Chapitre 31
«Il y a des choses de l’enfance que seule l’enfance connaît.», McCann
Elle était sur une clairière. Une grande clairière étrange éclairée d’une lumière violacée et sur laquelle fleurissaient des roses. Beaucoup de roses. Blanches pour la plupart, deux roses rouges s’entremêlant au milieu. La clairière était entourée d’arbres gigantesques, sombres et imposants à travers lesquels filtraient les étoiles comme de petites lumières scintillantes.
Céleste baissa la tête. Elle était vêtue d’une robe blanche, presque transparente et sans motif avec des manches bouffantes. Elle se sentait étrangement paisible, son corps vibrant d’un calme euphorique. Elle ferma les yeux et tendit les bras, un à droite, un à gauche. Ses pieds nus se mirent à mouvoir sur l’herbe fraîche et luisante, la faisant tourner sur elle-même. Le jupon voltigea autour d’elle et lui chatouilla les mollets. Céleste sentit un sourire doux lui soulever les lèvres tandis qu’elle se mit à chantonner une chanson. Ses cheveux sauvages et ouverts tournoyaient librement autour de son visage, rapidement, de plus en plus vite, au rythme de ses pieds accélérant.
Le sourire se transforma et un rire libéré lui échappa. Elle sentit soudainement son pied gauche trébucher sur son pied droit et son corps se tournant s’envola au sol dans un tourbillon de tissu blanc et cheveux blonds. Son rire cessa et elle reprit sa respiration, surprise de sa chute soudaine. Elle rouvrit ses yeux et se passa une main sur le visage. Un hoquettement échappa à Céleste. Il y avait quelqu’un en face d’elle : quelqu’un qu’elle reconnut aussitôt et qui lui semblait perdu en plein milieu de la clairière.
Orion.
Dénudé et tremblant, il la fixait derrière ses longs cils de ses grands yeux verts clairs. Il était assis sur ses genoux, son corps recroquevillé, son visage pâle et ses lèvres teintées de bleu. Céleste était incertaine s’il avait froid ou peur. Elle cligna des yeux et sans réfléchir, s’approcha de lui. Elle s’agenouilla devant lui et posa une petite main chaude et blanche sur son épaule.
« Orion. », murmura-t-elle et eut un moment de stupeur. Sa voix semblait résonner contre les arbres et un écho lui répondit, un écho sous forme d’une voix inconnue et claire comme le tintement de clochettes. Le jeune homme se recroquevilla un peu plus et baissa ses grands yeux clairs qui prenaient un air doucement désespéré.
« Orion. », répéta-t-elle en tentant de le regarder dans les yeux, « Orion, c’est moi ! »
Il leva faiblement la tête.
« Toi ? Est-ce que tu es… Une nymphe ? » Il sembla réfléchir un instant et fronça les sourcils d’un air enfantin avant que ses yeux d’un vert perçant s’éclaircir, « Oui, ça ne peut que être ça ! Tu es si… jolie. Ou bien es-tu une déesse ? Suis-je mort ? » Cette fois-ci, il secoua la tête, « Non… Les hommes comme moi ne finissent pas en compagnie d’êtres aussi délicats. Si je venais à mourir, je finirais entre les flammes de l’enfer. »
Céleste secoua la tête, un air attristé voilant son regard. La lumière de la clairière perdit de son éclat et vira au noir. Orion avait ses défauts et sûrement ses faiblesses : cependant se cachait-il constamment derrière un mur d’arrogance qui le rendait inatteignable. Jamais ne l’avait-elle vu aussi vulnérable, tremblant d’incertitude et disant ses pensées inquiètes à voix haute.
Pourquoi ne la reconnaissait-il pas ?
« Je ne suis ni une nymphe, ni une déesse. Je ne suis que Céleste ! », s’exclama-t-elle d’une voix douce qui résonna à nouveau contre les conifères. Il lui lança un regard désorienté et paniqué.
« Céleste ? », demanda-t-il et secoua frénétiquement la tête, « Je… Je… » Il semblait incapable de formuler une pensée cohérente lorsque brusquement un éclair de reconnaissance sembla éclairer tout son visage. D’un geste maladroit, les yeux écarquillés, il s’écarta brusquement d’elle en rampant en arrière. « Céleste. » Sa voix n’était qu’un souffle rauque et surpris.
