Chapitre 37

« L'admiration ; si on n'en revient pas, elle devient adoration, puis amour invincible. », Casanova

Orion suivit Céleste à l'intérieur de la chambre, nerveusement. Il avait su qu'elle ne réagirait pas calmement et il avait très certainement su qu'elle se mettrait en colère. Néanmoins, il n'avait pas pensé être confronté avec cette situation de sitôt ni que Céleste devine la vérité en faisant une banale plaisanterie. Le loup déglutit.

« Oh bon sang, pourquoi tu me suis ! », s'exclama Céleste en se retournant, se passant une main sur le front d'un geste agité. Le loup s'assit sur ses pattes arrière et pencha doucement la tête. La jeune femme poussa un juron et laissa Orion s'engouffrer dans la chambre derrière elle. Elle s'installa sur le lit.

« Ce n'est pas possible. », grommela-t-elle plusieurs fois, posant ses coudes sur ses cuisses et laissant tomber son front dans ses paumes, « Bon dieu, les hommes ne peuvent pas... ne se transforment pas en-en loup ! »

Un gémissement échappa au loup et Céleste releva doucement son regard, regardant Orion droit dans les yeux. Elle passa sa langue sur les lèvres. Le loup s'allongea au sol, sans quitter la jeune femme de ses grands yeux, jugeant chacune de ses réactions. Au bout de quelques minutes, elle sembla se calmer un peu.

Son corps fragile cessa de trembler, son dos se redressa imperceptiblement.

Elle sembla hésiter mais finit par tendre une main, un geste enfantin et innocent qui fit accélérer le cœur d'Orion. Il se releva, gardant la tête baissée pour ne pas effrayer la jeune femme. Il s'approcha d'elle, ses pas incertains et petits, pour lui laisser le temps de retirer ses doigts blancs.

Céleste ne bougea pas.

Resta immobile jusqu'à ce qu'elle touche le poil doux et chaud du loup. Elle déglutit puis commença lentement à caresser son dos. Orion frémit et se rapprocha un peu plus d'elle, fermant à demi ses yeux. La jeune femme soupira.

« Orion ? », murmura-t-elle, sa voix un peu perdue, un peu trop rauque. Contre sa jambe, le loup hocha la tête. La main de Céleste cessa son geste quelques secondes avant de reprendre. Elle sourit, presque timidement.

« Imbécile. », souffla-t-elle, en secouant légèrement sa tête, ses cheveux virevoltant de gauche à droite. « J'ignore ce que tu as fait exactement pour te mettre dans un pétrin pareil, ni comment j'ai fini dans une situation comme celle-ci – car crois-moi, quand je suis venue au château, je voulais seulement l'aide du roi à cause de ces fameux meurtres, pas être en cavale avec un roi transformé en loup. Mais je n'en suis pas si...étonnée, finalement. S'il y a bien une personne capable de se faire maudire par une fée pour se retrouver dans le corps d'un animal, c'est toi, cher roi Orion. »

Orion releva la tête et grogna, les yeux un peu plissés. Céleste osait se moquer de sa situation ? Alors que seulement quelques secondes auparavant, elle était devenue hystérique et l'avait envoyé au diable ?

Le sourire de la jeune femme s'agrandit.

« Tu sais, plus je te regarde, plus je me dis que tu ne peux qu'être Orion. J'aurais dû remarquer bien plus tôt. »

Le regard de Céleste se perdit un peu dans le vide, un air pensif caressa son visage pâle. Elle n'ajouta rien. Orion l'observa sans faire de bruit, la tête un peu penché, se demandant ce qui pouvait bien se passer dans la tête de la jeune femme. Un rayon de soleil traversa à nouveau la fenêtre et éclaira la silhouette de Céleste, ses cheveux comme une cascade dorée. Le loup soupira un peu et frotta d'un geste désespéré sa tête contre la jambe de la jeune femme. Elle tendit une main absente vers lui et caressa doucement sa nuque. Elle porta inconsciemment sa deuxième main et porta ses doigts contre son décolleté qu'elle frotta un peu, juste au-dessus de son cœur.

Aussitôt, le corps du loup se tendit et il releva la tête, les yeux verts clairs alertés. Il observa le visage de la jeune femme qui tourna lentement son regard vers lui en sentant son agitation.

Orion était inquiet.

Céleste avait fait trop de malaises étranges.

La jeune femme fronça les sourcils et se pencha en avant, rapprochant son visage du sien. Son odeur de lilas caressa le loup. Il cligna plusieurs fois des yeux, tandis que ses pensées virevoltèrent vers des sujets bien moins sérieux et bien plus plaisant, tandis que des images du corps délicatement blanc de Céleste dansèrent derrière ses iris clairs.

