P R O L O G U E
« La beauté est infiniment cruelle. » Yann Appery
Il était une fois dans un château doré, aux tourelles plus hautes que les montagnes et à la beauté extravagante, un prince. Un prince, dont la beauté égalait celle d'un dieu mais dont le cœur n'avait rien à envier à la plus dure des roches.
Ses plus grands plaisirs consistaient à parader dans toute sa splendeur devant les pauvres, à dénigrer ceux qu'il trouvait laids, à se moquer de la justice et à humilier ceux qui se trouvaient en-dessous de lui. Il faisait peindre des portraits de lui à longueur de temps, se contemplait dans chaque reflet.
Mais par-dessus tout, le prince aimait jouer avec les femmes. Leur sourire avec son visage angélique et leur souffler des mots doux que son cœur de pierre était incapable de réellement ressentir : leur faire des promesses creuses et des cadeaux vide de sens pour ensuite mieux leur briser le cœur encore timide et fragile.
Un beau jour d'hiver, alors que la neige tombait silencieusement sur la terre pour la recouvrir de sa blanche innocence, une vieille femme étrangère au royaume pénétra au château. Elle passa d'abord le pont, puis le large portail d'entrée autour duquel s'enroulait le lierre et finalement l'entrée principale où on la fit attendre.
« Personne ne va voir le prince aussi facilement ! », s'était exclamé un garde, le visage rouge de colère. La vieille femme n'avait rien dit. Elle avait seulement enlevé son capuchon rouge sang et s'était assise. Elle avait alors attendu. Une heure, deux heures, jusqu'à ce que ses mains et ses pieds soient transis de froids, jusqu'à ce que ses dents claquent les unes sur les autres.
On avait rapporté sa présence au prince : il avait seulement levé ses beaux yeux verts au ciel et avait secoué la tête dédaigneusement. Qu'est-ce qu'il en avait à faire, après tout, si une vieillarde venait perdre son temps à attendre dans son entrée ? Pourtant, lorsqu'on lui annonça au bout d'un certain temps qu'elle fût encore là, il décida, intrigué, d'aller voir. Il avança jusqu'à l'endroit qu'on lui avait indiqué. Lorsqu'il aperçut la silhouette recroquevillé, les cheveux gris, ternes et tombants, les traits ridés, vieux, laids, les mains crochues, il grimaça de dégoût et voulut se retirer – mais la femme leva la tête et le regarda droit dans les yeux.
« Mon Prince. », croassa-t-elle et il soupira.
« Qu'y a-t-il ? Je n'ai pas de temps à perdre avec des êtres comme vous. »
La femme se tut pendant un instant, les yeux se durcissant pendant quelques secondes.
« Mon Prince, je ne suis pas venue pour perdre votre temps mais pour-»
« Les gens comme vous sont toujours une perte de temps. », cracha-t-il, « Vieux, atroces et stupides, à venir me raconter vos idioties séniles. »
La vieille femme fronça ses sourcils argentés.
« Vous ne m'avez même pas laissé finir ! », se plaignit-elle et il leva les yeux au ciel.
« Insolente, en plus ! », s'exclama-t-il, « Ce n'est pas un ton pour parler à un homme de mon statut. Je vous ordonne de vous excuser. »
La vieille femme se redressa de toute sa hauteur.
« Mon Prince ! », s'exclama-t-elle, « Quand bien même je vous prie de m'excuser mon ton inapproprié, je vous prie de me laisser terminer ! Je suis venue de très loin pour vous parler. Votre Altesse, vos sujets s'inquiètent et se morfondent. L'hiver est rude – il n'y a plus à manger et le peuple souffre. Vous, cependant, n'écoutez aucune de leurs plaintes alors que-»
« Ce sera tout ? », dit alors le prince d'un ton ennuyé. La femme, d'abord surprise, finit par croiser calmement ses mains gelées au-dessus de son ventre.