Elle inspira profondément et sourit gentiment pour le rassurer. Elle avait l’impression d’être en face d’un enfant apeuré et n’essaya pas de s’approcher, pour ne pas lui faire peur.
« Où sommes-nous ? », demanda Orion, angoissé, regardant de droite à gauche. Son regard descendit sur son corps et il rougit aussitôt, le malaise le faisant grimacer. « Je suis nu. », souffla-t-il. Il pressa ses cuisses l’une contre l’autre et Céleste se mordilla la lèvre pour ne pas rire. Elle haussa ses épaules et laissa sa tête tombant dans sa nuque, appréciant la sensation que ses cheveux provoquaient en caressant son dos dénudé dans sa robe.
« Je ne sais pas où nous sommes. » Elle ferma ses yeux à moitié, « Mais cet endroit me plaît. »
Un frisson parcourut le corps d’Orion et elle lui lança un regard du coin de l’œil. Son visage semblait encore plus enfantin qu’auparavant et elle fronça les sourcils. Il lui semblait que le jeune homme n’était pas vraiment là, que son esprit se perdait dans son passé.
« Je dois bientôt rentrer. », souffla-t-il et Céleste, quelques peu intriguée, décida sans réfléchir de se prendre au jeu.
« Pourquoi ? », demanda-t-elle doucement, « Il n’est pas encore trop tard. »
Orion posa ses prunelles angoissée sur elle.
« Elle m’a ordonné d’être là à l’heure. Si je ne viens pas à temps, je serais puni. » Ses lèvres se mirent à trembler faiblement. Céleste voulait se lever et serrer le petit garçon pris dans le corps adulte d’Orion dans ses bras.
« Elle ? Qui ça, elle ? », demanda-t-elle lentement.
« Ma tante. », murmura-t-il, « Elle ne m’aime pas beaucoup même si père n’arrête pas de me dire le contraire. » La voix perdue d’Orion se mit à trembler un peu plus et Céleste vit une larme rouler de son œil, luisante et solitaire. « Personne ne m’aime beaucoup. », souffla-t-il, son regard obstinément posé sur ses mains instables.
La jeune femme sentit son cœur se resserrer. Elle s’approcha d’Orion et sans attendre, le serra dans ses bras, sa tête pressée contre sa nuque.
« Est-ce qu’elle te fait mal souvent ? », demanda-t-elle tristement avant d’ajouter : « Je suis sûre que ta mère t’aime ! Et puis… Ton frère aussi ! »
Il secoua la tête. Elle sentit une autre larme rouler le long de son dos nu.
« Je n’ai pas de frère. » Céleste fronça les sourcils, un instant interloquée mais rapidement interrompue dans ses questions. « Mère est morte il y a très longtemps. Tout le monde ne cesse de me répéter que c’est de ma faute. Que je l’ai tué. » Il déglutit et un gémissement douloureux quitta ses lèvres. Le corps d’Orion se recroquevilla un peu plus dans les bras de Céleste et elle le pressa un peu plus contre elle. Lorsqu’elle baissa un peu les yeux, elle vit subitement qu’elle tenait un enfant dans ses bras. Une version plus jeune d’Orion, d’une innocence saisissante. « C’est pour ça que ma tante ne m’aime pas et qu’elle me punit beaucoup. Je suis souvent un mauvais garçon. » Il renifla. Sa voix était plus aiguë, lourde d’incompréhension et de tristesse. « Pourtant, j’essaie de ne pas faire beaucoup de bêtises. Je fais attention d’être à l’heure, de bien me tenir et de bien travailler. Mais ma tante dit que je suis trop stupide pour comprendre les règles. » Un tremblement parcourut le petit Orion et il se mit à sangloter silencieusement contre l’épaule de Céleste qui le berça doucement d’avant en arrière, sentant son propre cœur étouffer de tristesse. Pourquoi disait-on des choses pareilles à un enfant ?
Le petit garçon hoqueta et s’essuya le visage du poing.
« Je suis - Je suis désolé. Je sais que - que je ne dois pas pleu - pleurer. »
Céleste serra l’enfant un peu plus contre elle et secoua la tête.
