désagréable. Donc, la fille blonde s'appelle Ester. J'en prends note.
18h sonne, les cours sont enfin terminés. Je prends le restant de mes affaires dans mon casier avant de me diriger vers l'internat.
J'entre dans ma chambre, pose mes affaires, enlève ma veste et mes chaussures. Je me regarde dans le miroir pour remettre correctement mes cheveux. Et là, je vois une personne dans le reflet. Je sursaute en me retournant. Mais qu'est-ce qu'elle fout là ? C'est la même fille blonde aux mèches roses de ce matin ! Les pieds croisés sur la table, elle mâche un chewing-gum. Je fronce les sourcils.
Fille blonde : Hello, pretty girl. Tu t'y attendais pas, hein ? Elle rit, se lève et marche doucement vers moi. Je m'appelle Emma. Elle dévoile toutes ses dents blanches.
Eh merde, moi qui pensais passer une année toute seule...
•••
ne vous inquiétez pas, l'action va bientôt venir ! 🙂
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