« Non, mon Prince, ce ne sera pas tout. Ce que je viens de vous dire, n'est pas ma requête principale. Je suis ici de la part du prince voisin : car vos voisins aussi commencent à douter de vous. Votre égoïsme perpétuel n'a comme résultat que le dédain de ceux qui vous entourent. Ainsi, on m'envoi pour-»
A nouveau, le Prince l'interrompit. Il regarda le garde à sa droite et fit un geste de la main.
« Emmenez-la dans un cachot : les laiderons dans son genre n'ont pas leur place devant mes yeux. »
Un peu hésitant, le garde fit un pas en avant tandis que la vieille femme, un instant silencieuse, finit par sourire. Un sourire étrange et inquiétant qui ne provoqua chez le prince qu'une moue de dégoût.
« Faites, mon prince, faites, envoyez-moi dans le plus sombre de vos cachots sales et grouillant de rats : mais soyez conscient qu'il vous faudra alors assumer les conséquences. », dit-elle de sa voix rauque et le jeune homme éclata d'un rire cruel.
« Les conséquences ? Mais de quelles conséquences parles-tu, vieille femme ? Les seules conséquences qu'il y aura, seront que tu seras renvoyé là, où tu as ta place ! » Il se tourna à nouveau vers l'autre homme et s'exclama d'une voix autoritaire : « Garde ! »
Cette fois-ci, le garde, un peu plus déterminé, attrapa la vieille femme et la tira derrière lui pour l'emmener.
« Nous verrons bien, mon prince, nous verrons bien. Lorsque le soleil se lèvera, les choses seront bien différentes. »
Sans un mot, le prince se retourna et abandonna la femme à son destin pour aller lui-même se coucher dans ses draps de soie et son lit doré.
La nuit passa et le soleil pointa à nouveau son nez à l'horizon, chatouillant de sa lumière les délicates paupières de sa majesté. Lentement, le prince ouvrit les yeux, bâilla, étira ses jambes, étira ses bras. Ensuite, il s'appuya sur ses coudes pour se redresser.
Brusquement, il sentit quelque chose bouger à ses côtés. Son cœur froid rata un battement tandis qu'il tourna la tête pour regarder.
A côté de lui se trouvait une jeune femme. Il cligna des yeux plusieurs fois pour s'assurer qu'elle était bien là et qu'il n'était pas perdu dans un de ses rêves. Elle était belle comme le jour – des longs cheveux blonds et soyeux formait un éventail autour de sa tête en forme de cœur où se baladaient quelques tâches de rousseurs sous ses longs cils noirs. Le prince tendit sa main – cependant, le mouvement fit entrouvrir ses yeux à la jeune femme qui papillonna des cils quelques fois avant de sourire. Il lui rendit son sourire le plus charmant et se pencha un peu en avant.
« Que faites-vous là, jolie demoiselle ? Je ne me souviens pas de votre présence dans mon lit hier soir. », murmura-t-il de sa voix agréablement rauque. La jeune femme se passa les mains dans les cheveux.
« Oh, mon prince, je suis bien certaine que vous vous souvenez de moi. Peut-être pas dans votre lit, certes, mais... »
« Je n'aurais pas oublié un visage aussi charmant. »
La jeune femme sourit.
« Charmant, votre altesse, n'est pas le mot que vous avez employé hier soir. »
« Quel autre nom aurais-je pu vous appeler ? », demanda-t-il et la jeune femme se redressa alors brusquement.
« Vous, votre majesté, m'avez traitée de laideron et bien d'autres insultes. »
Le prince fronça ses sourcils. Il n'aurait certainement pas dit des mots pareils à une aussi belle femme. Il se souvient cependant les avoir dit à quelqu'un d'autre... La vieillarde qu'il avait fait mettre au cachot... Subitement, il perçut l'étrange lumière qui émanait du corps blanc et délicat de la jeune femme. Lentement, les yeux écarquillés tandis qu'il tentait de comprendre ce qui se passait, il recula.
« Qui es-tu ? », demanda-t-il. La jeune femme secoua la tête et brusquement, son corps se courba, ses cheveux luisant devinrent gris et sa peau se froissa. Le prince pâlit et un bruit sidéré échappa ses lèvres. Il avait devant lui la vieillarde hideuse du soir précédent.