« Tu peux pleurer quand tu veux. », souffla-t-elle. Elle hésita un instant avant de demander : « Qu’est-il arrivé à ta mère ? »
Elle sentit Orion se presser contre elle, son visage enfantin s’enfonçant dans sa nuque.
« Je suis né. », murmura-t-il silencieusement et Céleste se figea.
« Tu es né ? »
Le petit garçon se mit à pleurer un peu plus fort, encerclant son cou de ses bras courts, désespérément.
« S’il-te-plaît ne te fâche pas ! Ne me déteste pas toi non plus ! Ce n’est… Je ne voulais pas – pas lui faire de mal ! » Sa voix était tremblante et douloureusement brisée. Céleste tenta de se ressaisir. Ne pouvant l’empêcher, une larme roula brusquement sur sa propre joue. Elle secoua faiblement la tête.
Comment pouvait-on faire d’un enfant innocent un meurtrier en lui disant qu’il avait tué sa mère en venant au monde ?
Comment pouvait-on lui faire porter une telle culpabilité à un si jeune âge ?
L’enfant, méprenant son silence pour un rejet, cessa de la tenir aussi fortement. Son petit corps semblait drainer de toutes ses forces.
« Personne ne m’aime. Personne ne peut aimer méchant Orion. Orion n’est qu’un méchant garçon stupide. », murmura-t-il, la voix vide, l’air dévasté. Céleste fut immédiatement tirée de ses pensées et posa ses lèvres contre les tempes de l’enfant. Elle voulait le rassurer, essayer de soulever ce poids cruel de ses petites épaules tremblantes.
« Ce n’est pas vrai. Tu n’es pas coupable du meurtre de ta mère et tu n’es ni méchant, ni stupide. »
Il renifla.
« Alors pourquoi tout le monde le dit ? »
Céleste soupira.
« Parce que c’est tout le monde qui est méchant et stupide. »
Il releva un peu la tête, posant ses grands yeux verts clairs sur elle.
« Toi tu aimes Orion ? », demanda-t-il, la voix remplie d’espoir. La jeune femme rit doucement et tourna la tête pour gentiment l’embrasser à nouveau. Le petit garçon rougit un peu.
« Oui. », murmura Céleste, « Moi j’aime Orion. »
Un air euphorique illumina le visage d’Orion qui se pressa contre elle de toutes ses forces.
« Céleste est gentille. », souffla-t-il, « Orion aime Céleste de tout son cœur. » Il hésita un instant « Mais il ne faut le dire à personne. C’est le secret d’Orion. Est-ce que c’est méchant, un secret ? »
La jeune femme secoua la tête.
« Non. Ce n’est pas méchant. C’est un joli secret, ne t’inquiètes pas. »
Elle sentit l’enfant sourire un petit peu contre son épaule. Le simple geste réchauffa son cœur et elle lui passa une main dans les boucles sombres.
« Céleste aime Orion, Orion aime Céleste. », souffla-t-il et son souffle lui chatouilla la nuque.
Elle sentit brusquement le corps de l’enfant changer à nouveau, redevenir adulte. Elle avait soudainement à nouveau le corps du roi Orion dans ses bras. La lumière de la clairière devint rosée et Céleste sentit ses joues rougir. Elle cligna des yeux et voulut s’éloigner : cependant, Orion la serrait fermement contre lui. Elle le sentit déglutir.
« Ne me lâche pas, jolie nymphe. Je rêve de te tenir comme ça depuis trop longtemps pour te laisser t’éloigner maintenant. »
Céleste se sentit rougir un peu plus mais cessa de vouloir s’écarter du jeune homme. Elle l’entoura doucement d’un bras, son autre main restant dans ses cheveux. Orion ferma les yeux, fatigué, la respiration régulière.
« Merci. », souffla-t-il de sa voix rauque. Elle le sentait perdre conscience, glisser dans le pays de Morphée, bercé par les bras de la jeune femme et du calme paisible de la clairière étrange et idyllique. « Si seulement je t’avais rencontré plus tôt. » l’entendit-elle encore ajouter d’une voix à demi éteinte et peu articulé. Quelques instants plus tard, Céleste su qu’Orion s’était endormi dans ses bras. Tendrement, elle l’allongea au sol après avoir attendu quelques instants de plus. Son visage était strié de larmes, la tristesse visible dans chaque coin. Sans réfléchir, elle caressa doucement son visage, les sourcils froncés.