« ...il y a ? »

Les mots de Céleste interrompirent ses pensées et Orion déglutit. Il reporta son attention sur la jeune femme et pencha la tête de côté, n'ayant pas compris ses mots. Elle soupira bruyamment et répéta d'un air ennuyé :

« Qu'est-ce qu'il y a ? »

Orion réfléchit un instant.

Qu'y avait-il ?

Un mauvais pressentiment et un geste étrange de Céleste. Une peur insensée qu'elle disparaisse, qu'il lui arrive à nouveau quelque chose et qu'il ne puisse rien faire. Des mots qu'il ne pouvait et ne pourrait très certainement jamais lui dire.

Le loup gémit tristement et recula d'un pas, baissant un peu la tête. Céleste écarquilla ses yeux et la lumière du soleil fit briller leur couleur pâle. Elle se releva du lit, faisant un pas vers le loup. Il recula. Semblant oublier ou ignorer qu'il s'agissait d'Orion et non d'un animal, la jeune femme s'agenouilla doucement devant lui et tendit une main, lentement, comme pour ne pas l'effrayer.

Elle ignorait que ce n'était pas d'elle qu'Orion avait peur mais de lui-même.

Pris dans un corps qui n'était pas le sien avec des pensées bien loin de celles d'un animal. A nouveau, il ne savait pas comment réagir : Céleste avait beau connaître la vérité et l'accepter du mieux qu'elle le put, à ses yeux, il restait un loup. Une vulgaire bête. Il devrait supporter ce corps grotesque jusqu'à la fin – des années durant. Orion se demanda brusquement ce que ferait Céleste durant ce temps.

Le quitterait-elle ?

Rencontrerait-elle quelqu'un d'autre ?

Aurait-elle des enfants avec lui, une maison ?

Avec amertume, il eut brusquement la certitude que dans peu de temps, le pauvre loup laid et amoché qu'elle avait eu la bonté de recueillir ne serait plus qu'un vague souvenir qu'elle raconterait peut-être au plus jeune un jour. Un grognement défait lui échappa.

Céleste posa sa main brusquement sur son pelage et Orion se tendit avant de cesser de bouger, la laissant faire en fermant les yeux. Il n'en pouvait plus de voir la beauté de Céleste engorgée de soleil, il n'en pouvait plus de ses airs angéliques qui ne faisaient que se moquer de sa propre bestialité en lui montrant ce qu'il aurait pu avoir mais n'aurait jamais.

« Orion ? », entendit-il la voix de Céleste murmurer et il rouvrit rapidement les yeux en sentant le souffle chaud de la jeune femme chatouiller son oreille. Il tourna un peu la tête et elle sourit gentiment, un peu fatiguée.

« Je ne sais pas ce qui t'arrives », souffla-t-elle, «Et je ne suis toujours pas sûre que tu sois bien Orion – le roi, Orion – et je suis peut-être en train de me ridiculiser, assise à genoux avec un animal dans mes bras. Quoiqu'il en soit, je sais que tu ne peux pas parler et je sais que quelque chose ne va pas. Je ne suis pas sûre de quoi il s'agit ni de ce que je peux faire mais... » Les joues de Céleste s'était teintée de rose, comme si elle était étrangement mal à l'aise. Le jeune homme sentit brusquement deux bras entourer sa nuque avant de se sentir délicatement pressé contre le corps de Céleste. Son cœur accéléra subitement dans sa poitrine et un bruit doux et guttural passa ses lèvres. Sous son oreille, il sentait le cœur de la jeune femme battre aussi rapidement que le sien.

« Si tu es vraiment Orion », murmura-t-elle alors, « Tu vas bien m'écouter. Encore une fois, j'ai beaucoup de mal encore à croire à une malédiction mais je ne pense pas non plus que tes réactions soient celles d'un loup normal et à moins que tu sois extrêmement bien dressé, Adrien fou et le vrai roi disparut, peut-être que tu es vraiment ce qu'Adrien prétend. Je ne peux pas lire tes pensées mais j'ai l'impression que tu baisses les bras – j'ai l'impression de comprendre d'ailleurs un peu plus l'homme que tu étais quand je t'ai rencontré. Tu restes un imbécile arrogant et un menteur -» Le loup gémit. Il enfouit rapidement son visage dans la nuque de Céleste qui continua de parler. « - mais je ne te laisserais pas abandonner. Si c'est un sort qui te tient dans ce corps, il doit y avoir une solution pour le briser. C'est un peu comme dans les contes, non ? Seuls les méchants sont maudits à jamais et même si c'est d'une naïveté idiote, je crois à la justice dans la vie. Tu ne fais pas partie des méchants, Orion. Des maladroits grognons, certes. Mais pas de ceux qui méritent de mourir seuls et oubliés. Alors... » Elle inspira profondément. « Je vais t'aider. Je vais rester jusqu'à ce que cette malédiction soit brisée. »

Un air déterminé apparut dans les yeux de la jeune femme et le loup soupira un peu. Il savait pertinemment que son sort n'était pas réversible même si certains détails ne cessaient de l'intriguer.