« Sors de mon lit ! Dégage ! », s'exclama-t-il et tendit les bras pour la repousser mais elle l'en empêcha, le visage fermé, les yeux durs. « Pourquoi tu ne bouges pas ? »
La vieille femme sourit.
« Je vous avais prévenu, mon prince, que l'aube apporterait les conséquences. »
« Mais de quelles conséquences est-il question ?! »
Elle lui posa une main sur le bras, un craquement retentit et à nouveau, il avait devant lui le visage délicat de la jeune femme qui se remit à parler de sa voix mélodieuse.
« J'étais venue vous demander de m'accorder un repas à votre table qui aurait témoigné de votre bonne foi : mais vous, votre altesse, avez préféré me jeter sur un sol de pierre aussi froid que votre cœur. Votre apparence angélique ne reflète en rien votre caractère : j'étais venue pour vous laisser une dernière chance de me prouver le contraire, je vais repartir en vous ayant donné votre juste châtiment. »
Le prince éclata d'un rire tonitruant et cruel.
« Et que vas-tu faire ? Me transformer en crapaud ? »
« Non, mon prince. » La voix douce de la femme s'intensifia : « Je ne vous prive pas de votre beauté : au contraire – durant la journée, vous serez plus beau que n'importe quel homme ayant jamais vécu. Cependant, une fois le soleil couché et la nuit tombée, cette tromperie laissera place à l'apparence de bête que vous méritez. La première nuit, vos ongles deviendront des griffes et vos dents seront trop grandes pour votre bouche : la seconde nuit, votre corps se recouvrira de poils, la nuit d'après, vos jambes se recourberont. Enfin, toutes les nuits de pleines lunes, vous n'aurez plus rien d'humain et serez condamné à courir sous forme de loup dans la nature. »
Le prince pâlit légèrement puis sourit arrogamment.
« Tu n'attends quand même pas que je crois à des âneries pareils ? », s'exclama-t-il en secouant la tête.
« Croyez ce que vous voulez – vous finirais bien par devoir admettre les faits. »
Le jeune homme grogna et soudainement, poussa la jeune femme d'un geste hors du lit.
« Dehors ! », rugit-il encore une fois, « Je n'en ai rien à faire de tes mots, pauvre folle ! »
Elle se redressa, la lumière étrange émanant encore de son corps. Elle effectua une courbette moqueuse.
« A vos ordres, votre altesse – quoiqu'il en soit, je vous souhaite d'apprécier vos nuits. Elles risqueront d'être bien solitaires. », Elle s'interrompit un instant, « Ah, j'oubliais ! La malédiction est irrévocable mais l'amour peut la désamorcer et la rendre supportable. »
« J'ai dit dehors ! »
La jeune femme lui lança un regard plein de pitié et sortit sans un mot de plus de la pièce. Le prince se laissa retomber sur son lit.
Des bêtises, rien que des bêtises...
Il se passa une main dans les cheveux et bien vite ce moment désagréable fut oublié. Du moins jusqu'à ce que la nuit tomba et que dans un bruit de terreur, le prince, les yeux fixés sur ses mains transformées en pattes et incapable de formuler le moindre mot à cause des énormes dents lui barrant la bouche, compris que son destin venait brusquement de changer.
Bonjour, bonsoir et bienvenue les cocos!
Je vous invite à venir découvrir cette nouvelle histoire avec moi - ça faisait un moment que j'avais envie d'écrire quelque chose dans ce genre. Mais ne vous attendez pas à une histoire cliché: les il-est-méchant, il-tombe-amoureux, il-devient-gentil et ils-sont-tous-contents-jusqu'à-la-fin-de-leurs-jours n'existent pas avec moi. Ce serait trois fois trop simples.
Peut-être devrais-je vous présenter l'histoire? Il s'agit en quelques sortes d'une réécriture de la belle et la bête, un peu plus sombre, plutôt différents, avec un peu plus d'intrigue.
J'espère que ça va vous plaire et si oui, c'est vraiment super chouette ♥
Enfin bon. La bise, la bise,
Blondouille ♥
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