Etait-ce le réel Orion qu’elle voyait là ?
Celui qui ne se cachait pas derrière son ironie et sa méchanceté ?
Céleste jeta un regard par-dessus son épaule. Elle vit les deux roses rouges au centre de la clairière. Celle de droite semblait plus grande, ses pétales plus lumineux. Elle sourit doucement.
Brusquement, un bruit étrange retentit et sa vue se brouilla.
La clairière et Orion disparurent.
~***~
Céleste ouvrit brutalement les yeux. La lumière du soleil la gifla en plein visage tandis qu’elle sentait son corps se réveiller lentement. Quelque chose de chaud se pressait contre son dos et lorsqu’elle se retourna, elle vit que son loup était toujours là, les yeux fermés, le corps bougeant nerveusement alors que de petits gémissements lui échappaient. Il semblait rêver.
Elle cligna plusieurs fois des yeux et se passa une main sur le visage avant de sourire doucement. Les images de son propre rêve lui revinrent aussitôt et Céleste se sentit froncer les sourcils. Tout ça lui avait semblé si… réel. Comme si Orion avait vraiment été là. Elle soupira et rit un peu à sa propre naïveté. Tout cela n’avait été qu’un rêve.
Le roi n’avait très certainement pas vécu une enfance si triste et n’avait très certainement pas été maltraité par une tante inconnue. Elle leva ses yeux au ciel. Son imagination s’était encore une fois emballée. Après avoir étirée ses jambes, Céleste se releva lentement. Le loup protesta à côté d’elle. Quelques instants plus tard, il ouvrit ses grands yeux.
La jeune femme écarquilla les yeux.
Les yeux du loup étaient immanquablement verts clairs. Humains. Un frisson la parcourut. Il lui avait pourtant semblé très jaune et très animal peu de temps auparavant. Elle déglutit et le loup semblait être en mesure de sentir son inconfort. Il gémit et rampa vers elle, pressant sa lourde tête contre ses cuisses.
A nouveau, Céleste se passa une main sur le visage avant de succomber aux pleurs incessants de l’animal. Elle se mit à doucement caresser son pelage. Les pleurs cessèrent pour laisser place à un ronronnement canin qui la fit sourire.
« Eh bien, tu as bien dormi, petit ? » Il poussa un grognement de contentement et Céleste rit légèrement. « Tant mieux. »
Elle se pencha en avant et jeta un rapide regard à sa patte dont l’état ne semblait pas s’être détérioré. Elle se sentit rassurée et se redressa. Elle se laissa quelques instants pour se réveiller complètement avant de doucement embrasser la tête du loup pour le pousser de côté. Il poussa un pleur et elle se releva rapidement.
« Je dois y aller ! J’ai beaucoup de choses à faire, tu sais. »
Il lui lança un regard suppliant et Céleste leva les yeux au ciel avant de l’embrasser doucement une deuxième fois.
« Ne me regarde pas comme ça. Je reviendrai ce soir. »
La queue du loup bougea rapidement de droite à gauche et Céleste sourit avant de sortir à grands pas du cabanon pour rentrer chez elle. Elle se faufila discrètement à travers la petite porte et disparut dans sa chambre où elle se glissa entre les draps pour faire mine d’y avoir dormi. Après s’être un peu roulée de droite à gauche, elle finit par sortir du lit et de sa chambre.
Sa mère se trouvait maintenant à la cuisine et lui lança un large sourire pendant que ses mains furent occupées à préparer un mélange de lait chaud et de céréales.
« Célestine ! Bonjour petite, tu as bien dormi ? »
Céleste hocha silencieusement la tête. Elle attendit que sa mère ait fini le mélange avant de se servir. Elle s’installa à table et se mit à manger. Sa mère s’assit en face d’elle et tapa joyeusement dans ses mains.
« Dépêche-toi d’avaler tout ça, nous avons du pain sur la planche ! Une fois que tu seras correctement vêtue, nous irons voir le pâtissier pour le gâteau du mariage ! »
La jeune femme grogna intérieurement mais sourit à sa mère. Le mariage s’était rapprochée d’un jour de plus et ses trois jours de liberté restants lui semblaient d’ores et déjà bien trop courts.