Pourquoi pouvait-il communiquer avec Céleste lorsqu'ils furent tous les deux dans les limbes du sommeil, leurs rêves se mélangeant jusqu'à n'en former plus qu'un ?

Pourquoi avait-il subitement était capable de former des pensées humaines et cohérentes ?

Il sentit Céleste se relever tout d'un coup et tituba un peu en arrière. Il l'observa chanceler jusqu'au lit, s'assoir sur le rebord avant de s'adosser contre le coussin. Elle soupira doucement d'aise, évitant le loup du regard. Intérieurement, Orion sourit, un peu ironiquement.

Elle n'avait pas changé.

Il avança et s'assit à côté du lit, lançant des regards en coin à la jeune femme qui semblait grommeler dans ses pensées. Elle tourna un peu la tête à son tour et fit un geste de la main, les joues un petit peu plus rouges qu'auparavant.

« Va...Va me chercher un autre livre s'il-te-plaît. », grogna-t-elle et Orion pencha la tête de côté, mi amusé, mi offensé. Il n'était pas son animal de compagnie – elle savait qu'il était le roi et malgré tout, elle lui ordonnait de chercher un livre, seulement quelques secondes après avoir accepté de l'aider ?

Le loup poussa un petit grognement avant de sortir de la chambre pour revenir quelques minutes plus tard, un livre précautionneusement entre les dents qu'il porta avec un jappement sur les genoux de Céleste. Elle poussa un rire éthérée avant de caresser la couverture en cuire teinté, ses yeux lisant rapidement le titre.

Elle regarda le jeune homme. Orion se sentit brusquement mal à l'aise à son tour, comme si les yeux de Céleste pouvait voir à travers son apparence grotesque jusqu'à son âme bien trop sombre. Un frisson fit trembler son échine et il détourna les yeux au sol.

« Orion ? », demanda silencieusement Céleste avant d'ajouter, « Merci beaucoup. »

Elle sourit un peu et ouvrit la première page, les mots semblant se refléter dans ses pupilles, le soleil toujours présent. Orion laissa son cœur ralentir. Il observa la jeune femme quelques instants, fixant ses doigts un peu trop larges pour être les doigts d'une noble mais tout de même délicats, fixant comment elle tournait les pages dans une cadence régulière, ses yeux virevoltant constamment de gauche à droite. Le jeune homme en était presque jaloux du livre. Jaloux de l'attention qu'il recevait de Céleste, jaloux de ses doigts sur lui.

Finalement, Orion décida de sortir de la chambre, sans faire de bruit. Abandonnant Céleste à sa lecture, il tourna dans les différents couloirs de son château, ne sachant pas trop où aller.

Il finit par atterrir dans le passage des roses. Etonnement, rien n'avait changé malgré que la fée ait détruit sa fleur. L'odeur était toujours aussi forte et enivrante et les fleurs majestueuses recouvraient encore les murs. Lentement, le loup avança jusqu'à la porte et l'ouvrit, s'engouffrant dans la salle maudite.

Il fut aussitôt aveuglé.

Au milieu de la pièce, sous la cloche en verre, luisait une rose qui ne pouvait pas être la sienne.

Une rose qui maintenait les autres fleurs en vie, une rose qui maintenait son humanité et qui éclairait toute la pièce d'une lumière éclatante qui força le jeune homme à genoux. Dans sa poitrine, son cœur se mit à battre plus fort, jusqu'à résonner dans ses oreilles. Orion était comme hypnotisé, avalé par l'odeur floral et l'image devant ses yeux.

Pendant de longues minutes, il fut incapable de former une pensée cohérente jusqu'à ce qu'à travers le brouillard dans sa tête, il reconnaisse la rose salvatrice.

Il s'agissait de la rose de Céleste.

Un tremblement parcourut son corps et il fut contraint de fermer les yeux. A nouveau, Céleste était en train de le sauver sans même le savoir. Lentement, Orion s'allongea au sol, un étrange mélange de reconnaissance et d'adoration en lui.

Il ne sentit pas le sommeil l'envahir.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il était encore dans la pièce aux roses mais dans le ciel, le soleil avait disparu et la lune s'était levée, pâle et menaçante.

Quelque part dans le château, Céleste cria.

Bonjour, bonsoir les cocos!

Oui - enfin un chapitre! Et quel chapitre. Il était maudit, vraiment, j'ai passé des heures assise, incapable de trouver les mots. Honnêtement, j'étais sur le point d'écrire que j'abandonnais ou que je faisais une pause de plusieurs semaines.

Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu ce problème aussi horriblement.

Enfin bon, le chapitre est quand même là et je suis prête pour la suite - Orion qui dort, Céleste qui crie, va y avoir de l'action.

Des bisous, des bisous ♥

Blondie

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