~***~
Orion regarda Céleste s’éloigner. Le loup semblait désespéré, déchiré par une tristesse intense qui ne faisait que perturber le jeune homme. Il s’allongea à nouveau, la lourde tête posée sur les pattes avant. Sa langue lécha rapidement son museau et il poussa un petit grognement.
Il avait fait un rêve étrange.
Il avait été sur une clairière. Une jolie clairière, lumineuse et fleurie. Il avait vu une jeune femme dansée et son cœur s’était mis à battre rapidement dans sa poitrine, inexplicablement. Il ne l’avait tout d’abord pas reconnu : il s’était agi de Céleste. Ses cheveux blonds ouverts, sa figure élégante et ses gestes gracieux l’avaient comme ensorcelés tandis que son rire clair lui faisait tourner la tête d’un bonheur qu’il ne comprenait pas. Il s’était ensuite retrouvé plusieurs années en arrière.
Dans le corps de l’enfant qu’il avait été, apeuré des représailles que lui faisaient endurer sa tante à chaque petites faute qu’il faisait. Amèrement, le loup se tourna un peu. Orion n’avait pas eu une enfance heureuse. Il n’avait pas eu d’amis. Pas de compagnons de jeu, pas de jeux, pas de rire. Son père était roi : les rois n’avaient pas de temps pour leurs enfants. Sa mère était morte : il était son meurtrier. Une nourrice sénile, un précepteur cruel et sa tante rancunière s’étaient occupés de son éducation. Sans cesse, ils lui répétaient les mêmes rengaines.
Un roi ne pleure pas.
Un roi n’a pas le temps de s’amuser.
Un roi ne peut pas aimer : il doit penser avec sa tête, et non avec son cœur.
Il avait pourtant pleuré toutes les larmes de son corps en espérant être aimé. En suppliant pour que quelqu’un ne lui offrent simplement la plus petite attention.
« Ma tante, venez me lire mon livre. Orion sera un gentil garçon, je vous le promets ! Mais Orion a peur tout seul ! »
Il se souvint avoir constamment parlé de lui à la troisième personne parce qu’il avait remarqué un jour quelle pitié cela provoquait dans les yeux des interlocuteurs. La pitié était le sentiment le plus proche de l’amour qu’il arrivait à obtenir. Le loup grimaça et un pleur rauque lui échappa. Dans la clairière de son rêve, Céleste l’avait pris dans ses bras, caressé ses cheveux et embrassé son visage. Elle avait été illuminée de cette lumière tamisée, un ange vêtu de blanc qui le protégeait contre ses démons. Orion sentit son cœur accélérer. Il avait eu cette sensation étrange, comme si la jeune femme avait été vraiment là. Les sentiments sur son visage et dans ses grands yeux bleus qui avaient pleuré pour lui avaient semblé bien réels. Si seulement cela pouvait être vrai.
Le loup avança un peu, s’allongeant dans la couverture qui avait recouvert Céleste pour se plonger dans sa délicate odeur de lilas. Orion repensa à son passé. Son adolescence avait été un peu moins douloureuse que son enfance mais restait bercée de solitude et de tristesse. Il s’était fait à l’idée qu’on ne pouvait l’aimer pour ce qu’il était, néanmoins il découvrit rapidement que son visage était bien loin d’être laid. L’enfant innocent et pathétique devint un adolescent méchant et arrogant. Il haïssait les personnes qui l’entouraient. Il les haïssait tous. Déjà jeune, il s’amusait à jouer avec les adolescentes naïves pour mieux piétiner leur cœur par la suite. S’il ne pouvait être heureux, personne autour de lui ne le serait.
Il se souvint avoir cependant tenté d’attirer l’attention de son père sur lui. Désespérément. Inconsciemment. Il avait incessamment contredit et ennuyé les précepteurs, fait des âneries en tous genres seulement pour prouver son existence à un père pour qui il fut invisible. Seulement un enfant encombrant qui avait tué sa mère en venant au monde. Une existence inutile.
Orion s’enfonça un peu plus dans la couverture et ferma les yeux. Il n’avait jamais voulu d’une existence pareille. N’avait jamais voulu de cette solitude dévorante, ce vide intérieur, cette méchanceté avec laquelle il traité le monde extérieur. Quand était-il devenu comme ça ? Le loup gémit à nouveau, un bruit déchirant qui résonne sombrement contre les murs en bois fins.
Pourquoi n’avait-il pas été foutu d’y penser avant ?
S’il avait eu la maturité ou même l’intelligence de se mettre en question, d’essayer de comprendre pourquoi chaque personne qui croisait son chemin le détestait, il ne serait très certainement pas dans une situation pareille, il ne serait pas trop tard.
Car il était très largement trop tard. Orion était condamné et il le savait, le sentait dans chacun de ses os, dans chaque pulsation de son cœur déchiré. Au reste du monde, il resterait à jamais un loup, un loup étrange et atrocement laid. A jamais une bête solitaire, torturée par ses pensées humaines et incapable de les exprimer.
Etait-ce ça, son vrai sort ?
Etre humain dans un corps de bête était bien pire qu’être une bête dans le corps lui correspondant.
Si seulement il lui était permis de rester au côté de Céleste. Il grogna un peu. Son futur mari ne voudra certainement pas de lui. Il n’était même pas un chien qui aurait pu passer pour un animal de compagnie. Mais qu’adviendrait-il de lui dans trois jours à peine ? Sans la jeune femme, il serait privé de compagnie mais aussi de nourriture et d’eau. Sa patte était encore blessée et il ne se pensait pas capable de chasser. Le grand loup frissonna, une peur froide lui glaçant le dos. Il ne voulait pas encore mourir mais avait pleinement conscience qu’à ce moment précis, sa vie dépendait de Céleste.
Orion poussa un soupir tremblant.
Il ne pouvait pas la laisser l’abandonner.
Il réfléchit un instant. La jeune femme semblait aimer son loup. Orion déglutit, sentant son cœur battre rapidement contre son torse. Il était temps qu’il s’admette la vérité. Ses sentiments pour la jeune femme n’était ni dégoût, ni méprise. Il voulait qu’elle le tienne, qu’elle repose ses lèvres sur lui comme elle l’avait fait sur le loup. Il ne voulait pas qu’elle cesse d’être douce avec lui, il voulait l’entendre rire, il voulait être avec elle, sentir son corps gracieux contre le sien.
Il n’était qu’un imbécile mais que pouvait-il faire ?
Orion, le roi arrogant, la bête, le prince maudit était amoureux.
Son cœur accéléra un peu plus et il grogna de désespoir. Les révélations semblaient venir toujours trop tard pour lui. Il resterait une bête et Céleste épouserait un homme dont elle ne voulait pas. Involontairement, il se demanda si elle aurait voulu de lui – un rire amer résonna dans sa tête. La jeune femme appréciait la bête et aimait le loup – le roi, cependant, n’était pour elle qu’un inconnu désagréable. Imbécile.
Pourtant, il se répéta lentement la phrase. Il aimait Céleste. Il l’aimait de son cœur qu’il croyait enseveli et de pierre, de son âme sombre et maudite. Un amour dont elle ne saurait jamais et lui briserait le cœur.
Céleste avait été la première à s’inquiéter pour lui et montrer de l’intérêt en sa personne.
La première à le prendre dans ses bras.
La première qu’il avait réellement aimée.
A nouveau, un pleur rauque lui échappa.
Bonjour, bonsoir les cocos!
Juste pour être sûre - la première partie du chapitre est un rêve que Céleste et Orion semblent s'être partagé.
Ensuite : on comprend un peu mieux pourquoi Orion est Orion. Tristesse. Et puis plus que 3 jours jusqu'au mariage et c'est maintenant que cette andouille se rend compte qu'il l'aime! Désespoir. Vraiment.
Comment tout ça va se finir ?
Mystère, mystère.
Par contre je suis curieuse de savoir si quelqu'un a deviné ce que je suis en train de planifier - où est la servante, qui est réellement Andoche, pourquoi l'enfance d'Orion est importante - si quelqu'un devine, je lui dédie le prochain chapitre.
Bref, des bisous !
Blondie ❤ (à la campagne avec 0 internet et frustrée de pas pouvoir mettre de GIFS)
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